EXTRAITS DU JOURNAL DE RÊVES LUCIDES OU ASSOCIÉS DE CHRISTIAN

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AOÛT 1981

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Rêve de sortie hors du corps du 21 août 1981 (jour incertain)

"Tuesday", dit Ghita

Je suis paralysé dans mon lit et n'arrive pas à me réveiller, à bouger pour sortir de mon lit. Je commence à avoir peur. Tout est hostile. Dans la chambre de mes cousins Divi et Ghita, je me dirige en flottant vers le mur en face de la fenêtre et je rencontre Ghita. Elle répète quelque chose à propos de "Tuesday" qui se continue sans fin...

Malgré sa brièveté, cette expérience onirique combine un certain nombre d'éléments courants dans l’environnement du rêve lucide : la paralysie, le faux éveil, la sortie hors du corps, l’impression d’hostilité… Le rêve montre d’ailleurs comment ces éléments s’enchaînent selon une logique onirique assez fréquente : inquiété par la sensation de paralysie, le rêveur cherche à mouvoir le corps pour la dissiper. Cette tentative n’aboutit pas en ce qui concerne le corps physique mais projette le rêveur hors de son corps dans un environnement qui est, d’une certaine façon, aussi décalé de l’original que le corps onirique l’est du corps physique : le corps onirique flotte au lieu de marcher, le décor onirique s’avère hostile au lieu d’être rassurant.

Cette description risque toutefois de se révéler trompeuse en raison des termes utilisés. On pourrait en effet considérer qu’il s’agit là d’une expérience hors du corps, d’une " out-of-the-body experience " ou OBE pour reprendre le terme anglais : le déroulement de l’expérience semble conforme à une telle interprétation, notamment lorsqu’on oppose le corps physique au corps onirique. En réalité, la situation peut être comprise différemment. Sans doute la paralysie correspond-elle à l’état du corps au cours du sommeil paradoxal, mais elle est probablement tout autant rêvée que vécue physiquement. Il n’est pas rare qu’une sensation physique réelle soit incorporée dans le rêve comme en témoigne l’exemple classique de la sonnerie du réveil. Ici les sentiments de peur et d’hostilité propres à la situation oniriques sont déjà présents alors que moi, le rêveur, je suis encore paralysé dans mon corps : le corps " physique " ressenti (ou plutôt non-ressenti) est donc un corps rêvé. D’un côté je rêve de paralysie en raison de la paralysie effective du corps physique, ce qui suscite dans le rêve un corps onirique paralysé, d’un autre côté je cherche à échapper à cette paralysie onirique en tentant de bouger et la représentation onirique prend en compte des mouvements oniriques qui à leur tour me donnent le sentiment de disposer d’un autre corps qui " flotte " : nous avons là deux corps onirique pour le même rêve, ce qui conduit à parler de façon plus exacte de " rêve de sortie hors du corps " que de sortie hors du corps proprement dite, tant que le concept de cette dernière expérience n’est pas suffisamment éclairci.

S’agit-il pour autant d’un rêve lucide ? Dans ce rêve je me débats pour me réveiller : il est donc possible de parler de lucidité par négation, un peu comme lorsqu’on cherche à sortir d’un cauchemar. Toutefois l’idée qu’il s’agit d’un rêve ne se présente pas plus clairement à moi qu’à celui qui cherche à échapper à un mauvais rêve, et qui n’aurait plus aucune raison de le faire s’il prenait clairement conscience de ce qu’il ne sait qu’en arrière-plan, à savoir que tout cela n’est qu’un rêve. Cette conscience vague associée au sentiment de ne pas fonctionner dans le corps physique (puisqu’il est paralysé) a certainement induit un certain nombre de rêveurs à croire qu’ils avaient vécu une sortie hors du corps alors qu’il s’agissait d’un rêve " presque lucide ".

Ce type d’expérience est d’ailleurs typique des "veilles" au lit, au cours desquelles on croit ne pas dormir alors qu'on atteint un stade où il n’est plus possible de remuer – pour peu qu'on tente de le faire. Ce rêve s’est en effet produit la nuit précédant un départ : je me trouvais alors à Arlington, aux Etats-Unis, et m’apprêtais à prendre un bus de très bonne heure le lendemain matin pour rejoindre l’aéroport de New York. Je m’étais couché très tard, et sans doute en raison de problèmes de respiration, j'ai eu beaucoup de mal à m'endormir. Puis au moment où j'ai décidé de me lever, pensant qu'il était inutile de prolonger cette attente au lit, j'ai découvert que j'étais paralysé (ce dont je ne me rendais pas compte tant que je me contentais de ruminer des pensées, croyant être éveillé, situation qui n’est pas sans rappeler la fausse insomnie). J'ai alors fait des efforts désespérés pour me lever. Tout en continuant à me considérer comme paralysé je me suis trouvé en train de flotter dans la chambre (ou, plus exactement, dans un équivalent onirique). Je n'y voyais aucune contradiction, ce qui indique que je n’étais pas lucide à proprement parler.

Je n’ai pu noter cette expérience que quelques jours après, et j’en ai perdu certains détails, notamment sa fin (elle s’est probablement prolongée en rêve ordinaire).

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Rêve lucide du 28 août 1999

La chambre déformée

Je suis allongé sur le dos dans mon lit. Je glisse dans le sommeil de façon intermittente et des images de type onirique surgissent alors. Puis vient un moment où j'essaie de sortir de mon corps en glissant vers l'avant — plus précisément en direction des pieds - mais une force me retient et veut me ramener en arrière. Je me sens un corps élastique et j'arrive à étendre mes pieds, comme si mes jambes étaient en caoutchouc, plus loin qu'il n'est normalement possible. A partir de là je tente de sortir de mon corps par les pieds. Je tiens bon malgré la résistance. Mais dès que je relâche mon effort je me sens ramené en arrière, toujours comme un élastique. Alors je laisse faire car je me dis que mon subconscient sait mieux que moi ce dont j'ai besoin. Je rentre donc dans mon corps et roule sur le côté pour en sortir à nouveau. Cette fois je touche le sol. Je sais que je suis conscient dans un rêve et ce d'autant plus que tout est déformé Les objets dans la pièce et la fenêtre sont bizarrement tordus. Je suis coincé entre la table et l'armoire. Ma chambre est curieusement disposée, comme un labyrinthe. Je sais que c'est un rêve et je commence par harmoniser la vue de mes deux yeux car mes bras me semblent distordus et je ne vois pas mes mains à l’endroit où je les sens. J'accommodation ma vision comme si je réglai l'objectif d'un appareil de projection, et tout rentre dans l'ordre à l'exception du labyrinthe qui est toujours là. J'essaie ensuite de faire venir quelqu'un qui émergerait du labyrinthe…, mais je me réveille à ce moment appelé par mes parents qui reviennent des courses.

Ce rêve est tout à fait lucide au sens simple du terme : je m’y fais précisément la remarque que je rêve et j’y agis en fonction de cette connaissance. S’agit-il toutefois d’un rêve lucide d’endormissement (ou de réendormissement) ou d’un surgissement de la lucidité au cours du rêve ? Le début du récit présente une tentative de sortie hors du corps qui est peut-être purement onirique mais qui n’est pas présentée comme telle. En fait, au cours du rêve, le rêve n’est considéré comme lucide qu’une fois la sortie hors du corps effectuée. Nous nous trouvons ainsi devant une double approche : au cours du récit, ce qui précède la " sortie " est considéré comme appartenant à l’état d’éveil tandis que ce qui suit appartient au rêve, mais lorsqu’on se situe à l’état de veille, le début du récit apparaît de nature onirique ou même parapsychique.

En 1985 je faisais sur ce récit la remarque suivante : " une fois endormi, dans un état semi-conscient j'ai d'abord spontanément tenté de "sortir". Pour moi les deux choses sont liées. Très souvent pour induire un rêve lucide je m'efforce de sortir de mon corps. Je commence donc ce rêve dans un état semi-lucide qui devient tout à fait lucide une fois que je suis "sorti" ". J’expliquais ainsi mes tentatives de sorties par une conscience insuffisamment développée, car, en fin de compte, pourquoi vouloir " sortir " alors qu’il s’agit plutôt " d’entrer " dans le rêve ? Une telle imagerie pouvait paraître sans rapport avec le fait même d’être conscient en rêve, à l’exception de son aspect symbolique permettant manifestement de " changer de décor " et de fournir, par le biais de la modification du schéma corporel, une transition à l’imagination.

La suite de mes expériences m’a montré que l’idée d’une insuffisance de la conscience était inadéquate pour ce type d’état (que j’ai qualifié ensuite, pour diverses raisons, d’état " intermédiaire "). La conscience peut, en effet, être extrêmement développée en rêve sans pour autant être lucide, la lucidité n’étant que le fait de savoir qu’on rêve et non la garantie d’une certaine intensité de la conscience – même si elle sert le plus souvent de base et de moyen à cette intensification.

Ce rêve a été obtenu à l’heure de la sieste et a été conditionné par les événements immédiatement précédents. Juste avant de m'allonger Je venais de terminer la lecture du livre de Patricia Garfield, Creative Dreaming, le premier ouvrage que je lisais contenant un chapitre sur le rêve lucide, et j’étais désormais capable de donner un nom à certaines de mes expériences oniriques antérieures pour lesquelles la dénomination de " sortie hors du corps " ne me convenait pas. J’y avais appris également que ce type d’expérience pouvait se déclencher volontairement. Jusqu’à présent ces expériences se produisaient de façon sporadique et non délibérée, et mon intention en m’allongeant cet après-midi était, selon mon journal, de " renouer de façon plus régulière avec ce type de rêve ". Pour cela j’ai simplement cherché à m’endormir consciemment, la tentative de " sortie hors du corps ", quant à elle, est survenue spontanément.

Cette tentative de " sortie " a manifestement été utilisée comme une voie d’accès au rêve lucide et non dans le but d’obtenir une " out-of-the-body expérience ", ce qui montre que dans un état oniroïde ou onirique, on en sait plus sur les moyens de s’orienter dans ou vers le rêve qu’à l’état de veille. Ce point est confirmé par un autre passage du récit : " Alors je laisse faire car je me dis que mon subconscient sait mieux que moi ce dont j'ai besoin. Je rentre donc dans mon corps et roule sur le côté pour en sortir à nouveau ". En 1985 j’ajoutais la remarque suivante : " J'ai rusé de façon presque instinctive. Quelque chose, en moi, refusait l'expérience. J'ai fait comme si j'abandonnais la partie et tout aussitôt j'ai roulé sur le côté pour "sortir" ". Rétrospectivement, cette stratégie m’apparaît comme relativement élaborée alors que je n’avais pas le souvenir de l’avoir jamais utilisée. Il se pourrait que l’intelligence onirique soit tout autre chose que l’intelligence de veille, indépendamment de la conscience que l’on peut en avoir dans l’un et l’autre cas.

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SEPTEMBRE 1981

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Rêve de faux éveil du1er septembre 1981

L'hôtel des Sandjivy

Je vais chez les Sandjivy. Ils ont déménagé et habitent un immense immeuble qui leur vient d'un héritage et qu'ils partagent avec des parents à eux. Cet immeuble est aussi un hôtel qui leur rapporte.

… Je suis dans une chambre avec les garçons Sandjivy et quelques uns de leurs amis…

A un moment, je joue avec des objets qui sont dans la pièce. Puis c'est terminé, on range les jouets, peut-être pour que je cesse de jouer. C'est Eric qui les range dans une boîte en carton. Cependant, j’avais gardé deux jouets dont un revolver qui ne fonctionne pas bien, avec un clou blanc en guise de munition. Mais je remarque que si on met deux clous blancs ensemble, ça marche parfaitement. Il faut que je trouve Eric pour le lui dire, et pour qu'il range ces jouets-là aussi, mais il est parti. Je sors de la chambre. Je me retrouve dans un couloir spacieux. Cet hôtel et cet appartement sont vraiment magnifiques. Je croise Luc dans le couloir. A un tournant, j'aperçois quelque peu Monsieur Sandjivy. Je ne veux pas le déranger et, pour qu'il ne me voie pas, je change de direction. J’avance dans un grand couloir à ciel ouvert, un couloir incliné qui descend vers la rue. Un des cousins de Monsieur Sandjivy attend là. C'est un asiatique qui a l'air de tenir un restaurant. Je lui demande où je pourrais trouver Eric, quoique en fait je désirerais simplement retourner chez les Sandjivy. Mais il faut bien que je lui dresse la parole, je ne peux pas faire demi-tour comme ça alors que je me retrouve devant lui. Il a un sourire, dit peut-être quelque chose, puis s'en va du côté de la rue. Je me demande s’il est parti chercher mon renseignement. J'attends quelque temps. Finalement, quand il revient, il ne s'occupe plus de moi. Je quitte l'hôtel que je décide de longer par le côté. Je marche. Je passe près d'une sorte de bac de nuit dans lequel je n'entre pas. Je continue à longer le mur en suivant un chemin devant moi, mais le chemin m'écarte de l'hôtel-immeuble et je me retrouve bientôt assez loin. Je constate que cet hôtel-immeuble est magnifique et gigantesque et que le côté où se trouve les Sandjivy se situe assez loin vers ma gauche. Je décide de retourner vers le côté le plus proche.

[dessin]

C'est là, à l’hôtel, que je me réveille le lendemain. Tout cela n'était qu'un rêve. Quelqu'un qui devine les rêves me raconte le rêve que j'ai fait. Il n’omet aucun détail, mais commet des erreurs car il mentionne Sara et Madame Sandjivy qu'en fait je n'ai pas vues au cours du rêve. Mais il ajoute ensuite que c’est moi qui fais erreur, car elles étaient là, même si je ne m'en étais pas rendu compte.

Il s’agit ici d’un rêve de faux éveil classique, le faux éveil que j’appelle " de type 1 " : au cours du rêve, le rêveur prend conscience que ce qu’il a vécu jusque là appartient à un rêve, et fait retour sur ce passé onirique, sans pour autant se rendre compte que, ce faisant, il continue à rêver. En règle générale, cette prise de conscience prend la forme d’un " réveil " qui, assez souvent, a lieu dans la chambre du dormeur. Ce détail n’est pas obligatoire, comme on le constate ici : dans ce récit le " réveil " a lieu dans le décor même de ce qui est considéré comme un rêve.

Un rêveur lucide est très fréquemment sujets aux faux éveils, même si l’inverse n’est pas nécessairement vrai, au point qu’on a pu voir, comme van Eeden, dans le faux éveil le signe précurseur de la lucidité. Mais quel rapport ce type de rêve entretient avec la lucidité ? Dans ce récit, manifestement, en tant que rêveur, je ne suis pas lucide et, de plus, l’épisode du " réveil " ne semble être qu’un élément onirique dans un rêve par ailleurs stable, d’autant qu’ici le décor d’ensemble reste le même. Or, c’est justement ce point qu’il faut souligner. La continuité du scénario met, par contraste, l’accent sur une certaine rupture conscientielle. Le rêve tend à se poursuivre alors que la qualité de conscience du rêveur se modifie (ou tend à se modifier), ce qui entraîne l’impression de " réveil ", impression qui n’a en réalité aucune place dans le scénario d’ensemble, d’autant que le personnage du " devin " des rêves insiste sur la réalité du rêve (non seulement il le raconte comme s’il en faisait partie, mais il mentionne la présence de deux autres personnes qui se trouvaient là même si je ne les avais pas vues). L’élément " réveil " du rêve appartient donc plus à la dimension conscientielle du songe qu’à celle de l’enchaînement des événements oniriques. Cet enchaînement, en réalité, tente de s’adapter à ce décrochement de la conscience, voire à faire prendre au sujet onirique des vessies pour des lanternes, c’est-à-dire à me faire admettre la réalité " sous-jacente " du rêve, réalité que j’aurais pu, en effet, " rêver ", ce qui " explique " mon réveil, mais qui n’en subsiste pas moins en dehors de moi (comme l’indiquent les personnages présents malgré ma non conscience de leur participation au rêve passé).

Ce " décrochement " conscientiel qu’est le faux éveil pourrait être mis sur le compte d’un réveil réel proche, la conscience du sujet se " réveillant " progressivement et passant, entre son degré le plus bas, la conscience onirique ordinaire, et son état optimum, la conscience éveillée ordinaire, par une série de transitions qui rendraient compte de la façon plus critique avec laquelle le rêveur prend en considération les événements qui précèdent, d’autant qu’il s’agit là d’un rêve du matin, obtenu à la fin d’une nuit de sommeil. Mais cette explication tentante est largement insuffisante pour un certain nombre de raisons que j’ai exposées ailleurs (la principale étant que la conscience onirique n’est pas une dégradation de la conscience de veille), raisons dont une est visible dans le récit ci-dessus et nous permet de mieux cerner le rapport du faux éveil et de la lucidité onirique. En effet, en soi le faux éveil ne diffère du rêve ordinaire que par un détail : une portion passée du rêve est considérée comme rêve. Pour le reste, la situation ne s’écarte pas sensiblement du rêve ordinaire habituel : le rêveur s’y croit bel et bien éveillé, ou plus exactement ne remet pas en question son état de conscience " présent ". C’est ce qui se produit ici : je ne m’interroge pas sur ma conscience présente au moment du faux éveil. On pourrait dire que, s’il fallait établir une échelle, le " degré d’éveil " de ma conscience ne présenterait pas un indice plus élevé au moment du faux éveil que dans le passage qui précède. Ce n’est donc pas l’intensité conscientielle qui intervient ici, mais plutôt une modalité du " rapport à ". Dans le rêve lucide, le rêveur se rapporte au donné onirique sur le mode de la perception tandis qu’il se rapporte au monde de la veille sur le mode du souvenir et, surtout, il " met en rapport " ces deux rapports (ce qui m’a fait concevoir voici une douzaine d’années la lucidité non pas comme une conscience de données mais comme une conscience de rapports). Dans le cas du faux éveil, il y a également double rapport, d’un côté au passé, le donné onirique immédiatement précédent, et de l’autre au présent, la suite du rêve étant tenue pour l’état de veille. Il y a donc une étonnante mise en corrélation dont la fausseté indiquerait que le faux éveil n’est pas une amélioration de la conscience onirique habituelle vers plus de lucidité, mais plutôt une dégradation de cette dernière. Le fait que les rêves de faux éveil de type 1 se situent dans la proximité des rêves lucides n’indiquent pas que la conscience s’élève vers plus de clarté, mais qu’ils sont le résultat d’un échec de la lucidité. Si j’en crois les nombreux journaux de rêves que j’ai pu lire, quiconque cherche à augmenter le nombre de ses rêves lucides augmente par la même le nombre de ses faux éveils.

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Rêve de rêve du 6 septembre 1981

Charlot réparateur d'immeuble

… Je suis Charlot et je répare les immeubles. J'ai un don pour les réparer en un tour de main avec le minimum de moyens.

Quelqu'un m’invite à entrer dans celui que je répare, comme pour l'inaugurer. L’intérieur de l’immeuble est rempli de vêtements. Lorsque j'entre, au lieu de rester dans le couloir je ne marche pas sur le sol mais sur les côtés des paravents qui abritent les vêtements, donc au-dessus du sol. Je rends compte qu'il y a des vêtements partout. S’agit-il d’un magasin de vêtements dont je serais le patron?

On me fait fête et je propose de réparer un autre immeuble et avec encore moins de moyens. " Charlot le réparateur " : j'ai l'impression d'avoir déjà fait un rêve analogue…

Ce rêve peut être classé dans la catégorie des rêves que j’ai nommée " rêves associés au rêve lucide " ou plus simplement " rêves associés ". Les rêves associés sont en rapport avec les rêves lucides de diverses façons, que ce soit par la proximité dans le temps ou le contenu. Dans ce dernier cas ils présentent les mêmes caractéristiques qu’eux (sortie hors du corps, vol…) sans la lucidité – caractéristiques qui, pour être fréquentes, ne sont pas pour autant systématiques. On a tendance à ne reconnaître les rêves associés que lorsqu’il sont " spectaculaires ". Pourtant, les caractères du rêve associé peuvent apparaître de façon discrète, comme dans le présent récit.

Quelles sont les caractéristiques de ce rêve ? En rêve lucide, le phénomène onirique est pris en considération en tant que tel. En d’autres termes le rêve y est visé comme rêve. Pour cette raison, un rêve non lucide dans lequel il est question du rêve peut être considéré comme rêve associé, même si ce lien paraît relativement lâche eu égard à la conscience de rêver. Ici, non seulement il est question du rêve, mais le rêve ainsi mentionné n’est autre que ce qui est oniriquement vécu au même moment, comme le montre la réflexion sur le " rêve analogue ". Un lecteur extérieur au récit devrait même être amené, logiquement, à considérer qu’il s’agit d’un rêve lucide, car l’affirmation " je sais que je rêve " est nécessairement impliquée par l’affirmation " J’ai déjà fait un rêve analogue ". Toutefois, la logique ne rend pas compte de la conscience puisque, en tant que rêveur, je constate que je n’étais pas lucide. Mais dans ce cas à quoi attribuer cette reconnaissance du rêve comme tel ?

La réponse la plus immédiate serait qu’il s’agit là d’un effet du contenu onirique : le rêve se mentionnerait lui-même comme rêve, comme il mentionne d’autres objets oniriques, sans que la conscience du rêveur en soit plus " éveillée " pour autant. Ce cas existe et l’on peut parler à son sujet de " fausse lucidité ", de même qu’on parle de faux éveil. Toutefois, sans avoir eu le sentiment d’être lucide, je n’ai pas eu non plus celui d’être totalement " absent " de ce rêve, et cela me semble confirmé par le fait qu’aujourd’hui, 18 ans plus tard, je m’en souviens encore " intérieurement " pour une grande part, alors que la relation des rêves suivants, à la même date, dont l’un relativement long, n’éveille que des impressions vagues, voire des absences totales de souvenir concernant certains passages. Par ailleurs, ce récit comprend un autre élément " associé ", la marche " au-dessus du sol " qui se rapproche du rêve de vol ou de lévitation. Ces divers éléments m’amènent à supposer une sorte de " lucidité impliquée " mais non manifeste, ce qui paraît paradoxal au premier abord, mais que j’explique, entre autres, par l’existence d’une " conscience substrat " à laquelle la conscience de veille et la lucidité onirique ne feraient que " participer " sur des modes différents.

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Rêve associé du 9 septembre 1981

Réveil-conseil

Je tente de sortir de mon corps. Ma chambre peut prendre plusieurs aspects. Je suis capable d'imaginer des tas de chambres sympathiques.

… Il est question d’une bande dessinée où un personnage sort de chez lui, d'une tour, et par le jeu des images, se retrouve à la fois en train de s'observer, de se suivre, de se précéder, d'être déjà rentré ou sorti…

Il y a un réveil sur ma table de chevet où sont inscrites des maximes dont l'une est chantée par (X) lui-même, sorte de conseils pour mieux travailler. Je crois me lever et je vois l'heure: 5h30, aussi bien sur le gros réveil ancien que sur ma montre…

Par leurs thèmes, ces fragments de rêves appartiennent au rêve associé. Le thème de la sortie hors du corps est d’autant plus flagrant qu’il a été induit par une tentative en ce sens à l’endormissement, provoquant une continuité de la conscience de veille dans le début du rêve, continuité qui n’est pas la lucidité onirique et qui donne parfois l’illusion de vivre une sortie hors du corps réelle (c’est-à-dire dans le monde physique). Cette tentative active est ensuite reprise comme matériau par le rêve qui s’élabore sur cette base, d’où le personnage de bande dessinée qui s’observe, comme on observe le corps physique quand on sort de son corps, se suit ou se précède, le tout simultanément.

Le dernier fragment ressemble à un faux éveil de type 2, dans lequel le rêveur croit se réveiller mais s’intéresse plus à la situation présente qu’au rêve qu’il vient de faire. Toutefois ce fragment est plus délicat à qualifier : le rêveur rêve bel et bien qu’il est réveillé, dans son lit, mais le rapport au rêve passé ne se fait pas sur le mode du souvenir explicite. Le rêve auquel renvoie la situation n’est pas un récit précis mais le rêve en général ou même, plus simplement, l’état de sommeil. Nous retrouvons ici le phénomène de conscience d’un rapport, rapport dont le terme comparant peut-être une situation précise mais aussi une idée générale, parfois sur un mode implicite. Dans ce récit les éléments du rêve (lit, réveille-matin…) renvoient au sommeil qui précède, mais le sommeil lui-même n’est pas un élément thématique faisant en rêve l’objet d’une visée explicite.

Ce rêve a été obtenu au cours d’une sieste, dans l’après-midi, dont le but était manifestement de provoquer la lucidité onirique en utilisant la sensation de sortie hors du corps. A cette époque la méthode que j’utilisais prenait instinctivement deux formes : la première relevait de l’autosuggestion intentionnelle en ce sens que je maintenais mon intention d’être lucide jusqu’à l’endormissement ; la deuxième était plus active : je me relaxais physiquement puis tentais de me détacher de la sensation physique du corps. La première méthode provoquait le surgissement de la lucidité en cours de nuit, la deuxième entraînait un endormissement conscient qui, pour autant, comme le montre ce récit, n’était pas toujours lucide.

Mon journal de rêves de cette année souffre du défaut des premières notations dont la caractéristique est d’être incomplètes : seul le contenu des rêves est rapidement jeté sur le papier, parfois de façon télégraphique. Pour ce qui est de la description des circonstances entourant le rêve (méthodes, environnement…) leur quasi-absence est due en partie au fait que les méthodes que j’utilisais me paraissaient aller de soi, probablement en raison de leur caractère intuitif et spontané. Le caractère fragmentaire des récits est également dû à la préparation de l’agrégation qui ne me permettait pas de me consacrer pleinement aux rêves (d’où les " maximes pour mieux travailler ").

Ce rêve me semble typique d’un processus favorisant la lucidité. L’intérêt pour la conscience de rêver et les tentatives pour la provoquer, s’ils sont constants, finissent par se refléter dans le matériau du rêve (le perçu onirique) aussi bien que dans la qualité conscientielle du rêveur. On peut en conclure que la thématique onirique est un indice de l’intérêt réel qu’un sujet porte à la question. Quelqu’un qui s’efforcerait de rêver lucidement sans même obtenir de rêves thématiques sur le sujet devrait peut-être s’interroger sur la force de sa motivation, laquelle est probablement plus importante que les efforts eux-mêmes. Cette force est très difficile à apprécier directement, à l’état de veille (on peut sincèrement croire être tout à fait motivé alors qu’on ne l’est pas suffisamment). Mais en rêve la thématique onirique en renvoie un écho plus objectif.

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Rêve de faux éveil d’endormissement du1O septembre 1981

Le train pour Dijon

Il est question du train pour Dijon. Isabelle Jouvet me dit que c'est un train très fréquenté. Je vais à la gare pour le prendre. Maman m'accompagne. Dans la gare il y a une salle particulière avec quelque chose de vitré en son centre.

Je me dirige vers le kiosque à journaux tandis que maman achète mon ticket. Je suis persuadé qu'elle va s'en acheter un pour elle aussi, pour m'accompagner.

Sur le quai je retrouve, sans leur parler, des gens comme Perez et Hardy et je dis à Jouvet, sans engager de conversation, que c'est effectivement une ligne très fréquentée. Finalement maman n'a pas acheté de billet pour elle-même. Elle me donne le sac qui contient le billet et tout d'abord je ne vérifie pas. Ensuite, quand je suis dans le train je ne suis plus sûr de l'avoir pris et je me demande comment prouver ma bonne foi au contrôleur. Puis je retrouve le billet. C'est un ticket en carton rose, modèle standard.

… (Je me réveille en pensant à noter le rêve, mais je me retourne dans mon lit et je rêve que) je note le rêve sur un carnet, puis je me rends compte que je n'ai pas vraiment noté le rêve…

Ce rêve illustre un cas fréquent de faux éveil qu’on devrait plutôt qualifier de faux endormissement. Le rêveur rêve bien, dans la dernière partie du rêve, qu’il est réveillé, il se souvient bel et bien du rêve qui précède, mais dans l’intervalle il s’est réveillé vraiment, ne serait-ce qu’une ou deux secondes, puis rendormi. Dans ce cas la préoccupation qui consiste à s’intéresser au rêve et à vouloir le noter est une préoccupation venant de l’état de veille. Ce point a l’air trivial, mais c’est justement l’absence d’intérêt porté aux nuances des phénomènes oniriques qui fait obstacle à leur compréhension et à leur exploration. Chaque rêveur sait qu’il existe différentes sortes de rêves dont les théories qui veulent réduire le rêve à l’unité ne peuvent rendre compte. Ici, ne pas prendre en compte la nature particulière de ce faux éveil/endormissement amène à manquer une porte d’entrée intéressante sur les expériences oniriques. On remarquera que dans un faux éveil de type 1 " classique ", le rêveur se réveille dans un décor proche de celui du rêve, pas nécessairement dans un lit, parfois dans le même lieu onirique, sans que rien ne soit changé (voir le rêve du 1er septembre 1981). Le faux éveil est alors un événement conscientiel qui survient au cours du rêve, rêve qu’il ne modifie que fort peu, ou en tout cas pas de façon radicale. En revanche, les faux éveils d’endormissement ont le plus souvent pour cadre la chambre dans laquelle on dort. De plus les réactions y sont plus proches de l’état de veille : dans un rêve de faux éveil de type 1 classique, le rêveur tend plutôt à revenir sur son rêve, à l’interpréter, à en discuter avec d’autres personnages (voir celui du 1er septembre 81). Dans un faux éveil d’endormissement, il cherche plutôt à noter le rêve, de peur de le perdre, comme cela arrive souvent après s’être réveillé. Dans un tel cas, le faux éveil relève du passage dans l’état intermédiaire (voir rêve du 28 août 81), état à partir duquel il est possible de passer dans un rêve lucide ou, au moins, de déclencher une impression de sortie hors du corps. Cela suppose d’être vigilant vis-à-vis des faux éveils, afin de reconnaître ceux qui constituent non pas des échecs de la lucidité mais bien des portes d’accès.

Ce rêve a été noté à 5h43 du matin. Or mon journal de rêves porte déjà une autre entrée à cette date, à 5h30 (la fin de notation n’est pas indiquée). Cela signifie que le rêve rapporté ici n’a duré que quelques minutes. A cette époque où je me préoccupais de noter mes rêves le plus possible, je tendais à ma réveiller à la fin d’un rêve pour le noter, puis à me rendormir aussitôt. Cet intérêt porté à tous les rêves favorise ce type de faux éveil et donc l’entrée dans l’état intermédiaire.

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Rêve associé du 12 septembre 1981

Je tape mes rêves à la machine

Je refais plusieurs fois un rêve dans lequel je tape mes rêves à la machine…

Cette fois il ne s’agit pas d’un faux éveil : à aucun moment les rêves antécédents que je tape à la machine ne sont connus ou mentionnés dans leur individualité. Il s’agit donc d’un rêve ordinaire, mais il n’en reste pas moins associé au rêve lucide en ce sens que le rêve s’y prend lui-même pour objet. D’un côté il est le reflet de mon intérêt pour le phénomène, et de l’autre une possibilité de réfléchir sur la nature même de la situation, même si je ne la saisis pas ici.

Ce rêve occupe la troisième place dans un groupe de quatre. Il m’a suffi d’une ligne pour le noter, mais il lui a fallu un certain temps de déroulement, d’autant qu’il s’est répété plusieurs fois. C’est là un phénomène curieux mais fréquent : les actions répétitives, les attentes, donnent des rêves longs à vivre mais brefs à relater. Aussi ceux qui mesurent la longueur des rêves aux nombres de signes utilisés pour les rapporter font erreur : ce n’est pas la longueur du rêve qu’ils mesurent, mais sa richesse en péripéties, ou parfois, plus simplement, une capacité à décrire (de même que deux personnes passant le même temps dans une pièce en donneront des descriptions de longueur inégale, de même deux rêveurs rapporteront très différemment un rêve équivalent).

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Rêve dans le rêve du 13 septembre 1981

Rêve de rêve de départ

… dans un immeuble comportant un escalier tournant selon des angles, je dois prendre une douche. Quelqu’un qui est à la fois mon oncle Justin et Parrain s’occupe de mes affaires… Ma cousine Meena est là, ainsi que d’autres personnes…

… je rêve que je rêve de départ, que je vois Sara, mais le rêve ne va pas plus loin. Que se passe-t-il après? Papa et Maman interprètent ça comme le signe que je vais bientôt partir.

… il ne faut pas couper l'ombre, ne pas prendre à la lettre ce que dit Reich, voir le texte exact…

… je me trouve dans une grande maison…

Dans ce rêve, rapporté sous forme fragmentaire, c’est le deuxième fragment qui nous intéresse le plus. Toutefois, j’ai quand même mentionné les autres fragments pour que la nature du deuxième apparaisse nettement. Il ne s’agit pas d’un faux éveil, même de type 1 classique, mais bien d’un " rêve dans le rêve ". En effet, au cours d’un rêve qui a déjà commencé, je fais un autre rêve qui, au passage, relève de la même thématique puisque tous les personnages mentionnés sont de ma famille, et qui prend fin alors que le premier rêve se continue. Ainsi un premier rêve en encadre un deuxième, et il est difficile de parler de faux éveil. Le faux éveil constitue un décrochement conscientiel qui tend à modifier quelque peu le scénario du rêve. En revanche un rêve dans le rêve est programmé par le rêve lui-même, il en fait intimement partie. Il faut toutefois nuancer la nature de cet " attachement organique ". Assez souvent le rêve dans le rêve sert à accentuer une idée, à la mettre en évidence. Ainsi dans le premier fragment, on prépare mes affaires, dans le deuxième, je rêve de départ. Mais le rêve dans le rêve peut être aussi un moyen d’isoler ce qui ne correspond pas au rêve en cours : raison pour laquelle des rêves lucides se manifestent de la sorte (voir, par exemple et par la suite, un rêve caractéristique fait en 1988). Ces types de rêves ne doivent donc pas être, eux non plus, négligés lorsqu’on rédige son journal de rêves.

La forme fragmentaire du rêve est sans doute due à une notation en vrac, prise rapidement au réveil, mais que les obligations quotidiennes ne m’ont pas laissé le temps de préciser, au moins suffisamment tôt pour que le souvenir en reste net. Je remarque d’ailleurs dans mon journal que l’entrée suivante n’a pas lieu avant le 16 septembre 1981, et la notation en est également fragmentaire malgré la présence d’un rêve associé.

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Rêves lucides du17 septembre 1981

Échapper à mon corps suivi d’Armoire de passe-passe

Il y a d'abord un écran de télévision où apparaît le rêve…

Je suis allongé sur mon lit sur le côté droit en chien de fusil, mais mon corps intérieur reprend une position allongée. Je m'efforce de me dégager sur le côté pour sortir de mon corps et tombe dans le noir. Je me mets à ramper pour m'éloigner de mon corps et éviter d'être repris par lui.

Je franchis un endroit près de la porte de ma chambre où il y a des fils électriques. J'espère m'éloigner suffisamment en passant à travers la chambre de mes parents.

Je suis dans ma chambre avec ma sœur Catherine et je lui montre que je peux trouver une fille dans une armoire.

Je suis dans mon lit et j'ai mes baskets aux pieds.

Voici deux rêves lucides qui se sont suivis mais qui sont, dans le mode d’apparition, assez différents. Le premier surgit à partir de l’état de veille tandis que le deuxième se situe au cours du sommeil. En fait, il n’est pas évident de saisir entièrement la nature du premier. Je suis resté conscient dès le début, et l’apparition du rêve sur un écran de télévision est comme le reflet de cette situation. Ensuite surviennent des événements qui semblent appartenir à l’état intermédiaire : je me sens un autre corps qui n’est pas dans la même position que le corps physique, ce qui m’incite à quitter ce dernier. L’attraction du " corps onirique " par le corps physique fait partie des événements " intermédiaires " courants pour moi à cette époque. S’agit-il alors d’un état intermédiaire " rêvé " ? C’est ce que l’on devrait conclure si l’on définit l’état intermédiaire comme une sorte de passage conscient entre l’éveil et le rêve, mais d’une conscience qui n’est pas encore la lucidité onirique tout en se sachant elle-même en train de quitter l’état de veille. Ici, l’épisode de la télévision indiquerait plutôt que je suis entré directement en rêve lucide (puisque cette situation ne constitue pas une transition en rapport avec l’état de veille) et que le reste du récit appartient bien au rêve et non à l’état intermédiaire. J’ai d’ailleurs noté " rêve lucide " dans chaque cas avant de consigner les rêves eux-mêmes. Mais à l’époque, traduisant ainsi le terme " lucid dream " emprunté à Garfield, je ne cherchais pas à nuancer mes annotations. Il me semble aujourd’hui qu’après être descendu en rêve lucide, j’étais en quelque sorte remonté dans l’état intermédiaire, d’où je serais à nouveau descendu en rêve lucide à partir de la transition de la " sortie hors du corps ". Il en résulte trois conclusions : 1) On peut entrer directement en rêve lucide sans passer par l’état intermédiaire. 2) L’état intermédiaire peut être retrouvé sur le chemin du réveil et non pas seulement en s’endormant. 3) Il est possible de s’y orienter dans un sens ou dans l’autre, c’est-à-dire vers le rêve ou l’éveil, selon la façon dont on y agit (d’autres possibilités plus étranges m’apparaîtront plus tard, mettant en jeu des états intermédiaires gris ou noirs).

Le deuxième rêve se situe au cours du sommeil, probablement après un rêve ordinaire qui aurait fait suite, de façon continue, au rêve lucide précédent, rêve ordinaire oublié, en tout cas non noté dans mon journal. Si tel est le cas, il ne s’agirait pas d’un " autre " rêve à proprement parler, mais probablement du même au cours duquel la conscience a connu des fluctuations. Ainsi, après une éclipse, la lucidité aurait simplement surgi à nouveau, le temps d’un éclair. C’est ce que précise une annotation de 1985 : " Ce rêve correspond sans doute à un éclair de lucidité étant donné sa taille. Je n'ai pas noté le rêve ordinaire dans lequel il s'insérait et je n'en garde aucun souvenir. Mais bien que ce moment soit très court je le mets aussitôt à profit pour faire à ma sœur la démonstration des pouvoirs d'un rêveur lucide sur son environnement onirique en faisant surgir d'une armoire un personnage dont la présence a été suscitée par ma seule volonté ". Mon action relève bien de la lucidité, mais il faut remarquer deux points. D’abord je ne considère pas ma sœur comme un personnage de mon rêve, même si je prends appui sur le fait que nous sommes dans un rêve pour faire ma démonstration. Ensuite, nous nous trouvons dans ma chambre, ou plus exactement dans un équivalent onirique, ce qui semble indiquer que d’une certaine façon ce passage est proche de l’état intermédiaire.

La lucidité du deuxième passage ayant été très courte, le dernier fragment de rêve concernant les baskets n’est donc pas lucide. Il présente toutefois des caractéristiques qui sont, à l’époque, passées pour moi inaperçues, mais qui deviennent de plus en plus reconnaissables au fur et à mesure que l’on rédige son journal de rêves. Tout d’abord ce rêve marque une incongruité qui m’invite à reprendre conscience que je suis dans un rêve. De tels rêves se présentent à des rêveurs qui cherchent à être lucides ou qui viennent de perdre la lucidité, ce qui était mon cas ici. De plus ce rêve se mêlait probablement à l’état intermédiaire, puisqu’il se situait dans mon lit à partir duquel j’aurais pu tenter, ne serait-ce que par réflexe, de quitter à nouveau mon corps et induire ainsi un nouveau rêve lucide. Encore un de ces ponts proposés par le rêve et auquel il faut être attentif. C’est par la suite en travaillant sur ce genre de ponts que j’ai pu mettre au point certaines méthodes d’induction de la lucidité, même si je me rends compte aujourd’hui que ce type de méthodes n’est valable que pour quelqu’un qui s’intéresse de près à ses rêves, même au " plus petit " d’entre eux.

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Rêve prémonitoire du 18 septembre 1981

L'homme rêve sept fois

L'homme rêve sept fois et le septième rêve est le plus grand. C'est en rapport avec la philosophie ésotérique.

Il s’agit d’un rêve sur le thème du rêve, et par là d’un rêve associé au rêve lucide. Malgré sa brièveté, il est intrigant à plusieurs titres, même si cela ne m’est apparu que plus tard. Il se présente en effet sous la forme d’une affirmation, de type descriptif, sur la nature de la réalité onirique. Or une telle affirmation, ainsi que la précision qui la suit, ne pouvait, à l’époque, venir de l’état de veille, ni éveiller mon intérêt au réveil, après avoir eu le rêve.

En effet, ces deux éléments n’évoquaient rien pour moi. Que signifie " rêver sept fois ? ". Cela pouvait à la rigueur apparaître comme un élément symbolique à interpréter, mais ne pouvait se comprendre au sens littéral. Quant à la " philosophie ésotérique ", je n’en connaissais rien, si ce n’est le titre d’un livre intitulé " la fin de l’ésotérisme ", qui se trouvait dans la bibliothèque de mes parents, et que je n’ai d’ailleurs toujours pas lu à ce jour. J’avais bien lu, au mois d’août, à peu près en même temps que le livre de Garfield, un ouvrage d’Oliver Fox intitulé " Astral Projection ". Je l’avais, tout comme le livre de Garfield, trouvé à l’aéroport de New York en attendant l’avion pour Paris. Il n’y était pas question de philosophie, seulement des expériences de l’auteur, agrémentées parfois d’interprétations difficiles à retenir en raison de leur faible cohérence, sans compter que d’aucuns auraient sans doute considéré qu’il ne s’agissait pas d’ésotérisme mais d’occultisme, domaine que, là aussi, je ne connaissais que de nom.

L’aspect pratique du rêve n’était pas clair non plus. En supposant qu’il faille s’arrêter sur le " septième " rêve, comment aurais-je dû m’y prendre pour compter les rêves ? Il aurait fallu d’une part connaître leur ligne de démarcation - puisque certaines nuits comportent apparemment plus de sept rêves -, et d’autre part se souvenir de toute sa vie onirique. Quant à la qualification d’ésotérique, elle risquait d’avoir un effet dissuasif sur mon intérêt pour le rêve.

Ces éléments expliquent que je n’ai pas retenu ce fragment dans un recueil réunissant les témoignages d’une cinquantaine de rêveurs lucides. Ce rêve était trop bref, trop indigent du point de vue du sens, inutile en un mot. Pourtant, malgré cette attitude rationnelle, je gardais en moi le sentiment intime de la vérité de ce rêve, sentiment dont je ne pouvais rien faire mais qui avait valeur de certitude subjective.

Environ 10 ou 11 ans plus tard, je fus assez étonné de lire sous la plume de Jane Roberts/Seth, cette même affirmation, formulée autrement, dans, je crois, " Unknown Reality ". Je précise que j’ignorais tout de l’œuvre de Jane Roberts à l’époque du rêve. Si l’on excepte la " pure coïncidence ", deux explications peuvent être ici proposées à titre d’hypothèses. Selon la première, j’aurais en rêve trouvé une " vérité " onirique, vérité à laquelle d’autres, comme Jane Roberts, auraient eu également accès. Selon la deuxième, ce rêve aurait été simplement prémonitoire d’une lecture que j’allais faire plus de 10 ans après. Ces deux explications ne sont d’ailleurs pas incompatibles. Toutefois, je dois constater que cette " vérité " continue à être inutilisable pour moi. Je n’ai jamais pu la mettre en pratique ou en tester la validité. Personnellement, je ne peux en tirer aucune conclusion.

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Rêve lucide du lundi 28 septembre 1981

La cuisine des marins

L'appartement de madame Moguy se trouve en face du nôtre sur le palier (dans la réalité il est à l'étage au-dessus) et il est somptueux, avec des tapis magnifiques. Il est très grand, plus que le nôtre. Maman le montre à tante Eva en lui expliquant que madame Moguy nous l'a confié tout en nous demandant que personne n'y habite en son absence. Maman veut que Tante Eva y dorme pendant son séjour à Paris, ce qui m'étonne étant donné que cela va à l’encontre des instructions de madame Moguy.

Une foule de gens font alors irruption. Ont-ils été invités par Maman ? Ils restent un moment, mais pas longtemps car ils doivent prendre le train Ils ont des allures de militaires. Leur capitaine est chauve au sommet du crâne mais fourni en cheveux sur les côtés. L'un d'eux a été autrefois un supérieur de papa à l'époque de son service. C'est un ancien épicier-cuisinier de l’armée. Il a servi sur un bateau où il comptait plus sur son travail que sur son état de santé pour progresser. Même lorsqu'il était malade il restait à son poste et pour cela on l'a décoré et il a obtenu le grade de colonel.

Je le suis dans la grande salle du navire qu’est devenu le salon de l'appartement de madame Moguy. Il saute sur une bande au-dessus de laquelle défilent rapidement diverses sortes de crochets de cuisine, en agrippe un, et se laisse porter pour sauter ensuite dans une ouverture pas très loin mais au delà de la limite que je peux franchir. J'essaye de faire comme lui. Tout d'abord je rate les crochets. Lorsque je parviens à en attraper un, les crochets défilent trop vite et je manque l'ouverture. Je ne peux pas lâcher prise car je suis soulevé dans les airs. Le crochet fait un angle et je m'éloigne à grande vitesse de l'ouverture. [dessin]

Nous sommes maintenant à l'extérieur, à l’air libre, et il fait plein jour, l'endroit est ensoleillé. Mon sort va être celui des animaux que l'on prépare pour le repas des marins militaires car je n'ai pas été assez rapide. Le crochet va passer de dessus d'une étendue d'eau, qui contient des éléments pour ma préparation culinaire, afin de m'y immerger. Pour éviter cela je replie les jambes et comme le système a un mouvement circulaire j'effectue ainsi un autre cercle, et je m'éloigne du lac. [dessin] Au-dessous de moi, s'affairent des gens qui doivent faire partie des services de cuisine de la marine.

Je rejoins le sol et me rends compte que je rêve. Je fais alors venir la voiture de papa dans laquelle je monte. Il y a là une jeune dame à qui je donne ou qui me donne un livre dont la dernière page contient un dessin. Elle est habillée de blanc, porte un chapeau et son visage est voilé. Nous ne sommes plus dans la CX de mon père (que je ne vois pas dans le rêve) mais dans une diligence.

La suite se passe dans un hôtel où je retrouve cette femme. L'hôtelier a un chapeau de marin, et un comparse. Je le vois entonner un hymne. La jeune femme et moi chantons ce qui semble être un Opéra, disant quelque chose comme : " Je suis la passion, nous sommes la passion... " Nous déclamons cela ensemble, mais son fiancé, qui n'avait pas apprécié l'histoire du livre et de l'image, et de quelque chose d'autre, n'aime pas cela non plus.

(réveil)

Ce rêve devient lucide vers la fin, lorsque je me retrouve sur le sol après avoir lâché le crochet. Il s’agit bien du même rêve d’un bout à l’autre, même si le début n’en est pas lucide. C’est un exemple entre mille d’un rêve qui devient lucide en cours de rêve, ce qui invalide la thèse selon laquelle, d’après Maury critiquant Hervey de Saint-Denys, les rêves conscients de ce dernier ne seraient pas des rêves mais des transes ou des hallucinations. La lucidité n’y est pas due à l’approche du réveil puisque, comme je l’ai noté dans mon journal, elle a été vite perdue, probablement à partir de la scène de l’hôtel. Par ailleurs, je me suis rendormi ensuite et j’ai fait un autre rêve, non lucide, dont je me suis réveillé à 9h25.

On peut noter dans ce rêve la présence d’un élément associé, le " vol " dans les airs, qui se fait ici à l’aide d’un crochet.

Ce rêve contient également un élément prémonitoire. Il y est en effet question de tante Eva, habitant l’Allemagne, et que je n’avais pas vue depuis des années. Or deux ou trois jours après avoir fait ce rêve, j’ai appris qu’elle venait passer quelques jours à Paris. A l’époque, ce point ne m’avait pas particulièrement frappé. Ce n’est que 9 ans plus tard que je me suis avisé qu’il méritait d’être signalé. J’ai pu constater que nombre de mes rêves, aussi bien ordinaires que lucides, contiennent de tels éléments. Pourquoi ces éléments passent-ils inaperçus ? Tout d’abord ces éléments prémonitoires sont fréquents dans mes rêves, à tels point que je n’y prête pas attention. Il me faudrait après coup relire mes rêves, en examiner chaque élément, pour m’en rendre compte. Car dans la mesure où ces éléments ne jouent pas nécessairement un rôle important dans le rêve, cela les rend difficile à déceler par un souvenir d’ensemble. Ensuite, les rêves semblent se " construire " à partir d’un matériau qu’ils prennent sans discrimination dans le temps, aussi bien dans le passé que le futur ou dans des temps possibles, et ce fonctionnement m’apparaît quelque part (de façon subconsciente sans doute) suffisamment normal pour être accepté d’emblée, sans questionnement. C’est là le fameux sentiment d’évidence dont parle Lefébure et qui gêne la recherche. Enfin, ces éléments prémonitoires ne font pas du rêve un rêve prémonitoire à proprement parler. Le rêve est prémonitoire à condition qu’il mette en scène ce qui va se passer ou pourrait se passer dans un futur accessible au rêveur. Ici il n’est pas du tout question de cela. Les éléments prémonitoires sont simplement empruntés à un futur plus ou moins proche en tant que matériau de construction du rêve, mais il ne révèlent pas le futur en eux-mêmes. Pour cette raison, l’appellation prémonitoire est peut-être abusive et je ne l’adopte que faute de mieux. Dans le cas présent, j’ai peut-être appris de façon télépathique et inconsciente la venue à Paris d’une personne que je n’avais pas vue depuis mon enfance, et cette information à laquelle je n’avais pas accès consciemment s’est incorporée à mon rêve.

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OCTOBRE 1981

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Rêves simultanés entremêlés du 3 octobre 1981

Le Prince des étoiles

Arrivé à sa majorité un garçon, moi, se rend compte qu'il est d'ascendance princière. Cela donne une histoire de science-fiction à la van Vogt. Il lutte pour reconquérir le pouvoir...

Je suis au restaurant avec Charly. Je lui dis que je n'ai pas eu l'occasion de voir vraiment la boîte où il travaille Rien de plus facile, me dit-il. La salle du restaurant est en sous-sol et tandis que je discute avec Charly ma mère royale vient télépathiquement à moi.

Dans ma pensée se superpose l'image de ma mère royale (dans l'histoire van vogtienne) et de quelque chose d'autre qui me vouvoie, pour m'expliquer mon ascendance royale. Lorsque j'étais petit, on a entouré la planète d'encre pour éviter que les vaisseaux des étrangers ne viennent et ne me découvrent. On m'a même échangé avec le fils d'un serviteur. Mais ne suis-je pas ce fils puisque j'ai déjoué la ruse ? On m'assure qu'il n'y a pas de problème.

Je suis maintenant doté de pouvoirs télépathiques hors du commun. Je peux faire apparaître un vaisseau fantôme avec ses robots et lui commander. Or ma planète, et ce qui l'entoure, est attaquée. Je me bats. Dans mon char.

Des clowns de mes amis sont là. Certains de mes sujets pensent à en sacrifier un à l'ennemi. A l’aide de mon char, je me déplace dans l'espace entre les planètes à la rencontre de l'ennemi. Mes cheveux sont longs et noirs, je suis à l'image d'un dieu. Je m'aperçois qu'un de mes sujets a pris avec un autre char dans lequel il transporte le clown en costume à carreaux qu'il va sacrifier à l'ennemi. Il croit bien faire et je n'ai pas le temps de m'arrêter pour lui expliquer son erreur. J'amorce un vaste virage, entraînant avec moi des poubelles qui flottent dans l'espace et qui se déversent sur les occupants du char suivant. La saleté est noire. Ils tombent dedans. Le temps qu'ils en sortent...

(faux éveil) Je discute ensuite de ce rêve avec mes parents ou monsieur Bertrand. Il y est question du thème de la lutte pour retrouver le pouvoir. Le pouvoir est tenu pour hors-la-loi. Je ne suis pas d'accord avec cette idée.

Pas de problème quant à mon ascendance sinon ma mère royale n'aurait pas matérialisé sa pensée en moi. C'est donc que je suis vraiment son fils.

Il y a une phrase à prononcer dont une partie est avec majuscule, et qui a un effet magique sur moi, une phrase en rapport avec la méditation.

Il y a là deux rêves distincts mais simultanés. En temps normal ces rêves simultanés passent inaperçus, soit parce qu’on n’en retient qu’un seul, soit parce que, au cours d’une ré-élaboration au réveil, on les situent l’un après l’autre, soit, plus simplement, parce qu’on omet de noter le fait lors de la rédaction et qu’on l’oublie ensuite, comme la plupart des phénomènes qui ne cadrent pas avec l’existence de veille, soit encore qu’on obtienne dans le souvenir un mélange tel qu’on qualifie le rêve d’incohérent. Parfois la double ligne de continuité s’impose au rêveur, à tel point qu’il peut être tenté de noter les deux rêves sur deux colonnes, s’il ne signale pas simplement la simultanéité. Toutefois, cette notation, ou cette indication, s’avère délicate lorsque les deux rêves entretiennent des réseaux de correspondances. Ici les deux rêves se mélangent dans la narration, alors qu’en fait il ont été vécus sur deux plans distincts. Il y ainsi, d’un côté, le rêve du prince qui découvre son ascendance et livre une guerre spatiale, et de l’autre une scène qui se situe dans un restaurant, dans le monde habituel où il est question de " boîte " où l’on travaille, donc sans rapport avec le décor de space-opera de l’autre rêve. L’interférence d’un rêve sur l’autre prend la forme d’une conversation télépathique.

L’un des deux rêves se termine sur un faux éveil dans lequel le thème du rêve est discuté. Cependant, il ne m’est guère possible de préciser de quel rêve ce faux éveil est le prolongement, sans doute en raison du nombre d’années écoulées, même si ce rêve est encore présent dans mon souvenir 18 ans après.

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Rêves de faux éveil et lucide du 5 octobre 1981

Le crachat suivi de Le robot insecte : deux étapes d'un rêve suivi de Où je raconte mon rêve à Papa (faux éveil) - 6h36 -

… une série d'épisodes prend place dans des lieux universitaires, plutôt délabrés. Je m’y trouve avec Isabelle Cavy et nous descendons les escaliers d'une tour de la faculté. Je prends de l'avance et la laisse à l'arrière. Elle doit se demander si je ne l'ai pas oubliée car je ne semble pas me soucier d'elle. En fait j’ai du mal à respirer et ma gorge est prise. Il faut que je crache, sans qu'elle me voie, et dans le même temps je souhaite qu'elle me voie pour comprendre ce qui m'arrive, sans que j'aie donné l'impression de vouloir le lui montrer, mais qu'elle l'ait vue malgré le fait que j'essayais de lui cacher. La descente prend fin. Je me dirige dans une salle où il y a des gens par-ci par-là, des machines, des endroits où il y a un peu de terre.

…Quelqu'un m'avertit que ma tante (ou une dame) a envoyé un os dans un paquet à l'université pour un animal que je possède. En fait je comprends ce qui se passe…

… Un morceau de gâteau (comme celui que Maman a fait aux pruneaux hier, lorsque se trouvaient là Olivier, tante Rita et Oncle Claude).

Dans ce rêve, je suis un être étrange venu consulter une sorte de docteur dans une pièce circulaire et plutôt étroite. J'ai l'impression de venir d'un nid. Le soigneur est une sorte de machine, un robot avec des bras supplémentaires qui sont des bras d'insecte. Il me dit que je suis un …, j'acquiesce et accepte d'être soigné en tant que … mais il ne me laisse pas finir et me dit que pour le même prix je peux être soigné en tant que cousin, et que c'est ce qu'il va faire pour moi.

La seconde étape est en rapport avec l'existence d'un jeune lord allemand ou russe qui se transforme en vampire ou en chose analogue et qui s'est attaqué à Rotschild pour lui prendre son sang. L'homme en question est (peut-être) un invité présent (dans une cage?) mais l'histoire s'étiole comme dans un journal qu'aurait écrit Maurice Limat au Fleuve Noir dans la collection SF. Il semble que les caricaturistes de ce journal du genre Pilote s'en soient pris à cette histoire pour se faire une BD car normalement Maurice Limat n'a pas autant de notoriété.

(J'ai oublié les deux étapes suivantes)

Je me réveille à demi et rêve que je raconte mon rêve à Papa. Tout se passe comme si j'étais dans ma chambre à Saint-Sylvestre et qu'il y avait beaucoup de monde à l'intérieur, y compris maman. Je raconte les dernières étapes de mon rêve dont je me souviens (maintenant je m'en souviens de deux) et Papa me dit que c'est classique. que ça arrive souvent car il y a là-dessous une histoire d'ordinateur, de computeur, en rapport avec Lovecraft que j'ai pris comme un dictionnaire. Je m'efforce de terminer de raconter mon rêve sans laisser la parole à Papa, car ainsi je suis sûr de m'en souvenir. Je me rends compte que, dans le même temps, en m'écoutant, maman risque d'oublier le sien. C'est l'un ou l'autre.

Il m’aurait été difficile ici de donner le récit du rêve de faux éveil qui se situe à la fin de la série des rêves remémorés lors de ce premier réveil sans relater les précédents, même s’ils ne sont pas directement en rapport avec l’étude de la conscience onirique. Ce faux éveil est un faux éveil d’endormissement puisque je m’éveille à demi, puis continue de rêver. Mais ce réveil a été très léger puisqu’en me rendormant, je renoue avec les rêves précédents, un peu comme on émerge hors de l’eau pour y retomber aussitôt.

Ce qui m’a frappé ici, c’est la structure du souvenir. Dans mon journal, ces rêves sont notés dans l’ordre où je m’en souviens, c’est-à-dire dans l’ordre inverse. Cette remémoration commence dans le rêve même, au cours du faux éveil, où je fais le récit du deuxième rêve, sans le mentionner explicitement, ce qui est une maladresse de notation. On pourrait en effet croire que je rêve que je me souviens d’un rêve, mais que le rêve mentionné n’a pas d’existence " réelle ". En fait, il s’agissait bien du rêve précédent (Le Robot Insecte), puisque une fois réveillé et en train de noter ce faux éveil, un autre rêve me revient à l’esprit. Curieusement, ce souvenir du rêve présent au cours du faux éveil a été estompé au réveil (perte des deux dernières parties) alors que je me suis souvenu de passages plus anciens, bien que de façon fragmentaire, comme le montre la notation. Ce problème de la remémoration est d’ailleurs posé dans le faux éveil par l’oubli que fait un des personnages du fait que je raconte mes rêves en premier.

Une évolution de l’intensité de la conscience onirique est visible à travers ces fragments. La première série est tout à fait ordinaire : je suis complètement impliqué dans le rêve, y compris dans mes pensées qui prennent une tournure bizarre sans que cela me fasse douter de la réalité de la situation. La première étape du deuxième rêve est également bizarre, mais dans son contenu : je ne suis pas humain et le médecin qui me soigne ne l’est pas plus, mais là encore rien ne tout cela ne me frappe particulièrement. Dans l’étape suivante, je ne suis plus présent comme personnage, mais la compréhension qu’il s’agit d’une sorte d’histoire se fait jour. Ce passage de l’état d’implication physique à celui de témoin désincarné indique sans doute que je m’achemine vers le réveil. Lors de l’endormissement, pour peu que l’on se s’endorme pas comme une masse en raison de la fatigue accumulée dans la journée, on voit d’abord des images auxquelles on ne participe pas (je laisse de côté la question des images hypnagogiques géométriques) avant d’entrer complètement dans le rêve. Le phénomène inverse se produit au réveil avec les images hypnopompiques. Mais il me semble qu’on en trouve parfois la trace dans le cours des rêves lui-même avec une désimplication progressive du rêveur (à des vitesse variables). Je me demande aujourd’hui si les réveils faisant suite à des rêves dans lesquels je suis totalement impliqué ne sont pas dus dans l’ensemble à un sommeil insuffisant ou, ce qui revient en partie au même, à un réveil contre nature, telle la sonnerie du réveille matin.

Le faux éveil présente également un élément fréquent au cours des rêves lucides où des personnages nient la lucidité du rêveur, s’efforcent de la lui faire perdre ou de faire échouer une expérience qu’il tente de mener à bien sur la nature du rêve. Ici, dans le faux éveil, un personnage manque de noyer ma narration du rêve sous un flot de commentaires qui tendent également à en minimiser l’importance. Cet élément semble indiquer que j’étais assez proche de la lucidité, ce qui paraît confirmé par le fait que j’ai obtenu un rêve lucide plus tard dans la nuit (voir plus loin).

 

" Sois sage " - 7h 36 -

(Je suis allongé sur mon lit et je fais une tentative de rêve lucide :) Je m'efforce de sortir de mon corps. J'ai l'impression d'être retenu par un élastique. J'arrive jusqu'au balcon. Tout est solide, sauf la fenêtre, lorsque je veux la traverser. Je me rappelle qu'il faut regarder son corps. Je jette un coup d'œil derrière moi, dans ma chambre, tout en étant agrippé aux barreaux du balcon, et vois une forme sous des couvertures. Drôle d'effet.

Je continue à me déplacer sur le balcon du côté du palais de Chaillot. A la hauteur de la cuisine il y a un appartement éclairé dans lequel se tiennent des gens qui pourraient être des hommes d'affaires. Mon corps continue de me tirer en arrière....

… je suis assis à une table dans une pièce, petite, et en face de moi se situe une sorte de fenêtre qui donne sur l'extérieur et par où je peux voir. Je vois une grosse femme qui se transforme en pierre en tendant ses mains dans une posture étrange, comme un phoque. Puis passe une fille dans la pièce où je me trouve. Elle me tourne le dos. Elle a des cheveux noirs, raides, elle est plutôt maigre et porte, je crois, un tailleur…

… dans un appartement gigantesque, ou une école, je suis une fille dans une chambre. Il se passe quelque chose de sexuel, mais quoi ? ce n'est pas très net. Je décide de mettre fin à l'excitation…

... lorsque je me retrouve dans mon corps et que j'essaie de sortir, une voix me dit de ne pas faire cela. Je demande, d’une voix inquiète, " Pourquoi, est-ce dangereux ? ". La voix me répond : " Sois sage ".

Dans mon journal seuls le début (§1 et 2) et la fin (§5) du rêve sont considérés comme complètement lucides tandis que les deux épisodes du milieu (" … je suis assis à une table… " et " … dans un appartement gigantesque… ") sont qualifiés de " morceaux de rêves semi-lucides ". Cela signifie deux choses : d’abord qu’il y a des trous dans mon souvenir puisque la continuité n’est pas assurée d’un fragment de rêve à l’autre (à moins qu’il ne s’agisse d’un rêve éclaté) ; ensuite que la qualité de conscience des fragments intermédiaires est moindre que celle du début et de la fin. Dans cette période, je qualifiais de semi-lucide des rêves où je savais que je rêvais, mais en quelque sorte de façon atténuée, par négation : je me savais dans un rêve sans pourtant être en possession de toutes les implications de ce savoir (par la suite ma définition de la semi-lucidité s’est affinée puis modifiée).

Pourquoi seuls le début et la fin du rêve sont-ils tout à fait lucides et non les épisodes du milieu ? Habituellement, lorsque la lucidité onirique se présente, soit elle se maintient, soit elle se perd, soit elle surgit de façon intermittente, mais il est rare qu’elle encadre exactement le début et la fin d’un rêve. Un rêve où la lucidité se perd tend plutôt, chez moi en tout cas, à déboucher d’abord sur un faux éveil avant, éventuellement, de renouer avec la lucidité. Le récit du rêve donne l’explication de cette anomalie (que je ne pus qualifier comme telle que plus tard) : il s’agit là de lucidité d’endormissement et, plus précisément, d’un passage par l’état intermédiaire plutôt que d’une plongée directe dans le rêve. Ainsi la lucidité du début s’appuie en partie sur la conscience de l’état intermédiaire qui elle-même s’appuie sur la conscience de veille. Au moment où je perd complètement le sol de l’état intermédiaire, le rêve devient manifestement moins lucide. Et lorsque je remonte vers l’éveil, je repasse par l’état intermédiaire, et là ma lucidité retrouve son assise. On peut dire d’une telle lucidité qu’elle est " dépendante " puisqu’elle puise son intensité dans la proximité de l’état intermédiaire, au contraire d’une lucidité onirique qui surgit en rêve sans avoir besoin d’autre appui qu’elle même.

Si le contenu du rêve ne suffisait pas à reconnaître ici une descente dans l’état intermédiaire, la méthode utilisée pour obtenir un rêve lucide, nommée ici " tentative de rêve lucide " permettrait à comprendre ce qui s’est passé. Ce que j’appelle ici " tentative de rêve lucide " n’est rien d’autre qu’une certaine " poussée intérieure " qui donne le sentiment de sortir de son corps et dont j’étais familier en raison de rêves antérieurs à ma connaissance du rêve lucide. Le procédé en est extrêmement simple : dès que je commençais à m’endormir, je cherchais à sortir de mon corps, en " tirant " par les pieds ou en roulant de côté. Au besoin, je détendais le corps pour le mettre en condition. L’ensemble du procédé était complètement intuitif et ne suivait aucun cadre précis. Mais on voit ici que cette " méthode " appartient plus à l’exploration de l’état intermédiaire qu’à un travail sur la conscience proprement dite. Ce n’est donc pas une méthode d’induction " directe " du rêve lucide, même si elle débouche sur des expériences de lucidité. Une véritable méthode d’induction se travaille en effet sur le plan de la conscience en utilisant, éventuellement, l’imagination comme support. Ici rien de tel, le sentiment de réalité persiste d’un bout à l’autre de la tentative de " sortie ".

Après avoir mis au point de nombreuses méthodes pour aider différents types de rêveurs à devenir lucide, je reste moi-même un peu étonné de la simplicité de celle-là. Il est vrai qu’elle demande une certaine facilité à s’observer soi-même à l’endormissement pour ne pas manquer le bon moment, celui où la " sortie " est possible. A son tour, cette observation de soi-même suppose que l’on ne se couche pas trop fatigué ou même que l’on ait le loisir de se rendormir après avoir passé une nuit de sommeil complète. Cela suppose de vivre à son propre rythme, c’est-à-dire de ne pas avoir d’horaires imposés, ni de charge de travail abrutissante. C’est sans doute la raison pour laquelle elle me réussissait quand j’étais étudiant.

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Faux éveil du 6 octobre 1981

Le chien sans estomac suivi de Le rêve de Maman : Pierrot assassiné (faux éveil) - 8h40 -

… Un chien, qui s'appelle Baterio quelque chose (nom oublié) et qui resemble à deux autres chiens que je connais, Bakhti et Youki, est sur le point de mourir car on l'a opéré de l'estomac. Je me trouve dans un bus avec des amis (peut-être Charly) et nous nous sommes débrouillés pour nous enfuir à cinq dans ce véhicule. J'ai vu passer le chien tenant un énorme gigot et j'ai aimé la façon dont il s’y prenait, puis le mangeait. Mais un peu plus tard, alors qu’il se trouve dans une maison, il tombe malade. Je le caresse et met du sang partout. Un autre n'a pu en faire autant car le chien ne l'aime pas. C'est un chien parlant. Je ne m'en étais pas vraiment rendu compte jusqu'à présent. De même que j'avais oublié - mais je l'avais su d'une façon ou d'une autre - qu'on l'avait opéré de l'estomac. Il dit qu'il a fait une bêtise en mangeant ce gigot, que maintenant il ne peut plus le digérer et que c'est pour cela qu'il va mourir car il ne peut plus le faire sortir. Je pense que le gigot va pourrir à l'intérieur de son corps. Je voudrais bien discuter avec le chien, mais quand quelqu'un va mourir il n'y a rien à dire. Le chien sort dans la rue et va rejoindre un écureuil presque aussi grand que lui, doté d’une queue magnifique. Ils discutent entre animaux.

… Dans mon rêve, je me réveille, mais je n'arrive pas à me souvenir de mon rêve. Maman raconte le sien. Il s'agit des deux enfants de Pierrot. Ils ont fait cuire leur père à la place du pain mais, au milieu de la cuisson, le cadavre, qui était dans une boîte typiquement sénégalaise, s'est relevé. Elle ajoute qu'elle a rêvé deux fois et qu'il faillait absolument qu'elle raconte ce rêve à Papa (ou à Gandhi) et que c'est pour ça que le rêve s'est répété.

On pourrait penser que ce rêve est un faux éveil de type 2 dans lequel le rêveur, tout en croyant se réveiller, poursuit un autre rêve, différent du précédent. C’est en effet ce qui semble se produire puisque non seulement je ne retrouve pas mon rêve, mais je dois écouter celui d’un autre personnage. Cependant ces éléments mêmes en font, en réalité, un faux éveil " de type 1 ", puisque je me tourne vers le passé onirique immédiat pour retrouver le rêve qui vient d’être fait. Mon insuccès n’est que partiel, en ce sens que ce que je parviens pas à faire en tant que rêveur rêvé, un des personnages de mon rêve l’accomplit pour moi. C’est bien du passé onirique dont il est question dans le rêve, même s’il s’agit d’un passé onirique par personnage onirique interposé. Le rêve ne repart donc pas sur un nouvel épisode, il est comme " suspendu " par un récit qui met l’action au passé. A partir du moment où je me crois réveillé, ce réveil, ainsi que le souvenir onirique à retrouver, reste le thème principal du rêve.

La structure du souvenir est ici intéressante car je n’ai pas réussi à retrouver le premier rêve (Le chien sans estomac) immédiatement au réveil. Dans mon journal, le faux éveil (Le rêve de Maman : Pierrot assassiné) a été noté en premier et le rêve précédent n’a été remémoré, et noté, qu’ensuite. Il devrait être plus facile de retrouver un rêve précédent alors que l’on rêve encore, du fait de la parenté du type de conscience d’un rêve à l’autre. Mais pratiquement il semble que j’ai été " gêné " dans ma remémoration par le récit, rapporté par un autre personnage, de son propre rêve.

Comme le remarqueront d’autres rêveurs par la suite (notamment Flo), les personnages oniriques ont tendance à " copier " les attitudes du rêveur rêvant, c’est-à-dire du " sujet onirique ". Parfois ces " copieurs " sont simplement d’anciens " je " oniriques par lesquels nous sommes déjà " passés " et que nous n’endossons pas dans le rêve en cours. Il gardent alors " en mémoire " les développements conscientiels qui ont été les nôtres dans les rêves précédents. Parfois, il semble se produire une sorte de contagion télépathique du sujet onirique aux autres personnages du rêve. Ce genre de distinction se révèle toutefois peu éclairant à ce point de mon journal de rêve qui n’en est qu’à ses débuts. Le personnage de " Maman " ne semble pas, a priori, être un ancien " je " onirique, si l’on en croit la distribution des rôles. Mais l’on ne peut s’y fier, car cette distribution n’implique pas une forme fixe. Le seul fait que les personnages oniriques se transforment, ou se présentent à nous comme un mélange de plusieurs personnes, devrait nous prémunir contre ce genre d’illusion. On verra plus loin (dans Une mer de boue blanche) comment le sujet onirique s’est découvert être deux personnages, au moment où il est devenu lucide, alors qu’il ne s’en doutait pas.

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Rêve de vol du 10 octobre 1981

Cabrioles surnaturelles

Tentative de rêve lucide.

Je vois de nouveaux catalogues que Maman a apportés. J'en ouvre un, tombe sur une illustration (montrant un homme posant pour une marque de vêtement quelconque), puis me rend compte qu'il y a déjà un autre catalogue d'ouvert sur la table. Je regarde les illustrations […]. Je suis alors dans mon lit et soulève les bras puis les jambes par lévitation. Je tente de faire faire des cabrioles à mon corps par le seul effort de ma volonté. Mais tout ne réussit pas, par exemple le saut périlleux, ou alors je n'arrive pas à m'élever entièrement en l'air.

(Quand je me retourne dans mon lit, je me réveille à demi et constate que je n'ai pas bougé d'un pouce.)

J’ai noté dans mon journal de rêve qu’il s’agissait d’un rêve associé. J’y tente en effet de faire léviter mon corps, ou des parties du corps, par un simple effort de volonté. Il ne s’agit pas de vol onirique au sens strict, mais l’idée de vol peut être élargie pour inclure tous les types de déplacements similaires : la lévitation, le fait de flotter, les déplacements à grande vitesse, etc.

Ce rêve associé a sans doute été provoqué par la " tentative de rêve lucide " indiquée au début du récit. Je regrette aujourd’hui que ces " tentatives " ne soient pas décrites avec plus de précision mais simplement mentionnées. Il n’est pas sûr, toutefois, qu’il y ait eu grand chose à décrire. J’ai dû essayer, comme à l’accoutumée, de sortir de mon corps alors que j’étais réveillé ou à demi réveillé. Je dis " à demi " car il m’est difficile de déterminer la qualité de mon réveil dans la mesure où ce rêve particulier prend place dans une série de dix rêves obtenus au cours de la même nuit, dont certains particulièrement longs. Il apparaît cependant encadré par un endormissement et un réveil. La tentative de " sortie " peut provoquer chez moi deux phénomènes : soit des rêves de vol ou assimilés, dans la mesure où ces rêves sont un prolongement onirique logique de la sortie hors du corps, soit un passage dans l’état intermédiaire. Les deux situations se trouvent d’ailleurs le plus souvent coexister. Il semble que cette méthode ne soit pas réellement adéquate pour devenir lucide en rêve et, de fait, elle ne m’apporte pas ici la lucidité. Son intérêt est de permettre au rêveur d’atteindre l’état intermédiaire sans trop perdre la conscience de son état, puis, à partir de là, d’entrer dans le rêve en suscitant la lucidité onirique. Plus exactement, la conscience " intermédiaire " cède alors la place à la lucidité onirique. Tout dépend donc de la qualité de la conscience intermédiaire.

Dans le cas présent, il est clair que je passe, à un moment donné, du rêve à l’état intermédiaire, puisque la scène où je jette un coup d’œil à des catalogues est remplacée par une scène où je me sens dans mon corps, allongé dans le lit, situation typique de l’état intermédiaire. Le fait même de se sentir dans un corps plus léger et capable de défier la pesanteur est également typique de cet état. Toutefois, comme on le constate ici, je ne suis pas d’emblée conscient de la nature onirique, ou plus exactement " oniroïde ", de la situation, et le rêve de vol subséquent peut être, en raison de son contenu, qualifié d’ " associé ", mais non de " lucide ". C’est cette constatation concernant un état intermédiaire non " lucide " qui m’a d’abord fait douter de la qualité du réveil qui a précédé la " tentative de rêve lucide ". Cette dénomination prête en réalité à confusion, et mieux vaudrait la qualifier de " tentative d’entrée dans l’état intermédiaire ". De ce point de vue, cette " technique " (qui n’en est pas vraiment une dans la mesure où elle est spontanée), se révèle tout à fait efficace. Mais il faut alors chercher ailleurs l’origine de la lucidité proprement dite, quand elle se présente.

En effet, si la lucidité ne peut être attribuée à la " tentative de sortie ", qui débouche plutôt sur des rêves que le rêveur confond le plus souvent avec des expériences hors du corps, d’où vient-elle dans mon cas ? L’hypothèse la plus simple serait que la lecture du livre de Garfield a orienté mon attention sur l’idée de rêve lucide, me permettant de ne pas me fourvoyer lors de mon entrée dans l’état intermédiaire. Toutefois des rêves comme celui-ci montrent que cette explication, probablement en partie valable, ne suffit pas à elle seule à expliquer mes " sorties lucides ". En recherchant dans les notes prises à cette époque, j’ai retrouvé dans un carnet des remarques sur la conscience, fin septembre 1981, en rapport avec un livre d’Ouspensky intitulé Fragment d’un enseignement inconnu que je venais de lire. L’histoire de cette lecture est liée elle-même à mon intérêt pour les rêves lucides. Un autre ouvrage d’Ouspensky est en effet cité par Garfield dans Creative Dreaming. Or, tout à fait par hasard, je suis passé devant la devanture d’une librairie où Fragments… était en vente. Je l’ai immédiatement acheté, lu, et j’ai aussitôt cherché à mieux cerner la nature de ma conscience. Cette tentative était bien sûr en partie intellectuelle, mais elle visait aussi une certaine " pratique " comme le montre une entrée de mon carnet :

" 24/9/81 : La conscience est un fil émergeant de l’intérieur de l’homme. Selon Ouspensky, le rappel de soi est favorisé par la bilocation ou division de la conscience : sujet <–> objet. En fait il y a une autre possibilité [dessin montrant la conscience émergeant comme un fil de l’esprit humain dont les fondements ne sont pas accessibles]. Si je fais un effort pour regarder un objet, le fil s’allonge en se rétrécissant. Si cet effort est trop grand, la conscience en [dessin d’un cercle] est de plus en plus faible et je peux tomber dans le sommeil ou dans l’hypnose. Maintenant, si je concentre mon attention sur un objet, tout en me concentrant sur moi qui fait attention, je donne une secousse au fil qui surgit des profondeurs de mon Moi et j’élargis ainsi ma conscience. Plus le choc est rude, plus la conscience s’élargit. Ce qui correspond à ce que dit Gurdjieff du " réveil " par le choc ou le travail. "

Ce type de remarque me rappelle aujourd’hui que j’observais à l’époque ma conscience et que, sans pratiquer nécessairement le " rappel de soi ", du moins pas sous la forme indiquée par Ouspensky, j’essayais bel et bien de " sentir " ma conscience en tant que telle, de la saisir en exercice. Je me souviens toutefois que je ne pratiquais pas cette auto-observation de façon continue, mais dans les " trous " de la préparation à l’agrégation, soit quelques minutes par jour, donc de temps en temps, entre de longues périodes où j’étais entièrement absorbé par un travail intellectuel particulièrement opposé, par nature, à la conscience de soi. Quoi qu’il en soit, cette observation de la conscience jouait sûrement un rôle dans le développement de ma lucidité onirique (je précise " développement " car mes rêves lucides avaient commencé bien avant et s’étaient accrus en nombre à partir de ma lecture de Garfield, soit un mois avant que je lise l’ouvrage d’Ouspensky et que je commence à observer ma conscience), mais je ne m’en rendais pas suffisamment compte à l’époque pour en noter la progression de façon systématique. D’une certaine façon, tout cela me semblait, somme toute, plutôt naturel.

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Rêve du 11 octobre 1981

Ma chambre à Dakar

Me voici de nouveau à Dakar. Maman a arrangé une chambre pour moi. Ce n'est pas mal, mais je trouve qu'il y a trop de meubles et que c'est étroit. Heureusement je peux passer dans la pièce d'à côté qui est une annexe à ma chambre. Car il faut de la place. C'est ce qu'ont fait les parents d'Olivier pour leur fils.

J'en profite pour revoir les coins spéciaux, comme celui près de la corniche où j'avais vu (dans un autre rêve) une école au fond d'une allée dans une sorte de parc où j'aurais fait des études quand j'étais petit.

On pourrait être tenté de classer ce rêve parmi les rêves associés car il fait référence à un autre rêve dont je me souviens au cours du rêve. Ce récit illustre toutefois une difficulté de notation. Cet " autre " rêve est-il reconnu comme rêve dans le rêve ou au réveil ? Dans le premier cas, nous avons bien affaire à un rêve associé où est thématisé le rêve, tandis que dans le deuxième, il s’avère simplement que les rêves, à leur niveau, se connectent entre eux (le rêve en cours avec les rêves passés), de la même façon que, à l’état de veille, notre vie courante se connecte à nos souvenirs. Je pencherais plutôt pour la seconde hypothèse dans le cas présent. Il ne s’agit donc pas d’un rêve associé, mais genre de difficulté est toutefois instructif du point de vue de la méthode car il permet, si l’on est attentif, de constituer petit à petit une liste des situations auxquelles il faut apporter une attention particulière afin d’en donner une description adéquate. En effet, l’étude de la qualité de conscience du rêveur, lucide ou non, ne peut progresser que par une notation de plus en plus précise et des descriptions de plus en plus fines des situations oniriques.

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Rêves d’endormissement du18 octobre 1981

Accroché au plafond - 8h45 -

… Je suis un stylo qui monte jusque dans la lumière.

… Je me suis accroché au plafond pour voir le ciel vert sombre, ciel qui auparavant était noir. Celui qui peut voir en haut peut également voir en bas. Une voix dit : " Nous l'attendons au soleil levant ".

(… plus tard…) Je regarde une pile d'affiches. Il est question de quelqu’un nommé " Yvette "… Une voix dit : " Balance le lui avant que… "

De par leur contenu, ces fragments oniriques relèvent du rêve associé. Dans le premier, j’ai l’impression d’être dans ma chambre, de m’élever de mon lit et, au fur et à mesure que je progresse, je me découvre comme un stylo qui s’élève vers le haut, jusqu’à une zone de lumière. Ces précisions n’ont pas été notées dans mon journal, car ces rêves ont été pris en style télégraphique, mais je m’en souviens nettement encore aujourd’hui. Cette expérience semble bien démarrer dans l’état intermédiaire pour plonger (ou plutôt s’envoler) dans un rêve de nature symbolique. Le rêve s’est toutefois effacé au profit d’un retour à l’état intermédiaire mélangé de rêve. En effet, si le fait d’être " accroché " au plafond et d’observer un ciel vert sombre relève bien du rêve, la sensation d’observer le monde, et notamment sa propre chambre, depuis le plafond, est également typique de l’état intermédiaire. Les voix qui parlent de façon nette sans qu’aucun interlocuteur n’apparaisse sont également présentes, pour moi, dans l’état intermédiaire (voir le rêve Sois sage). Quant au dernier fragment, il se rapproche plus du rêve, mais il présente une tonalité, une structure et un contenu qui l’apparentent aux précédents.

Ces fragments confirment deux points déjà aperçus : l’état intermédiaire ne s’accompagne pas toujours d’une conscience claire de sa nature et s’il ne débouche pas sur un rêve complet, il peut être " mêlé " à des éléments oniriques, ce qui le rend difficile à déceler pour qui n’en a pas une expérience régulière.

Dans mon journal, j’ai qualifié des fragments de " dreamlet ", c’est-à-dire de petits rêves d’endormissement. Cette dénomination est probablement empruntée à Ann Faraday qui désigne par là les petites histoires, d’une nature assez particulière, dont nous émergeons parfois alors que nous commençons à nous endormir. Toutefois, ces fragments ne ressemblent pas aux récits proposés par Faraday qui sont réellement des petites scènes oniriques intenses et brèves, et qui sont un peu aux rêves ce que la nouvelle est au roman. A tout le moins, cette dénomination confirme qu’il s’agissait là d’éléments oniriques obtenus à l’endormissement. Cette précision s’explique d’ailleurs par le nombre des rêves notés cette nuit-là. Dans la mesure où certains sont longs et très complets, les notations fragmentaires telles que celles données plus haut peuvent paraître " déplacées ". Elles s’expliquent en fait par leur " place " dans la nuit du sommeil, au cours d’un réendormissement. A 8h14 j’ai noté une série quatre rêves relativement longs. Au réveil suivant, à 8h45, celui qui nous concerne ici, je me souvenais sans doute d’autant mieux des rêves d’endormissement que la période suivante de sommeil avait été relativement courte (moins d’une demi-heure). Le troisième réveil a ensuite lieu à 11h45 et donne lieu à la notation de cinq récits de tailles diverses. Cette fois la période de sommeil a été plus longue et aucun de ces récits ne se situe à l’endormissement. Il semble bien qu’en règle générale les rêves d’endormissement soient systématiquement oubliés lorsque je vais jusqu’au bout d’un cycle de sommeil, même s’ils sont lucides.

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Rêve lucide du 23 octobre 1981

Tentative de sortie hors du corps

… tentative de sortie hors du corps. J'essaie de rêver que je sors de mon corps mais j'ai peur de me réveiller. Aussi, je reste dans le rêve, dans lequel je vois, dans la rue, des gens vêtus d’habits colorés …

(note: j'aurais dû faire un rêve lucide plutôt que de sortir de mon corps, ou de vouloir en sortir. Mais chaque fois que je dors, pour moi les deux états sont intrinsèquement liés).

Voilà un récit qui pose des problèmes d’identification en raison des croyances implicites du rêveur, bref de ma vision onirique du monde telle que je ne la connaissais pas moi-même à l’époque. A première vue le rêve paraît lucide, la preuve en est que je cherche à développer ce rêve dans une nouvelle direction, celle de la sortie hors du corps. Par ailleurs, si je crains de me réveiller, c’est que je sais être en train de dormir. Pourquoi, dans ce cas, la note précise-t-elle : " j’aurais dû faire un rêve lucide " ?

Les points de suspension au début du récit indiquent que je suis déjà dans un rêve, que ce dernier est pris en cours. La formule " tentative de sortie hors du corps " diffère de celle que j’utilise habituellement pour l’endormissement (" tentative de rêve lucide ") et qui indique en fait une tentative de sortie hors du corps à l’endormissement. De plus ce rêve est le huitième et dernier de la nuit à être noté dans mon journal, ce qui augmente ses chances d’appartenir à la période paradoxale qui est plus longue en fin de nuit et au cours de laquelle les rêves sont plus " présents " pour le dormeur. Il s’agit donc bien d’une tentative de sortie hors du corps au cours d’un rêve plus ou moins lucide.

Ce rêve montre toutefois que je ne m’apprêtais pas à transformer mon rêve en cours en " rêve " de sortie, mais que je croyais pouvoir " sortir " du rêve et de mon corps pour me projeter " réellement " à l’extérieur. Ce genre d’expérience est assez révélateur des différences de croyances, ou de conceptions de la réalité, que l’on peut avoir en rêve lucide et à l’état de veille. A l’état de veille, je me rends compte que tout cela relève du rêve et je crois comprendre qu’en voulant me donner l’illusion de quitter mon corps, j’ai gâché un rêve qui aurait autrement gagné en netteté conscientielle et peut-être en durée. Mais au cours du rêve lucide, l’idée que je pouvais réellement sortir du rêve et de mon corps m’a semblé tout à fait licite. Or, elle ne l’était pas, non pas en soi, mais dans le cadre du rêve en cours.

Ce rêve me révélait donc, comme déjà d’autres avant lui, à quel point lucidité et sortie hors du corps sont liées dans mon esprit onirique. Dans la mesure où chercher à sortir de mon corps était synonyme pour moi, à l’époque, d’accroissement de la lucidité, il est possible qu’un automatisme de " sortie onirique " se soit mis en place. La qualité de la conscience n’étant pas représentable, j’avais sans doute trouvé ce moyen, toujours à l’état onirique, à la fois pour intensifier ma conscience et me donner la représentation de cette intensification. En ce sens, je commence par " croire " que je vais " réellement " sortir, mais une fois la sortie effectuée, je me rends compte que je suis dans un rêve, et, si tel était déjà le cas, ma conscience de rêver s’intensifie dans le rêve suivant. Mais cela laisse subsister une zone, temporaire, de croyance à la sortie, et, considérée depuis l’état d’éveil, cette corrélation sortie-lucidité paraît plus embrouiller le récit que l’éclairer.

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Rêves lucides du 24 octobre 1981

Voir Pascale suivi de Je tourne sur moi-même suivi de La maison est gigantesque suivi de Je vois Tata

Deux tentatives de rêve lucide.

Je me trouve dans un couloir près d'une porte qui semble être la porte du lycée Condorcet. Je me projette à l'extérieur et pense que je pourrais en profiter pour aller voir une camarade d’hypokhâgne, Pascale Régis, qui n'a pas téléphoné. Je vais jusque chez elle, mais, en fait, elle a déménagé et j'ignore sa nouvelle adresse. Je parviens pourtant jusqu’à chez elle. Il y a ses parents dans le salon avec des amis à eux. Je sais qu'ils ne peuvent pas me voir mais je fais tomber des bouquins. Comme ça, ce sera la marque de mon passage. Je pourrais vérifier cela une fois que je serai de retour dans la réalité.

Je tourne sur moi-même à toute vitesse pour provoquer le rêve lucide.

Broquet (camarade de khâgne puis d’Ulm) est dans les environs. Je me trouve dans ma chambre et, alentour, la maison est gigantesque et tient peut-être de la cathédrale.

A la maison, je crois que je suis devenu fou car je ne fais plus de différence entre le réel et le non réel. Maman est là. Je me trouve dans une cuisine et vois Tata (mon grand père maternel décédé) sortir d'une chambre en face (qui n’existe pas dans la réalité). Je m’habille, c’est-à-dire que j’enfile mon slip et mon pantalon de pyjama, pour aller le voir.

Les rêves obtenus au cours de cette nuit ne sont pas tout à fait de même nature. Les premiers mots indiquent qu’il y a eu une intention délibérée d’être lucide en rêve et probablement une tentative d’induction, ou plus exactement deux, par le biais de la " sortie hors du corps ". Ce qu’il faut constater, c’est que ces " tentatives de rêve lucide " ne donnent pas de résultat immédiat, c’est-à-dire ne provoquent pas le surgissement de la lucidité à l’endormissement, mais la font émerger au cours des rêves subséquents.

Dans le premier rêve, ce n’est qu’après m’être " projeté " au-delà de la porte du lycée (où j’étais en classe prépa) que je deviens lucide. Cette situation ressemble fort à la transposition, en rêve, de la tentative d’induction par sortie hors du corps à partir de l’endormissement. Il semble donc que la tentative d’induction ait induit, non pas la lucidité, mais un rêve d’induction équivalent. Toutefois, et sans doute pour cette raison, le rêve obtenu n’est pas pleinement lucide. Je me rends bien compte que je rêve, mais je persiste à penser que ce que je fais (déplacer des livres) a une incidence que je pourrai vérifier une fois " de retour dans la réalité ". En ce sens il s’agit d’un rêve que je qualifierais aujourd’hui de " demi-lucide " : je suis conscient que je rêve, mais pas que le monde qui m’entoure fait également partie d’un rêve.

Dans le rêve suivant où " je tourne sur moi-même à toute vitesse ", la même situation conscientielle se reproduit : je cherche à provoquer le rêve lucide à partir d’un état qui appartient déjà au sommeil sans que je m’en rende compte. Toutefois, le point de départ est peut-être ici plus proche de l’endormissement dans la mesure où ce tournoiement rapide indique, pour moi, que je me trouve dans l’état intermédiaire. Cela ne signifie pas que j’ai commencé à tourner dans l’état intermédiaire. Mais le fait de tourner sur moi-même, que ce soit à partir de l’endormissement ou au cours d’un rêve, tend à me ramener dans l’état intermédiaire. Si j’en crois mon journal, cette tentative intra-onirique n’a pas été suivie d’effet. Mais, en elle-même, elle indique une conscience, toute relative, de la situation. A l’origine, ce récit comportait une note entre parenthèses indiquant mon étonnement : " je mélange encore sortie hors du corps et rêve lucide, sans doute parce que Rajneesh dit que le corps éthérique voyage pendant le rêve ". J’avais en effet lu un ouvrage intitulé, si mes souvenirs sont exacts, La méditation dynamique, où l’auteur décrit l’homme comme composé de sept corps et explique, un peu rapidement, le rêve par le " voyage " de l’un d’eux, le corps éthérique, et j’attribuais généreusement ma confusion onirique à une influence souterraine de cette lecture. En effet, d’un point de vue conscient, je souhaitais me débarrasser de cette corrélation " sortie-lucidité " pour rendre les choses conceptuellement plus claires. Je ne saisissais pas l’importance, d’un point de vue onirique, d’une représentation précise associée à la lucidité.

Dans le rêve suivant, la qualité de la conscience continue de se dégrader. Je ne me rends plus compte que je rêve, ni même que je peux m’apprêter à entrer consciemment dans un rêve, mais je me retrouve dans ma chambre. Si, comme le suppose mon journal, il s’agit là d’un faux éveil, alors ce passage fait probablement immédiatement suite au précédent : ma tentative d’entrer dans un rêve lucide à partir du tournoiement s’est soldée par une perte complète du peu de conscience de mon état qui me restait encore. Le rêve essaie malgré tout d’attirer mon attention sur son aspect onirique (maison gigantesque) mais sans succès.

Dans le passage suivant, la situation semble encore pire puisque j’ai le sentiment de ne plus distinguer le rêve et la réalité. Je me crois devenu fou dans le rêve, et c’est certes là un sentiment onirique très désagréable. Mais, on peut le constater après coup, ce sentiment indique aussi que je mets à nouveau en relation, ou en regard, les deux états, la veille et le rêve, même si mon appréhension de leur rapport entre eux et d’eux à ma situation présente reste incomplète. Ce sentiment ne doit pas être très loin de la lucidité car, dans le rêve, si je me précipite pour voir mon grand-père maternel, c’est précisément parce que je sais qu’il est décédé (depuis 1971) et que la situation est, à ce moment, exceptionnelle.

En fin de compte, cette série de rêves est traversée par une qualité de conscience fluctuante, lucide ou proche de la lucidité, dont il faut sans doute trouver le point de départ dans les " deux tentatives de rêve lucide " qui en ont également influencé le contenu (projection, tournoiement…). 

Ces tentatives indiquent par ailleurs que ces rêves se sont produits en fin de nuit, car si elles n’avaient pas pris place entre un réveil et un réendormissement mais s’étaient situé en début de nuit, je n’en aurais probablement pas gardé le souvenir (sauf, bien sûr, si je m’étais réveillé juste après ou à la fin du premier cycle de sommeil pour les noter).

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