TREMBLER EN ESPRIT
Une méthode d'induction du rêve lucide


Induire le rêve lucide suppose de se mettre "en contact" avec lui dès la vie de veille. L'une des méthodes les plus simples pour cela consiste à choisir un élément récurrent de ses propres rêves lucides et de se le redonner à l'état de veille. Supposez, en effet, qu'il vous arrive de rêver que vous vous réveillez, que l'atmosphère de votre chambre a quelque chose de bizarre et, pour cette raison, de vous rendre compte que vous n'avez pas quitté le domaine du songe. Si vous prenez l'habitude de suspecter la réalité de votre environnement de veille à chaque réveil "réel", vous verrez ces rêves de faux-éveil se produire plus fréquemment durant votre sommeil, entraînant à leur tour la lucidité. La méthode que nous proposons ici repose sur ce principe. Elle part d'une constatation obtenue par l'étude de nombreux journaux de rêves au cours de ces quinze dernières années : un fort sentiment vibratoire en rêve s'accompagne généralement de la conscience de rêver(1) . Cette constatation s'est trouvée confirmée ensuite par la découverte de méthodes qui s'efforçaient de produire "l'éveil dans le sommeil" à l'aide de contractions du corps mais qui, pour leur part, s'appuyaient sur des pratiques appartenant au yoga(2) et non sur des constatations empiriques. Le choix de ce critère présente un avantage évident puisqu'il permet l'accès au rêve lucide même à celui qui n'en a jamais fait l'expérience.
La technique ci-après est à la fois simple et répétitive. Il s'agit de prendre l'habitude des contractions qui en elles-mêmes ne sont pas difficiles à réaliser et prennent peu de temps au point de vue de l'effort physique (environ cinq minutes pour les contractions physiques et mentales). Les résultats demandent cependant que cet effort soit soutenu quotidiennement pendant plusieurs mois dont le nombre varie selon les sujets. Passé ce délai, l'effet sur le subconscient est tel qu'il suffit de pratiquer l'exercice juste le jour où l'on souhaite obtenir un rêve lucide.

I. L'INDUCTION DU REVE LUCIDE PAR LE TREMBLEMENT MENTAL

A. La vibration onirique

Le sentiment de vibration du "corps" en rêve est bien connu de nombre de rêveurs lucides. Tout comme le sentiment de voler et celui de sortir de son corps, il peut aider le rêveur à se rendre compte qu'il rêve, et contrairement à eux il n'est pas impossible à simuler à l'état d'éveil en dehors du travail de l'imagination. Nous allons donc travailler simultanément sur les deux plans (imaginatif et physique) pour induire un tremblement onirique.
Du point de vue physique le principe est simple : il s'agit de contracter les muscles du corps tout en restant immobile, c'est-à-dire sans déplacer l'axe des membres, de telle sorte que le point d'application de la force soit retourné vers l'intérieur du corps. On peut en effet considérer que lorsqu'on déplace un membre au cours de sa contraction, l'énergie se dissipe dans le mouvement, et c'est ce que nous cherchons à éviter. Donc bien noter que ce qui est proposé ici s'écarte des "relaxations dynamiques" qui demandent parfois de contracter les membres jusqu'à ce qu'ils "décollent". La contraction devra atteindre son maximum, c'est-à-dire un léger tremblement, et se relâcher aussitôt. Mais attention, il n'est pas nécessaire de forcer pour atteindre ce tremblement : ce n'est pas l'effort musculaire lui-même qui importe mais la mise en tension simultanée de deux groupes de muscles différents : les agonistes et les antagonistes.
Comme vous l'avez deviné, ce tremblement physique tend à rappeler le tremblement purement onirique qui survient dans certains types de rêves lucides (ou en train de devenir lucides). Mais étant donné que vous allez le pratiquer à l'état d'éveil, il convient de suivre quelques règles pour les réaliser.
1° Au coucher s'allonger sur le dos, bien à plat, sans oreiller, la nuque étirée. Commencer par le bas du corps et remonter progressivement jusqu'à la tête. En effet lorsque l'on glisse progressivement dans le sommeil, on commence souvent par perdre le sentiment du bas du corps en premier en remontant petit à petit jusqu'à la région des yeux. Si vous n'avez jamais eu l'occasion de constater ce phénomène, profitez d'un week-end pour vous coucher deux heures plus tôt afin d'observer votre endormissement.
2° Faire le cycle suivant : membre inférieur droit - membre inférieur gauche - membre supérieur droit - membre supérieur gauche - tronc - cou - tête - ensemble du corps. Ce cycle est indicatif, vous pouvez détailler plus vos contractions ou au contraire les regrouper (les deux jambes ensemble, par exemple) mais respectez la direction du bas vers le haut.
3° Choisir un type de cycle et s'y tenir car lors de l'endormissement il ne sera parfois pas possible de réfléchir à une nouvelle combinaison sans provoquer la sortie hors du sommeil. Il faut donc acquérir une sorte d'automatisme. Cela est particulièrement important pour le tremblement mental qui est la prolongation de l'exercice physique.
4° Ne pas dépasser 8 secondes de contractions physiques avant la détente car au bout de ce laps de temps environ, le groupe de muscles contractés ne contient plus suffisamment d'oxygène, ce qui peut entraîner un épuisement physique.
Les contractions mentales et les contractions physiques doivent être simultanées, mais au début cela est quelque peu complexe et il vaut mieux commencer par les faire séparément. Après avoir fait trembler un muscle, vous sentez la détente qui l'envahit, puis vous recontractez ce muscle en imagination seulement de la même façon. Il s'agit de développer l'imagination cénesthésique en répétant mentalement le tremblement physique qui est au rythme de l'électromyogramme, c'est-à-dire au sixième de seconde. Une fois que l'imagination cénesthésique s'est développée sur ce point, on peut passer à l'étape suivante et opérer les deux types de contractions simultanément mais en différents endroits du corps : si par exemple on contracte physiquement le bras droit, on contracte en même temps mentalement le bras gauche. La contraction globale pose un problème dans la mesure où lors de la contraction physique l'ensemble du corps est déjà "pris". Il suffit alors d'imaginer une contraction là où il n'y a pas de muscle, dans le cerveau, ou bien encore d'imaginer que le "corps onirique" se contracte ailleurs, dans un autre lieu, ce qui a l'avantage d'ajouter le sentiment de sortie hors du corps à celui du tremblement.
Venons-en maintenant à la durée de l'exercice. Au coucher on peut répeter le cycle de contractions physiques et mentales environ cinq fois puis on continue uniquement mentalement en alternant avec l'observation de la respiration (voir plus bas) jusqu'à ce que l'on s'endorme. Si on le désire, on peut se tourner pour prendre sa position habituelle d'endormissement, car les contractions mentales peuvent se poursuivre dans une autre position. La durée du tremblement mental dépend de chacun, l'important étant la régularité du rythme et l'adoption d'une fréquence une fois pour toute, afin de créer un automatisme. A titre d'exemple voici un rythme mental généralement adopté : 2 secondes de tremblement mental - 2 secondes de détente mentale - 2 secondes de repos.

B. L'attention portée à la respiration

Il s'agit d'un exercice complémentaire de celui du tremblement en imagination. On peut en effet rêver qu'on ressent une vibration dans tout le corps sans pour autant se rendre compte qu'on rêve : la situation est donc la même que pour le rêve de vol ou de sortie hors du corps. Il faut donc adjoindre à cet exercice un certain degré de prise de conscience. Ainsi d'un côté nous aurons l'élément onirique lui-même, de l'autre la conscience apportée à cet élément. Il est cependant difficile d'être pleinement attentif lorsqu'on est en même temps acteur : en d'autres termes, il est difficile de s'observer faire le tremblement mental tout en le faisant. Pour prendre un exemple plus parlant, essayez de vous observer en train de lire ce texte. Dans la plupart des cas, si vous n'avez pas un certain entraînement, soit vous perdrez le fil de votre lecture, soit vous perdrez l'observation de vous-même. Pour donner au tremblement mental le degré d'attention voulu il faut procéder autrement.
La solution consiste à faire les deux exercices en alternance : un cyle de tremblement mental - un cycle d'observation attentive. Reste à préciser ce qui est à observer. Le plus simple est évidemment la respiration car elle est continue et présente une certaine rythmicité. L'observation des battements du c¦ur est possible aussi mais elle est, pour certains, plus difficile à réaliser.
Ceci dit en quoi consiste cette observation ? Simplement à être attentif à sa respiration. Ce n'est pas aussi simple qu'il y paraît car des pensées parasites n'ayant pas ou peu de rapport avec cette observation se présentent généralement à l'esprit. Dans ce cas, dès qu'on en prend conscience, il faut reporter son attention sur la respiration. Cet exercice est difficile au début mais sa maîtrise vient avec la pratique. Un cycle de tremblements en imagination durant environ 48 secondes (si vous avez adopté le rythme proposé), il conviendra de consacrer un temps à peu près équivalent à la respiration consciente avant de reprendre un nouveau cycle de contractions mentales. Bien entendu il s'agit d'estimation, inutile de compter les secondes.

II. CONSIGNES A RESPECTER QUOTIDIENNEMENT

1. Au coucher pratiquez les contractions statiques et mentales pendant 4 ou 5 cycles puis continuez uniquement mentalement en alternant avec la respiration consciente à chaque cycle jusqu'à l'endormissement.
2. Si vous vous réveillez en cours de nuit, notez vos rêves lucides et associés éventuels, puis recommencez la consigne n°1.
3. Si vous pouvez faire une sieste un peu prolongée dans la journée (correspondant à un cycle de sommeil), faites-la précéder par la consigne n°1.


(1) J'ai donné à ce type de rêves le nom de " rêve de tremblement " : le rêveur y sent une vibration lui parcourir le corps. Cette vibration peut aller du tremblement au fourmillement. Elle est généralement suivie d'une sensation de légèreté.
(2) Voir à ce sujet l'¦uvre de feu le docteur Francis Lefébure, et notamment son Cours de Phosphénisme en cassettes, aux éditions Phosphénisme.



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