Le rêve lucide.1.


Sommaire :
1. Je sais que je rêveŠ et après ? (C. Bouchet)
2. Se souvenir de ses rêves : un simple préalable ? (C. Bouchet)
3. De l'importance du sommeil discontinu pour la conscience (C. Bouchet)
4. Méthodes flash : 1) L'endormissement conscient (F. Ghibellini)



Je sais que je rêve, et après ?



I. Ce qu'est vraiment le rêve lucide.
Si vous tenez ce cours entre les mains, vous savez probablement déjà ce qu'est le rêve lucide : un rêve au cours duquel le rêveur sait qu'il rêve. En fait, cette définition simple recouvre un certain nombre de difficultés concernant la nature de la conscience et du rêve. Il n'est pas question, dans ce cours pratique et introductif, d'entrer dans le détail de ces difficultés. Mais quelques précisions doivent être apportées pour éviter, dès le début, plusieurs dérives.
Nombreux sont les auteurs qui considèrent que, par définition, on ne peut pas savoir qu'on rêve. Depuis 1978, les recherches de laboratoire leur ont donné tort, mais le préjugé reste souvent bien implanté. Aussi convient-il de souligner que le rêve lucide est bel est bien un rêve, autant d'un point de vue " objectif " (celui du laboratoire de sommeil) que " subjectif " (celui du sujet qui rêve), et même si ces points de vue ne s'accordent pas toujours. Le point de vue subjectif, le seul qui nous intéressera ici, nous renvoie à l'appréhension courante du rêve : le rêve correspond pour son auteur à une vie nocturne dont il ne garde que des souvenirs partiels, parfois fragmentaires, quand il ne les occulte pas purement et simplement. La variété de formes qu'il peut prendre est simplement stupéfiante, même si la plupart des adultes se contentent de tourner en rond dans les mêmes rêves de préoccupation. Dans l'ensemble, mais pas toujours, il se présente comme une histoire dans laquelle le dormeur joue le premier rôle. L'histoire peut être lente, mouvementée, anodine, terrifiante, terne, colorée, joyeuse, cauchemardesque ouŠ impossible à décrire lorsqu'elle ne peut être rattachée à des cadres de notre quotidien tels que l'espace, le temps ou le principe de non contradiction. Et pourtant un rêve est toujours reconnaissable comme tel. Chacun d'entre nous sait immédiatement ce qu'est un rêve alors même qu'il n'a jamais vu celui d'un autre, alors même que le rêve, dans son contenu, ne se présente pas comme un " objet " observable par une communauté humaine, à plus forte raison scientifique. Comment un tel état de choses est-il possible ?
En fait, ce savoir dépend moins du contenu du rêve que de la façon dont il se présente à la conscience éveillée (celle de la vie de veille). Un rêveur qui se souvient de ses rêves a le sentiment d'avoir vécu une autre vie dans un monde imaginaire ou appartenant à une autre réalité parfois appelée monde des songes. Ce souvenir lui permet de bien distinguer cet état de rêve - qui se produit au cours du sommeil - d'autres états appartenant à la veille et auxquels le qualificatif de " rêve " s'applique parfois de façon lâche : rêverie, rêve éveillé, hallucinationŠ Sans compter les états intermédiaires entre la veille et le sommeil tels que l'imagerie hypnagogique ou même ceux qui relèvent de la pathologie.
Le rêve ici en question est donc très exactement le rêve qui a lieu au cours du sommeil subjectif (ressenti comme tel par le rêveur), lorsque le dormeur est, sur le plan de l'activité, coupé du monde extérieur. Ce qui revient à dire que le rêveur rêve même lorsqu'il intègre des stimuli du monde extérieur - telle la sonnerie du réveille-matin - dans son rêve, se trouvant trop profondément enfoncé dans le sommeil non seulement pour déplacer le poing qui lui permettrait de réduire l'importun au silence, mais aussi, plus simplement, pour avoir conscience de son corps physique.
Le rêve lucide, répétons-le, appartient à la catégorie du rêve. Ceci admis, il nous reste à comprendre ce qui le met à part des expériences oniriques habituelles. Ce " plus ", passé relativement inaperçu pendant longtemps malgré des séries de témoignages explicites (notamment celui d'Hervey de Saint-Denys), consiste dans une certaine qualité de la conscience du rêveur : le fait qu'il est bien conscient de vivre un rêve, qu'il reconnaît son rêve pour tel. C'est là l'élément nécessaire ET suffisant pour désigner un rêve lucide. Je dis " suffisant " car des " spécialistes " mal renseignés se sont empressés de " dénoncer " là une pratique de manipulation du rêve. En réalité, la manipulation du rêve ne dépend pas de la conscience que l'on en prend, comme en témoignent nombre de tentatives infructueuses. Simplement, dans un rêve lucide, le rêveur dispose d'une plus grande liberté. Il peut élargir son champ d'activité sans sortir des possibilités offertes par le rêve lui-même. Le rêveur " ordinaire " ressemble au visiteur d'une exposition qui se contenterait de rester assis devant le même tableau pendant toute la visite, alors que le rêveur lucide, lui, tendrait à explorer d'autres salles. Loin d'inciter à " manipuler " le rêve, la conscience de rêver permet de commencer à en réaliser les potentialités négligées et qui, pour la plupart, restent à découvrir. Ajoutons qu'une réelle tentative de manipulation ne donne pas de résultats : le rêveur se réveille ou se trouve projeté dans un autre rêve.
Ce malentendu écarté, revenons à la conscience de rêver pour elle-même. Elle a reçu le nom de " lucidité onirique ". Là encore, il convient de prendre garde à quelques préjugés.
Tout d'abord, remarquons qu'elle ne consiste pas à introduire la conscience dans un " lieu " d'où elle se trouvait absente. En fait, tout rêveur est, en rêve ordinaire, conscient. Dire qu'un rêveur est dépourvu de conscience reviendrait à mettre en cause l'idée même de rêve : sans cette conscience " onirique " le rêve n'existe pas pour le rêveur - ni pour personne. La confusion provient de ce qu'on étend l'inconscience du sommeil au domaine du rêve. Il est vrai que pour un homme endormi, le monde extérieur n'existe plus puisqu'il n'entretient aucun rapport avec lui. Mais il n'en va évidemment pas de même du rêve. Le rêveur a des rapports avec son rêve, il le perçoit, porte des jugement sur sa situation, prend des décisions, mène des actionsŠ, bref, il vit d'une vie onirique qui suppose et même qui nécessite une forme de conscience. Qu'il ne s'agisse pas de la conscience de veille, cela va de soi, mais en aucun cas on ne peut parler d'une " inconscience " telle que celle du dormeur ou de l'évanoui par rapport à l'état de veille.
Une fois ce point admis, un deuxième préjugé se présente concernant la lucidité onirique : celui selon lequel il s'agirait de l'émergence de la conscience de veille au cours du rêve. Cette conception est bien évidemment la première qui vient à l'esprit, mais elle est erronée et, puisqu'elle peut fausser la pratique de l'induction, il apparaît nécessaire d'en dire quelques mots ici.
Tout d'abord sur quoi repose-t-elle ?
Avant toute étude de la lucidité onirique, il existe une hiérarchie implicite entre la conscience onirique habituelle (celle du rêve onirique) et la conscience dite normale (celle de l'état de veille). Dans un cas comme dans l'autre, le rêveur a bien le sentiment d'être un moi (ou un " je ") doté d'une mémoire plus ou moins étendue et agissant dans un environnement dont il se distingue. Mais la ressemblance s'arrête à cet aspect formel.
Si l'on considère le contenu de ces deux formes de conscience, les événements vécus en rêves et à l'état de veille constituent deux chaînes distinctes, parfois sans aucun rapport, et à eux seuls ils ne permettent aucunement d'identifier ces deux formes de conscience l'une à l'autre. Or, pour un dormeur qui se réveille, cette identification va de soi : il sait qu'il est l'acteur du rêve qu'il vient de vivre, qu'il s'agit de sa conscience et non de celle d'un autre. La conscience " diurne " (appelons-la ainsi malgré l'existence de la sieste) reconnaît donc immédiatement la conscience onirique pour une partie d'elle-même. Mais qu'est-ce qui lui permet de porter un jugement aussi sûr en partant d'un contenu si différent ? Tout simplement le souvenir du rêve, quand il est présent au réveil, et qui se présente bien comme le sien.
Ainsi, lorsqu'il compare ses deux formes de conscience, le sujet se rend compte que, dans l'une, il se souvient de l'autre (dans la veille il se souvient du rêve) et non l'inverse. La conscience de rêve lui apparaîtra alors comme une conscience de veille diminuée. Elle aura vécu elle-même le rêve, mais selon des modalité qui ont restreint sa nature (à tel point qu'en rêve elle s'est parfois laissé aller à des agissements incompatibles avec sa valeur morale ! ). Et si l'une des formes de conscience n'est qu'une version affaiblie de l'autre ( ce qu'on cru de nombreux auteurs, dont Sartre), elle lui est inférieure, hiérarchiquement parlant.
La lucidité onirique vient quelque peu bousculer cette hiérarchie ou, à tout le moins, rétablir un équilibre. Car désormais le rêveur lucide sait qu'il vit un rêve et, dans le même temps, il garde conscience de ce qu'est sa vie d'éveil. L'intensité du souvenir peut présenter de grandes variations de degrés, allant d'une réminiscence vague, dont le contenu est erroné, jusqu'au souvenir parfaitement net. A tel point que le rêveur a le sentiment d'être " éveillé " au sein du rêve. Dès lors deux positions sont possibles. L'on peut considérer :
1) que la conscience de veille est entrée dans le rêve, que la conscience fascinée est sortie de son hypnose sans quitter le terrain du rêve ;
2) ou admettre que la conscience onirique s'avère plus large que l'idée qu'on en avait.
La première réponse vient spontanément à l'esprit, mais elle repose précisément sur le préjugé qui fait de la conscience onirique une conscience diminuée, conception qui, elle-même, vient avant tout de ce que le rêveur se souvient habituellement de sa vie onirique comme telle à l'état de veille et non l'inverse.
En réalité, une étude portant sur des centaines de rêves montre que cette première réponse ne permet pas de résoudre de multiples problèmes qui se posent lorsqu'on l'admet. Il n'est pas dans mon intention d'étudier ici cette question, mais un simple exemple peut éclaircir cette difficulté : si réellement la lucidité onirique correspond à l'émergence de la conscience de veille dans le rêve, les décisions prises dans un état doivent se maintenir dans l'autre. Ainsi, si le rêveur décide, à l'état de veille, d'entrer consciemment dans un rêve pour connaître l'ivresse du vol onirique, il devrait logiquement respecter cette décision une fois l'état de rêve lucide atteint. Or, assez souvent, il n'en est rien. Il se rappelle bien sa décision de s'envoler, mais décide de faire tout autre chose. Simple changement de décision ? Mais, si tel est le cas, pourquoi regrette-t-il ce changement au réveil ? Les raisons qui, en rêve, lui ont fait abandonner consciemment le projet de voler, lui apparaissent, au réveil dépourvues de validité.
Bien d'autres éléments pourraient être évoqués pour montrer l'hétérogénéité (relative) de ces deux formes de conscience. Ainsi on peut se demander par quel miracle un rêveur lucide parvient en rêve à évoquer le souvenir d'autres rêves auxquels il n'avait plus accès depuis l'état de veille malgré tous ses efforts.
Le fait de ne pas se sentir " autre " au cours de cet état ne signifie donc pas que le rêveur a emmené avec lui sa conscience de veille, mais au contraire que sa conscience peut prendre des formes radicalement différentes de celle de la veille. Pour être plus précis, il faudrait distinguer le " moi " empiriquement déterminé, et qui donne sa couleur à une conscience donnée, du " je " qui les sous-tend. Ainsi, à la conscience de veille correspond un moi de veille tandis qu'à la conscience onirique correspond un moi onirique. La différence de nature entre ces deux consciences tiendrait, entre autres, à la rigidité ou à la fluidité du moi dont elles s'habillent. Le dénominateur commun de ces deux consciences est donc le " je " dont on peut dire qu'il est moins " personnel " que le moi, sans pour autant le doter d'une universalité ou d'une absoluité qui ne ferait que renverser la situation vers un autre pôle d'incompréhension. Ce " je " peut adopter des formes de conscience diverses, notamment au cours du sommeil, formes souvent parentes, mais parfois sans rapport entre elles. Dans certains cas la différence est telle que les expériences qui en relèvent sont rapidement oubliées ou même ne sont pas remémorées du tout.
Pourquoi introduire ces précisions ici et en quoi ces distinctions influent-elles sur la pratique du rêve lucide ?
Elles constituent en fait une sauvegarde contre toutes sortes de naufrages conscientiels dus à une absence de boussole, c'est-à-dire contre des difficultés que l'on peut s'épargner dès le début dans la mesure où l'on sait à quoi elles ressemblent. Ainsi on évitera le réveil en sursaut que provoque la présence d'un souvenir que, du point de vue de la veille, on ne reconnaît pas, ou les faux-éveils à répétition par perte de la lucidité, dus à ce qu'on s'attend à se réveiller parce que le rêve semble avoir atteint sa " conclusion "Š bref, toutes sortes de petits problèmes que les rêveurs lucides mettent parfois des années à reconnaître et à surmonter, mais qu'ils ne s'expliquent jamais vraiment tant qu'ils assimilent la lucidité onirique à la conscience de veille.
Disons, pour simplifier, que la lucidité onirique correspond à un élargissement de la conscience onirique, sans pour autant recouper nécessairement la conscience de veille (même si cela se produit souvent de façon partielle). Par analogie, il faut sans doute se représenter que ce processus équivaut, pour la conscience onirique, à l'élargissement de la conscience de veille elle-même qui se produit parfois chez certains, notamment au cours d'états mystiques.
Ces quelques précisions apportées sur la nature de la lucidité onirique, venons-en à la pratique.


II. Travailler à dormirŠ
Si vous lisez ces lignes, c'est que vous comptez explorer votre monde onirique en pleine conscience. L'objectif de ce cours est de vous donner les moyens d'y parvenir. Cela demandera bien sûr une pratique personnelle. Certains se mettront probablement à rêver lucidement après n'en avoir fait qu'une simple lecture, mais ce phénomène devra tout de même être entretenu avec les méthodes proposées dans ces pages. Ce dernier point nous amène à constater qu'il existe des écarts importants selon les individus.
Prenons deux extrêmes : d'un côté, celui qui n'a jamais été conscient de rêver et souhaite aborder une terre inconnue et, de l'autre, celui qui est déjà conscient une fois par semaine en rêve et qui souhaite " améliorer son score ". Il semble aller de soi que le programme ne peut être le même pour l'un et l'autre et que le choix d'une voie moyenne ne profiterait à personne. Et à quoi bon une méthode qui s'adresserait en priorité à ceux qui sont déjà des rêveurs lucides ?
En réalité, certaines pratiques peuvent profiter à tous, sans exception, simplement parce qu'elles permettent un développement général de la conscience qui est à la base de la lucidité onirique. Dans ce domaine, ce qui compte n'est pas le type d'outil utilisé, mais l'entraînement lui-même. Pour prendre une comparaison, l'haltère n'est qu'un moyen pour le culturiste, il en change en fonction de ses besoins ; mais il ne peut se passer des mouvements du corps.
Transposons cette analogie dans le domaine de la recherche sur le rêve lucide. Pour obtenir des rêves lucides, les dormeurs peuvent désormais porter des lunettes couplées à des ordinateurs qui leur envoient des signaux lumineux au moment du sommeil paradoxal. Si on se reporte aux articles donnant des comptes rendus d'expériences dans des revues scientifiques plutôt qu'aux dépliants publicitaires, on apprend que ce procédé rend service aux rêveurs qui se sont déjà entraînés à devenir lucides en rêve. Les autres se contentent d'incorporer les signaux au rêve en cours, sans se douter de rien.
Ce qui nous amène à mentionner une autre difficulté : certains, qui ont déjà lu sur la question, ont expérimenté des méthodes proposées par des auteurs enthousiastes, mais avec des résultats divers, voire sans aucun résultat. Ce qui les amène à chercher LA méthode infaillible qui leur manque. Il s'agit là d'un malentendu qui, le plus souvent, ne mène qu'à des impasses. Dissipons-le tout de suite.
Certains auteurs de livres sur le rêve lucide sont des chercheurs qui ont réellement expérimenté et fait expérimenter les méthodes qu'ils préconisent, parfois en laboratoire. On constate toutefois une différence nette de présentation dans leurs livres pour le grand public et leurs articles destinés à la communauté scientifique. Lorsqu'ils s'adressent à des lecteurs non spécialisés, ces auteurs font chaudement l'éloge de leur méthode et des extraordinaires résultats qu'elles vont leur apporter. Le lecteur n'est alors pas loin de penser qu'il est en présence d'une méthode infaillible.
Pourtant lorsqu'ils écrivent des articles pour des revues spécialisées, ces mêmes auteurs, traitant des même méthodes, s'entourent de toutes sortes de précautions qui sont rien moins qu'incitatives pour qui est normalement économe de son temps.
Alors que penser ? Dans un cas les éditeurs poussent-ils les auteurs à adopter une présentation attrayante pour le grand public ou bien, dans l'autre, est-il de bon ton de se montrer le plus réservé possible vis-à-vis de collègues pour qui le scepticisme est une marque de scientificité ?
Et ne parlons pas des ouvrages qui recopient les techniques des chercheurs sans les avoir expérimentées ou en dérivent de " nouvelles " qui ne reposent que sur une seule réussite, souvent partielle, et parfois même sur rien. Bien souvent mes sujets m'ont apporté, très excités, une méthode mise au point par tâtonnements et qui leur avait permis d'obtenir un rêve lucide. Ils étaient tellement persuadés de sa valeur absolue qu'ils voulaient me voir la publier. Il me fallait alors leur expliquer qu'il serait souhaitable qu'ils fassent au moins trois expériences avec cette méthode pour s'assurer que l'émergence de la lucidité n'était pas plutôt due à d'autres facteurs (en l'occurrence au travail de terrain que nous faisions depuis plusieurs mois). Il s'est immanquablement avéré que la méthode en question ne donnait aucun autre résultat. Les auteurs qui publient une technique qui ne repose que sur un cas le font certainement en partant d'une bonne intention, mais ils risquent de décourager pour longtemps ceux de leurs lecteurs qui se seront donné la peine de la mettre en application.
Et LA méthode ? Celle qui permet d'obtenir des rêves lucides à tous les coups ? Je l'ai moi-même cherchée assidûment pendant quinze ans à l'aide de la centaine de sujets qui a accepté non seulement de se soumettre à mes expérimentations mais de m'en communiquer les résultats. La réponse est nette : le rêve lucide n'est pas un mécanisme dont il suffit de trouver le commutateur. Plus précisément, un commutateur peut être trouvé de temps à autre, mais son effet n'est que temporaire. Il y a bien des méthodes, efficaces, mais cette efficacité dépend d'autres conditions que l'on a tendance à croire secondaires, sans doute parce qu'elles n'ont rien de spectaculaire, alors qu'elles sont en réalité fondamentales. A l'extrême limite on peut dire que n'importe quelle méthode serait efficace si ces conditions étaient respectée. Il faut donc les travailler en priorité.
Ces dernier mots font surgir une autre difficulté déjà évoquée tout à l'heure mais sur laquelle il nous faut revenir maintenant. Nous avons dit qu'il faut " travailler ", c'est-à-dire non seulement faire des efforts, mais les poursuivre sur des périodes qui peuvent, pour les plus récalcitrants, atteindre plusieurs mois. Certains des lecteurs de ce cours ont peut-être manqué de persévérance au cours de précédentes tentatives et souhaitent être pris en main. Ce qui nous amène à préciser certains points.
1° Répétons ce principe : la conscience, pas plus que le corps, ne peut être entraînée de l'extérieur. Des méthodes, des conseils, peuvent vous indiquer la voie à suivre, mais c'est à vous de faire la route. Si vous ne vous sentez pas prêt à vous lever et à vous engager dans la voie du rêve, il est encore temps de résilier votre abonnement.
2° Si vous appliquez les méthodes proposées ici et que vous rencontrez des difficultés non mentionnées dans le cours, vous pouvez écrire à l'association pour nous en faire part, en joignant une copie de votre journal de rêves des deux derniers mois. Il nous sera matériellement impossible de correspondre avec chacun personnellement, mais nous nous attacheront à faire la synthèse des problèmes pour y répondre dans le ou les cours suivants. Si nécessaire, les difficultés des différents participants seront examinées en annexe, les réponses aux problèmes qu'ont rencontrés les uns pouvant aider les autres de façon préventive. Pour une meilleure clarté de ces réponse, il peut s'avérer utile de citer des extraits de vos rêves ou de leurs commentaires. Pour cette raison, vous devez joindre à votre envoi une autorisation de publication. Bien entendu, les extraits éventuellement cités le seront de façon anonyme. Récapitulons la façon de procéder :
- Rappelez-vous qu'il ne sera répondu qu'aux questions concernant votre pratique.
- Précisez clairement les difficultés rencontrées et les dates correspondantes dans votre journal de rêve.
- Joignez une copie lisible de votre journal de rêve et une lettre autorisant la publication (éventuelle) de ce journal.
Si par hasard votre courrier restait sans réponse reconnaissable dans le ou les cours suivants, relisez ces trois conditions et complétez celle(s) que vous n'avez pas remplie(s).
Ajoutons maintenant que pour ceux qui souhaitent réellement un suivi personnel, il leur est possible d'en faire la demande à Florence Ghibellini par le biais de l'association. Rappelons que Florence est la première rêveuse lucide à avoir obtenu, en France, des rêves lucides en laboratoire et que sa pratique quotidienne de la lucidité onirique la place au rang des sujets les plus doués. Ce suivi, qui se fera par correspondance, est conçu comme un complément à ce cours.


III. Tout, et tout de suite !
En règle générale, ce cours est conçu selon un principe inverse de la scolarité. Vous devez obtenir des résultats, même extrêmement partiels, dès les deux premières leçons, puis continuer sur votre lancée. Si tel n'est pas le cas, les cours suivants apportent des compléments qui doivent vous y mener. Et ainsi de suite jusqu'au dernier. Il ne s'agit donc pas de progresser régulièrement dans l'apprentissage d'une méthode, mais plutôt d'affiner des principes, donnés dès le début, en fonction des résultats de l'entraînement. Représentez-vous la lucidité onirique comme une faculté conscientielle, au départ embryonnaire et qu'il s'agit maintenant de développer, et vous comprendrez pourquoi il est préférable de connaître dès le début les principes fondamentaux de son fonctionnement.
Toutefois le cours respectera également une progression thématique qui comprendra ses propres techniques. En effet, parvenir à la lucidité est une chose, la maintenir ou jouer avec son rêve en est une autre. Il faudra donc considérer l'existence de deux niveaux différents de techniques : celui de l'induction de la lucidité, affiné au fil des cours en fonction des besoins, et celui des techniques " ponctuelles " concernant tel ou tel aspect de l'univers du rêve. Donnons-en immédiatement un aperçu.
1. Pour se souvenir de ses rêves lucides, encore faut-ilŠ SE SOUVENIR DE SES REVES, tout simplement. On peut en effet appliquer avec succès des méthodes d'induction mais ne rien conserver en mémoire de sa réussite. Or, une bonne remémoration présente un autre intérêt : elle permet, lorsqu'elle est bien menée, de devenir lucide en rêve sans autre technique. Cela suppose un entraînement un peu plus poussé que celui qui consiste à se suggestionner le soir avant de s'endormir et à noter ses rêves chaque matin au réveil.
2. OBTENIR DES REVES CLAIRS c'est-à-dire lumineux, précis, riches, détaillés, est déjà une bonne indication que l'on est sur le chemin de la lucidité. Poursuivre ce seul but de façon persévérante, et avec les techniques appropriées, mène au rêve lucide.
3. On peut aussi chercher un ACCES DIRECT A L'ETAT DE LUCIDITE. C'est ce que la plupart des chercheurs se sont attachés à développer. J'ai moi-même mis au point une quinzaine de méthodes qui ont chacune leur efficacité. Mais, répétons-le, ce qui importe réellement, c'est la condition conscientielle qui rend ces méthodes efficaces.
4. Parvenir à la lucidité est sans nul doute gratifiant, mais si l'état ne doit se maintenir que quelques minutes, voire quelques secondes, le rapport effort/résultat risque de s'avérer disproportionné. Il faut donc apprendre à MAINTENIR UN EQUILIBRE pour ne pas se réveillerŠ ou ne pas retomber dans le rêve ordinaire, c'est-à-dire non lucide.
Vous voilà dans le monde du rêve lucide. L'exploration onirique s'offre à vous. Mais que faire, et dans quel ordre ?
5. Tout d'abord MAITRISER LE CORPS DE REVE, l'utiliser aussi bien pour accomplir des actes " normaux " que plus originaux tels que s'envoler dans les airs, prendre des formes inusitées ou, pourquoi pas, se couper en morceaux (expérience réellement tentée en rêve par un de mes sujets) ou provoquer des rêves de sortie hors du corps.
6. La maîtrise du corps onirique est en fait une première étape dans l'utilisation de la volonté onirique qui, contrairement à ce que croient certains, N'EST PAS la volonté de la vie de veille, même s'il lui arrive de la recouper. Il est donc nécessaire de l'exercer et de développer corrélativement LES QUALITES DE CONCENTRATION, DE REFLEXION ET DE MEMOIRE. Rappelez-vous que si ces facultés restent, du point de vue onirique, à l'état embryonnaire, elles risquent de vous faire défaut au milieu d'une expérience onirique intéressante.
7. Une fois que ces capacités auront atteint, dans le rêve, un niveau équivalent à ce qu'elles sont déjà dans la vie de veille, il vous sera loisible de DIALOGUER AVEC LE REVE et, en cas de problèmes psychologiques, d'obtenir que soit modifié ce qui doit l'être .
8. Vous pourrez également participer à l'élaboration du décor onirique c'est-à-dire CREER OU MODIFIER DES ELEMENTS DU REVE.
9. Il sera alors temps de franchir un nouveau pallier, celui de la CONSCIENCE ATTENTIVE en rêve lucide.
10. Ce développement, à son tour, vous ouvrira de nouvelles portes, notamment celle d'un mode de connaissance intuitive qu'on peut appeler " COMPREHENSION MULTIDIMENSIONNELLE ", faute de vocabulaire adéquat.
11. Vous pourrez ensuite DÉCONSTRUIRE LES CERTITUDES les plus solides (l'espace, le temps, la mortŠ) comme s'il s'agissait de simples croyances - ce que, en fin de compte, elles s'avèrent être.
12. A partir de là, la conscience peut se lancer dans l'exploration de zones de la réalité qui habituellement lui échappent. Les facultés du rêveurs peuvent s'étendre jusqu'à lui faire connaître des RÊVES PARTAGÉS ou bien sa conscience onirique peut connaître un développement tel qu'elle vit des RÊVES SIMULTANÉS ou même qu'elle dépasse le cadre du rêve.
Bien entendu, votre progression individuelle ne sera probablement ni aussi rigoureuse, ni aussi ordonnée. La présentation proposée ici ne visait qu'à vous donner une idée d'ensemble de ce qui, grosso modo, correspond à un parcours " normal ".
Vous aurez pu constater que ce programme propose plus que la seule lucidité onirique. En effet le rêveur lucide a accès à des possibilité de développement conscientiel qu'on ne peut négliger. Ceux qui ne recherchent que la seule lucidité, s'arrêteront probablement en cours de route, mais ce serait une erreur. C'est un travail sur la conscience qui permet de devenir lucide, ce qui veut dire que le rêve lucide n'est pas un état que l'on atteint une fois pour toute. Cela signifie qu'un effort constant est requis pour continuer à rêver lucidement. Aussi, la poursuite de cet effort AU-DELA du minimum requis pour devenir rêveur lucide reste le plus sûr moyen de se maintenir dans cet état. De plus, à un rêveur lucide qui a surmonté les premières difficultés, la conscience se révèle rapidement être un terrain d'exploration fascinant.
Il n'en reste pas moins que pour certains, ce programme apparaîtra trop concentré pour être mené à bien de deux mois en deux mois. Ainsi, la pratique de la conscience attentive nécessite parfois près d'une année pour entraîner des modifications conscientielles importantes. Dans ce cas, progressez à votre propre rythme. Il est préférable de travailler sur le rêve dans un esprit de détente.
Mais, objecterez-vous, pourquoi donner un tel programme s'il n'est pas réalisable dans un délai court ? Il y a à cela plusieurs raisons.
La première nous incite à rappeler l'objectif de ce cours : devenir un rêveur lucide régulier et le rester, objectif qui devrait être atteint avant le dernier cours si vous pratiquez les techniques qui vous sont données. Or cette remarque est valable pour toutes les techniques, même si elles appartiennent au registre thématique, et même si elles dépassent la recherche de la simple lucidité. S'appliquer à des techniques particulières donne AUSSI des résultats généraux. Dans ce cas, le fait de ne pas obtenir les résultats particuliers est sans importance dans l'immédiat. Vous pourrez par la suite revenir sur ces techniques particulières pour en obtenir les résultats escomptés. Entre-temps un travail souterrain se sera poursuivi dans votre conscience.
La deuxième raison est que nous préférons mettre d'emblée l'ensemble des techniques à la portée de tous plutôt que de prévoir un enseignement " à niveaux " qui serait interminable (4 ou 5 ans) et ne laisserait que peu de liberté au pratiquant quant à l'orientation à donner à sa recherche. Ce qui, en revanche, reste du domaine du possible, serait d'approfondir telle ou telle étape du parcours onirique dans de prochain module, si la demande le permet.
Et maintenant, plongeons-nous dans nos souvenirsŠ de rêves.


Se souvenir de ses rêves : un simple préalable ?



Certains, pensant déjà " bien " se souvenir de leurs rêves au vu des pages qu'ils noircissent chaque matin, seront tentés de sauter ce chapitre. Ils risquent du même coup d'ignorer un certains nombre de difficultés qui se posent peut-être à eux. Enumérons-en quelques unes :
1° Un rêve peut se présenter de façon très détaillée, à tel point qu'il semble avoir couvert toute la nuit. Mais un rêveur persévérant s'aperçoit souvent, après quelques pages de transcription, que ce rêve en cachait un autreŠ plus long. Et ainsi de suite.
2° Les rêves remémorés ne sont généralement que ceux qui se présentent en fin de sommeil. Les autres, ceux du milieu de la nuit, quittent la mémoire.
3° Même ceux qui arrivent à enchaîner leurs souvenirs d'un cycle de sommeil à l'autre oublient leurs rêves d'endormissement qui, en fin de cycle, ne laissent généralement pas de trace.
En fait, si l'on pouvait réellement se souvenir de TOUS ses rêves de la nuit, la journée ne suffirait pas à les noter. Mais ajoutons aussitôt que cela indiquerait une qualité de mémoire telle que la notation complète se révélerait inutile quant au contenu. Le rêveur pourrait se contenter d'entrer la date du rêve et quelques lignes permettant de le situer. Les choses se passeraient alors comme pour un journal de veille qui ne contient que des annotations en style télégraphique, mais néanmoins suffisantes pour se remettre en mémoire les événements simplement désignés.
Ce phénomène se produit d'ailleurs, mais dans une moindre mesure, avec le journal de rêves. La notation fragmentaire d'un rêve permet souvent de retrouver intact dans notre mémoire, à plusieurs années d'intervalle, l'intégralité du rêve qui, pourtant, n'a pas été rédigée.
Ce qui précède vous amène a soupçonner que l'intérêt de la remémoration du rêve réside plus dans l'effort fait pour se souvenir que dans le souvenir lui-même. Supposons en effet qu'une machine enregistre le contenu de nos rêves pour nous, comme dans la série télévisée Le Prisonnier et qu'à notre réveil nous puissions visionner sur un écran les rêves ainsi enregistrés. Ne nous sentirions-nous pas frustrés si ces enregistrements ne nous rappelaient rien ? Il s'agit donc de développer une certaine qualité de conscience qui permette d'avoir accès aux souvenirs, plutôt que de vouloir emmagasiner les souvenirs des rêves en tant que tels.
Pour développer cette qualité conscientielle, il faut créer des " ponts " entre la veille et le sommeil aux différents moments de jonctions que sont le réveil, le milieu du sommeil et l'endormissement - et qui constitue ce que nous appellerons le " cycle du souvenir ". La pratique des techniques adéquates ne vous mènera pas à une remémoration absolue mais elle vous permettra d'améliorer le contact avec votre conscience onirique et suffira parfois à provoquer la lucidité onirique. Examinons ces trois points séparément.


I. Se souvenir de ses rêves au réveil.
C'est probablement là la partie la plus connue sur le sujet. Sur ce point les conseils judicieux ne manquent pas. Contentons-nous de les rappeler.

1. Principe fondamental
Tout d'abord un principe fondamental : pour se souvenir de ses rêves, il faut s'y intéresser. Cela semble aller de soi, mais on peut tirer avantage de ce principe en approfondissant cet intérêt. De quelle façon ?
1) En acceptant de se remémorer tous les rêves qui se présentent, c'est-à-dire en ne rejetant rien. Même si une scène de rêve vous semble scandaleuse, insoutenable ou déprimante, vous devez en accepter le souvenir. En fait, c'est même la meilleure façon d'apprivoiser les cauchemars et de résoudre les problèmes qu'ils posent.
2) En prêtant attention à tous les rêves qui se présentent. Et pas seulement aux " grands ", ceux qu'on estime importants pour des raisons théoriques, interprétatives, sentimentales, créatives ou autres, mais aussi les autres, même s'ils se présentent sous forme fragmentaire, même s'ils ont l'air idiot ou insensés. Mais, objecterez-vous, comment donner de la valeur à ce qui semble en être dépourvu ? Réponse : en la cherchant. Un fragment de rêve peut inspirer une idée utile à condition de faire quelques pas dans sa direction. Si les grands rêves créatifs nous donnent du " déjà fait ", c'est-à-dire de l'immédiatement compréhensible (rêves de Kékulé pour la formule du benzène, de van Vogt pour Le Monde des Non-A, de Elias Howe pour l'aiguille de la machine à écrire, de Loewi pour la transmission de l'influx nerveuxŠ) les morceaux de rêves peuvent s'avérer extrêmement féconds pour un esprit actif. Et souvent, le seul fait d'examiner sérieusement un fragment de rêve permet d'en retrouver la totalité ou d'avoir accès à un autre rêve que sa seule présence dissimulait.
3) On peut aussi s'amuser à interpréter tous les rêves obtenus, à condition de le faire par jeu, sans s'inféoder à un système d'interprétation, nécessairement réducteur et souvent trop lourd pour correspondre à une nécessité quotidienne. Dans la pratique, inutile de se livrer à des associations complexes sur les éléments du rêve. A ce jeu, vous pouvez certes apprendre beaucoup sur votre psychisme, mais pas nécessairement sur le rêve. De plus, une réflexion trop analytique vous éloigne de l'état de conscience onirique et ôte toute vie au rêve. Vous vous retrouvez alors en train de disséquer un cadavre. Mieux vaut chercher à comprendre intuitivement le sens du rêve. Si rien ne se présente, inutile d'insister. Ce qui compte ici, c'est l'effort, pas le résultat. Et souvenez-vous que les rêves n'ont pas toujours un sens caché. Au siècle dernier, Kékulé, ayant rêvé d'un serpent qui se mordait la queue, avait immédiatement su qu'il tenait là la solution pour la formule du benzène. Par chance pour lui, Freud n'avait rien écrit à l'époque.
4) Enfin votre intérêt pour le rêve doit se traduire par un acte matériel. Sans aller jusqu'à chanter ou danser vos rêves, comme étaient censés le faire les Sénoïs, vous devez au minimum les noter, c'est-à-dire en garder une trace, sur bande magnétique, sur papier ou dans un fichier informatique. Dans la pratique, une trace écrite rend le travail subséquent plus facile. Rien ne vous empêche d'enregistrer au dictaphone ce qui risque de se perdre pour le retranscrire ensuite par écrit.
Récapitulons-nous. Dans le principe il faut prêter attention à ses rêves et leur accorder de l'importance par tous les moyens possibles (interprétation, créativité, divertissementŠ). En fait, plus nous nous intéressons à nos rêves, plus ces derniers s'intéressent à nous. Ce n'est probablement qu'une manière de parler, mais l'on constate que le désir du rêveur rencontre la collaboration du contenu des rêves. Ainsi ces derniers poussent à la remémoration (notamment par un faux-éveil où le rêveur se voit en train de noter ses rêves) ou donnent toutes sortes d'informations utiles à leur propre sujet !
Le principe admis, voyons comment procéder dans la pratique.

2. Comment faciliter la remémoration au réveil ?
a. Respect du réveil naturel
Tout d'abord, il faut éviter de se réveiller à l'aide d'un réveille-matin qui risque de casser un cycle de sommeil, ce qui abrutit le dormeur et compromet sa remémoration. Sans doute objecterez-vous, avec raison, que vous devez impérativement vous réveiller à temps pour vous rendre à votre travail. Mais il n'est pas question ici de prolonger votre sommeil. Simplement de se réveiller de façon plus naturelle ou, sinon, moins abrutissante.
De façon naturelle, si possible, c'est-à-dire spontanément, à un moment où l'on sent que l'on a terminé sa période de sommeil. Si vous êtes dans le cas décrit plus haut (celui du dormeur assommé par son réveille-matin) il faut vous demander pourquoi vous avez encore sommeil le matin au réveil. Deux réponses sont possibles :
1) vous n'avez pas assez dormi ;
2) votre réveille-matin vous a éveillé au milieu d'un cycle de sommeil.
Dans le premier cas, la solution est simple, couchez-vous plus tôt (ou, si votre emploi du temps de permet, faites une ou plusieurs siestes dans la journée ; nous reviendrons sur ce point un peu plus loin). Au début conservez la sonnerie du réveille-matin par précaution, ne serait-ce que parce qu'il faut quelques jours pour s'adapter à un nouveau rythme. Le but du jeu est bien sûr de vous réveiller naturellement, c'est-à-dire spontanément, avant le déclenchement de la sonnerie infernale. L'intervalle qui vous sépare de l'heure habituelle de votre réveil doit d'ailleurs être mis à profit pour noter vos rêves.
Maintenant, il est possible que la quantité de sommeil ne soit pas en cause. Il n'est pas rare que des dormeurs s'éveillent naturellement bien avant l'heure fatidique, constatent qu'il est encore tôt et décident de dormir encore un peu, sans se rendre compte que ce sommeil " forcé " peut, à la longue, diminuer les défenses naturelles de l'organisme (tout comme le manque de sommeil). Or, il n'est pas plus possible de prendre de l'avance dans le temps de repos que dans le nombre des repas. Mais, dans ce cas, pourquoi le réveille-matin les agresse-t-il ? Simplement parce que les périodes de sommeil sont divisées en cycles qui forment au cours de la nuit des unités temporelles qu'il est préférable de ne pas briser. Dans ce cas, le conseil reste le même : se lever plus tôt.
Mais que faire lorsqu'on n'a pas d'autre choix que de se coucher tard et de se lever tôt, notamment lorsqu'il faut plusieurs heures de transport quotidiennes pour se rendre à son travail ? Si vous êtes dans un tel cas, sans doute faudra-t-il reconsidérer votre disponibilité à entrer sur la voie du rêve lucide ou à y progresser. Toutefois vous parviendrez peut-être à sauver les week-ends, les jours fériés et les périodes de vacances. Par ailleurs, même dans des conditions aussi défavorables, il est souvent possible de trouver des palliatifs. C'est le cas ici, puisqu'il suffit de remplacer le réveille-matin sur un radio-réveil réglé sur un programme de musique douce. Le passage du sommeil à la veille se fait alors de façon plus progressive et plus agréable. Vous pouvez aussi utiliser un enregistrement déclenché par un timer. Là encore, les premiers jours, conservez la sonnerie du réveille-matin à dix ou quinze minutes d'intervalle pour le cas où vous auriez tendance à vous rendormir. Il arrive en effet qu'une musique trop douce incite à replonger dans le sommeil.

b. Déroulement des opérations
1° La remémoration des rêves commenceŠ au coucher. Il convient en effet, du moins au début, de prendre la décision de se souvenir de ses rêves. C'est plus qu'une autosuggestion, c'est un choix. L'autosuggestion n'est utile que si les difficultés persistent plus d'une semaine. Répétez-vous alors que vous vous souvenez de vos rêves au réveil, alors même que vous êtes en train de glisser dans le sommeil. Confirmez-vous à vous-même votre détermination en gardant à portée de main votre journal de rêve et un stylo (ou un dictaphoneŠ) et, éventuellement, une lampe de poche pour noter vos rêves. Vous remarquerez tout de suite qu'il est difficile de croire quelqu'un qui affirme vouloir se souvenir de ses rêves alors qu'il ne prend même pas la peine de disposer près de son lit de quoi les noter ! Seriez-vous plus crédible à vos propres yeux si vous agissiez de même ?
2° Ensuite, il n'y a rien d'autre à faire qu'à dormir jusqu'au réveil, réveil qui, rappelons-le, doit, dans la mesure du possible, être spontané. Ce type de réveil se produit généralement, mais pas toujours, après une période de mouvements oculaires rapides (REM ou Rapid Eyes Movements en anglais). Contrairement à ce qu'on a écrit, le rêve n'apparaît pas exclusivement au cours de ces périodes, mais il semble bien qu'il y soit le mieux remémoré, en raison du type d'activité cérébrale corrélatif.
3° Venons-en au réveil lui-même. Là, évitez de bondir hors du lit si vous voulez rester en connexion avec vos rêves. La période de réveil est une sorte de no man's land, une zone de transition entre le sommeil et la veille dans laquelle il faut s'habituer à flotter. En somme il faut, tout en s'éveillant, continuer à regarder vers le sommeil. Bref, il faut se réveiller en marche arrière. Pour cela il est préférable de ne pas bouger, au moins au moment du réveil immédiat, et de garder les yeux fermés.
Dans la pratique laissez émerger les souvenirs de rêve puis cherchez ce qu'il y avait avant (ou autour ou même après), puis encore avant et ainsi de suite, comme quand on tire sur un fil. Continuez jusqu'à ce que vous ne trouviez plus rien. A ce moment, changez de position (adoptez une de vos positions de sommeil) et voyez si d'autres souvenirs émergent. Dans ce cas procédez de même jusqu'à avoir épuisé (apparemment) les souvenirs accessibles. Recommencez le processus pour vos autres positions de sommeil.
Que faire si rien ne vient ? Dans une telle perspective, plusieurs solutions se présentent à vous.
D'abord la solution " mentale ". Passez en revue des thèmes importants pour vous. Par exemple des membres de votre famille, des amis. Sans doute avez-vous rêvé d'eux. Dans ce cas le souvenir, même vague, se manifestera à vous, parfois par le détour d'associations d'idées. Ou alors pensez aux lieux où vous avez vécu, ou à des thèmes tels que le travail (qui engendre souvent des rêves de préoccupation), les vacances, voire la télévisionŠ pour ceux qui en font une forte consommation ou, plus simplement, les lectures de la veille.
Ensuite la solution " physiologique " qui consiste à s'appuyer sur les rythmes corporels ou cérébraux. Par exemple une série de respirations triangulaires légères (quelques secondes d'inspiration ralentie, le même nombre de secondes de rétention sans forcer et d'expiration ralentie) entraînera, au bout de deux ou trois minutes (le temps varie selon chacun) un rappel des rêves. On peut d'ailleurs utiliser cette méthode pour obtenir des souvenirs " complémentaires " après la remémoration " normale ". Le rythme des respirations n'a pas une grande importance, mais en tâtonnant, chacun en trouvera qui lui seront, personnellement, plus favorables que d'autres.
Enfin la solution " conscientielle " qui peut prendre de multiples formes. La plus simple est l'attention consciente portée à la respiration, sans chercher à la modifier. Cette attention empêche l'esprit de se laisser envahir par les préoccupations de veille et ouvre donc une porte relativement large aux souvenirs de rêves. Mais cette solution demande quelque entraînement. Disons tout de suite les deux difficultés que rencontreront ceux qui choisiront de la pratiquer :
1) première étape : ils auront du mal, au début, à maintenir leur attention fixée sur la respiration plus de quelques secondes. Ils parviendront néanmoins à allonger cette durée, mais au bout d'un temps de pratique variable selon chacun ;
2) deuxième étape : étant enfin capable de rester fixé sur leur respiration pendant quelques dizaines de secondes, au lieu de se souvenir de leurs rêves, ils risquent deŠ se rendormir. Ce sommeil sera probablement bref et suivi d'un réveil avec remémoration, mais le rêve de la période précédente, lui, n'aura pas été remémoré. On peut néanmoins utiliser cette technique pour obtenir des rêves " sur commande ".
3) Le succès sera atteint lorsque le sujet sera capable de garder son attention fixé sur sa respiration sans se rendormir. A ce moment les rêves émergent d'eux même dans une conscience non obstruée par les pensées de veille.
La solution " conscientielle " peut prendre d'autres formes : conscience d'une partie du corps, de l'ensemble du corps, de l'environnement, d'un sens particulier, voire conscience non sélective (ou, si vous préférez, attention multidirectionnelle), toutes façons de procéder sur lesquelles nous reviendrons puisqu'elles sont primordiales pour créer un terrain favorable au rêve lucide. Disons simplement ici que dans ce cas, tout guide " mental " est exclus. Par exemple le yoga nidra qui préconise de penser " pouce de la main droite " tout en sentant ce même pouce, et de continuer ainsi selon un trajet préordonné, est à proscrire, du moins dans cette situation particulière, en raison même de cette pensée volontaire.
4° Vous tenez vos souvenirs ? Alors ne les lâchez pas, tant que vous ne les avez pas notés. Pourquoi, demanderez-vous ? Les raisons sont multiples. Contentons-nous d'en donner quelques unes :
- noter ses rêves favorise la remémoration en général ;
- noter ses rêve favorise la bonne humeur. J'ai pu remarquer que ceux qui se souvenaient régulièrement de leur rêve étaient plus heureux, à conditions égales, que ceux qui ne s'en souvenaient pas. Cela s'explique probablement par le fait que le rêveur n'est plus coupé de l'autre moitié de son existence !
- noter ses rêves aide à faire passer une partie du monde du rêve dans la conscience de veille. Ainsi les barrières de séparation entre les types de conscience s'avèrent moins rigide, ce qui favorise la lucidité onirique ;
- noter ses rêves permet de préparer ses " voyages " oniriques (à condition de relire son journal de rêve et de l'utiliser selon des techniques que nous verrons plus tard).
Et maintenant, comment faire ? Distinguons deux temps.
Le premier temps consiste à collecter les souvenirs. Donc là, on prend ce qui se présente, comme ça se présente, on ne mettra de l'ordre qu'après. Ainsi, on note les rêves lorsqu'on s'en rappelle : au réveil, cela va de soi, mais aussi dans la journée, lorsqu'un élément de l'environnement rappelle un rêve de la nuit, par exemple, ou même des jours, voire des mois plus tard. Lorsque, dans une même unité de remémoration, certains éléments sont plus " fragiles " que d'autres, notez-les en priorité, surtout lorsqu'il s'agit d'un air de musique (auquel cas il est préférable de l'enregistrer au dictaphone) ou de messages verbaux précis (chansons, vers ou poèmes, noms de lieux ou de personnes, chiffres, numéros de téléphoneŠ). Ces éléments en effet, s'altèrent rapidement dans le souvenir.
La collecte des souvenirs est elle-même soumise à des circonstances qu'il convient de noter pour savoir quelles précautions prendre pour éviter les interruptions - ou au contraire les dispositions à prendre pour obtenir à nouveau un état de conscience souhaité. Ainsi les perturbations peuvent être cataloguées et prises en compte pour, dans la mesure du possible, s'en affranchir ou en diminuer l'importance. Mais si l'on se rend compte, par exemple, qu'écrire ses rêves dans l'obscurité (parce que la pile de la lampe de poche est morte) permet d'en noter un plus grand nombre, il sera possible de s'organiser pour améliorer sa capacité à écrire dans l'obscurité. Et supposons que les circonstances ne vous donnent pas le temps de faire cette collecte, racontez, au moins rapidement, le rêve à la personne qui partage votre vie. C'est une manière de le fixer dans la mémoire de veille en attendant de le noter.
La rédaction proprement dite des rêves est différente de la collecte " de terrain " et se fait à tête reposée, si possible dès que la collecte est terminée. Vous reprenez les résultats de votre pêche (notes, enregistrements) et vous les ordonnez en fonction de leur ordre de succession. Dans certains cas, vous n'arriverez pas à classer les événements oniriques. Indiquez alors vos hésitations en marge, d'autant que certains rêves ont bel et bien lieu " en même temps " et que leur télescopage dans le souvenir au réveil est souvent source de confusion pour le rêveur.
Un journal des rêves bien tenu est une mine d'informations personnelles. Encore faut-il connaître quelques détails indispensables :
1) Commencez par noter la date, l'heure de transcription, l'heure du réveil et, si possible, l'heure du coucher.
2) Pour chaque rêve mis au propre, donnez-lui un titre. Cela vous oblige à vous focaliser sur l'essentiel du rêve et vous permet de le retrouver facilement par la suite.
3) Lorsque le rêve présente des séquences nettes, découpez-le de telle sorte qu'elles apparaissent aisément à la lecture.
4) Laissez une marge qui vous permettra d'annoter vos rêves en fonction des éléments que vous cherchez à distinguer des autres. Ainsi, si vous devenez brièvement lucide dans un rêve, vous pourrez signaler en marge : " lucidité brève ". (Nous reviendrons plus tard sur les types de rêves et sur les éléments auxquels il convient de porter une attention particulière.)
5) Ne mélangez pas les commentaires que vous inspire le rêve au récit lui-même. Vous risqueriez en effet de ne plus savoir ce qui a été pensé en rêve ou à l'état de veille ! En pratique, si vous " reconnaissez " en rêve la cathédrale de Notre Dame et qu'au réveil vous vous apercevez qu'il s'agissait en fait du Sacré C¦ur, notez ce dernier point dans un commentaire séparé, après le récit du rêve, au besoin en précisant, par le mot " Commentaire ", la nature des phrases qui suivent. La même remarque s'applique si vous souhaitez noter des éléments de la vie de veille qui vous semblent se rapporter au rêve. Introduisez alors par les mots " Vie de veille " les remarques sur ce sujet.
Toutes ces règles sont bien sûr valables pour les deux autres situations que nous allons examiner maintenant.


II. Se souvenir de ses rêves au milieu de la nuit.
Il est plus facile, avons-nous dit, de se remémorer ses rêves à la fin d'une période de mouvements oculaires rapides. Il ne s'agit pas, bien sûr, d'une règle absolue, ni d'en conclure de façon erronée que les rêves ne surgissent qu'au cours de cette période, mais d'en tirer parti pour augmenter la quantité des souvenirs oniriques. En effet, une nuit de sommeil est divisées en cycles d'environ 1h30 et qui passent à peu près par les mêmes phases que nous résumons ici :
- Stade 1 : endormissement
- Stade 2 : sommeil léger
- Stade 3 : sommeil profond
- Stade 4 : sommeil très profond
- Stade 5 : Sommeil paradoxal (mouvements oculaires rapides)
Cette division, qui est obtenue à partir de l'étude de l'activité électrique du cerveau pendant le sommeil, ne nous intéressera ici que sur le plan pratique. En début de nuit le stade 5 est pratiquement inexistant. Mais il augmente par la suite tandis que les stades 3 et 4 diminuent jusqu'à disparaître. Bien entendu, les " somnogrammes " varient selon les dormeurs. Par ailleurs un dormeur se réveille entre chaque cycle pour une période très brève appelée " micro-éveil " et dont il ne garde généralement pas le souvenir.
Sachant cela, il est possible de s'entraîner à se réveiller plus complètement à la fin de chaque période de mouvements oculaires pour noter ses rêves. La encore, il suffit d'en prendre la décision ou, au besoin, de s'en donner la suggestion à l'endormissement. Cette intention provoquera un rappel au cours du " micro-éveil " qui incitera le rêveur à s'éveiller plus complètement pour saisir son bloc-notes. (Attention : prévoir une chambre correctement chauffée en hiver car le froid incite à rester au lit et à se rendormir.) Au cas où ce réveil s'avérerait problématique, il est possible, au début, d'utiliser un réveille-matin à la sonnerie étouffée ou de programmer, à faible volume, un radio-réveil pour prendre l'habitude de se réveiller en cours de nuit. Ce réveil devrait se produire après deux ou cycles de sommeil, soit, sachant que chaque cycle dure environ 1h30, environ 3h après vous être endormi. Mais une fois l'habitude prise, il est préférable de se passer de ces auxiliaires.
Mais, objecterez vous peut-être, quelle garantie avez-vous dans ce cas de vous éveiller au bon moment ? Cette question appelle plusieurs réponses :
1) Aucune garantie. Mais le seul fait de s'éveiller trois fois dans la nuit créée un réflexe qui s'exercera au bon moment lorsque vous reviendrez à l'éveil " naturel ", et c'est la raison pour laquelle l'utilisation du réveille-matin ou du radio-réveil ne peut, dans cette situation, qu'être provisoire.
2) Toutefois ces cycles peuvent être calculés. Comparez votre heure de réveil habituelle à une heure de réveil plus tardive lorsque, la veille, vous vous êtes couché plus tard que d'habitude. La différence représente la durée de votre cycle de sommeil. Il est bon de multiplier les vérifications dans diverses circonstances (durée d'une sieste, par exemple).
3) Un autre moyen consiste à demander à un ami d'observer votre sommeil. Il lui suffit de vous réveiller à la fin d'une période de mouvements oculaires. Mais, outre que cela demande de sa part un sens de l'observation développé, cela suppose aussi une bonne dose d'abnégation.
Toutefois, rappelons que si vous être raisonnablement patient, une décision répétée à l'endormissement vous amènera progressivement à ce résultat.
Et pour se rendormir ? Restez attentifs à tout ce que perçoivent vos sens, les yeux fermés. Si des pensées de veille surgissent, reportez votre attention de préférence sur le corps ou sur la respiration.

III. Se souvenir de ses rêves d'après l'endormissement.
A l'endormissement et pendant le sommeil confirmé se produisent divers états auxquels on a donné des noms variés (images phosphéniques, rêveries hypnagogiques, petits rêvesŠ). La situation du début du cycle de sommeil est en fait assez complexe et mériterait une étude particulière. Dès le départ il faut faire une différence entre ce qui relève de l'hypnagogique et les autres états, même si, par la suite, il s'avérera nécessaire de nuancer cette distinction.
Disons que les images hypnagogiques, en raison de leur nature même, ne sont pas difficiles à conserver en mémoire puisqu'elles apparaissent, d'un point de vue subjectif, alors que le rêveur ne dort pas encore. En revanche, il vous est sans doute arrivé de vous réveiller en sursaut quelques minutes après vous être endormi et de découvrir dans votre mémoire une scène onirique typique.
Ces rêves qui suivent l'endormissement peuvent être recherchés de plusieurs façons, notamment en programmant un minuteur (atténué par un oreiller) pour émerger du sommeil après un temps variable. En fait on peut s'amuser à se réveiller systématiquement toutes les 5 minutes, puis toutes les dix minutes, puis tous les quarts d'heuresŠ et examiner le contenu onirique obtenu. Néanmoins, il est préférable, là encore, de s'entraîner à glisser consciemment ou semi-consciemment dans le sommeil. Cette attitude favorise le souvenir au moins jusqu'à la fin du cycle en cours.
Pour y parvenir, il faut s'endormir en bénéficiant d'une conscience relativement claire. La méthode la plus simple (et le plus efficace) demeure celle qui consiste à rester attentif à ce que perçoivent les sens physiques en excluant, dans la mesure du possible, toute pensée. En effet, si les pensées de veille prennent trop de poids dans le champ de votre conscience, elles vont se transformer en impressions ou en images visuelles ou auditives qui risquent d'accaparer votre attention. Là encore, tout est question d'entraînementŠ et de patience.
Il est donc possible de se remémorer des rêves qui se situent à différents moments d'une nuit de sommeil. Par lui-même, un effort soutenu de remémoration mène à la lucidité onirique : l'intérêt porté à ses rêves finit par pénétrer le tissu même du rêve et amène le rêveur à le reconnaître pour tel. Mais en s'appuyant sur la seule remémoration, le rêveur peut mettre des mois, voire des années, pour obtenir une lucidité qui risque de n'être que ponctuelle. Si le rappel des rêves est indispensables, il convient de lui associer une autre habitude de vie susceptible d'influencer profondément la conscience : le sommeil discontinu.


De l'importance du sommeil discontinu pour la conscience




Pour éviter de longs développements, je me contenterai ici d'une image. Représentez-vous un groupe humain isolé du reste du monde et qui ait développé la coutume suivante : pendant la première moitié de la journée, il faut, en ce qui concerne les membres supérieurs, ne se servir que du bras droit ; puis, au cours de la deuxième moitié, utiliser le seul bras gauche. Supposez que cette coutume n'ait jamais été remise en question pendant de nombreuses générations. Si un individu appartenant à notre culture débarquait un beau jour chez ces gens, il aurait beaucoup de mal à les persuader que l'utilisation simultanée des deux bras n'est pas anormale. Et s'il parvenait à les convaincre de modifier leurs habitudes, la coordinations des membres ne se ferait pas du jour au lendemain. Il faudrait sans commencer par raccourcir le temps de l'alternance afin d'éviter l'engourdissement habituel de l'un puis de l'autre. Même si la coordination complète s'avérait impossible, ce serait déjà un grand progrès, car non seulement ces membres seraient en meilleure santé, mais l'usage alterné rapide de l'un puis de l'autre permettrait de s'adapter à un plus grand nombre de situations pratiques.
Vous avez deviné que, dans cette petite fantaisie, les deux bras représentent chacun un type de conscience : la conscience vigile et la conscience onirique. Ces deux consciences ne sont pas hétérogènes mais appartiennent à un ensemble conscientiel plus vaste dont on restreint les possibilités lorsque l'on prend son temps de sommeil d'un bloc. Notamment, et pour ne parler ici que de la question qui nous intéresse, cette façon de faire prive la conscience onirique de certains types de variations qu'elle pourrait autrement connaître et au nombre desquelles on trouve la lucidité onirique. Je vous suggère donc de modifier la répartition de votre sommeil, tout au moins dans la mesure du possible, car notre mode de vie nous laisse peu de choix sur ce point.
Supposons que vos cycles de sommeil aient une durée d'une heure et trente minutes, et qu'il vous faille habituellement cinq cycles de sommeil, soit sept heures et trente minutes. En continu cela nous donne sur une nuit :
1h30 + 1h30 +1h30 + 1h30 + 1h30 = 7h30.
La première mesure à adopter consiste à diminuer votre nuit d'un cycle et à le placer à un autre moment de la journée, en d'autres termes, à faire une sieste complète, c'est-à-dire qui comporte une phase de sommeil paradoxal (les rêves y sont en général extrêmement bien remémorés). Cela nous donne :
Nuit : 1h30 + 1h30 +1h30 + 1h30 = 6h
Jour : 1h30 (sieste).
Mais, si vous voulez obtenir des rêves lucides fréquents, il ne faudra pas vous arrêter là. Une autre opération s'avère nécessaire : de même que, maintenant, vous coupez votre journée de veille par une sieste, de même il vous faut couper votre nuit de sommeil par un "cycle d'éveil". Ce qui revient à dire que votre nuit se présentera ainsi :
Nuit : 1h30 + 1h30 + (cycle d'éveil) + 1h30 + 1h30
Ou encore : 1h30 + 1h30 +1h30 + (cycle d'éveil) + 1h30, ce qui sera sans doute plus facile à réaliser au début, surtout pour ceux qui ont le sommeil lourd.
Ce "cycle d'éveil" pourra être utilisé à noter ses rêves et à toute autre activité habituelle à l'état de veille. Il peut aussi, s'il est court, être mis à profit pour pratiquer certains exercices mentaux ou psychophysiologiques dont il sera question plus tard. Quoiqu'il en soit, cette fragmentation du sommeil a sa valeur propre pour la lucidité onirique.
Pour ceux qui connaîtraient les joies de la retraite ou bénéficierait d'une rente qui leur permet d'aménager leur temps à leur convenance, ajoutons que plus on fragmente le sommeil, plus on assouplit la conscience, et plus on favorise l'émergence de la lucidité onirique. Ainsi, en reprenant l'hypothèse d'un besoin de sommeil de 7h30, nous obtiendrions le schéma :
Nuit : 1h30 + 1h30 + (cycle d'éveil) + 1h30
Jour : sieste d'1h30 dans la matinée + éveil + sieste d'1h30 dans l'après-midi.
On peut certainement faire mieux, mais les conditions pour y parvenir sont difficiles à trouver, même pendant les périodes de vacances. Toujours est-il qu'il est préférable de ne pas se jeter tout de go sur ces modifications de sommeil. Procédez plutôt comme suit :
1) prenez d'abord l'habitude de faire une sieste d'un cycle ;
2) puis, lorsque celle-ci est "installée", réduisez votre sommeil nocturne d'un cycle ;
3) lorsqu'à son tour cette réduction est passée à l'état de réflexe, coupez votre nuit de sommeil par un cycle d'éveil. C'est la partie la plus délicate, il vous faudra, dans des conditions de santé normales, plusieurs jours pour vous y habituer.
Il se peut, par ailleurs, qu'aucune possibilité de faire la sieste ne s'offre à vous à l'exception, par exemple, du dimanche. Dans ce cas essayez le schéma suivant :
Dès que vous rentrez chez vous : sieste d'1h30, puis cycle(s) d'éveil (pour manger, par exemple), puis sommeil : 1h30 + 1h30 + 1h30 + cycle(s) d'éveil + sommeil 1h30. En d'autres termes, si vous êtes chez vous à 20h00, vous pouvez dormir jusqu'à 21h30, vaquer à vos occupation de la soirée jusqu'à 23h, dormir de 23h à 3h30, vous livrer à des activité de veille jusqu'à 5h du matin, puis achever votre sommeil de 5h à 6h30.
Ce ne sont là que des indications générales. A chacun de les adapter en fonction des possibilités qui s'offrent à lui pour fragmenter son temps de sommeil.



Les méthodes d'induction.



1. L'induction du rêve lucide par endormissement conscient.

Après tout ce qui a été dit plus haut, vous devez probablement penser qu'avec ce cours, vous n'êtes pas sorti de l'auberge. En effet, vous achetez un cours de pratique de rêve lucide, ce qui dans votre esprit signifie que d'ici un mois ou deux, vous devrez commencer à explorer le monde merveilleux des rêves lucides, et voilà que vous apprenez qu'il vous faut noircir des pages de cahier tous les matins, alors que vous avez à peine le temps de prendre votre petit déjeuner, transformer votre conscience, qui jusqu'ici vous convenait très bien, et modifier vos habitudes de sommeil d'une manière susceptible de vous conduire au divorce, si vous êtes marié(e). Tout ceci sans être assuré de faire des rêves lucides. Personnellement, je serais moyennement satisfaite de m'entendre dire de telles choses.
C'est pour cette raison que nous avons décidé d'exposer dans cette rubrique des méthodes susceptibles de vous permettre de faire des rêves lucides dans des délais très brefs, cette nuit-même peut-être, à supposer que vous vous sentiez en affinité avec les méthodes en question. Ce qui bien sûr ne vous dispensera pas d'effectuer un travail de fond. En effet, les "méthodes flash" ne sont efficaces que tant qu'on les pratique, ainsi que toutes les études l'ont montré. Il n'y a qu'un travail plus appronfondi qui puisse vous permettre d'augmenter durablement votre capacité à être lucide sans efforts spécifiques de votre part.

Dans ce premier cours, j'ai décidé de vous exposer la méthode que j'ai employée personnellement lorsque j'ai décidé que je voulais faire plus de rêves lucides, et que j'employais encore lorsque j'ai fait des rêves lucides en laboratoires : elle se montre donc très efficace au coup par coup. C'est-à-dire que si vous êtes un rêveur lucide occasionnel, ou même très occasionnel ( quelques fois par an ), et que si cette méthode vous convient, elle devrait vous permettre de faire un ou deux rêves lucides par semaine. En revanche, j'ignore les résultats que vous pourrez avoir si vous n'avez encore jamais fait de rêves lucides. Cela dit, j'ai rencontré beaucoup de gens qui prétendaient ne jamais avoir fait de rêves lucides et qui ensuite, au cours de la discussion, se souvenaient que, effectivement, ils en faisaient de temps en temps, mais que ces rêves n'ayant rien de remarquable, il n'avaient pas jugé utile de s'en souvenir. De toutes les manières, si votre objectif est de faire entre un et trois rêves lucides par semaine, vous ne perdrez rien à essayer cette méthode, la seule condition étant que vous ne devrez pas essayer de la pratiquer plus de trois nuits par semaine, pour des raisons que nous expliquerons plus loin. En revanche, si votre objectif est de faire des rêves lucides toutes les nuits, il vous faudra obligatoirement passer par des pratiques plus contraignantes et effectuer un travail de fond qui vous amènera à modifier la structure de votre conscience même.

La méthode.

Cette méthode, très simple dans son principe, puisqu'elle consiste à vous endormir consciemment, se fonde sur l'observation des cycles de sommeil. " Comment ? " allez-vous me dire " mais c'est très dur de s'endormir consciemment ! ". Oui et non. C'est dur si vous vous allongez dans votre lit en vous disant : " Je vais m'endormir consciemment là tout de suite ". En revanche, cela devient beaucoup plus facile si vous choisissez votre moment avec précission.
En effet, comme il a été dit plus haut, le sommeil se compose de diverses phases.

- Stade 1 : endormissement
- Stade 2 : sommeil léger
- Stade 3 : sommeil profond
- Stade 4 : sommeil très profond
- Stade 5 : Sommeil paradoxal

Or notre cerveau a deux façons de s'endormir : en passant par 1,2,3,4, ou en plongeant directement dans 5. Et, à moins que vous ne soyez un champion de la manipulation de votre cerveau, ce n'est pas vous qui déclenchez l'entrée dans les différents stades. Ce qui signifie que chaque stade se déroulant virtuellement (la journée) ou effectivement (la nuit) à des heures bien précises, il vous suffit de choisir votre heure pour savoir dans quel type d'endormissement vous allez plonger.

a) Observer votre sommeil.
La première chose à faire sera donc de vous observer minutieusement. Pour cela, vous devez pouvoir consulter l'heure sans difficulté à chaque fois que vous vous réveillez au cours de la nuit. C'est-à-dire que l'affichage de votre réveil doit être visible dans l'obscurité, ou que vous avez une montre à quartz avec un bouton "lumière". Enuite, il ne vous reste plus qu'à voir à quelles heures vous vous réveillez naturellement, au cours de la nuit, ou même le matin. En général, ces heures sont très précises, à deux ou trois minutes près.
L'heure la plus facile à repérer est celle de votre réveil, le matin. Aussi, dès que vous émergez, vite, regardez l'heure.
Ce sera par exemple 7h57, la semaine. Mais le week-end, vous dormez plus. Votre vrai réveil se situera probablement vers 9h30, avec un micro-réveil vers 7h57. Maintenant, prenez une nuit ou vous pouvez vous autoriser quelque insomnie et buvez beaucoup de tisane avant de vous coucher. Si vous êtes résistant, vous tiendrez probablement jusqu'à 6h30, heure à laquelle vous serez réveillé par une envie irrésistible. Sinon, vous serez jeté au bas de votre lit par cette même envie vers 5h00. Imaginons maintenant que vous soyez angoissé par des problèmes quelconques qui vous réveillent au milieu de la nuit : excellente opportunité. Ici, vous pourrez noter : 3h30. En général, après le premier endormissement, on dort deux cycles d'affilée. L'important, c'est de noter les cycles suivants, déterminés d'après l'heure de vos différents réveils.

b. Répérer les heures de rendormissement.
Supposons maintenant que vos heures de réveil soient :
3h30 5h00 6h30 8h00 9h30.
Ces heures seront normalement précédées par des phases de sommeil paradoxal. Ce qu'il vous faut, c'est ensuite choisir un ou deux cycles bien précis au cours desquels vous pourrez vous autoriser à ne pas dormir, ce qui d'ailleurs sera une excellente chose si l'on en croit les considérations qui précèdent, sur le sommeil discontinu. En ce qui me concerne, c'est le cycle 4h30-6h00 qui s'était naturellement désigné. Autrement dit, je me réveillais régulièrement à 4h30 un certain nombre de nuits par semaine ( ceci explique en partie pourquoi je vous déconseille de pratiquer toutes les nuits, car ensuite, vous vous réveillerez immanquablement à 4h30 tous les matins, pendant des mois, et quoi qu'il arrive ). Une fois réveillé, consultez régulièrement votre montre. Vous pouvez éventuellement lire ou faire des phosphènes (voir cours suivants), mais ne prolongez pas cette activité plus de 3/4 d'heure. Ensuite, recouchez-vous et consultez votre montre au moins toutes les 5 minutes, jusqu'à ce que vous sentiez que vous êtes très sérieusement en train de vous endormir. Vous remarquerez rapidement qu'il y a un moment très précis au cours duquel le sommeil vous tombe dessus sans crier gare, par exemple entre 5h34 et 5h36 : début du sommeil paradoxal (le début du cycle suivant étant à 6h00). C'est à ce moment là que vous devrez être particulièrement vigilant. Il est difficile de s'endormir consciemment parce que cela suppose une vigilance sans faille. Mais si vous savez exactement à quel moment vous devez le faire, (c'est à cela que vous aura servi votre montre) et si vous savez que cela ne durera pas plus de cinq minutes, cela devient facile. Autrement dit, si à 5h40 vous êtes toujours réveillé, inutile d'insister. Et n'espérez pas vous endormir consciemment vers 6h00, parce que c'est l'heure de la série 1,2,3,4.
Mais alors, pourquoi ne pas dormir tranquillement jusqu'à 5h30 en espérant un micro-réveil naturel ? A priori, ça ne marche pas. On peut s'endormir entre 4 et 5, pas se réveiller.
D'un autre côté, si vous avez sombré dans un rêve non-lucide à 5h35, ce n'est pas très grave, car votre heure passée éveillé entre 4h30 et 5h30 vous rend plus apte à devenir lucide spontanément au cours de cette période, ou à être sujet à des micro-réveils au cours de la phase de sommeil paradoxal, ce qui vous permettra de vous rendormir immédiatement, mais lucide.
Ce qui est important dans la phase d'endormissement conscient, c'est l'attitude de "volonté non volitive". En effet, si l'on oublie de rester conscient, on est surpris par le sommeil sans s'en rendre compte. D'un autre côté, se répéter sans cesse "J'y arriverai" reste le meilleur moyen de ne pas s'endormir.

Si ça marche, pourquoi ne pas le faire toutes les nuits ?
Parce que le cerveau n'est pas idiot. Il ne se laisse pas faire si facilement. Une fois qu'il aura bien repéré votre petit manège, il lui sera tout à fait loisible de décaler tous ses cycles d'une demi-heure, ou d'une heure, et ne croyez pas que ce soit difficile pour lui. Si ça ne suffit pas, il modifiera votre sensation d'endormissement. Soit vous vous endormirez comme une souche sans vous rendre compte, soit vous vous retrouverez en train de vous demander quand passera le marchand de sable alors que vous dormirez déjà. Si vous persistez néammoins, vous en serez quittes pour trois heures d'insomnie chaque nuit, en moyenne.
En fait, vous pouvez persister, sachant que vous ne pourrez ensuite compter que sur votre propre volonté, et sachant que vous en arriverez fatalement à poser cet ultimatum à votre inconscient : " Soit je fais des rêves lucides, soit je refuse de dormir ". Ca marche. Mais à quel prix ? Pour quelle raison pensez-vous que vous n'êtes pas lucide dans vos rêves, en général ? Et corrélativement, pour quelle raison pensez-vous que vous n'êtes pas conscient de toutes vos sensations, gestes et paroles à chaque instant ? Parce que quelque chose en vous ne souhaite pas l'être. Supposez qu'un génie sortant d'une bouteille vous fasse la proposition suivante : " Si tu le souhaites, je peux faire en sorte que tu ne sois plus jamais insconscient, ni dans ta vie de veille, ni dans ton sommeil le plus profond ". L'accepteriez-vous ?

Remarque :
Comme vous l'avez constaté, ces quelques paragraphes vous ont expliqué dans quelles conditions vous devez tenter de vous endormir consciemment pour obtenir un rêve lucide, mais nous ne vous avons pas décrit ce qui arrive lors de l'endormissement, et qui sont les différents modes d'apparaître du rêve et du sommeil. N'ayez aucune inquiétude : vous trouverez tout cela dans les cours suivants, et vous n'en avez pas besoin pour commencer la pratique. En fait, vous pouvez commencer dès ce soir !

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