Journal de rêves lucides et conscients
JPatrice

Les crochets [ ] indiquent des commentaires faits dans la réalité et non dans le rêve lui-même (contrairement à ce qui est entre parenthèses).

L'expression "Rêve nƒ3 de la nuit..." signifie: Rêve ayant eu lieu dans le 3e cycle de la nuit... et cela n'a donc rien à voir avec le numéro du titre.

 

Remarque du 30 mars 99

Le titre a changé: rêves lucides et concients. Cela m'a paru en effet un peu idiot de privilégier un rêve lucide, fut-il débile, à un rêve conscient fascinant, au nom d'un principe. Le nouveau critère de sélection est donc: lucide, ou ayant trait à un état de conscience particulier, ou ayant été jugé intéressant au réveil (pour des raisons autres que psychologiques). Cela m'a conduit à ajouter six rêves: les nƒ1, 5, 8, 10, 11, 12. Sinon, les rêves nouveaux récents sont les nƒ19 et suivants.

 

1.?Concepts mathématiques inaccessibles

Date non notée: entre 6 novembre et 10 décembre 96.

Je suis au fond de la classe, avec Antoine. Devallée (ma prof de math en terminale) est en train d'expliquer des concepts mathématiques nouveaux. Ceux-ci me paraissent terriblement difficiles et je décroche vite. Je regarde ce qu'en dit le manuel: c'est effroyablement abstrait et les dessins ne m'aident en rien. Par exemple, un symbole conceptuel rend compte d'un tronçon de cylindre formé par la peau d'un doigt et autres objets équivalents sur le plan topologique; mais le manuel mais en garde qu'il ne doit pas être confondu avec un autre symbole conceptuel rendant compte de l'ensemble du doigt et autres objets équivalents. Mon cerveau ne parvient pas à saisir le concept commun à chacune des lignes d'exemples.

Devallée continue et certains dans la classe commencent à comprendre, à approcher de très loin les concepts mis en jeu. Pour ma part, j'ai abandonné. Je sais que je ne pourrai jamais les comprendre et faire les exercices de concours. Qu'importe puisque j'ai laissé tomber les concours, ayant déjà les diplômes correspondant à ces concours.

Devallée demande s'il y a des questions. Je lève la main. Elle hésite devant ma main levée, puisqu'elle a bien vu qu'il y avait beau temps que j'avais renoncé à comprendre, mais écoute néanmoins ma question. Je lui demande pourquoi les symboles utilisés sont si complexes (je lui fais remarquer qu'elle a bien mis une dizaine de secondes à manuscrire au tableau le dernier symbole dont elle a parlé) alors qu'ils sont arbitraires. Elle juge ma question pertinente et prend alpha comme exemple, montrant que la lettre n'est pas si arbitraire que ça et correspond en fait à une façon dont les anciens posait une de ces questions très fréquentes dans la vie. Les symboles mathématiques dont il est question sont du même ordre: loin d'être purement arbitraires, ils correspondent à une réalité qui leur impose une telle complexité.

Devallée nous explique alors comment ces symboles peuvent rendre compte de tableaux. Elle nous montre un tableau et nous dit que tels symboles le décrivent parfaitement. Je ne vois absolument pas en quoi. A ce moment, Antoine, qui est tout autant dépassé que moi, s'emporte et ironise sur les symboles et sur le cours. Sa véhémence est tout à fait déplacée et tombe à plat. Antoine, sentant la gaffe, se retire. Devallée le regarde, interloquée; je comprends à son regard qu'elle ne nous met pas ensemble et j'en suis rassuré. Elle revient à sa démonstration et prend un autre tableau en exemple, puis un autre, etc. Je lui fais remarquer que tous les tableaux sont fantastiques et analogues à ceux de Dali. Elle affirme que les symboles rendraient compte aussi bien de n'importe quel tableau, même réaliste. Je suis toujours dépassé mais commence à être fasciné.

Elle nous montre le réseau complexe de fils et d'appareils électriques d'un lave-vaisselle. Elle affirme qu'il faut et suffit d'un millier de ces symboles mathématiques pour rendre compte parfaitement du lave-vaisselle. Je suis incrédule et lui fais remarquer que je ne comprends pas comment cela est possible dès lors que ces symboles ne situent pas les objets ni dans l'absolu ni relativement les uns les autres. Devallée confirme ce qu'elle a avancé.

Je suis perplexe, absolument largué par ces nouveaux concepts mathématiques et pourtant terriblement intéressé depuis les exemples: je n'arrive pas à comprendre comment ils arrivent à rendre compte si parfaitement de la réalité, ni de quelle réalité exactement ils rendent compte; mais je prends cela comme un défi: je n'envisage plus de ne pas comprendre ces concepts: même si je dois y mettre le temps, je veux absolument finir par les comprendre.

Le cours est fini. La professeur de math, qui est toute jeune [beaucoup plus que dans la réalité], passe devant chez moi et je lui propose de s'arrêter quelques minutes. Elle accepte et je suis fou de joie. Je ne veux pas abuser de son temps mais je meurs d'envie qu'elle continue à me parler de ces concepts. Il n'y a plus de jus d'orange pour le planteur qu'elle accepte. Je cours en acheter dans l'épicerie d'à-côté et me presse, ayant peur que cela écourte sa présence. Je reviens. Elle me parle à nouveau de ces concepts et j'en éprouve un intense plaisir.

[Reprise]

Je suis avec Barbara, sa copine Florence et Maman, et je leur parle de ces nouveaux symboles conceptuels mathématiques. En essayant de les décrire à Maman, je les présente comme une extrapolation encore plus vertigineuse des gradient, divergence et rotationel.

Florence se montre très intéressée et essaie de comprendre ce que je tente maladroitement d'expliquer.

Barbara raille et ne peut s'empêcher de faire une lecture psychiatrisante du livre mathématique que je lui montre. Ce livre aborde ces concepts par l'exemple et montre leur aptitude à rendre compte du caractère et des actions d'une personne, ainsi que de toute une bande dessinée en noir et blanc. Je commence, à partir de tous ces exemples, à ne plus être tout à fait aussi dépassés par ces concepts.

2.?Vision très précise de 50 tableaux

Date non notée: entre 6 novembre et 10 décembre 96.

Commentaire explicatif

Ce rêve n'a été lucide que sur la fin, et s'est alors dégradé. Néanmoins, l'existence de trois strates relève d'une certaine forme de lucidité.

Car il y a trois strates: le premier niveau et le plus profond consiste en une vision d'une cinquantaine de tableaux divers accrochés sur deux murs et occupant tout mon espace visuel; le deuxième, c'est ma présence dans une salle de classe, faisant un exercice de relaxation, de visualisation et de prises de notes; le troisième, c'est moi, en chair et en os dans mon lit, réussissant à rendre lucide un rêve incluant un rêve lucide.

Et si j'ai pris des notes assez précises au niveau 2, il faut noter que je n'en ai pris aucune au niveau 3: être réellement lucide m'a permis de sentir si bien les deux autres strates du rêve qu'aucune note ne s'imposait au niveau 3, puisque je me souviens à la perfection et des notes prises au niveau 2, et de ce qu'elle représentait au niveau 1 !

Accéder à la lucidité au niveau 3 m'a permis de revenir dans le niveau 2 mais a perturbé le niveau 1: les visions de ce niveau ont perdu de leur étonnante précision et l'ensemble des niveaux 1 et 2 s'est très vite dégradé. Toutefois, la lucidité au niveau 3 aura permis un souvenir parfait des niveaux 1 et 2 pour la partie antérieure du rêve.

Rêve

Je suis en classe, assis au premier rang. Il y a Christophe P, Denis R, d'autres garçons, d'autres filles. Joëlle M nous fait un cours de relaxation. Soudain, alors que je me relaxe, j'ai la vision extrêmement précise d'une cinquantaine de tableaux très divers qui seraient accrochés au tableau et sur un mur latéral. La vision est étonnamment précise.

Je garde les yeux fermés, laisse tomber l'exercice de relaxation proposé par Joëlle et reste tout entier à ma vision. Je pense que j'aimerais vraiment savoir dessiner, que je pourrais alors reproduire tout cela sur le papier et que ce serait merveilleux. Je cherche le tableau que je préfère pour le prendre en note.

Il représente un paysage fantastique où coule une rivière, contournant une sorte de colline où deux personnages se dressent, très stylisés; l'ensemble s'appuie sur des couleurs automnales très harmonieuses. Mais je sens bien que le dessin des deux personnages et la richesse des couleurs ne sont pas de ma compétence et qu'il ne sert à rien de penser prendre ce tableau en notes.

Mon dévolu se jette donc sur un autre tableau rond plus facile à représenter. Il représente deux femmes dont on ne voit que le haut du torse et la tête. L'une est en avant et donc plus grande que l'autre. Mais à cette différence de taille près, les deux se ressemblent beaucoup: toutes deux ont un petit drap qui entoure leur tête et retombe des deux côtés de leur visage; toutes deux sont habillées en argenté, avec des motifs très riches sur le tissu de leurs vêtements.

Je reproduis ce dernier tableau sur une feuille de brouillon, assez stylistiquement, ouvrant les yeux juste ce qu'il faut pour tracer mes traits et les refermant aussitôt pour garder une vision précise du tableau. [C'est de ce dessin au niveau 2 dont je me souviens au niveau 3. Une fois réellement éveillé, c'est lui que je peux croquer de façon immédiate: c'est comme si je l'avais dessiné dix minutes avant!]

J'aimerais alors savoir si la vision bouge où si elle est permanente. Je sais que rien ne vaut du texte pour vérifier cela. Je cherche du texte, en trouve, mais celui-ci ne me convient pas. Je décide plutôt de me servir d'un détail du premier tableau que je préfère. Dans la rivière, sont représentés sept arbres: chacun d'eux est à peine ébauché, les deux premiers sont dessinés de telle façon, les deux suivants de telle autre, et les trois derniers d'une autre encore. Je mémorise bien les différents traits, déplace mon regard vers un autre endroit du mur de tableaux, regarde d'autres tableaux et reviens sur le premier tableau: je retrouve les sept arbres exactement comme je les ai vus précédemment. La vision est donc statique et parfaite.

Je peux donc la prendre entièrement en notes. Un autre élève vient s'installer à-côté de moi et me parle. Je lui réponds: "Ta gueule!" pour qu'il se taise, mais je regrette mon agressivité et me dis qu'il faudra que je m'excuse et que je lui explique tout à l'heure, quand je le pourrai. Mon unique feuille comprend le dessin du tableau rond d'un côté, et est remplie de texte de l'autre côté, donc inutilisable. Il faut que j'en prenne d'autres dans ma chemise. Mais vérifier que ce soit des feuilles vierges va me contraindre à trop ouvrir les yeux. Il faut donc que je demande à quelqu'un d'autre de me passer des feuilles. Je me lève, je sais que tout le monde me regarde, se demandant précisément ce qui m'arrive. Je vais vers une fille à qui je demande une feuille blanche. Elle me la donne. J'ouvre à peine un oeil pour la vérifier: blanche d'un côté mais couverte d'écritures mathématiques de l'autre; cela m'agace.

Je replonge dans ma vision, vais regarder le mur droit et commence à prendre des notes. [C'est alors que je deviens lucide au niveau 3 et que le rêve se dégrade. Mais ces quelques instants de lucidité m'ont permis un rappel parfait des deux premiers niveaux.]

 

3.?Les cerf-volants, la crêperie, le coiffeur,
?le caddie et la ville au petit canal

Fin de nuit du 10 septembre 98 - premier rêve réellement lucide !

[Rendormissement vers 7h05. Alors que je sombre dans le sommeil, je lis du texte. Celui-ci est incohérent. J'en tire la conclusion que cette image était une image de rêve. Mais cette prise de conscience a bloqué toute production d'images par la suite. Il a bien fallu s'endormir.]

Rêve

(Non lucide encore) Une falaise surplombe une plage où s'activent une vingtaine de cerf-volistes. Les cerf-volants sont de formes, de tailles, de constructions très variées. Je suis ébahi par ce que les cerf-volistes arrivent à faire: déjà à naviguer si près les uns des autres sans s'emmêler; mais aussi à se servir de leur engin pour déposer ou prendre délicatement un galet sur le bord de la falaise; ou encore pour se hisser tout doucement eux-mêmes de la plage jusqu'en haut de la falaise; ou à s'envoler eux-mêmes dans les airs pour garder et leur cerf-volant et leur corps en parfaite immobilité. Je suis fasciné par cette caste de cerf-volistes. Un quidam agacé me fait remarquer que ce n'est jamais que le tournage d'un film. Je pense en mon for intérieur que film ou pas, ces cerf-volistes n'en arrivent pas moins à faire ce qu'ils font!

(...)

Chez le coiffeur avec Gaëlle. Je m'installe. Le coiffeur commence sa coupe. Sa manière de faire est hautement sophistiquée, de façon disproportionnée avec la bête coupe classique que j'attends. Sa secrétaire me renseigne: il s'avère que c'est un homme brillant, parti aux USA pour y recevoir une formation de chirurgien, de kiné, de coiffeur; sa pratique est désormais un syncrétisme complexe de toutes ses connaissances. Le coiffeur prépare une seringue, me place à l'endroit le plus lumineux, prend du recul, me vise. Croyant qu'il plaisante, plaisantant moi-même, je lui dis: "C'est 100 points dans le tympan, 50 dans l'oreille, et 10 dans le reste du crâne". Contre toute attente, il tire: la seringue vient se ficher sous le cuir chevelu exactement au sommet du crâne et répand son contenu. Je suis abasourdi et par le fait qu'il ait tiré et par la précision absolue du tir. Sous l'effet du produit, je commence à m'engourdir. Mais pas le seul cuir chevelu: tout le corps. Si bien que je suis obligé de lutter pour ne pas tomber de mon fauteuil. Mes mouvements de rééquilibrage l'agacent. Je lui fais remarquer que, du fait de ma clavicule [cassée le 22 août dans la réalité], je ne peux guère me permettre de tomber. Lui continue sa coupe au rasoir. Je pense que la coupe va me coûter dans les 400 francs et que ce sera bien cher pour un résultat similaire à la dernière coupe à 100 balles, et je pense que Gaëlle se dit la même chose.

Au fond d'un car. Je me déplace pour me mettre dans le fauteuil central afin que si mon corps toujours engourdi bascule, je me retrouve à nouveau dans un fauteuil. L'assistante du coiffeur vient à mes côtés et s'intéresse à moi, sexuellement. Elle est pas mal. Elle me caresse, glisse sa main dans mon slip. Survient le médecin (le coiffeur) qui lui intime du regard d'être plus professionnelle: elle arrête.

Derrière le car, je tracte un caddie. J'essaie de lui faire exécuter une rotation complète. Mais, dès qu'il est perpendiculaire au sens de la marche, il tire terriblement et manque de se renverser; j'ai beaucoup de mal à le rétablir. J'essaie deux fois avant de le remettre dans l'axe et de constater qu'il est très stable malgré ses petites roues. La route, sur plusieurs voies, est très chargée. Je pense alors que lâcher le caddie provoquerait un beau carambolage! Je suis prêt à le faire. Je pense alors que c'est trop dangereux et lourd en conséquences si je ne suis pas vraiment dans un rêve. Je regarde alors ma montre: elle affiche n'importe quoi! Je suis donc bien en rêve [début de la lucidité]: je lâche le caddie qui vient percuter mollement une voiture, celle-ci accélère en poussant le caddie et dépasse le car. Résultat décevant! [je perds la lucidité, pour peu de temps]

La petite rue d'une ville où serpente un petit canal bordé de barrières et couvert d'une tenture. Je vois une affiche de marchand de glace. Je m'approche. Impossible d'y rien lire! Je suis donc en rêve [le rêve redevient lucide jusqu'à la fin]. Je réalise que tout ce qu'il y a autour de moi, la rue, la place, est un rêve, est à moi. C'est exaltant. Néanmoins, je suis déçu en me disant que je ne vais pas profiter d'être lucide pour faire une petite ballade, seul, dans un centre-ville. Je me dis que je suis nul de réagir comme cela: je choisis de regarder le dallage: il est précis; la place est cohérente, stable. Toute cette image tout à fait précise est à moi et j'y fais ce que je veux.

Soudain, l'image se fige, devient moins réelle. Je pense que mon rêve fout le camp. Je me mets alors à tourner sur moi-même cinq ou six tours. Je vois le ciel, les bâtiments défiler. J'espère que cela va suffire. A ma grande surprise, quand j'arrête de tourner, la place est à nouveau là, parfaitement réelle, stable et précise. Je sais que le rêve joue les prolongations.

Je réfléchis alors que je peux voler. J'essaie. Je ne fais qu'un bond de deux mètres de haut, mais un bond souple, très agréable. Nouvelle tentative, je m'élève cette fois à une dizaine de mètres, mais il ne s'agit toujours que d'un bond. Je me dis que je peux me déplacer ainsi. Je repars, mais cette fois-ci en volant véritablement. A une vingtaine de mètres du sol, au-dessus des toîts, et j'aperçois la mer, si proche. Et je m'y déplace en glissant, sans la sensation du vent, à 40 km/h environ. J'arrive sur la mer. Devant moi, un long cordon repose sur la mer et mène à un pétrolier. Je pourrais y aller mais cela me paraît un peu long et fastidieux. Quoique je pourrais essayer le vol-volonté en souhaitant être au pétrolier. Finalement, je préfère bifurquer à droite, vers la plage. Bien vilaine plage d'ailleurs: de gros rochers entassés artificiellement tombant à 45ƒ de la ville vers la mer en une vingtaine de mètres. Alors que je survole la mer, les vagues, l'écume, avec un sentiment de liberté, de puissance, je plains tous ces pauvres diables obligés de s'entasser sur ces rochers.

Ce qui tient lieu de plage est noir de monde. Je me dis qu'il faut quand même que je profite de mon premier rêve lucide pour faire l'amour. Je regarde les femmes de la plage. Finalement, me voici avec Gaëlle qui n'est pas vraiment consentante. La présence de tout ce monde, les gens, dont certains connus, qui passent juste à côté de nous ne la mettent pas en position de répondre à mes caresses pressantes dans l'angle d'un mur. Je lui explique qu'ici, elle est dans mon rêve et que dans mon rêve, toutes les personnes s'en fichent que nous fassions l'amour et n'y prêtent pas attention. Je n'ai pas le temps de la convaincre que j'entends l'impromptue sonnerie de ma montre; je sais que le rêve ne survivra pas aux 20 secondes de sonnerie. [Je me réveille].

Commentaire:

[Il est intéressant de constater que tout y est: une montée très progressive de la lucidité et presque tous les moyens de l'atteindre et de la prolonger:

1.?un rêve de vol sur le cycle nƒ1

2.?un rêve de pseudo-vol sur le cycle nƒ3

3.?une pré-lucidité lors de l'endormissement avant le cycle nƒ4, provoquée par un texte incohérent syntaxiquement, sans suite

4.?un rêve de vol très marqué sur le cycle nƒ4 (les cerf-volants)

5.?un engourdissement de mon corps de rêve, miroir probable de l'engourdissement de mon corps réel en phase paradoxale

6.?une pré-lucidité avec le caddie, validée par l'exercice de la montre, avec une suite, mais sans exaltation

7.?une véritable lucidité, provoquée par un texte illisible, avec suite et exaltation, précision et stabilité des images

8.?une prolongation de la lucidité par une rotation sur moi-même

9.?deux types de vrai vol, cette fois.

10.?l'affirmation à Gaëlle que dans mon rêve, il se passe ce que je veux.

Bref, on sent l'omniprésence un peu obsédante des lectures sur le sujet!

 

4.?Rêve imprimable, Expulsé d'une réunion informatique,
?Test méthodique des cinq sens

Nuit du 24 septembre 98, cycle 3h30 à 4h44

(Non lucide encore) Je dispose d'un ordinateur portable en couleur, puissant, sur lequel je peux afficher des photographies qui prennent vie de façon aléatoire. Je pense que le déroulement pourrait être contrôlé par l'esprit. Ainsi dérouleraient sur l'écran des images différentes, survenant aléatoirement, mais dont l'évolution serait contrôlable... et imprimable! On pourrait donc imprimer sur feuille une production de l'esprit.

J'assiste pour voir à une réunion d'informatique au Collège SL. Une cinquantaine d'élèves sont réunis sous la présidence de Fr. B. Comme à leur habitude, ils entament une chanson étrange où il est question d'une fée qui les aide mais qu'ils attendent vingt minutes. Il est limpide pour moi qu'il s'agit de l'aide-en-ligne. Mais pourquoi 20mn, demandé-je à Anne P. Parce qu'il n'y a que deux ordinateurs! Du coup, je suis vaguement amusé et un peu condescendant pour ces cinquante élèves se disputant deux malheureux ordinateurs. Fr.B me reproche aussi mon attitude méprisante. Je lui réponds qu'il me fait un procès d'intention: il a raison dans le fond, mais rien ne pouvait le laisser deviner dans mon attitude. Il veut me virer. Je lui réponds qu'il est jaloux du fait que je dispose d'un ordinateur à moi et que je sois donc meilleur en informatique que tout ce monde-là. Il me vire, menace d'appeler la police. Je rétorque que ce serait bien digne de l'ensemble de ses procédés. Bref, vive altercation qui me laisse sur le trottoir, près du remblai.

Je veux prendre la voiture pour rentrer aux Blés d'Or. Pas de 106. J'ai dû venir à pied. Qu'à cela ne tienne, je vais rentrer en courant, pieds nus. Soudain, je me dis que si je ne suis pas venu en voiture, c'est que je suis venu à pied; or je ne serais jamais venu nu-pieds; c'est donc que je ne suis jamais venu au Collège SL et que je suis dans un rêve. Vérification sur ma montre... qui n'affiche rien. [Je deviens donc lucide, jusqu'à la fin]

Je décide alors de courir à peut-être 50 km/h sur les pierres et rochers bordant le remblai. En même temps que je cours (des grands bonds très rapides où j'ai à peine le temps de réfléchir à l'endroit où je dois poser mes pieds), j'observe les cailloux: ils ne sont pas tout-à-fait aussi réels que dans la réalité ordinaire. Soudain, une mauvaise trajectoire m'emmène au-dessus du vide. L'inclinaison de mes bras, tels des ailes, me ramène dans l'axe de l'enrochement et je continue ma course.

Me voici dans une pièce où j'observe les nombreux objets qui encombrent le sol.

Puis dans une rampe d'escalier. Je me dis qu'il est dommage de me limiter au visuel alors que je jouis de cinq sens, qu'il me faut tous les tester. J'approche donc ma main de la rambarde. Je ressens le contact rugueux et chaud du bois, aussi précisément que dans la réalité ordinaire. Puis je touche les plaques de verre situées juste dessous: je ressens le même contact lisse et froid.

Arrivé en bas de l'escalier en colimaçon, je veux tester mon odorat. Or, je sais qu'il y a une cuisine sur la gauche. Je prends la porte de gauche et rentre dans une cuisine. Je sens deux aliments, mais ne perçois aucune odeur.

Je veux tester mon goût. Je prends une olive verte. Elle a la même consistance et le même goût légèrement acidulé que dans la réalité.

Je pense alors à boire un bon vin. Je prends une bouteille, la débouche. J'ouvre un placard pour prendre un verre. Le placard s'avère être un réfrigérateur dans lequel je ne trouve qu'un ersatz de verre: une sorte d'ombre vaguement en forme de verre. Là, je ne suis pas loin de me réveiller. Je sors cette ombre et la pose sur le plan de travail. Elle reste une ombre dans laquelle je verse le vin. Je me retrouve alors avec un verre de vin tout-à-fait normal que je porte à ma bouche. Je retrouve le goût du vin. Il est bon, mais pas à se rouler par terre.

Dans la cuisine, j'appelle une serveuse. A un moment, elle ressemble à Gaëlle. Je lui remonte la jupe et la caresse. Elle est très excitante. Etc.

Dans une autre pièce, en compagnie de Philippe Castel, je décide de me concentrer sur un objet. Un chausson en caoutchouc. J'en caresse le bord. Je ressens sa rugosité, l'épaisseur du caoutchouc sous mon doigt. Je regarde les détails du flanc. Le chausson se met à vaciller. Je frôle là encore le réveil. Je reporte donc vite mon attention sur un autre chausson, en veillant à ne regarder celui-ci que globalement. Il me révèle le détail de sa semelle, zébrée.

Commentaire

L'événement ayant induit la lucidité est intéressant puisque c'est une des premières fois que je suis sensible à l'étrangeté d'un événement onirique. La validation par la montre l'est aussi. L'intérêt de ce rêve lucide est bien sûr sa démarche expérimentale où je teste la validité de mes cinq sens, de façon systématique. C'est aussi la première fois qu'une sensation de toucher et une sensation gustative sont présentes dans mes rêves, et ce d'une façon aussi précise que dans la réalité ordinaire.

 

5.?Courses de pouvoir devant la Médiathèque

Rêve nƒ1 de la nuit du 4 octobre 98

Etablissement dont le plan respecte celui des rues en étoile devant la médiathèque du Mans. Une quantité de pouvoir m'est donnée. Je le ressens comme une sorte d'élan qui traverse mon corps et emporte ma conscience, ou ma perception, le long des enfilements de pièces. Le pouvoir m'apporte aussi de la confiance en moi. Mon but est d'orienter au mieux le pouvoir selon les différents enfilements de pièces rayonnant du carrefour, afin de n'en rien perdre. Je le fais plusieurs fois, et je vais plutôt loin à chaque fois, ce qui m'apporte une satisfaction un peu orgueilleuse.

6.?Fracasser une baie vitrée avec une chaise

Rêve nƒ2 du 02 novembre 98, partiellement lucide.

(...) Un peu pour rechercher la peur, je rentre dans un établissement scolaire et éteins la lumière. J'entends du bruit. Je sens une présence. Je ne peux plus sortir par le couloir. La seule sortie possible est de fracasser une baie vitrée avec une chaise. Mais il faut que je sois sûr d'être en rêve avant d'occasionner de tels dégâts. Je regarde ma montre fugitivement: elle dysfonctionne. Je la regarde à nouveau pour être sûr: elle fonctionne bien. Ainsi de suite, alternativement, quatre fois en tout. La cinquième, je regarde bien et longtemps: elle dysfonctionne. Je suis en rêve. Je prends alors la chaise et la jette de toutes mes forces contre la baie vitrée. Qui résiste. Je lance alors la chaise vers un mur situé à une dizaine de mètres. Je suis étonné de la force avec laquelle part la chaise. Je saute sur la chaise pour finir de la casser. Alors que je suis en l'air, j'ai soudain peur que la chaise résiste et ne me fasse tomber. En fait, les soudures lâchent et la chaise s'aplatit sous mon poids.

Je me demande quoi faire de ce rêve lucide. Je veux déjà sortir et traverse donc le mur. Des enfants jouent; je ne compte pas m'y arrêter. Je vais aller chercher Gaëlle à la maison et je pars donc en volant au-dessus de Carrefour.

Progressivement, je me rends compte que l'imagerie n'a plus rien de net, qu'elle a cédé place à une série d'événement pensés plus que ressentis. Le rêve m'échappe. Je décide de tourner sur moi-même, ce qui ne donne rien. Je sais que le rêve est fini et décide d'y mettre fin. Alors que je me réveille progressivement, je ressens la même emprise cérébrale que lors des sophronisations, un peu comme si l'avant du cortex était légèrement comprimé.

Commentaire

Le plus intéressant, dans ce RL sans intérêt, est en fait sa très progressive dégénérescence en pensées et le passage tout aussi continu vers la conscience de veille.

 

7.?Montagnes enneigées, de plus en plus étincelantes

Rêve nƒ3 du 03 novembre 98.

Je suis avec Mx, Ry et Ga. Mx me fait contempler un paysage de montagne, d'assez loin et vu de haut. Celui-ci devient de plus en plus ensoleillé et de plus en plus étincelant au fur et à mesure que je le regarde et que je deviens lucide. Sur le bord du promontoire, je ressens du vertige. Je me dis que le vertige est inepte en rêve. Ry râle; par ce fait, j'ai conscience qu'elle gâche tout et que je ne vais pas rester lucide. [Le rêve devient alors ordinaire.]

Commentaire

Aucun intérêt si ce n'est cette luminosité croissante et proportionnelle à la lucidité.

 

8.?Chute maîtrisée dans un immense établissement scolaire

Rêve nƒ4 ou 5 du 04 novembre 98, superficiellement lucide.

Congrès à l'intérieur d'un établissement scolaire. Discussions à gauche, à droite. Pas mal de personnes connues. Plaisir de ne pas avoir cours. Gaëlle introuvable. Or nous allons passer à table et il est important de bien choisir sa place pour être avec des gens sympas. Je vais donc la chercher dans sa chambre. L'établissement s'avère de plus en plus grand et prend bientôt les dimensions de la gare Montparnasse par exemple... avec plus d'étages! Par flemme de monter les escaliers, je les monte en glissant près des marches, le plus discrètement possible. Puis je vole, un vol sans mouvement, rapide (50 km/h); à un moment, je me rapproche bien près d'un mur et cela m'effraie, mais mon corps l'évite.

La chambre porte le nƒ118 alors que ce devrait être le 321: anomalie. Gaëlle n'est pas à l'intérieur... de ce qui s'avère une salle de classe: anomalie. Je suis lucide. Je pense que je devrais en profiter pour observer méticuleusement la pièce, même si elle manque d'intérêt. Mais on m'attend en bas pour le repas [la lucidité n'est donc que partielle puisque je continue à croire à la trame narrative du rêve].

Pour rejoindre le groupe, qu'on a orienté vers les sous-sols, je me laisse tomber vers les étages inférieurs, négociant ma sortie à l'étage adéquat à près de 100 km/h: la sensation est surprenante. Puis, en essayant de rendre mon vol discret, je me laisse tomber dans la cage d'escalier, faisant onduler mon corps afin d'épouser les escaliers qui ne laissent pas de place au centre. Une chute libre mais contrôlée, extrêmement rapide. Quand j'arrive près du dernier sous-sol, c'est à dire un étage trop bas afin d'être plus discret, je ressens une angoisse: comment cela va-t-il s'arrêter? Je me pose normalement et attends que le groupe soit passé sans me voir.

Mais voici que le groupe arrive, conduit par une fille. Celle-ci ne fait pas allusion au vol mais me parle avec une ironie gentille. C'est un plaisir de l'écouter. Je pense qu'elle n'est pas vraiment belle mais que sa maîtrise verbale fait tout son charme, et son charme agit. Alors qu'elle remonte, je vois qu'elle a laissé son imperméable. Je me garde bien de le lui signaler, ayant une petite idée en tête. Je remonte avec elle. Soudain, elle remarque qu'elle a oublié son imper en bas. Je lui fais comprendre que je l'avais vu mais que je n'ai rien dit par gentille revanche. J'insiste pour qu'elle redescende le chercher, fais semblant de partir avec le reste du groupe alors que je compte bien l'attendre, savoure d'avance le plaisir qu'elle aura à voir que je l'ai finalement attendue.

 

9.?Rêve avec narrateur en voix off

Rêve, nƒ2 du 05 novembre 98

Commentaire

Ce rêve, non lucide, n'a pas en lui-même beaucoup d'intérêt. Ce qui le rend particulier, c'est que mon Moi onirique y est exclusivement spectateur (ce qui est rarissime chez moi) et que le rêve comporte explicitement un narrateur et des procédés filmiques.

Rêve

Il est question d'un jeune couple qui se fait doublement exploité:

Par un autre couple plus âgé qui les invite dans un grand restaurant pour finalement les humilier à table; sans compter que les prétendus hôtes n'ont rien eu à payer puisque le restaurateur se lançait et offrait ses repas!

Et par le restaurateur lui-même qui, sans leur demander leur avis, les photographie et va utiliser les clichés à des fins publicitaires. Le rêve présente une succession d'une quinzaine d'images progressivement retouchées: la première présente les deux couples, la suivante a gommé partiellement la femme âgée, la suivante a complètement effacé le couple âgé, etc jusqu'à présenter le couple jeune comme un couple branché et plein de vie. [Il s'agit bien non pas d'une image qui se déforme mais de plusieurs images remarquablement cohérentes dans leur gradation].

Le rêve suit le couple qui est en voiture et arrive à un carrefour. Une voix off parle du couple, en commente les actions. Au carrefour, une main [grande comme une main réelle qui se déplacerait sur un petit écran de télévision] au doigt tendu montre la rue de gauche tandis que la voix off commente en disant que c'est là que voudrait aller le couple. Puis la main se déplace sur la rue de droite en disant que c'est là qu'elle doit aller et que nous allons donc laisser le couple ici. Moment d'hésitation de la main qui finalement va en face et pointe un immeuble en disant que c'est là qu'elle décide d'envoyer le couple.

On retrouve alors le couple dans l'immeuble précédemment désigné. La femme est hyper stressée, elle tourne en rond autour d'un vaste étalage de bibelots.

 

10.?De mystérieux pointillés noirs sur un lac gelé

Rêve nƒ1 du 14 novembre 98

Je marche sur un lac gelé. Je suis avec Gaëlle. Nous découvrons que nous suivons en fait des traces constituées de pointillés noirs, et c'est nous-mêmes qui les faisons apparaître. Quand nous suivons ces marques, un W apparaît sur nos chapeaux. Gaëlle ou mon enfant est pressé d'atteindre le bord car elle/il est fatigué/e. Fasciné par ses marques, je l'invite quand même à avoir le courage de suivre encore un peu les marques près du bord.

Je pars seul à la recherche du mystère de la création autogène de ces marques. Je recontre un homme qui arbore un triple WWW sur son chapeau. Il me dit que lui et d'autres hommes, reconnaissables également à leur WWW, connaissent parfaitement ces secrets. Il va me les expliquer. Pour cela, il m'emmène pour une visite en forêt. Je sens qu'il considère celle-ci comme un lieu de mystères; et il déplore que l'homme contemporain lui fasse tant de mal, par exemple avec les micro-centrales nucléaires Bouygues, dont nous passons devant un exemplaire.

Lors de ma déambulation, je vois de grandes structures de verres en forme de croix tridimensionnelles, répétitives bien que légèrement différentes les unes des autres, impressionnantes quoique laides.

Commentaire:

La dimension écolo me surprend moi-même... car mon truc serait plutôt d'être fasciné par la technologie nucléaire!

Curieux: ce n'est qu'en relisant le rêve déjà dactylographié que j'ai réalisé l'étrangeté du sigle "WWW".

 

11.?Souvenirs féériques dans le salon de grand-mère B.

Rêve nƒ5 du 27 novembre 98

Fête de famille DG dans la maison de feu Grand-Mère B.. Les salles sont majestueuses. Nous arrivons dans le salon, grandiose [au moins aussi grand que la piscine de Montpellier], richement aménagés: des fenêtres à petits-carreaux de dix mètres de haut, des rideaux, des tapisseries très riches sur tout les murs et jusqu'au plafond (au point que je me demande comment on peut aller les entretenir)... Je ressens de la fierté devant une telle magnificence.

Nous nous installons en hauteur, sur des gradins. Commence alors une véritable féérie qui dure environ une demi-heure. En fait, les Grands-Parents nous repassent des choses déjà vues dans notre enfance. [L'impression de me souvenir est extrêmement intense].

Dans la nuit, une dizaine de trains anciens défilent en sustentation et traversent l'espace du salon. Le plus beau est entièrement argenté et, curieusement et fort esthétiquement, son dernier wagon est brun et très rustique.

On revoit la reconstitution grandeur nature d'un bateau antique dans laquelle la famille avait investi beaucoup d'argent et de temps (près de 8 mois).

Un troupeau d'escargots arrive. Des bulles multicolores parviennent à les repousser et ils repartent. Sur le côté. On voit alors qu'une multitude d'escargots, à perte de vue, se préparent à renouveler l'assaut de ce qui n'était en fait que le premier bataillon. Il y a quelque chose de fascinant dans une telle multitude.

(...)

Une cohorte de figurants (des dizaines et des dizaines) défilent longuement, traversant le salon à mi-hauteur et venant vers nous. Ils nous sollicitent. Je n'ose pas, je ne sais pas quoi faire. Je suis trop ému pour avoir l'esprit clair.

Pendant tout ce spectacle, je n'arrête pas de pleurer devant tant de beauté, de souvenir et d'émotion. Je suis tellement ému que je ne me retourne pas vers Ga pour lui demander ce qu'elle en pense, trop absorbé dans ma félicité à retrouver des souvenirs d'enfance. Quand le spectacle se termine, et alors seulement, je me retourne. Derrière moi, il y a Ba, Mamie à sa gauche, Maman et Gaëlle à sa droite. J'explique en larmes à Mamie que je ne comprends pas pourquoi je réagis avec tant d'émotion: en effet, nous n'allions que deux heures par an chez Grand-Mère; je ne vois pas pourquoi je ressens une telle émotion à me resouvenir. Néanmoins, je suis content de confier cela à Mamie, je suis plein de gratitude envers elle de nous avoir offert ce spectacle.

Commentaire:

Trois choses m'ont fasciné dans ce rêve.

Déjà, je n'ai jamais rien vu d'aussi beau dans toute ma vie. Je veux dire par là que, si la beauté est subjective, je n'ai jamais eu un tel plaisir esthétique depuis ma naissance que dans ce rêve. Qu'un rêve puisse offrir plus que la réalité m'étonne encore.

D'autre part, j'ai pleuré d'émotion pendant une demi-heure (pour autant que le temps du rêve soit sensiblement le même que le temps réel). La seule fois de ma vie où cela m'est arrivé, c'était il y a six ans (à mon mariage). Là encore, je suis étonné qu'un rêve soit capable de provoquer une émotion aussi forte que je n'en ai une qu'une fois dans 29 ans d'existence. D'ailleurs, en me réveillant, j'étais lessivé, de cette fatigue si agréable que l'on ressent après une émotion forte.

Enfin, dans ce rêve, j'avais la certitude absolue de me souvenir de mon enfance. Or, ça paraîtra peut-être incroyable (!), mon enfance ne s'est pas passé dans une salle aux dimensions de la piscine olympique de Montpellier dans laquelle croisent des trains de taille réelle en sustentation dans l'espace! De cela, je tire la conclusion (personnelle) qu'on ne peut faire confiance à un sentiment de certitude absolue. Etre absolument certain d'avoir vécu un événement E (que E soit d'avoir été Napoléon dans une vie antérieure ou d'avoir été violé par un oncle dans sa petite enfance) ne veut absolument pas dire que E a eu lieu, ni même forcément quelque chose qui s'en rapproche, mais seulement que notre cerveau, dans le présent, crée un événement passé auquel il confère provisoirement un haut niveau d'existence supposé.

 

12.?Un long jeu aliénant, métaphore d'une démarche analytique

Rêve nƒ2 du 9 décembre 98. Dans la soirée, longue discussion avec Gaëlle sur ce que nous avions à mettre à jour.

G et Moi nous promenons dans une petite ville. Nous visitons une foire pleine de gosses hurlant, nous nous goinfrons de gaufres gratuites jusqu'à l'excès.

Je m'arrête dans un urinoir public. Un jeune homme m'apostrophe. Il s'avère que c'est un prêtre ascète qui s'est donné pour mission de donner un sens aux SDF qu'il accompagne. Je suis obligé d'invoquer Gaëlle et le camping-car pour lui prouver que non, je ne suis pas un SDF et que je n'ai pas besoin de ses services. Il met sa main sur mon épaule, se rapproche et veut m'embrasser. Je me recule et le repousse. Il me paraît à moitié fou (le prêtre fou).

G arrive. Elle réagit d'une façon très stricte, refusant de parler à ce qu'elle prend pour un clochard, me reprochant d'avoir parlé avec lui, de m'être assis par terre où ce n'est pas propre. Je lui fais remarquer qu'elle se conduit en petite bourgeoise [ce qu'elle n'est pas!].

Le prêtre fou et son amant se jettent sur nous: alors que le prêtre fou ôte sa serviette à G, la laissant nue, l'amant m'arrache mon peignoir, me laissant nu, et l'enfile. J'ai beau essayer de le reprendre par la force, c'est impossible car l'amant ferme les bras. Il faudrait que je les lui casse ou que j'appelle la police, mais cela ne vaut peut-être pas le coup.

Commence alors un drôle de jeu où G et Moi nous trouvons véritablement aliénés à ce couple: nous le suivons pendant des semaines ou des mois dans leurs pérégrinations. Le jeu est indéfinissable: nous nous retrouvons sur une table de jeu carrée, G ayant plutôt le prêtre fou comme adversaire, moi plutôt l'amant, nos deux couples formant les deux équipes. [La meilleure image que je trouve pour parler de ce jeu est celle des Catalinaires d'Amélie Nothomb: quelque chose d'inexplicablement inéluctable].

G a une idée pour mettre fin à ce jeu. Elle a remarqué que les parents du prêtre fou et de l'amant vivaient tous dans le même village (elle a entouré leurs habitations sur une carte). Il suffit d'y orienter notre errance, ce qui prendra c'est vrai près d'un mois. Comme personne ne peut jouer un jeu devant ses parents, une fois là-bas et du fait de la présence de leurs parents, le prêtre fou et l'amant ne pourront plus continuer à être ce qu'ils sont, ce qu'ils jouent à être. Cela nous délivrera de cette sorte d'enchantement.

Commentaire:

La sensation du temps est particulière dans ce rêve: comment peut-on avoir conscience d'une durée de plusieurs mois qui n'a pas effectivement eu lieu? Or cette sensation était très nette dans le rêve. On retombe d'ailleurs sur un thème connexe à celui du souvenir évoqué dans le rêve précédent.

Mon sentiment par rapport à l'aliénation dont il est question relève du paradoxe: je sens cette aliénation à la fois inéluctable... et révocable à tout instant. Un peu comme la paralysie des membres lors d'une méditation: je ne peux absolument pas les bouger, et pourtant je peux le faire à tout instant.

 

13.?Salle d'exposition sur Tintin
?Le rêve comme résultante d'une trame et d'une idée

Rêve nƒ5 du 30 janvier 99, non lucide mais, dans sa troisième partie, parlant de lucidité et intercalant une autre couche, en quelque sorte.

[...] Le rêve (qui est un peu un guide qu'il faut suivre) me mène dans un musée sur Tintin, et plus particulièrement dans une salle. Alors que je traverse le musée, mais sans pouvoir m'arrêter, j'observe les planches exposées: elles sont d'une grande précision [même si tout bien considéré, ce n'est pas exactement du Hergé]. Dans la salle où le rêve-guide nous a emmenés, les planches sont d'une précision extrême, très stables, aux couleurs très lumineuses. Mais est-ce que le reste du musée existe avec le même degré de réalité? Je me dis que tout-à-l'heure, quand la visite guidée sera finie, j'irai voir le reste du musée pour vérifier s'il existe, pour savoir si le rêve n'a créé que ce qu'il m'invite à regarder ou bien tout un musée, dussé-je n'en voir qu'une partie.

[...il est question d'une démarche expérimentale un peu loufoque pour vérifier un phénomène physique observé dans un bol.]

J'utilise mon ordinateur portable monochrome. Pour remplir un dessin, j'ai fait une trame quadrillée à la main. Gé me montre que le logiciel dispose de la même trame: forcément, elle est beaucoup plus régulière et je l'utilise pour tramer le reste du dessin. Du coup, je veux voir ce que donnent les autres trames du logiciel et j'essaie. Là, il s'agit d'une forêt stylisée d'un vert extrêmement brillant; je suis très surpris de cette inhabituelle brillance. Une autre trame consiste en des bulles translucides roses en forme de pétales qui s'intersectent en un point unique au centre du dessin, point autour duquel elles tournent lentement.. [Comme par effet de moirage,] une image hyper précise apparaît sur la télévision. Celle-ci, en quelque sorte, est reliée à l'ordinateur: celui-ci affiche le dessin tramé, celle-là permet de visionner une image interprétée du dessin tramé. Je m'exalte car je suis convaincu de tenir là le fonctionnement du rêve: une partie du cerveau pense à un dessin élémentaire, quasi-conceptuel; une trame est appliqué à celui-ci; une autre partie du cerveau, par effet de moirage, crée l'image même du rêve. Je suis séduit par la disproportion entre la quantité d'informations contenue dans l'ensemble dessin+trame (faible) et celle de l'image du rêve (colossale).

Une image apparaît sur la télé. Je change les chaînes pour vérifier que ce n'est pas un programme télévisuel quelconque mais bien une visualisation que notre cerveau opère à partir du dessin tramé présent sur le portable. Je décris la rue et le trottoir entièrement carrelés à mon père (je sais qu'il voit la même chose que moi). Il me décrit les murs des maisons (exactement comme je les vois). Je lui décris l'escalier descendant du trottoir. Il me dit que cet escalier, qui est une brèche dans le trottoir, est la mise en image de la cicatrice qu'il a eue (le thème de la brèche est d'ailleurs récurrent dans ses rêves, m'apprend-il). Je comprends alors que le cerveau utilise en fait: un dessin + une trame + une idée, pour sa mise en image. Il suffit de choisir une idée pour voir sur la télé comment le rêve la met en image.

La télé montre un homme à ski. Je dis qu'il va en fait être à roller. Mais il a beau bouger sur l'écran... il reste à ski. En fait, je n'arrive pas à modifier l'image du rêve. Je veux qu'un aigle sorte de derrière les arbres. Aussitôt, une sorte de gros hélico bourdonnant (plus proche de l'ovni que de l'hélico, je le concède à mon père), sort de derrière les arbres. Je dis à mon père que j'avais voulu un aigle et que l'instance qui crée le rêve a interprété, mais a finalement gardé le concept d'un truc volant sortant de derrière les arbres. En fait, je réalise que ce montage ordinateur portable / télévision me permet d'avoir des rêves lucides. D'un côté, c'est fabuleux car j'ai compris l'essence-même du rêve. D'un autre, je ressens comme une légère tristesse en me disant qu'alors tous mes efforts pour avoir de vrais rêves lucides sont un peu vains.

Ma mère ne voit rien sur la télé. Seulement un dessin tramé et brouillé. Je n'en reviens pas: "Tu ne vois pas le bonhomme qui est un peu comme un squelette, sur la droite?" (je sais que mon père voit comme moi). Je le vois tellement précisément, d'une façon tellement stable, que j'ai du mal à imaginer qu'on puisse ne pas le voir.

 

 

14.?Plongée en surface: poissons et oiseaux multicolores

Rêve nƒ4 du 01 févrirer 99, partiellement lucide.

Je descends à la nage, avec Gd, une rivière grossie assez monstrueusement par l'hiver. Au loin, on devine la chute. Je me mets debout pour la voir de loin (comme à ski nautique... sans bateau tracteur), longeant le bord et me freinant en m'accrochant d'arbre en arbre. Un taon posé sur une branche me pique violemment: je le laisse me piquer jusqu'au bout, ayant avant tout besoin de m'accrocher pour m'arrêter avant la chute.

Je suis en bas de la chute. Le bassin de réception est un cercle d'une vingtaine de mètres; l'eau y est peu profonde et un peu saumâtre. Une nuée de taons ne cesse de m'assaillir, rentrant sous ma tunique. Je cours vers la rive.

Le rêve boucle: je viens à nouveau de descendre la chute. Le bassin de réception fait environ un kilomètre; c'est de l'eau de mer. Je nage parmi les rochers. Les flux et reflux sont extrêmement violents, me repoussent sur les rochers auxquels je me heurte sans douleur. Je pense qu'il serait plus prudent que j'aie un casque la prochaine fois; quoique ce ne serait pas commode pour nager.

Je trouve une passe dans les rochers et je nage en surface, la tête immergée. Au sol, des myriades de poissons multicolores et immobiles. Sont-ils venimeux? Qu'importe! (La lucidité arrive progressivement). Je les observe: ils sont magnifiques, je ressens une exaltation. Je me souviens que c'était la même chose dans mon premier rêve lucide [ce qui est totalement faux dans la réalité!]. Tiens! un oiseau (au fond de l'eau). Je pense d'abord que c'est impossible, puis je me souviens que ça l'est, étant en rêve. La faune (poissons et oiseaux) est décidément exceptionnelle. Je regarde le plumage d'un oiseau dans le but de vérifier la précision de l'image: les couleurs, la luminosité sont parfaites; les plumes ont chacune cette multitude de poils qu'offre la réalité. Je vérifie donc avec plaisir que l'image est aussi précise que la réalité.

Me voici arrivé au bord, opaque du fait des remous. J'assombris cette eau volontairement afin qu'elle devienne un passage vers un autre droit. Mauvaise idée: je me réveille.

(Rendormissement: le rêve n'est plus lucide) Je suis près du camping-car de Christophe N. Il me parle de son binôme qui, plus jeune, était très bon en rêves lucides. (...)

 

15.?Vol dynamique rue Baron et respiration consciente

Rêve du matin, le 7 février 99, bizarrement lucide.

Rue Baron. Les voisins (actuels) arrivent à plusieurs voitures, repartent en une seule. Je rentre dans l'immeuble. Je décide de profiter de leur absence pour visiter leur appartement: je cherche l'étiquette Naudon et ne la trouve pas. Mais je trouve une porte qui indique Myguel. Je sonne, mais ce n'est pas Miguel. Le type ne m'accueille pas et je reste à la porte.

Je décide donc d'aller visiter les chambres-grenier de la Flocellière. Je me déplace en lévitant et deviens lucide. Je vais en profiter pour sortir et voler vraiment. Je vais donc passer par la fenêtre. Je relève le store en tissu qui l'occulte. Par la fenêtre, je vois une ville qui se découvre au fur et à mesure que, très lentement, je relève le store. J'y vais lentement car je crée l'image de la ville au fur et à mesure et j'ai peur que celle-ci ne s'altère et que je quitte ainsi le rêve. Au lieu des 3/4 mètres d'altitude qu'il devrait y avoir, il y en a une vingtaine. J'ai peur de me lancer dans le vide, au cas où ce serait la réalité. Pour ne pas prendre de risque, je me mets en vol stationnaire à l'intérieur afin de tester ma capacité de vol.

Je pars enfin par la fenêtre et survole les toîts qu'il y a derrière l'immeuble rue Baron (les perspectives sont bonnes mais l'image pas forcément extrêmement précises). Le vol devient un peu monotone: je repasse devant l'immeuble. J'aimerais qu'il y ait un vent ascendant pour faire du vol dynamique: à défaut d'être utile, ce serait plus amusant. Je fais du vol dynamique. Je vais voir la verrière de l'appartement du Myguel qui n'a pas voulu m'accueillir; je joue à me déplacer le long des vitres en m'accrochant à peine aux corniches d'aluminium.

Je suis assis au sol, dans la rue. Je pratique la respiration consciente. Je ressens une impression bizarre. Je suis content de l'expérience. J'ai l'impression d'être toujours endormi, un peu comme lors d'une méditation, mais je perçois tout ce qui m'entoure.

J'ai un instructeur, qui est un peu Cé. Elle me demande de percevoir mon buste comme un hexagone ou un quitage (un nom comme ça qui signifie en fait: pentagone) et de rechercher un point particulier (une sorte de point de conscience ou de point d'assemblage). Je ressens mon buste comme un hexagone, et peut-être un point au niveau du rein gauche. D'après mon instructeur, je devrais plutôt le ressentir au niveau du plexus.

Dans la rue, il y a MF et Ba, plus des chiens qui aboient. Les chiens m'agacent à faire du bruit, mais je dois bien m'y faire car ils ne sont ps soumis à ma volonté. Je perçois MF et Ba, bien qu'étant toujours en rêve et endormi: je sais que cet état de conscience pourrait durer aussi longtemps que je le souhaite.

J'ai pris en note tout le rêve sur mon carnet. Je rajoute en haut "Naudon". MF tique sur une note (4xovale=ovale) car elle trouve cela dangereux. Son commentaire est absurde. J'ai envie de lui parler pour le lui expliquer. Mais pour parler, il faut que je me réveille. Ce que je décide de faire.

Commentaire

Je me réveille alors dans la réalité. Mon carnet réel est vierge, bien entendu. Curieusement, je n'ai nullement l'impression de sortir d'un rêve lucide: il y manque l'exaltation, l'impression de sur-réalité en quelque sorte. Pourtant, il est manifeste que mon souvenir est excellent et bien meilleur que le souvenir d'un rêve ordinaire. La notion de faux-éveil ne me paraît pas pertinente ici car, dans ce qui pourraît être considéré comme un faux-éveil (au sol, dans la rue), j'ai tout-à-fait conscience d'être endormi, même s'il s'agit d'une façon bizarre d'être endormi.

Il serait peut-être plus juste ici de prendre en compte trois strates: l'éveil, le rêve et ce que l'on pourrait appeler un infra-rêve. Disons alors que j'étais en infra-rêve et conscient d'être en rêve (ou en infra-rêve) et donc en... infra-rêve lucide.

 

16.?Conduite odieuse dans un restaurant chic

Rêve nƒ6 (dernier) du 8 février 99, ponctuellement lucide à trois reprises.

Je me promène dans une BDthèque qui a été reconstituée pour un film. Tous les titres en étalages sont nouveaux: certains ouverts, d'autres fermés, tous inventés pour les besoins du film dans le respect des habitudes graphiques des auteurs. Le dernier tome de Corto Maltese, notamment, a une couverture superbe. [En regardant celui-ci, j'ai un accès de lucidité qui me paraît alors moins intéressante que la poursuite du rêve. Comme si l'un empêchait l'autre: quel con!]

[...dont un autre accès de lucidité]

S'ensuivent trois scènes fort érotiques. Dans la dernière, je suis attablé entre deux filles super canons. Je m'intéresse pour l'instant à celle de droite qui a remonté sa robe, dégageant des bas noirs, que je caresse à l'entrejambe.

Un éclair permanent à quatre branches vient frapper le sol. Mais les quatre branches sont trop droites: il leur manque à mon goût les fractures d'un vrai éclair. On me passe un pointeur laser qui est sensé permettre de modifier les lignes de l'éclair. Je pointe sur une colonne pour faire mon choix (comme avec une souris sur un menu iconographique de logiciel). La colonne comporte une multitude d'images... et toutes celles-ci reprennent les éléments de mon rêve. La fille que je caressais peu avant y est notamment représentée: je suis surpris de comprendre qu'elle était alors un élément de mon rêve que je pouvais choisir ou non (dans le rêve, ma surprise correspond à ce sentiment, mais n'est toutefois pas aussi formalisée que dans ce compte-rendu).

[...].

Commentaire

Ce que je trouve le plus intéressant dans ce rêve (concernant la lucidité, bien sûr!), c'est la métaphore constituée par cette colonne présentant les élements du rêve parmi lesquels j'ai à choisir grâce à mon pointeur.

 

17.?Rue trop embellie et VTT trop maîtrisé pour être vrais

Rêve nƒ4 du 01 mars 99, après méditation nocturne, ponctuellement lucide quant à la non-réalité, mais non quant à l'état de rêve.

(...) Je fais le trajet qui me relie à mon lieu de travail [qui n'est pas le trajet réel au demeurant] et je suis en pensée perceptive. Je m'aperçois que la rénovation de la rue Félix Géneslay [prévue] a eu lieu: l'enrobée vert est agréable, et les grands arbres dont les feuilles se rejoignent, formant voûte, également. Prenant une autre rue, je constate soudain que ma vision n'est pas nette. J'en déduis que ce n'est pas la réalité [sans pour autant conclure que je suis en rêve]. Dès lors, il est absurde de continuer à me rendre à mon travail. Tout bien réfléchi, je décide de poursuivre mon trajet, désormais inutile, puisque la beauté de la rue le rend agréable. (...)

Je suis sur un VTT et je virevolte: maintien sur la roue avant, sur la roue arrière, sauts, tour complet. Je me rends compte qu'une telle maîtrise est tout-à-fait inhabituelle. J'en conclus que ce n'est pas la réalité [et là encore sans en conclure que je suis en rêve, grrrr]. Je continue quand même à faire du trial. (...)

 

18.?Des alliances abîmées

Rêve nƒ5 du 01 mars 99 où le réveil est provoqué pour échapper à une situation embarrassante.

(...) J'ai abîmé irrémédiablement l'alliance de Bertrand qui vient juste de se marier. J'en suis atterré, sachant pertinemment que racheter une alliance neuve n'est qu'un pis-aller. Je lui dis tout ça en pleurant. Je suis terriblement ennuyé et ne voit qu'une chose qui puisse résoudre mon problème: changer d'état [sans qu'il s'agisse de la conscience que je dois me réveiller]. Mais j'ai du mal à le faire et il me faut un effort de volonté qui en quelque sorte saute un cran pour accéder au demi-réveil où le problème n'existe plus. Quel soulagement! Je me réveille alors complètement.

Commentaire

Il n'y a pas que les gros monstres verts ou velus, à 12 gueules ou 36 bras, qui poussent au réveil!

 

19.?Tranchandières, Barbara et Trafic: entre lucidité et conscience

Rêve nƒ3 du 11 mars 99, survenant après une demi-heure de respiration consciente sur fond musical. Je me recouche. Pour la première fois, j'arrive à maintenir ma respiration consciente jusqu'à l'extrême limite de l'endormissement (directement en phase REM vu les heures de réveil et d'endormissement enregistrées). Néanmoins, il n'y a pas eu continuité entre la veille et le rêve.

Je suis dans une chambre des Tranchandières, attablé devant un bureau. Le plâtre de la sous-pente est complètement détrempé et a la fuite a mouillé le bureau. Je m'occupe à décoller les carreaux du bureau. Quelqu'un me fait remarquer que le bureau est sec. De la confrontatation des informations contradictoires sec/mouillé naît la lucidité [celle-ci n'est pas suffisante pour que me vienne à l'idée que je pourrais agir sur le rêve; je me contente de savoir que c'est un rêve; cette lucidité, en outre, fluctue tout au long du rêve]. Je suis endormi sur le bureau et pourtant conscient de toute la scène (je vois une scène dans laquelle je dors sur le bureau).

(...histoire de tapis, quasiment oubliée...)

Ba. fait une crise de colère. Je suis en pensée perceptive: je l'observe (sans me sentir agressé) retomber dans ses schémas de soeur caractérielle à ses heures. Elle dépose des stylos avec rage: j'ai conscience de la prison affective dans laquelle elle s'enferme par ce geste.

(...dessin de 4 enfants, plutôt oublié...)

Je sais que tout-à-l'heure, il me faudra consigner ce rêve sur mon carnet. Pour faciliter la tâche de rappel, je m'efforce de mémoriser chacune des séquences du rêve (sous une forme verbale).

Je conduis le Trafic. J'arrive en haut des tournants (à 5km de La Flèche) mais je suis engagé sur une petite rue de village: ce n'est pas conforme à la réalité. Mes phares éclairent mal le paysage. Le passage en pleins phares ne change rien. Je remarque que le contacteur est éteint: pas normal, je ne l'ai jamais éteint. Soudain, une envie de dormir irrépressible s'empare de moi. Je mets en route les warning. C'est terriblement dangereux d'être arrêté à cet endroit de la route: il ne faut pas que je m'endorme si c'est la réalité. Mais est-ce la réalité? Il faut que je le teste en essayant de me réveiller. (Je me réveille alors dans la réalité; et retourner dans le rêve s'avère impossible.)

Commentaire

Deux choses m'intéressent dans ce rêve. La première, c'est cette lucidité à peu près permanente mais incomplète: jamais ne survient l'idée que je pourrais agir sur le rêve: c'est décidément trop bête!

La seconde consiste en l'envie irrépressible de dormir. Je me demande si mon rêve n'a pas mis en scène ce scénario pour habiller le fait que mon énergie de rêve touchait à sa fin et que mon cerveau, physiologiquement, désirait repasser de l'état REM à l'état de sommeil profond. Mais alors, en imaginant que je n'aie pas choisi de me réveiller, aurais-je eu le micro-réveil qui suit normalement chaque REM ou bien aurais-je basculé sans transition vers un sommeil de stade 3 ou 4? Question sans réponse, bien entendue.

 

20.?Personnages multiples, qui n'en sont pas, qui se dédoublent

Nuit du 26 au 27 mars 99. Rêves non lucides mais représentatifs d'un changement observable ces derniers temps. Premier réveil à 2h06. A 4h23, un bip unique, extrêmement net, résonne dans ma tête pour me réveiller; j'ai du mal à croire qu'il ne provient effectivement d'aucun appareil.

Un personnage est à la fois Marie-Françoise et Mamie et Malène.

Le bébé de Sylvie est une petite éponge ayant faim. En attendant le biberon qui ne vient que dans une heure (comment lui expliquer? me demandé-je), je le nourris de miettes de pain que je dépose sur lui et qu'il absorbe (comme une éponge absorbe l'eau ou au moyen d'une langue en éponge bleutée qui sort de l'éponge jaune).

Le bébé est maintenant une petite statuette noire et lisse qui continue à absorber mes miettes. Chaque absorption génère une sorte d'onde circulaire sur la surface de la statuette. Je m'attache à ce bébé.

Le personnage MF/M/M me propose d'adopter deux enfants: ce sont des boulets de 3cm de diamètre, couleur laiton, bien lisses. Je refuse.

6h44: Nouveau rêve

(...)

En haut de l'escalier, je trouve So, blonde, ravissante, tout-à-fait désirable. J'ai envie d'elle. D'après elle, je ne me confie pas assez. Le seul moyen que je vois de résoudre ce double impératif (faire l'amour et parler) est de se dédoubler! Nous voici dédoublés: je suis avec So, en plein préliminaires amoureux; à côté de nous, un double de So et un double de moi-même sont en train de discuter socialement. [l'adverbe s'imposait lors de la prise de notes: je le laisse]. (Je n'arrive pas à retrouver si ma conscience est extérieure à mes deux doubles, ou bien dans le double se préparant à faire l'amour).

Commentaire:

La symbiose de plusieurs personnes en un seul personnage onirique, de même que la corporalité particulière d'un personnage, n'est pas nouvelle chez moi. Pourtant, il est manifeste que cela devient plus fréquent dans mes rêves.

D'autre part, l'expérience d'être dédoublé est absolument nouvelle. Sans doute en partie induite par Niourk, de Stefen Wul (pour info), un bouquin pour collégiens que je viens d'étudier avec des élèves de 4e, où le héros se clone à volonté. Reste que l'étude de ce bouquin a été commencée mi-janvier: je crois que cela n'aurait pu être intégré à mes rêves de cette époque.

Enfin, un autre rêve de la nuit présente peut-être une curiosité. Alors que je m'en souviens bien, je n'arrive pas à retrouver une trame narrative linéaire. Etait-ce que le rêve lui-même n'était pas linéaire? A observer sur d'autres rêves ultérieurs.

Par ailleurs, et sans que cela ait de rapport avec le rêve ci-dessus, je constate que mes rêves incluent et/ou interprètent de plus en plus souvent des événements de la journée, de façon beaucoup plus rapide (généralement la nuit-même et non pas deux ou trois nuits après comme auparavant) et beaucoup plus perceptible.

Bref, rien de renversant: mais j'ai l'impression que mes rêves subissent progressivement l'influence de la PP.

 

21?Visite d'un musée, flèches de grues

Rêve nƒ4 du 30 mars 99, faisant suite à 35 minutes de respiration consciente sur fond musical puis 20 mn dans mon lit à attendre l'emprise du sommeil. La lucidité est maintenue pendant tout le rêve. Le dernier rêve de ce type remontait au 24 mars: six mois pour obtenir un 3e rêve lucide long!

Je visite un musée. Je suis devant un étalage de bandes dessinées de Hugo Pratt. La couverture de l'une d'elle représente Corto Maltese prenant une femme par derrière. Je suis surpris que HPratt ait choisi son personnage CM pour faire une BD érotique! Je regarde les autres couvertures, reviens sur la précédente pour en regarder l'intérieur: elle a disparu! Merde: je fouille partout, soulève les BD: rien. Une seule façon d'expliquer cette disparition: le monde onirique. [Bref, à défaut de me rincer l'oeil sur une BD érotique, j'ai la lucidité en compensation]. Je ressens l'exaltation propre au rêve lucide.

Je regarde différents trucs dans le musée. Tant que mon regard balaye, tout est normalement précis; par contre, dès qu'il se fixe sur un endroit particulier, je constate que la précision de l'image n'est pas celle de la réalité.

Je fais des allers-retours dans le musée. A un moment, j'en ai marre de marcher. Je me souviens que rien ne m'empêche de voler: plus rapide et moins exigeant. Mon vol n'est pas très maîtrisé. D'ailleurs, je fonce vers une affiche suspendue: prooch! je passe à travers: pas beaucoup de peur, encore moins de mal! Je pense alors que si Flo (Ghibellini) était là, elle me dirait que l'important, ce n'est pas la lucidité mais la conscience. Je me mets donc en pensée perceptive. Je sens le vent sur mes bras écartés: la sensation me paraît approximative. D'ailleurs, c'est débile d'écarter les bras pour voler [C'est vrai, quoi, on n'est pas des avions!]: je les ramène près du corps.

Je suis toujours en pensée perceptive: cela renforce mon sentiment de réalité, de brillance, et d'exaltation.

Une femme me parle de son bébé comme du mien. J'en déduis qu'elle doit penser être ma femme. C'est faux, pensé-je, mais autant profiter de la situation: elle est brune et belle. Je lui dis donc que j'aimerais bien faire l'amour avec elle, dans les toilettes du musée par exemple. Elle refuse, ayant peur qu'on lui pique notre bébé pendant ce temps. Je négocie, elle maintient sa position. J'entraîne cette femme en marchant, puis en volant. Par le vol, je vais chercher un endroit où le couffin du bébé serait en sûreté. Nous volons vers des grues, de plus en plus hautes. Nous voici dans la nacelle de la plus haute, absolument inaccessible à quiconque. Le problème, c'est que la nacelle subit un balancement de 3 ou 4 mètres (j'ai même peur de tomber... quoique je sais voler finalement): pas terrible pour le bébé, je le concède. D'ailleurs, il n'est plus vraiment dans mes projets de faire l'amour.

Nous voici dans la rue. Je passe devant un hôtel entièrement carrelé en blanc et bleu: beau boulot et bel ensemble.

Je monte dans un car où nous sommes entassés. Des ados sont en train de pousser tout le monde. Je n'ai pas envie d'être poussé par ces petits cons: je crée une barrière psychique derrière moi qui me protège.

Je suis à nouveau en PP [j'avais perdu la PP: quand exactement?] et je vole, passant par la fenêtre de ma chambre (dans la maison de mon enfance) et survolant le parc. En fait, la maison n'a pas de volume: c'est seulement un pignon avec la fenêtre de ma chambre à l'intérieur.

 

Je sens que le rêve touche à sa fin. Je décide de monter en altitude: en me réveillant, je vais perdre ma capacité de voler, et ce sera donc l'occasion d'une belle chute. Je monte dans les airs. L'air commence à s'épaissir (étant en respiration consciente, je le sens distinctement) et j'ai du mal à respirer. Il devient aussi dense que de l'eau, j'ai l'impression de respirer dans une piscine. Le réveil est progressif, l'image s'estompe [aucune sensation d'étouffement une fois réveillé au demeurant].

Commentaire:

Rien de passionnant, on le voit. Pourtant, c'était le premier rêve vraiment lucide et en pensée perceptive (et pour cause: le dernier rêve longuement lucide était en septembre: je n'avais encore jamais entendu parler de la PP). Et bien je constate que la PP a apporté quelque chose à ce rêve: plus d'exaltation déjà, et la sensation étonnante de respirer un air extrêmement dense ensuite.