Le manuscrit de Turlut



Prologue

A l'heure où l'Homme va partir explorer les étoiles, les risques de cette "conquête" ne sont pas négligeables. Risques astronautiques et peut-être même dangers. Mais le plus grand des dangers est déjà sur cette terre car il est né avant l'Homme, et restera s'il le peut jusqu'à la fin des temps. Même les épidémies ont des survivants, même l'enfer nucléaire ne peut tout emporter. Il faudrait sans doute recommencer, cependant le danger finirait par disparaître. Mais ce dont je veux te parler sera toujours là. Sauf si l'on y met un terme et ce ne sera pas par une éradication opérée par commando. Il y faudrait des saints.
Je ne voudrais pas te faire peur. "La peur n'évite pas le danger" et c'est en homme adulte que je m'adresse à toi. Non en enfant prêt à entendre tous les contes ou en adolescent fasciné même par les films les plus pervers. Ecoute calmement cette histoire et prend ensuite ta destinée en mains. Ne rien faire et savoir est aussi une solution.
Je te préviens que beaucoup de ce que je vais te dire ici va choquer ton éducation et ton expérience. Le conditionnement social est sûr en ce qu'il a de juste, mais rien n'a été prévu, ou si peu, pour lutter contre "le plus grand des périls". Alors ne bondis pas sur ta chaise avant de finir ce texte. Réfléchis ensuite et sois toi-même quand tu décideras de le rejeter ou de le garder dans ta bibliothèque. Oui, sois alors toi-même: une personne qui décide librement et pas une machine sociale conditionnée par ses émotions ou ses opinions.
Ce qui suit est une restauration complète à partir de fragments issus de notre mémoire collective d'espèce, l'espèce humaine, et de textes écrits par nos ancêtres. De même que l'on peut reconstituer les langues primitives en linguistique, ou les points origines des groupes fossiles en paléontologie, de même on peut faire ce travail pour les bassins sémantiques des symboles et archétypes, le rêve profond de l'humanité. Je pourrais te montrer cela par étapes mais ce serait trop long et je n'ai pas le temps. Prends ce qui vient comme un tout et tires en profit, ou laisse le dans son ensemble après l'avoir lu.
La première partie est évidemment en grande partie une reconstitution, mais les autres sont solidement bâties sur les faits très connus et cachés le plus souvent à nos contemporains. Non cachés vraiment, mais difficiles d'accès. Seuls quelques spécialistes des diverses matières les connaissent bien. Il m'aura fallu passer de longs mois patients dans une vaste bibliothèque de grand savoir pour parvenir à glaner d'une science à l'autre les éléments inaperçus et les détails apparemment curieux et considérés comme anodins qui font le tout que je te livre ici. Ecoute donc mon histoire et n'interviens qu'après.

Chant 1 : Autour d'une planète géante

500 millions d'années. Qu'est-ce que 500 millions d'années dans l'histoire d'une galaxie ? Un peu plus tôt, un peu plus tard que les autres, une étoile naît ou meurt. Celle dont nous parlons est née un peu plus tôt que la moyenne dans la galaxie d'Andromède. Etant plus active que notre soleil, comme le prévoit bien le modèle stellaire actuel [1], elle a quelques planètes massives près d'elle et quelques grosses planètes plus loin. La chaleur de ses radiations puissantes a interdit la vie sur les petits mondes massifs proches. Et en cela le modèle diffère de notre système solaire. La vie était ici possible sur la première grosse planète. Sur ou autour ? Il faut un noyau solide dur, pas un océan de méthane. Les satellites nombreux de cette planète géante répondaient à cette condition. Donc la vie naquit sur quelques uns de ces satellites. Fantastique vision d'une sorte de lune géante et d'un gros soleil depuis le sol de ces astres obscurs. Il y a de cela dans les rêves de l'homme mais cela ne vient ni de sa mémoire d'espèce ni de celle du vivant de la Terre.
En fait, notre histoire commence non, comme on devait s'y attendre, sur les satellites massifs de la planète géante, mais au sein même de l'anneau. Celui-ci, fait de matériaux rocheux et d'eau, passée la période de collisions, acquit une bien relative stabilité. De la poussière planétaire tombait encore en partie dans les mini-océans de quelques rocuscules de cet anneau. Une stratigraphie d'argile dans une mer chaude. Ainsi naquit la première vie profitant des effets de catalyse et de capillarité. La vie parvint alors jusqu'à des sortes de gros pluricellulaires s'infiltrant en "ramilles" à l'intérieur de la "terre" d'un de ces rocuscules. Les chocs avec les autres rocuscules lorsqu'ils étaient viables le furent. Ainsi des colonies séparées de choses peut-être semblables à nos madrépores apparurent, cachées au fond obscur et salutaire d'une série de rocuscules de l'anneau. La vie la plus évoluée était quelque chose d'à la fois animal et végétal, se reproduisant par parthénogénése. Le règne animal était donc "végétatif" et le psychisme aussi. Pourtant les rocuscules étaient séparés et devaient évoluer de manière séparée sur une base commune. Un écosystème de l'anneau complet ne pouvait s'établir que sur une base psychique, "sentir la présence des autres vivants autour de l'anneau". Bien que ce psychisme y fut rudimentaire, le sentiment d'unité fusionnelle de l'ensemble dut naître très vite, justement pour assurer l'unité écologique du système de la géante.
Mais il fallait passer à une autre étape, la communication physique, concrète, de l'ensemble. Un organisme trouva la solution. Une excroissance avec une coque suffisante pour pour protéger des radiations létales du soleil et pour empêcher la dispersion de gaz et liquides vitaux dans l'espace vide. Avec la parthénogénése, cela donna des sortes de haploïdes, des spores (mais il n'y avait pas de sexualisation de ces organismes). Des spores de l'espace... De l'espace de l'anneau. Et qui tombèrent par centaines dans les milieux vivants des autres rocuscules biotiques. La matière de la vie y était sur la même base, la nourriture aussi. L'ensemble psychique devint plus intense. Le parasitage des formes inférieures de vie aussi. Ce parasitage fut psychique : une sorte d'hypnose avant la lettre (il faut un cerveau différencié pour cela). Le milieu écologique venait de se refermer complètement. Il avait fallu pour cela une sorte de "conquête de l'espace" comme les spores et pollens de nos fleurs conquirent l'air de la terre. La plus évoluée de ces choses, un animal anémone-végétal à haploïdes de l'espace dominait en groupe indivis la vie et le psychisme de l'anneau de la planète géante.
Survint un accident comme il en arrive tant dans les systèmes jeunes. La planète géante, de par sa masse, attira une grosse météorite laquelle traversa l'anneau. Le biotope ne fut que localement perturbé. Pour notre "chose", une météorite n'était pas un danger majeur. Il était même l'acte mécanique extérieur de la fertilité. Il fut en tout cas la cause de l'expulsion de quelques rocuscules qui se fichèrent sur le satellite le plus proche de la géante. La vie y avait pu naître, cependant l'eau commençait à s'enfoncer dans le sol. Cet astre nain était de la taille de Mars. Les déserts et les montagnes se répartissaient nombreux mais l'atmosphère s'y trouvait raréfiée. Toutefois nos choses le prirent fort bien. Les survivants mutants apprirent même à contrôler le psychisme du vivant local en parasitant les animaux les plus évolués. La chose était devenue une sorte de plasma-ver courant ses "racines" dans le sol désertique et ayant quelques bras-arbres avec des "plumes" pour synthétiser l'énergie solaire. Energie par la lumière, aliments minéraux et sels en saprophytant des bactéries. Cette chose ne se déplaçait pas. Pourquoi faire ? Son psychisme individuel très fort repoussait les prédateurs. La vue était inutile. Collectivement, la suggestion du vivant sur le satellite fut donc très forte. Et le psychisme s'étendit de l'anneau jusque là. La chose animale de ce monde devint en quelque sorte le cerveau de tout le système. Sa reproduction se faisait par le ventre d'animaux qui absorbaient le spore devenu moins dur au cours des âges, une sorte de boule visqueuse avec encore une légère écorce.
Et l'espèce dominante animale bien sombre et impitoyable acquit le statut de cerveau de ce monde. Animal certes, mais maintenant une logique naissante implacable et aveugle existait en lui et donc à travers lui et par lui dans tout l'écosystème tissé de psychisme dense telle une toile de quelque colossale araignée. Pourtant le seigneur et maître de l'environnement de la planète géante n'était fait que d'êtres insignifiants. Chaque spécimen y était une tache flasque bavante de quelques métres de rayon tapie sous le sable doté de quelques protubérances visibles, pièges à innocents organismes. Ceux-ci, phagocytant la boule grosse encore comme un pamplemousse, la régurgitaient plus loin, beaucoup plus loin. Et tout recommençait.
Mais rien n'est éternel et la chance pour la chose d'avoir pu s'installer sur le satellite proche de l'anneau n'en devint plus une au cours des milliers de milliers d'années. Celui-ci était trop proche de la planète géante et déjà de sourds tremblements de terre annonçaient la pulvérisation finale. Le satellite émembré allait rejoindre l'anneau. Cela, notre chose évoluée ne pouvait le permettre. C'est qu'elle avait un peu oublié son origine au cours des temps géologiques, à ce stade. Peu à peu, elle découvrit collectivement l'effet PK [2]. Lutte gigantesque ce fut entre le psychisme collectif du satellite qui essayait de repousser au loin le globe et le psychisme embryonnaire mais fort des hôtes de l'anneau qui demandaient que leurs "frères" les rejoignent. Et ceux-ci ne le voulaient plus.
Une erreur fut à l'origine de la catastrophe. La chose fit freiner légèrement le satellite, de plus en plus. Celui-ci, contrairement à l'attente "logique" mais parfaitement obéissant à la mécanique céleste se précipita avec lenteur de plus en plus près de la planète géante. La fin du satellite arriva. Ainsi mourut le premier règne psychique de ce système planétaire.
Et tout recommença. Car quelques "choses inférieures, archaïques" rêvaient enfoncées dans le sol du satellite plus profondément que les autres avant le chaos final. Archaïques, elles l'étaient pour avoir conservé une écorce plus dure à leurs boules haploïdes. Mais pas assez sous-évoluées pour les êtres de l'anneau. Quelques specimens de ces choses survécurent dans les rocuscules nouvellement installés. Et ce fut un nouvel âge psychique. La "chose archaïque" reprit rapidement la niche écologique vide et, de mutation et mutation, en quelques centaines de milliers d'années, elle devint la souveraine de l'anneau. Et tout recommença. Animal et psychique à la fois.
La faculté de l'effet PK reprit aussi, et cette fois presque consciemment. Notre chose nouvelle en s'adaptant aux petits mondes des rocuscules étendit son pouvoir et prit goût au déplacement de cailloux. Oh, ce n'était pas extraordinaire, c'était un art très lent et imparfait. Mais notre chose vivait plusieurs siècles et une colonie presque un million d'années.
Comme elle était venue il y a très longtemps de l'anneau, sa nourriture pouvait bien s'accommoder des êtres y vivant. De ce point de vue, elle n'était pas très difficile. Or un autre satellite plus lointain sentait aussi la vie et le psychisme rudimentaire. Il fallait y aller. La maîtrise du sens "mécanique céleste" était pour notre chose bien plus précise qu'autrefois. Et quelques rocuscules devenus bâtons et missiles lents parvinrent un jour à leur but. D'une certaine façon animale et instinctive, la conquête spatiale était née dans ce recoin du cosmos. Ainsi les autres mondes de la géante furent occupés par l'espèce mutante la mieux adaptée de la "chose" à ce jeu céleste. Celle qui pratiquait une forme d'hibernation longue dans un grand froid.
Le système entier de l'étoile quand cela devint possible fut atteint. Il suffisait d'utiliser la planète géante puis les autres comme catapulte. Le psychisme augmenta à la mesure de la population totale du système stellaire. La vue n'existait pas mais sur chaque astre, la composition des effets de perception des colonies distantes les unes des autres faisait naître une sorte d'astronomie naturelle. On comprit obscurément que les étoiles étaient comme "le soleil" et, la faim venant avec la surpopulation, le désir de projeter des corps encore plus gros loin de l'astre central devint intense. La nouvelle catapulte choisie étant le "soleil". Après des tentatives infructueuses qui durèrent des milliers d'années, la dernière mutation de la chose triompha le jour où le signal psychique lui parvint de l'étoile la plus proche : une colonie de choses les plus audacieuses avait enfin atterri. L'éconiche se jaugeait maintenant pour elle à l'aune de la vastitude.
Et ainsi commença une conquête animale collective et farouche qui rongea comme un ver, peu à peu, la galaxie d'Andromède. Pour aller plus vite, on utilisa un jour comme catapulte quelques dangereux trous noirs. Et c'est alors que le Trickster de l'univers entra en jeu : un des bolides contenant une colonie entière de choses commit une erreur. Une légère erreur ... A près de mille km/s après avoir dépassé le trou noir, il fonça dans l'espace. Non comme prévu pour assujettir les espèces intelligentes d'une planète lointaine inconnue, mais hors d'Andromède et, sans le savoir, droit sur notre galaxie.

Chant 2 : Quand l'épidémie courut dans notre galaxie

De mutation en mutation par le jeu darwinien, l'espèce choisie pour coloniser les mondes l'avait été pour sa longévité prodigieuse : un million d'années ! Et aussi pour sa faculté énorme d'hibernation. Et cela dura 500 millions d'années dans l'espace vide d'étoiles et de vie. Derrière, Andromède vivait des mutations, des guerres et des fins de civilisations. Car l'espèce psychique devenait de plus en plus forte. Elle s'attaquait maintenant à l'Intelligence. Cependant d'autres formes de vie la contenaient. Il suffisait de ne pas être contaminé, sinon la planète entière y succombait. 500 millions d'années de voyage pour notre chose ! C'étaient 500 ans pour une histoire d'hommes.
Un jour, traversant enfin notre galaxie, le bolide passa tout près d'une étoile moyenne. La colonie de choses se réveilla de sa longue léthargie et freina sa course, mais elle ne put tout faire. une grosse planète était en vue pour achever le freinage et revenir vers le petit globe qui sentait bon la vie à contrôler psychiquement. C'est ainsi qu'une grosse météorite tomba sur la Terre. C'était il y a 65 millions d'années et les dinosaures allaient disparaître complétement, mais non pas seulement à cause du choc colossal sur l'écosystème. L'agonie viendrait directement et indirectement de la chose. Et ni elle ni les dinosaures ne sauraient jamais pourquoi.
Le bolide avait atteint la Terre. Comme une bombe atomique. Après la lueur de feu, ce fut le vent brûlant et le raz de marée. Et ils balayèrent tout sur leur passage. La température monta d'un coup, tuant toute vie proche de l'impact. Puis s'éleva un nuage opaque. Et ce furent les ténèbres pendant plusieurs années. La température baissa beaucoup plus qu'elle n'était montée, tandis que les pluies acides achevèrent l'oeuvre commencée. Mais tout ne fut pas détruit et même, par ci par là, quelques espèces de dinosaures survécurent. L'éclatement de la météorite par contre avait été fatal à la colonie de l'espace. Seule une chose gravement mutilée survécut. Elle s'enfonça comme elle avait appris à le faire. En attendant que le choc climatique cesse en ses conséquences, elle grandit. La vie était bien différente de ce qu'elle connaissait, mais les êtres invisibles, microscopiques, de ce monde pourvoyaient en profondeur à sa nourriture minérale et l'eau, la précieuse eau, elle l'absorba à travers de nouvelles radicelles.
En un an, elle put sortir un rhizome turgescent à la surface. Le Soleil l'éclaira au jour où il perça définitivement les ténèbres. Et, en un mois, elle put faire jaillir ses palmes. Elle ressemblait ainsi à une sorte de bennettitale, un palmier nain au tronc gélatineux : ce n'était qu'un ver blanc dressé et fragile avec un buisson sur la tête. Dessous, 25 mètres carrés de racines.
Ce qui la surprit fut qu'elle était seule, psychiquement seule, effroyablement seule. Seule survivante de cette arrivée sur la nouvelle planète. Rien en signal venant de l'espace. Sur la Terre, seulement le bruit télépathique d'animaux réparant peu à peu le traumatisme du cataclysme. Rien de bien considérable en taille.
Un essaim d'abeilles eut la très mauvaise idée de se fixer à ses "branches". Le psychisme dense mais rudimentaire de la ruche lui plut et elle commença à le contrôler. Mais elle ne put étendre son pouvoir sur l'espèce entière et, de là, au reste de la planète. Sur ce monde, l'individualité, d'une manière ou d'une autre, était reine, et c'était inacceptable. La nourriture pollinique, moyennant fermentation dans son système digestif, lui plut. C'est de ce jour qu'elle vit le monde comme ruche. Elle accueillit aussi favorablement les fourmis, surtout les géantes. Elle conçut en quelque sorte que ce monde était un monde social et hiérarchique à l'image du sien, mais sans dirigeant. Il en fallait bien un. Elle allait le lui "expliquer". Mais seule elle était sans pouvoir. Il fallait donc qu'elle se reproduise. En deux siècles, elle eut beau lancer des surgeons, ses fameuses boules tombaient lamentablement et, à la première pluie, se dissolvaient sans pouvoir faire naître les flagelles qui étouffaient la proie, l'enfouissaient dans le sol avec elle, nourriture pour parvenir à l'éclosion.
Les vers lui obéissaient. En fait, toute vie qui passait dans son rayon d'action tombait en esclavage. Sauf les "grands mobiles" à pattes. Ce fut bien plus tard. Une nouveauté pour elle. Les "mobiles animaux" revenaient de plus en plus nombreux dans cette terre stérilisée par le choc du cataclysme. Et de plus en plus grands.
Or une espèce de vélociraptors avait survécu. Un jour une horde fit son apparition et se dressa. Les boules à leur odorat étaient nauséabondes et ils se retirèrent très vite. Mais la chose l'apprit et comprit où la suggestion passerait dans leur cerveau reptilien. Les vélociraptors rebroussèrent chemin et quelques uns avalèrent un "fruit" soudain trouvé savoureux à la vue. La chose venait de comprendre comment conditionner un cerveau reptilien. Techniquement parlant elle venait d'inventer l'hypnose. Contrairement avec les proies enfouissables, les boules savaient comment se comporter avec un oeuf. Les femelles qui avaient mangé les boules perdirent ainsi un rejeton dans leur ventre car l'hôte de l'espace avait pris sa place. Le psychisme rudimentaire du dinosaure se plia facilement à la suggestion de la couvade après la ponte à 300 km de là. Quand l'oeuf éclot, le père et la mère moururent en quelques secondes mais ne purent servir de nourriture longtemps, leur viande n'étant pas comestible pour les jeunes choses venimeuses nées du clan du vélociraptor. Sans l'aide des abeilles appelées en essaim par la "chose mère", ils n'auraient pu trouver le sol plus nutritif où elles poussèrent enfin en paix.
La chose avait trouvé ce jour comment se répandre sur la terre en passant par les dinosaures presque intelligents qui la peuplaient encore. Et elle en profita. Son psychisme augmenta d'autant et sa semence se fixa de plus en plus loin. Il fallait pourtant de grosses bouches et de spatieux estomacs. Et rendre le fruit mielleux. Ce fut possible avec l'aide des abeilles, les seules choisies comme agents parmi toutes les autres espèces d'hyménoptères, et certaines fourmis géantes. La conquête de la Terre commençait.
Pourtant, tout n'allait pas si bien dans le meilleur des mondes. D'abord les espèces géantes disparaissaient les unes après les autres et puis même les favorables tuaient naturellement le plus souvent la chose en graine dans leur ventre. C'était encore pire avec les mammifères (mais elle ne les voyait pas ainsi). Il n'y avait pas d'oeuf et, le foetus du petit animal disparu, la femelle avortait. La graine de l'espace disparaissait dissoute. Aucun parasitage possible de ce côté là, sauf le bref temps de quelques jours où l'animal sous contrôle de la spore ne l'avait pas encore détruite. Sans s'en rendre compte, tout en s'étendant peu à peu, la chose tuait les derniers dinosaures de la planète et, avec eux, la plante benettitale qui lui ressemblait tant. Toutes ces plantes disparurent de la terre. Ne restèrent que les specimens qu'elle acclimatait pour s'y lover, quelques vélociraptors spécifiques. Et un type d'abeilles géantes. C'était peu pour le contrôle du monde. Mais elle avait le temps. Et maintenant, après l'égalité sociale absolue et sans individualité possible des abeilles, elle apprenait la cruauté du reptile qui chassait en groupe. Elle se plut même, comme dans une drogue nouvelle, à sécréter par lui la peur dans les autres espèces. Elle connut collectivement et positivement cette même cruauté. Le monde, de fatal, allait devenir cruel.
Mais là, un Dieu secourable intervint alors.
La galaxie n'était pas vide de vie intelligente comme on le croyait autrefois et un millier d'espèces environ sous toutes les formes croissaient et se développaient, en bonne intelligence le plus souvent. L'une d'entre elles, sexuée et assez humanoïde, aurait pu passer pour de lointains descendants des dinosaures. Elle avait la particularité de pondre des oeufs. Cette ressemblance lui fit entreprendre un nouveau travail d'étude, revisitant la terre comme elle l'avait fait tant de fois pour suivre l'évolution de leurs lointains cousins sauriens. Lilith, la femme, était le chef de l'expédition. Arrivée au sol, elle fut surprise comme tant d'autres par des appels psychiques d'une forme de vie inconnue. Sans doute les risques devaient lui être interdits, car elle allait bientôt pondre. Pourtant elle demanda à partir seule en investigation. Et elle trouva beau et juteux le fruit de l'arbre étranger à la planète.
Lorsque le vaisseau spatial rentra à sa base, la couvade allait commencer. Une guerre et des désordres s'ensuivirent sur la planète de Lilith. Les choses essaimées mirent plus de cent ans à prendre le contrôle de tout l'écosystème et, partant, à essaimer sur d'autres mondes. Plusieurs autres mondes. Le problème finit par devenir grave et le conseil galactique se réunit d'urgence. Une enquête suivit où l'on remonta la trace de l'infection par étude soigneuse du gradient épidémique. On parvint à la Terre. L'enquête conclut à l'invasion d'une forme de vie venue d'Andromède. On savait déjà depuis quelque temps que des signaux psychiques inquiétants parvenaient de la galaxie voisine. En aucun cas cette engeance ne devait se répandre chez nous. L'affaire fut tellement grave que le Seigneur Lui-même vint en cette assemblée en une forme apparente. Les Archontes du ciel dirent : "L'Ennemi est passé par là, Seigneur, et il a semé de l'ivraie dans ton champ." Le Seigneur répondit : "Que nul n'arrache la mauvaise herbe en ce monde externe. Attendez l'époque des moissons." Il prononça seulement l'interdit sur lui. "Mais, nous, pouvons-nous brandir l'épée de la peste contre les sauriens ?" "Certainement, je vous l'accorde." "Et pour les autres mondes, Seigneur ?" demandèrent-ils. "Allez par tout l'univers prêcher la repentance et extraire le mal du ciel entier, si on ne vous écoute pas."
Et ce fut ainsi. Une guerre eut donc lieu dans les cieux et, comme le dit si bien l'Apocalypse, un tiers des étoiles du ciel et des mondes civilisés tomba sous la coupe de l'Ennemi, trompés qu'ils étaient par le voult psychique de la chose infâme.
Ils conçurent aussi à partir de la chose un autre arbre qu'ils plantèrent partout en face des êtres maléfiques, car le psychisme de la nouvelle espèce contrecarrait parfaitement l'autre, sans toutefois l'annuler. Ils décidèrent ensuite de parvenir à Andromède pour pour réduire le mal qu'on y faisait, mais cela est raconté dans d'autres textes et ce n'est pas mon propos ici. Sachez seulement qu'ils portèrent la maladie et la décimation parmi les dinosaures et que la chose de la terre disparut complétement sauf en deux lieux isolés. je ne puis vous dire le nom de ces régions blasphématoires mais si je vous apprend que les choses ont besoin d'air sec et rare et d'étendues de sable froid, alors vous devez trouver seuls les deux hauts plateaux de la Terre auxquels je fais allusion ici.
Et les anges chassèrent de devant la face de Dieu les rebelles, écrasant partout les choses maléfiques vecteurs de l'Ennemi. Et ils fermèrent à tout voyageur les portes de notre planète.

Chant 3 : L'époque de l'enfance de l'homme

La chose avait perdu tout son prestige sur la création terrestre, réduite qu'elle était à deux individus aux antipodes l'un de l'autre. Les derniers représentants d'une espèce de sauriens qui diligentaient les monstres disparurent à leur tour. Ils portaient de grandes ailes membraneuses et dormaient dans les grottes où s'était réfugiée la chose. C'est de ce temps que date la mémoire des gargouilles de nos cathédrales. Et cette mémoire est aussi dans le rêve-cauchemar des autres mammifères.
Un grand aigle ou vautour géant servit à son tour de serviteur à la chose. Mais même les reptiles ne voulaient pas du retour à la tyrannie psychique et cruelle. Les oeufs des grands rapaces furent percés par les petites dents aiguës et l'espèce de l'oiseau rok disparut à son tour. La chose ne savait plus que faire. Alors elle conçut une autre stratégie et attendit patiemment des siècles et des siècles.
Le froid des premières glaciations avait commencé depuis un moment lorsque Homo Erectus parvint en horde près du jardin où poussaient les deux arbres. Celui de la Mort et celui qu'avaient planté les galactiques bien en face de lui, à quelques kilomètres, pour lui tenir tête.
La race chargée de la surveillance de notre planète envoya d'urgence des plénipotentiaires [3] auprès du grand conseil galactique. Et le Seigneur lui-même vint en Personne et se tint devant les hommes. Il apparut femelle aux hommes : de ses entrailles fécondes un jour l'univers entier n'avait-il pas jailli ? Il apparut mâle aux femmes : son Verbe puissant n'enseignait-il pas la Vie et l'Intelligence à tous les niveaux du cosmos ? Mais il apparut avant tout en Homme ami de l'Homme, car c'est sa Bara (liberté) qu'il veut incarner à tout ce qui a souffle de vie. Certains du ciel et de la terre nomment même bara-ka ou bonne chance ce vent puissant à tous les étages du Cosmos, car la Liberté qui a des ailes voit, regarde et jauge de tout. Mais les entités nombreuses par myriades passées à l'ennemi la nomment avec dérision et révolte hasard. Car le Hasard n'est-il pas aveugle comme la chose venue d'Andromède ? Aveugle certes, mais non pas muette. Car la chose à sa manière pouvait parler à l'esprit de toute créature et le tromper.
Aussi le Seigneur se tint devant l'Homme et lui dit : "Tu pourras goûter de tout dans le jardin mais non pas de du fruit de l'arbre que j'ai laissé en face du mien." Et le Seigneur repartit vers le grand conseil, lequel ne comprit pas pourquoi il fallait, pensaient-ils, induire en tentation l'Homme pour qu'il succombe à son tour comme tant d'espèces l'avaient fait avant lui. Il leur répondit : "Jusqu'ici, vous n'avez que contenu l'ennemi. Pour le vaincre, il faut un être qui ait vu le mal en face et ait choisi librement de faire le bien." Et lui, pensant à plus tard, dit : "S'il tombe, il mourra (en tant qu'espèce) mais de lui sortira un surgeon (une autre espèce) en qui je mettrai toute ma compassion s'il le faut." Cependant nul ne comprit quel projet le Seigneur portait pour l'Homme et le Cosmos tout entier.
Et le clan d'Homo Erectus pénétra en bande dans le jardin merveilleux. Et la suite, tout le monde la connaît ou croit la connaître. Comment Hiévé la femme croqua du fruit redoutable et comment l'homme Ad-m en prit aussi. La tradition orale rajoute aussi que l'hypnose de Hiévé ne fut pas totale, qu'Ad-m désespéré gifla sa compagne tombée soudain en catalepsie, laquelle en fit autant à son tour quelques heures plus tard. Mais cela n'était que querelle de ménage. Ad-m revint de son hébétude en premier car, pour la raison que l'on sait, les femelles intéressent davantage la chose que les mâles. Il embrassa sa compagne endormie par l'hypnose, elle s'éveilla et lui sourit. Et dans son langage qui était encore bien rudimentaire il rapporta ce qui s'était passé. Il compléta son dire par le son de claquements de langue et de doigts. C'est bien de ce temps là que le signe du retour de l'hynose à la conscience est le claquement de doigt. Mais en tache de fond, en conditionnement obscur, la chose d'une certaine façon était tapie en partie à demeure dans l'âme de l'homme, sans toutefois pouvoir le dominer totalement, car l'homme, de par sa conformation, ne peut gober tout le fruit. Quand le Seigneur revint, il expliqua à l'homme ce qui devait arriver et le sortit d'urgence du jardin de la steppe. Puis il y mit ses envoyés pour aveugler l'homme pendant de longs siècles afin qu'il ne puisse en retrouver aucune des quatre portes.
Ce qu'il dit télépathiquement à la chose lovée sur son arbre, nul ne put l'entendre, mais ensuite Il lui coupa les ailes, c'est à dire que, du Soleil, un rayonnement nouveau sortit, lequel empêcha définitivement le monstre de surgir de terre. Ce qui le condamna à ramper sur le sol et à se cacher dans sa grotte. Ainsi la portée de sa voix télépathique fut-elle réduite à 100 km.
Enfin, une tradition que j'ai entendue sur Terre affirme que le seul animal pouvant résister à la chose est l'escargot. Car lorsque l'hypnose vient, il rentre dans sa coquille. C'est pourquoi chaque fois que l'homme qui porte en lui le goût de la vérité cherche dans les circonvolutions de son cerveau le retour perdu du labyrinthe du monde, il regarde fraternellement l'escargot qui a un cerveau enroulé en spirale comme le sien.
Or la chose était furieuse de n'être pas parvenue à ses buts. Furieuse que, malgré ses efforts, l'homme préhistorique ne venait plus à elle selon sa volonté. Elle était pourtant non loin de parvenir à ses fins. C'est que, au cours de ce bref contact avec Erectus, elle avait appris une malfaisance de plus. Ce qui lui avait permis de tromper Hiévé puis Ad-m, c'était l'orgueil. Et avec cela elle pouvait attendre. Oui, la chose était sûre de son fait. En tout cas d'après elle. Mais poussé par tant de malveillance, les errances de l'homme forcées par la chose ne menèrent à rien : Erectus disparut un jour de la surface de la terre.
Il fut remplacé par celui que nos savants appellent homme de Néanderthal. Plus habile et plus intelligent encore que son prédécesseur. Il courut le monde pour faire son oeuvre. Là encore, la chose essaya et échoua de nouveau. Mais cette tentative a été oubliée et la mémoire en est bien enfouie. Pourtant ce que fut cette horreur là hante encore nos cauchemars nocturnes.
Or les entités rebelles battues lors de la guerre du ciel cherchaient vainement à pénétrer sur notre monde pour y favoriser les oeuvres de ténèbre. Certes les Anges veillaient mais ils ne pouvaient tout prévoir. Les fils de Lilith dominée par les choses avaient appris d'elle une partie de la science des directions des astres. Aussi la course d'un certain petit rocher glacial et minuscule passa-t-elle inaperçue. D'autant qu'il ne contenait rien de grave. Coïncidence : une petite météorite noire et sombre tomba avec fracas près de la grotte de la chose. Crut-elle à l'arrivée d'un des siens ? Mais hélas pour elle, elle ne contenait rien. Pourtant elle aurait pu dissimuler un voyageur car elle était poreuse à souhait. Soudain un projet pervers vint à la chose d'un autre monde. Si elle avait eu une bouche, elle aurait souri méchamment. Quand la météorite fut refroidie, elle tendit son piège. Il lui fallait un animal de taille convenable, d'estomac convenable. Ce fut un ours géant sorti de sa caverne. Convenablement suggestionnée, la pauvre bête avala le rocher sans aucune difficulté. Mais il contenait un petit ver, une partie amputée de la chose, arrachée par la morsure gourmande. A l'abri dans le rocher, l'être poussa le fauve à courir au loin. Et une horde de néanderthaliens qui passait par là le chassa et l'ouvrit. Abomination des abominations, la pierre devint le trophée du clan. Par ce relais, la chose enseignait tous les jours le chef dans une sagesse mauvaise. C'est ainsi que l'homme connut l'orgueil du pouvoir chamanique de l'hypnose. Pire encore. Après une migration séculaire l'objet fut déposé solennellement dans une grotte lointaine, repaire de fauves près du Danube. Là où plus tard Hitler et les nazis formèrent le projet secret de dominer le monde par la magie. Mais au temps de Néanderthal, l'objet était encore périodiquement avalé et régurgité par un ours géant. Envahi par son hôte, il ravageait la contrée tous les ans. C'est de ce temps que la région porte une réputation mauvaise et que les histoires de vampires et de rois-ogres souterrains les plus invraisemblables y sont nées. Tous les peuples qui se sont fixés en ce lieu maudit ont été de grands conquérants et de cruels assassins. Fou qui ne verrait là que coïncidence. Et Néanderthal devint mauvais. Et il pratiqua le sacrifice humain, s'adonnant à l'anthropophagie selon les conseils mauvais qu'il écouta de plus en plus. Mais le ver était stérile. Il se contentait simplement de relayer la chose.
Alors, du surgeon proche de Néanderthal, l'Homme, la race dont nous sommes les représentants directs aujourd'hui, l'Homme apparut et se révolta. Il prit ses armes de pierre et de bois. Et il pourchassa le Mal et son serviteur l'ours géant, lequel disparut de la surface de la terre. Et Néanderthal mourut à son tour. La chose bavait de colère et, venimeuse, tapie dans son silence, attendit de nouveau.

Chant 4 : Les Visiteurs de l'antiquité

Pendant de longs siècles, glaciations et réchauffements se succédèrent. Et l'homme dans ses errances ne se rapprocha point du Jardin. Vint enfin le printemps de l'histoire humaine. D'abord comme un brouillard et une douceur humide. En ce temps là, nos ancêtres vivaient en équilibre avec le monde. Période heureuse et dont la mémoire chante encore le bonheur de vivre en camps puis en villages, parmi les animaux devenus des amis. Le chien, plus tard l'âne, le chat, le chameau, l'éléphant et enfin le cheval devinrent ses compagnons fidèles. En ce temps là, il n'avait pas encore pensé à cultiver la terre et il ne passait que la moitié de son temps diurne au travail. Le reste de sa vie se faisait dans le chant et les réjouissances du corps et de l'esprit. Mais sa mémoire fidèle le prévenait toujours autant de ne pas faire revenir involontairement les jours maudits.
Alors les Anges depuis leur lieu céleste virent que les temps étaient prêts et ils poussèrent vers les hommes toute sorte d'animaux pour qu'ils les élèvent. Et ils peuplèrent leurs rêves de formes étranges et nouvelles. Et l'homme trouva la céramique et tous les arts du feu. Et il se mit à bâtir des cités, trouvant les formes rondes et perpendiculaires dans ses songes. Et il découvrit l'amélioration des espèces vivantes. Alors, peu à peu, il se crut devenir Dieu et, tout en grandissant en sagesse, il voulut forcer sa mère la Terre à lui donner encore plus de fruits. Parce qu'il en avait besoin. Parce qu'il rêvait aussi de devenir démiurge. Et les célestes comprirent que les temps étaient venus. Ils descendirent donc en secret parmi les hommes et plusieurs fois. Ils leur montrèrent que leurs voies n'étaient pas bonnes. Les portes de la Terre s'ouvrirent donc pour un temps. Et chacun venait y enseigner nos ancêtres pour les empêcher d'entrer à nouveau dans les chemins tortueux.
En ce temps là, parmi les visiteurs, quelques envoyés de l'Ennemi se cachèrent parmi eux. Mais ils se gardèrent bien d'entrer dans les deux pays de la chose, car l'accès y était toujours interdit. Ils trouvèrent la croupe des femmes de la Terre à leur goût. Et ils en eurent des enfants qui devinrent de sombres dictateurs. Car ils leur avaient appris l'art de la suggestion en parlant aux peuples. Et les peuples les crurent. Ils firent croire à nos ancêtres qu'ils étaient ses dieux et qu'ils étaient très puissants. Mais ils venaient pour pousser l'homme vers des chemins mauvais.
Les autres envoyés aimèrent aussi les enfants des hommes ; mais ils les aimèrent vraiment. Et, touchés par la grâce de notre planète, ils ne voulurent plus en repartir. Ils eurent aussi des fils et des filles et, ceux là, les tablettes de l'histoire en parlent peu car ils faisaient l'oeuvre de lumière sans se l'attribuer. Et ils donnèrent tout ce qu'ils purent de leur savoir et de leur sagesse aux hommes. C'est de ce temps là que, par delà la beauté de notre monde, nos ancêtres levèrent leurs regards vers le ciel et leur coeur au delà de lui. Et leur prière fut trouvée bonne aux yeux du Seigneur.
Les fils de Lilith revinrent aussi et construisirent une base au pied des montagnes qui sont l'Ararat et ses alentours. En ce temps là, une grande migration se préparait mais les hommes ne voulaient point partir. Et ils étaient fascinés par la Tour des fils rebelles, celle qui envoyait ses messages au loin depuis la Terre. Et les hommes du ciel se firent adorer par nos ancêtres, tandis que des clans nomades avaient dans le secret retrouvé le lieu où se trouvait la chose. Mais il n'y avait plus d'arbre. Ils revinrent animés de sentiments mauvais. Eut lieu une guerre considérable. Elle se déroula devant les fils de Lilith. Et ce fut la première. Ceux-ci confièrent certaines de leurs armes aux hommes qui en usèrent mal. Plusieurs des premières cités disparurent de la Terre en un éclair.
Alors le Seigneur descendit sur la Tour et se dit à lui-même : ³Maintenant, rien ne les empêchera de parvenir à leurs fins.² Et il lança le signal de sauvegarde qui est le salut ultime au fond de toute espèce. Et l'homme se répandit enfin joyeusement depuis là, sur toute la surface de la planète. Il abandonna les ruines fumantes à sa mémoire, pour parcourir avec curiosité le monde. Et l'horizon depuis l'appelle sans cesse, sauf quand il le cache par les hauts murs de ses villes. En se diversifiant, les langues se séparèrent et les hommes adaptèrent leur génie propre à tous les lieux. De ce temps, l'interdit du Jardin commença à tomber.
Le Seigneur s'était également retourné bien avant sur les fils de Lilith et ceux-ci fuirent de devant Sa face. Quand Il se reposa sur la Tour, celle-ci était déserte. Il alla aussi de l'autre côté du monde, et là aussi la chose et ses serviteurs avaient poussé l'homme au mal. Pire encore qu'ailleurs. Le sacrifice du sang et le pouvoir absolu peu à peu devenaient ici les maîtres de l'homme. Ceux-ci pouvaient maintenant acclimater les choses. Mais celle-ci n'aime pas à se déplacer et préféra leur confier de multiples spores à répandre au loin. Et les monstres hybrides coururent de par le monde.
Alors le Seigneur remonta prévenir ses plénipotentiaires pour changer quelque peu les énergies des astres et des climats du système solaire entier. Les résonances des lasers à gravitation visant le Soleil et la Terre de loin changèrent subtilement leurs rythmes. Ce fut encore un déluge d'eau qui s'abattit sur plusieurs lieux de la Terre. Et cela dura et recommença un peu plus loin, par toute la Terre il y eut de grandes inondations. Deux cent ans après, cela recommençait en un autre endroit. Les spores de la chose moururent en premier. Lorsque le temps redevint serein, les Envoyés se réjouirent de ce que la paix était une fois de plus revenue sur la Terre.
Et ils ne revinrent que très peu parmi nous.
Ils furent encore les hôtes de nos songes. Et l'homme inventa le métal qu'il voyait comme un feu brillant sortant de la terre féconde. L'homme porta un jour en terre le métal, puis à sa tête, enfin à son poing. L'âge du bronze fut celui des héros qui parcoururent la Terre. Certains firent alliance avec les quelques messagers du ciel encore de retour. Les uns étaient des doux, tel Abraham, d'autres plus remuants, tels Cuchulain et Gilgamesh. Mais tous se firent civilisateurs. Une fois ou deux encore, les Envoyés détruisirent une cité à cause de la chose ou des envoyés séduits par l'Ennemi. Cependant le monde ne fut plus ravagé de fond en comble.
Et la chose bien mal en point d'avoir tant voulu enfanter les hommes de ses spores s'endormait en ses rêves sinistres, brisée de fatigue pour la première fois. Elle ne vit pas même la soie et le métal passer et repasser par la grand route du continent qui va d'un océan à l'autre. Elle s'était assoupie dans son sommeil qui appelait quelquefois la mort. Mais qui peut croire à un échec total de cet être maléfique ? Lorsqu'elle se réveilla enfin, elle entendit parler des marchands (dans leur tête), qui passaient au loin. Une route s'était constituée qui menait fort loin les objets précieux, dont le métal.
C'était une occasion. Un feu de camp trop près de sa grotte devint le premier relais, sans le savoir. Les voyageurs parlèrent, parlèrent du Roi du Monde terrible et tout-puissant endormi dans sa grotte. Car c'est ainsi que, maintenant, la chose se complaisait à se faire représenter. La rumeur crut, et sur cette vague elle put fixer un autre relais proche du premier, un caravansérail. Puis un autre. Un autre encore. Elle parcourait psychiquement cette route de la soie comme une racine s'installerait dans une fissure d'un rocher à la recherche de l'eau. Car elle recherchait un caillou céleste et son hôte ancien. En effet, si elle parvenait à se relier ainsi à lui, l'ensemble de ses relais seraient tenus à elle aussi solidement que s'ils étaient prisonniers de ses spores. Elle parvint alors jusqu'à la Mer Noire. On y faisait des tentatives de dressage du cheval mais surtout des essais sur un nouveau métal, le fer. Elle pensa que cette nouvelle industrie ruinerait la civilisation humaine basée sur le bronze. Ecroulement accompagné de sa cohorte de désespoir, de ruine et de guerre. Mais elle ne connaissait des métaux que des concepts télépathiques vagues. Pourtant son plan se construisit pour apporter la ruine et la guerre. Le Bosphore atteint, il lui fallait dépasser ce lieu. Troie l'ancienne lui plut et elle voulut y fonder le début de son empire de fer. Alors ses habitants rêvèrent de la pierre noire dans sa grotte et voulurent la retrouver.
Or en ce temps là, l'empire des mers était celui de Minos roi de Crète. Et ses espions lui transmirent le complot de Troie et avec, sans le savoir, le fin contact avec la chose. Cela eut lieu. Dès lors, le coeur du roi Minos devint mauvais et il voulut plus de pouvoir encore. Il l'obtint d'elle d'abord sur les abeilles. Puis de proche en proche, il soumit magiquement la Méditerranée et au delà, ses clients et fournisseurs d'Espagne et des îles Britanniques. Il conçut le projet d'un pouvoir magique à l'aide du fer. Et tous les hommes de savoir de son temps, d'Irlande à Chypre, d'Espagne à la Colchide, entreprirent des recherches alchimiques. Ces temps, ils ne comprenaient pas pourquoi, étaient très favorables à la communication par la pensée. Tous pensaient l'Age d'or revenir. Et la civilisation était au plus haut. Mais Minos captait ces énergies et s'en servait à son pouvoir personnel. En fait, celui de la chose au loin. Mais cela, il l'ignorait.
Il fit chercher la pierre de la grotte danubienne. Mais ses gardiens ne purent la conserver intacte : en la cassant, les envoyés du roi moururent étouffés par son hôte qui, immédiatement se sectionnant, rejoignit chacun des deux morceaux. Un des gardiens offrit l'un d'eux au dernier des mourants crétois. Et Minos voulut faire des essais de fécondation avec. Et ainsi naquit le Minotaure qui resta longtemps dans un gouffre sombre et que Thésée d'Athènes tua de ses mains. Le roi de Crète ne s'en tint pas là. Toujours avide de puissance, il commença, selon les directives lointaines de la chose, à toucher aux effets PK. Ses savants faisaient leurs essais sur une île proche de la Crète, Thèra la belle et prospère, flanquée de ports superbes comme la hanche d'une femme. Quand ils touchèrent aux tremblements de terre, la fissure du volcan de l'île s'agrandit soudain. Et, en une nuit d'enfer, la mer rentra en se ruant dans la cheminée de lave. Une explosion aussi puissante que 100 bombes atomiques s'en suivit. Et l'île disparut. Les ténèbres de poix durèrent un mois. Lors du cataclysme, le choc fut tel que l'onde se propagea en raz de marée, atteignant l'Asie mineure et même la Lybie et l'Egypte. Mais le choc psychique fut pire. Le contre-coup fut comme un cri immense d'agonie de milliers d'êtres. Et ce cri se transmit sur tout le réseau, de l'Irlande à la Chine. L'horreur du choc fut tel que naquit la légende d'Atlantide qui court encore aujourd'hui. Le pire fut que, durant le bref moment du cri, la chose qui était toujours en éveil put transmettre à tous quelque chose d'elle : la fascination des pierres tombées du ciel et l'image de son monde. Désormais, l'obsession de l'empire du monde ne quitterait plus l'homme.
Thèra détruite, l'Empire écroulé, les hommes choqués, la chose poussa immédiatement au métal fer. Des barbares des steppes trouvèrent la méthode d'extraction et elle poussa à son usage. Et ce fut la dévastation des peuples des Champs d'Urnes chevauchant, les premiers, sans char. Quand ceux-ci parvinrent au Danube, puis plus haut dans son cours, on devine à quelle énergie ils puisèrent leur conquête. La mort et la cruauté revinrent. Avant qu'enfin l'homme ne se réveille partout. Les Phrygiens, cousins proches des Thraces, amenèrent la pierre en leur ville de Pessinonte et lui rendirent un culte au nom de Cybèle, tandis que Troie cherchait l'empire mauvais du monde. Les Grecs durent encore intervenir. L'histoire de la perte de cette ville est toujours dans nos mémoires, car elle ne concerne pas que le peuple hellène seul. Elle fut un enjeu colossal entre le bien et le mal. Et la chose fut encore vaincue.
Vaincue aussi par Darius le Perse qui verrouilla subtilement la route de la soie et toutes les routes de son royaume. En échange il lui fut donné un empire vaste et puissant. Alexandre fut aussi un grand protecteur de la lumière. Il envoya ses éclaireurs au plus proche qu'il put de la chose. Il la contint mieux encore qu'aucun autre de ses prédécesseurs. Ceci fut d'ailleurs la cause de sa mort. Les empereurs de Chine fermèrent leur empire et se protégèrent comme ils le purent de la chose, par la Grande Muraille. La chose venait en effet de concevoir le projet d'enflammer la steppe et de rendre les barbares, Huns puis Mongols, pires encore que ne le furent les peuples du début de l'Age du fer.
Quand le temps de Rome arriva, les sénateurs ne trouvèrent rien de mieux que de ramener solennellement en leur ville la pierre noire de Pessinonte. Ce qui en dit long sur l'esprit de l'empire qui s'y bâtit ensuite.
Pourtant, si la chose croyait triompher, elle se trompait. La nuit où le Christ ressuscita, le monde psychique et venimeux de la chose subit en son silence un choc pire que la fin de Thèra. La colère lui vint quand elle comprit. Elle n'avait plus beaucoup de temps pour elle. Elle la servante de l'Ennemi. La fin de son règne était là. Et elle se rua pour achever son oeuvre immonde. Or demain, pour elle, c'est mille ans, deux ou trois mille peut-être, pour nous. Et nous ne sûmes rien ni de sa peur ni de sa colère.

Chant 5 : Ce qui accompagne les temps modernes

Les temps modernes commencèrent, dit-on, lorsque le gênois Christophe Colomb débarqua aux Antilles, mais pour notre histoire, ce n'est que 300 ans plus tard. Il est vrai que les conquistadores auraient pu opérer le lien entre les deux choses, celle de l'Asie et celle du Nouveau Monde. Mais ils avaient trop en mémoire collective les cauchemars des années sombres de la fin des Templiers, de la grande Peste Noire, de Gengis Khan et de Tamerlan. Et si Samarkande tomba par deux fois et Bagdad plus encore, si les califes furent détrônés et le royaume chrétien de Jérusalem abattu, ce le fut par des hommes qui se croyaient missionnés par le ³Roi du Monde². Un Roi du Monde bien barbare et obscur, caché dans ses cavernes profondes et inspirant la peur et la terreur. La Russie vacilla et l'Europe trembla. Nos conquistadores se voulaient plutôt les descendants des Diadoques d'Alexandre que les cruels continuateurs barbares des steppes de Mongolie. Et s'ils renversèrent des empires américains, plus encore que pour le gain, ce fut pour l'aventure. Aussi étonnant que cela puisse paraître à nos regards bernés par la chose, ils avaient le sacrifice humain en horreur. Si l'Inquisition fut féroce, et elle le fut, elle était humaine, toute humaine. Et par là, l'empire de la chose lui était incompréhensible.
Donc furent renversés les deux plus grands alliés du monstre de l'espace. Surtout le plus proche de sa grotte américaine. Il avait tissé une toile le long de la route qui allait de la Terre de Feu jusqu'à l'embouchure du Mississipi. Là s'arrêtait son emprise sur l'Homme. Et voici que le Conquistador effaça cette oeuvre de sa main de conquérant. Mais l'Espagne et le Portugal finirent par baisser la tête. Et la chose attendait toujours son heure.
En ce siècle dit de Lumières où la France rayonnait par son esprit, les Insurgents d'Amérique du nord façonnèrent leur République qui est en fait le germe d'un nouvel empire romain prêt à couronner un jour un imperator. Mais le sera-t-il jamais ? Cela se pourrait si la chose... Mais je m'égare et n'irai pas aussi loin. En ce siècle, donc, des cailloux nombreux et d'assez grosse taille tombèrent sur Terre un peu partout et plus que d'habitude. Les beaux esprits dissertèrent longuement dessus. Et l'on s'emporta parfois à imaginer les catastrophes que de tels cailloux avaient pu causer autrefois. Et on consulta les textes anciens, à commencer par la Bible et les Grecs. La chose par ses relais de la steppe l'entendit bellement, poussant les rêves nocturnes des chercheurs les plus imaginatifs. Le secret leur fut-il suggéré. Ils en débattirent donc à couvert. Certains allèrent plus loin. Ce furent parmi les résidents du Danube et de la mer Baltique, mais aussi des Parisiens de France car, en tous ces lieux, les vieilles routes préhistoriques d'Asie aboutissaient toutes aux mers. Par ces sentes antiques, la chose se retrouvait comme autrefois, au temps où elle pouvait diriger de loin le Minos. Et cette poignée d'hommes conçut l'envie de la pierre de Pessinonte. Et ils la cherchèrent partout.
L'être venimeux se fit donc passer pour eux non pour le Roi du Monde mais pour la Grande Déesse Mère devenue soudain, à l'évidence, impitoyable et cruelle. Alors l'imagination entraîna quelques uns vers la perversité. Ils furent habités par la violence et voulurent, eux se croyant inités entre les initiés, imposer en secret le culte de la déesse aux lions dévorateurs et détrôner tous les rois de la terre. Comme la déesse cruelle de Phénicie et d'Asie Mineure annonçait autrefois l'explosion et la mort par les chutes prémonitoires de météorites, et qu'elle ne se calmait d'habitude que dans un immense bain de sang, ils crurent l'apaiser en agissant ainsi. Le sang des rois, des princes et de tout homme qui n'adhérait pas à leurs principes secrets et pervers fut l'immolation à leurs désirs cachés. Ils ne déclenchèrent pas la Révolution Française, mais ils la rendirent odieuse. Robespierre et Danton eux-mêmes, après Franklin, apprirent d'où venait tout ce mal et ils en eurent horreur. Et Napoléon l'incrédule ne voulut pas du règne de la chose sanguinaire. Ne lui fut-il pas montré ce qui se cachait derrière elle lorsque il descendit une nuit dans la grande pyramide d'Egypte ?
Ainsi Cybèle fut-elle vaincue par l'aigle corse. Et derrière, la chose bavait de colère, et elle songea dès ce jour à le détrôner de son empire. Elle chercha aussi d'autres issues. Aux Amériques ? C'était encore trop tôt. Une guerre entre les peuples du nord de ce continent ne viendrait que plus tard. Elle avait tout son temps et le choisirait bien. Alors elle suggèra à une poignée d'habitants des terres de France et d'Allemagne de garder Cybèle en secret mais de continuer dans le mal. Aussi l'image de la République fut-elle la femme au bonnet de Phrygie, celui de la déesse. La République dans son sceau même portait la déesse aux lions sur son trône et son auréole aux sept rayons. Derrière la République se cachèrent les attributs d'une déesse sanguinaire. Ainsi furent détournées la générosité et le dévouement des républicains français. Mais ce n'était pas leur faute. Des hommes pervers confisquèrent à leur profit et par magie symbolique le rêve généreux de Liberté. Ce vol trompeur était digne de la chose obscure. Elle n'aurait pas fait mieux.
Peu avant la guerre de Sécession, deux événements se produisirent qui réjouirent grandement la bête. Une dame russe impie, l'audacieuse Héléna Blavatsky, passa près de la grotte sans le savoir lors d'un de ses voyages. Elle crut au Roi du Monde mais cependant transmit la doctrine secrète des sept rayons de la déesse Cybèle, doctrine qui avait couru l'Iran et l'Inde autrefois pour parvenir à Pessinonte. Elle fut la meilleure servante secrète de la chose en son siècle. Et elle eut une grande influence qui se poursuit encore aujourd'hui. Elle imagina des rêves, croyant se souvenir du passé de l'Homme, mais ce n'étaient les souvenirs d'aucune chair terrestre. C'était le rappel des mondes de la chose.
Le second événement qui lui fit relever la tête avait pour nom découverte du télégraphe. Le monde se mit à courir de décharges électriques complexes. Et courait, avec, le psychisme des peuples, dans un brassage nouveau. Alors, quand les pylônes de bois furent dressés non loin des deux choses, courut mieux encore l'influence de leur maléfice. Et dès ce jour, à chaque instant s'instillait comme un mal pervers les mauvais conseils et les désirs impies transmis cachés dans l'inconscient humain. Et la France tomba encore entre ses mains, puis l'Amérique du nord qui entra en sécession. Le sud du continent se mit aussi à s'agiter en tout sens. La Russie tomba, puis la Chine, puis le Japon. Et ce fut la guerre, la guerre la plus féroce et la plus sanglante de toute l'histoire humaine jusqu'alors. Et la chose s'en réjouit. Elle instilla à certains la noirceur la plus noire. Et ils promirent sur le champ de bataille de venir à elle en seigneurs conquérants. Et monta le nazisme en Allemagne. Le géorgien Staline qui naquit près d'un relais de la chose fit plus encore en tourments pervers, avant que les fauves d'Hitler n'embrasent encore le monde dans une furie guerrière déferlante. A ce jour la plus meurtrière de la mémoire humaine. Le reste du monde résistait encore bien, même en Gaules. Pourtant le ver était dans le fruit partout et l'Amérique, sans le savoir, le rapporta en son sein. Ainsi devint-elle la parèdre du pays des soviets. Mais leur temps à tous deux ne viendra que plus tard. Attendons, dit la chose, que les fracas de la guerre accomplissent leurs ravages.
Bien avant celle-ci, au lendemain du premier grand sacrifice martial, des groupes de chercheurs un peu partout devinèrent l'origine des tourments humains et ils cherchèrent par tous les moyens à comprendre et trouver... Ils étaient partout dans le monde civilisé et se connaissaient tous fort bien. L'un de ces groupes monta alors du plus profond de la Nouvelle Angleterre et il missionna le grand paléontologue Roy Chapman Andrews, celui que la mémoire nomma Indiana Jones, afin de retrouver où Erectus était tombé. Accessoirement dénicher la chose. Celle-ci se dissimula à son regard mais lui fit parvenir des preuves de son existence. Et le groupe américain fut sans le savoir infecté par la chose, subtilement et progressivement. Une scission eut lieu en son sein d'où sont nés ce que nous appelons aujourd'hui les Fils de Kronos et les Fils de Varuna. Pouvons nous dire, d'une certaine manière, que les premiers recueillirent la pierre noire en leur sein et les autres la rejetèrent au loin ?
Quand la seconde grande guerre commença, la scission venait à peine de se produire. Et partout dans le monde les Fils de Kronos et de Varuna s'allièrent contre les Fils de la Face Noire et les Fils de la Cybèle de l'Est. Puis, à l'instigation de la chose, les Fils de la Cybèle de l'Est trahirent leurs alliés et s'allièrent aux Fils de Kronos pour mieux les séduire. Et les Fils de Kronos et de Varuna trouvèrent le chemin secret des portes de l'atome, et les Fils de la Face Noire furent vaincus. Et la peur, à cause de l'arme de Varuna et de Kronos, se répandit sur Terre.
La chose perverse conçut alors un nouveau projet. Elle avait appris du vélociraptor comment chasser en groupe et prendre l'innocent gibier en tenaille. Ainsi fut-elle à l'origine de l'alliance secrète entre les Fils de Kronos et les Fils de la Cybèle de l'Est. Elle parvint même à ce que les Fils du Soleil Sombre des Andes les rejoignent car en leur sein les derniers des Fils de la Face Noire avaient trouvé refuge. Leur alliance nouvelle fut conclue contre les Fils de Varuna, et ils trouvèrent un signe de ralliement nouveau : l'Anneau. L'Anneau du pouvoir. Pour eux, ils se l'imaginaient comme celui de Saturne, et encore aujourd'hui les nommons-nous les Fils de l'Anneau. Mais en fait s'était bien caché derrière celui de la géante lointaine. Et cela, ils ne le savaient pas, ivres qu'ils étaient de leur orgueil de pouvoir et de conquête sur l'esprit de l'Homme.
Cependant, ils n'étaient que les serviteurs de la chose avec qui ils avaient conclu une alliance. Les Fils de l'Anneau imaginèrent de tourmenter les hommes par une gigantesque tenaille de chasse au destin psychique entre l'Est et l'Ouest. Et ce fut ce que nos ancêtres nommèrent la Guerre Froide. Froide comme ce qui coule de l'échine de la proie du vélociraptor. Et les Fils de l'Anneau en appelèrent en ces temps à l'aide auprès des Fils de Lilith et de leurs alliés du ciel. Au début, c'était pour que le conflit devienne ouvert. Ensuite, ils s'y prirent autrement.
Mais les Fils de Lilith à ce jour ne visitèrent point la Terre car la chose le leur avait interdit en disant : ³Ceux-ci sont à moi.² C'est que celle-ci, au cours des millions d'années, avait été quelque peu empoisonnées par l'individualisme terrestre. Impensable sur Andromède, cela devint vrai sur Terre. Peut-être le Seigneur qui avait tout Son temps comptait-il là dessus pour faire revenir la chose à Lui ? Certains le disent en y rêvant. Mais, pour moi, je pense qu'ils rêvent vraiment, et le croire est une faiblesse. Et cette faiblesse existait encore chez les Fils de Varuna jusqu'à la fin de ce siècle qui fut le vingtième.
Alors les Fils de l'Anneau empoisonnèrent les rêves des hommes avec l'image fausse de l'homme extraterrestre, du grand visiteur blond au petit bonhomme gris aux yeux globuleux. Certes, des visiteurs venaient parfois du ciel. Mais tous les témoignages certains de ce temps nous disent leur peur de l'Homme et qu'ils fuirent bien vite, à chaque fois, vers les étoiles. Mais les Fils de l'Anneau, d'abord en Amérique du Nord puis de par le monde entier, finirent par créer un schéme mythique faux et sinistre. Ce fut d'abord pour sécréter la peur, bonne pour la chose, c'était sa drogue favorite. Ensuite pour créer un modèle maquillé mais actif de l'Autre en face du rideau de fer. Car la chose qui ne connaissait de l'éclair nucléaire que la fin du règne reptilien croyait que, par lui, l'Homme serait remplacé enfin par son vrai serviteur.
Lorsque la cité de Tchernobyl fut noyée par le déluge de rayons mortels, le nuage gras et mortel tomba aussi sur la terre où vivait la chose. Et, cette fois, elle comprit la mort qui était contenue dans les eaux profondes d'en bas, dans l'atome. Et elle ne voulut plus de la destruction de l'Homme. Elle changea de plan. Ses fidèles serviteurs, les Fils de l'Anneau, tout en tourmentant encore davantage le monde avec l'arme psychique, par la publicité et les médias, changèrent donc alors le modèle du cauchemar du visiteur du ciel. Et ils le maquillèrent pour expliquer d'une manière cachée à l'Homme en quoi était forte la chose et que son projet était bon pour lui. Partout la rumeur du prétendu nouvel extraterrestre rapteur d'enfant se répandit. Ce n'était qu'une image maquillée de la chose et comment elle opère sur les vivants. Mais le rêve spontané de l'Homme refusa cette séduction et, au temps où Internet poussa son réseau de canaux de par le monde, l'Humanité presque adulte commençait à voir enfin ce qu'était le parasite du monde. Chaque personne humaine en cette alliance libre et souveraine commença à comprendre l'oeuvre des Fils de Varouna. Car ce réseau était à l'origine leur oeuvre.
Et même si les Fils de l'Anneau passent et repassent la nuit en brigands et pirates sur les eaux des canaux sombres du Net, peu d'entre nous aujourd'hui tombent encore dans leur jeu mauvais et pervers.
Jusqu'à quand, Seigneur ? Jusqu'à quand notre liberté sera-t-elle bafouée ? Quand donc tombera la nouvelle Rome-Assyrie, ce nid de vautours ? Cet antre de loups ? Nous veillons et prions sans cesse ainsi tous les jours parmi les hommes, nous, les Fils de Varuna.
Epilogue

Dans la serre ensoleillée, nous sommes une poignée qui veillons à l'écosystème réduit que nous tentons de comprendre et maîtriser. Ce matin, quand j'ai terminé ce manuscrit, ma main était légère sur les touches de mon clavier comme le vent de l'aube. Au loin, j'ai entendu le Turlu de l'alouette. La légende dit que cet oiseau, par son chant, annonce l'espoir quand il le lance lorsque vient la nuit sombre. Et qu'il avertit à la vigilance diurne quand il le prononce au matin clair.
Ce jour naissant sera le plus beau de tous les matins du monde. Et c'est à toi, Alouette, que je dédie mon livre. Puisses-tu turluter sans cesse à l'oreille et au coeur de l'Homme !
Lilly et Myriam, parmi tous mes amis, sont mes compagnes proches. Et je ne sais laquelle choisir. Peut-être est-ce parce qu'elles ont la passion des arbres et qu'elles veulent en planter partout. Même sur Mars. Car nous partons tous aujourd'hui après notre entraînement de 4 ans. Nous partons pour un long voyage vers Mars. Et nous en serons les premiers colons qui y resteront toute leur vie.
Lilly et Myriam les planteuses d'arbre ? Laquelle choisirai-je ? Je ne sais pas encore.

[1] S. Cattergood, T. D. Des Marais et L. Jahnke, "Life's origin : the cosmos, planetary and biological process", Planetary Report, nov. dec. 1987.
[2] Effet psychokinèse : c'est le pouvoir encore inexpliqué qu'ont les êtres vivants, surtout les plus évolués, de déplacer les objets à distance.
[3] Angeloi, en grec.