HISTOIRE d'un COLLAGE
COLLAGE, IMAGE et MAGIE
Rêves - Rêveries et hypnagogie


Annick Drevet-Tvermoès


Je voudrais présenter un de mes collages, que j'ai intitulé
"Jusqu' où va la mémoire du rêve"
réalisé en Novembre-Décembre 89.

Il a succité chez moi toute une série d'images hypnagogiques à mettre en relation avec les différents éléments du collage, mais aussi avec les images et pensées survenues semble-t-il chez ceux et celles qui ont eu l'occasion de le voir chez moi.
J'en donnerai d'abord une brève description ou "lecture", puis j'évoquerai les premières imageries surgies à propos notamment de la figure centrale qui représente un Aborigène australien.
Je passerai ensuite à celles qui me sont apparues à différents intervalles de temps, lors du passage d'amis qui ont été intéressés par ce collage et l'ont regardé, parfois hâtivement, parfois plus longuement.

J'ai remanié ce collage en décembre 1990 puis en octobre 1991. A chaque fois de nouvelles images ont surgi à l'orée de mes nuits, sans doute reliées à l'Australie.
Ces imageries m'ont déconcertée et je me suis interrogée sur leur nature, leur signification, le pourquoi de leur déclenchement, le lien à ma propre personnalité, à mon histoire, à celle des autres personnes attirées par ce collage, où à celle des Aborigènes d'Australie.

"JUSQU'OU PEUT-ON RECULER LES LIMITES DE LA MEMOIRE ?"
simple phrase sur le papier, qui a pris beaucoup de force et presque de réalité... : elle m'a entraînée dans une étrange ronde ou voyage dans l'espace et le temps, en des allées et venues entre soi et autrui faisant sans doute intervenir quelque forme de télépathie sur laquelle je reviendrai dans la deuxième partie de ce travail.

Est-ce l'appel à la mémoire explicité en quelques mots clefs qui a induit des images portant surtout sur le passé : perceptions et évènements récents ou plus anciens de la vie personnelle du spectateur mais aussi éléments plus originaires, pouvant peut-être appartenir au passé familial ancestral de ceux qui ont regardé l'image, ou à l'histoire des civilisations ?
Est-ce en fonction d'une tournure d'esprit qui m'est propre que j'ai été sensible à des empreintes passées, plus qu'à d'autres images et pensées survenues aussi lors de la contemplation du collage ?

On a essentiellement pris en considération dans le domaine de la télépathie, les messages reçus soit à l'état éveillé soit en rêve. Les états hypnagogiques intermédiaires ont été beaucoup moins explorés, alors qu'ils représentent un état modifié de conscience particulièrement propice aux perceptions psy, peut-être parce qu'ils réactivent le lien du jeune enfant au sein maternel, lorsqu'il nourrit encore des fantasmes de "peau commune" avec la mère et où les limites entre soi et autrui, dedans-dehors, sont estompées. Ces états hypnagogiques reproduiraient des phénomènes visuotactiles particuliers, comme ceux décrits par ISAKOWER chez le bébé, qui après avoir été allaité, va s'endormir sur le sein de sa mère.

On peut se demander si la régression à ce stade là de l'évolution de la personnalité, lors du passage entre veille et sommeil (et vice versa) ne faciliterait pas l'identification à autrui sous jacente aux phénomènes télépathiques, ainsi que d'autres processus comme ceux répertoriés par MAVROMATIS :
- figuration concrète de la pensée
- résurgences de souvenirs variés
- combinaisons nouvelles d'images à l'origine de la résolution créative de problèmes ou source d'inspiration artistique.
On se demandera alors comment distinguer dans cette diversité d'images hypnagogiques les "flashs" plus télépathiques. MAVROMATIS prend en considération la familiarité de la personne avec les communications de ce genre, et "l'orientation de la conscience" vers quelqu'un d'autre, c'est-à-dire un "effet de ciblage". Ces critères paraitront très subjectifs à un scientifique, mais sont à peu près les seuls à l'heure actuelle. Je m'y suis aussi référé pour décider de l'origine de mes images hypnagogiques, télépathiques ou non.

On s'étonnera sans doute de ces effets de "rétrocognition" que je (pré) suppose dès le départ et que l'on ne mentionne guère dans la littérature sur le télépathie. Mais Djohar SI AHMED dans son livre
"Parapsychologie et psychanalyse"
les a aussi relevés dans ses études expérimentales de la télépathie : elle dit :
"On assiste chez certains percipients à une ouverture du champ de conscience vers un "inconscient collectif, et à la résurgence d'un matériel s'originant d'un autre temps, et "d'un autre espace, où se trouve impliquée l'histoire du monde et des civilisations"
...et des ancêtres aurait-elle dû ajouter.

L'image sert probablement de support pour cet
"accrochage symbolique entre les archétypes, le scénario et l'histoire du sujet (et de sa famille).."
un peu comme pour les divers éléments d'un rêve, sur lesquels viennent se greffer des souvenirs proches ou plus lointains, ceux des jours précédents le rêve, ceux de l'enfance et pourquoi pas ceux d'ordre plus archaïque, collectif ou généalogique comme on le constate à l'heure actuelle.
Djohar SI AHMED donne deux exemples intéressants de cette "ouverture du champ de conscience" au cours de la transmission télépathique d'un message. Je les reprendrai à titre comparatif en m'intéressant non seulement comme elle le fait au percipient mais aussi à l'émetteur.
Faute d'éléments d'information sur les personnes impliquées non donnés par Djohar SI AHMED dans son livre, je ne pourrai me situer que sur le plan de l'imaginaire, et en reste à des hypothèses qu'il s'agirait de mieux étayer.


Le collage

JUSQU'OU VA LA MEMOIRE DU REVE ?

Jusqu'au Groenland et jusqu'à la Mongolie ?
Jusqu'au Japon et la Papouasie ?
Espace agrandi, alangui : il unit les cultures de jadis et du présent. Temps différents, qu'évoque la géographie de tous les continents, que j'ai ou vais visiter. Temps immobile et glacé des mers artiques, aubord de l'antiquité, de l'Attique. Temps qui coule, qui s'écoule, entraîne les cascadelles en rigoles ou en ridelles à peine tracées autour de ces rochers que l'érosion a laissés, vestiges de ces chaînes de montagnes mythiques qui dans mon imagination reliaient l'Asie à l'Indonésie et que je voyais à moitié endormie, au dessus des tropiques de Luzon et des îles Philippines.

Paysages du rêve inversés par rapport à ceux de la réalité où le pôle nord est peut-être au sud. Ils se parcourent de droite à gauche, comme dans la fresque de GAUGUIN intitulée
"D'où venons nous, que sommes nous, où allons nous" ?
sans doute parce qu'il s'agit aussi d'un paysage intérieur, imaginaire.

Le mot REVE accroche le regard et le porte sur la jeune femme blonde au profil tourné vers le passé : à l'origine c'était moi qu'elle devait évoquer (ayant conservé une jeunesse que je n'ai plus ?) mais elle me rappelle plutôt la génération nouvelle de femmes plus dynamiques et plus affirmées.
Regard effilé, prolongé par la double flèche de la pirogue et du harpon que brandit le pêcheur glissant sur le plan d'eau.
Elle traverse le cube transparent formé par le pendentif en os géant datant des anciens esquimaux, et par un pan du temple de Poséidon. Flèche qui fait traverser le temps qui sépare les contrées nordiques et la Méditerranée, qui désigne les portiques où de nouveaux badauds s'extasient au bord de golfs et de criques que j'ai souvent longés au cours de mes voyages d'été.
Pierre cubique, pierre magique, se détachant sur le ciel, sur un espace dégagé, le seul de ce collage un peu trop condensé.
Sous la mer, des montagnes blanches dominent les maisons de pisé d'un village népalais.

Je n'ai jamais été en Australie, et c'est d'une revue que j'ai tiré la photographie de cet Aborigène surgi du creux des dunes, comme d'une lagune volcanique. J'ai voulu en atténuer l'aspect fantomatique. Mais il garde un peu malgré lui la tête dans les nuages des sommets neigeux de l'Himalaya.
Ce "rêveur du désert" devait avoir l'habitude des longues marches, comme celles qui m'ont conduites vers les volcans du monde presqu' entier. Coulées de lave que les voiles et les trainées d'eau au centre du tableau ont rappelé à un spectateur, alors que pour moi elles évoquent plutôt une sorte de marécage, de marais primordial où les yeux butent sur une arête rocheuse (peut-être creuse ?) où sont blottis deux enfants ou deux sortes d'angelots, comme on me l'a dit.

Plus bas le "SAHARA" (ou le pays de Sara ? celui des DOGONS ?). Une femme endormie fait corps avec (ou a donné corps au) sable où elle git. Femme blanche un peu rousse, à la peau douce : Ophélie ensablée après que la mer se soit retirée, la mer noire qui l'a amenée ici.Amnésie ?
Mais est-ce une jeune femme ou un jeune homme ? A quoi songe-t-il ou elle ? A la mort ? Ou se croit-il (elle) immortel (le) comme les fleurs dont la blancheur prolonge la guirlande de ses cheveux ?

Rêve, pont entre des mondes différents, double pont qui s'arrondit pour évoquer les arènes de la vie qui continue à bas bruit, même quand on est endormi ? Même quand le froid givre les parterres d'azalés, de rhododendrons et de résédas du petit jardin-mandala dont j'ai agrémenté le désert de GOBI parcouru par des bergers hardis. Savent-ils encore avec leur grand bâton, viser les étoiles comme les hommes de Cro-Magnon, qui en voyage astral parcouraient la galaxie, puis revenaient d'où ils étaients partis - à ce qu'on dit -.

Je n'ai pas choisi très délibérément les positions des personnages l'un perpendiculaire par rapport à l'autre, qu'il s'agisse de la silhouette sombre qui se dresse tout près de l'endormi (e) ou du profil plus grand et plus clair de la jeune femme. Elles me rappellent les illustrations du livre de DEMENT "Dormir, rêver" par des dessins de PICASSO. Sur tous, une personne allongée, endormie, et une autre à côté, assise ou debout. Comme le fait remarquer DEMENT, quand l'un ou l'une dort, l'autre veille ; les rôles sont séparés dans les observations scientifiques du sommeil mais le peintre lui semble en quelque sorte pouvoir faire les deux en même temps en une sorte de prise de conscience de son état de sommeil à l'intérieur de celui-ci. Ou bien est-ce une allusion au rêve lucide ? Ou encore au rêve éveillé, ce qui correspondrait mieux à l'état de conscience que ce collage peut suggérer et même induire ? Rêverie, rêve éveillé, images hypnagogiques qui ont défilé quand je l'ai contemplé, quand d'autres l'ont regardé.








Premières imageries

J'avais lu cet article d'ACTUEL sur l'Australie, dont j'ai repris la Figure de l'Homme Noir, ainsi que, un peu plus tard le livre de B.GLOWCZEWSKI sur
"Les rêveurs du désert"

Un matin, au (semi) réveil, j'ai revisualisé les deux grandes pages du numéro d'ACTUEL montrant des dessins-empreintes spiralées tracés dans le sable rose par les Aborigènes.
Vint ensuite l'image de mains qui traçaient des cercles et des signes, mains d'une et même de plusieurs personnes - en mouvement. Je voyais de près un nez, des yeux des visages comme ceux présentés dans le livre de B.GLOWCZEWSKI. Après se détacha une plante de pied verticale aux orteils bien marqués. Tout était vu comme sous un fort agrandissement ou comme au microscope. Les images étaient mouvantes. J'avais l'impression d'être englobée par elles.
Impression de peau brune faite de petites pastilles foncées arrondies, plates un peu comme dans les peintures modernes et les dessins dits de rêve, des Aborigènes australiens.

Reprise sans doute des illustrations de la revue et du livre lus auparavant ?
Mais pourquoi ces impressions, ces transformations ? Traduction de ce que j'avais pu penser ou ressentir en lisant les documents ? On y disait que les relations entre les membres de ce groupe social étaient très fusionnelles, symbiotiques, qu'ils constituaient une unité presque organique.
Bien sûr, B.GLOWCZEWSKI parle beaucoup des peintures et dessins corporels (clairs sur la peau foncée) et des peintures modernes tout en petits ronds (que j'avais pu voir exposées à Paris). Mais je n'avais pas fait de relation entre ce style pictural et quelque chose de la peau des ABORIGENES. Leur peau est-elle différente de la notre (plus granuleuse ?) et donc aussi leur système nerveux (les deux provenant du même tissus embryonnaire) ? ce qui pourrait expliquer leurs perceptions et manières d'être au monde, de rêver (?) différentes aussi des notres?

Ou bien s'agissait-il d'un effet visuo-tactile caractéristique de l'état hypnagogique où je me trouvais ? Etat hypnagogique cultivé par les Rêveurs australiens ? qui seraient en état (légèrement) modifié de conscience à l'état éveillé ou oscilleraient facilement entre les deux d'où leur capacité de perceptions parfois paranormales ?

Je ne me suis pas trop étonnée que mon collage ait succité en moi d'autres images associées aux premières.
Mais je fus plus surprise quand après l'avoir montré à quelques amis, de nouvelles images hypnagogiques se sont déclenchées chez moi.

Magie des images où chacun choisit les visages et les paysages enfouis dans sa propre mémoire, riche d'autres visages, d'autres paysages, qui m'auraient été transmis télépathiquement (et qui se seraient explicités avec un certain décalage dans le temps, dans cet état relaxé proche de l'endormissement, propice à la résurgence de souvenirs, et de perceptions différentes). Chaque fois que quelqu'un jetait un coup d'oeil au collage, j'attendais que se déclenche le cinéma intérieur : mais il ne marchait pas toujours.

Pourquoi s'est-il enclenché après la visite de telle personne plutôt que telle autre ? Question de disponibilité de mon esprit à moi, pour capter les effets de cette "activation de l'imaginaire" du spectateur ? Ou activation chez lui plus ou moins forte selon l'intérêt qu'on lui prêtait, ou qu'on accordait à l'art, aux rêves et aux images, aux voyages aussi, à la diversité des cultures et des pays, à la question de ses origines ?

Car ce sont des amis ou relations d'Italie, d'Argentine, de Grèce, d'Afrique, du Chili, voyageurs, étrangers, exilés, réfugiés, qui ont fait, semble-t-il, plus attention à ce collage ouvert sur d'autres horizons, plus vastes que celui de LYON.
Collage devenu incitation aux rêves d'évasion.
Collage mosaïque où chacun pouvait s'insérer, trouver quelque chose à sa portée, être emporté, plongé dans l'ailleurs d'autres dimensions ?

Ballade à travers l'espace et le temps où j'entraine le spectateur dont le regard erre, se déplace, se pose sur les divers secteurs de l'image, pour revenir, repartir se perdre et se retrouver sur le rocher, au centre du collage, au bord de l'eau, tout en haut des montagnes, pour ensuite se reposer en bas, se relever, s'en aller à travers les steppes désertiques, rêver, se demander
"JUSQU'OU VA LA MEMOIRE DU REVE".
Etre accroché par ces deux mots REVE et MEMOIRE.
On ne sait par quel bout recommencer à regarder : les yeux ne font que zig zaguer de gauche à droite et de droite à gauche, descendre et monter, en un balayage optique qui doit mettre en état modifié de conscience dans cet état second favorable aux perceptions élargies et à la télépathie.
Télescopage, court circuit entre des pays et des époques éloignées qui font circuler dans un éternel présent : je me rappelle encore la réaction de cet étudiant Ivoirien, qui a été de suite frappé par la présence d'un Noir et dit que le collage lui plaisait parce qu'"il était très complet" que "tout y était". Curieusement le soir, je me suis perdue imaginairement, en repensant à ses réflexions, dans un ciel bleu clair et nuageux, comme il y en a plutôt dans les régions nordiques, de brumes de lacs et d'eau. Et je me suis demandé s'il n'avait pas quelqu'origine bretonne ou canadienne, malgré la couleur de sa peau .

FLORA

Un soir de Mai 1990 (le 18 je crois) Flora est venue chez moi. Elle est d'origine Italienne et connait la Toscane que sans doute elle aime, comme la peinture dont elle a souvent parlé dans ses cours d'Histoire de l'Art.

Son regard s'est attardé sur ce double pont mordoré à côté de la jeune femme allongée, qui n'est pas sans rappeler le Ponte Veccio sur l'Arno
Vers où a-t-elle laissé aller ses pensées ?
Vers FLORENCE probablement : mais était-ce la ville actuelle ou celle d'autrefois quand elle attirait les peintres et les mécènes ?
En tout cas la ville que j'ai entrevue le soir où elle est venue ressemblait fort à FLORENCE vue d'en haut comme sur une photo. Je ne l'ai pas tout de suite reconnue : ville illuminée par une soirée ensoleillée. Une grande basilique rectangulaire (ou carrée) se détachait au milieu de la ville. J'avais l'impression d'en survoler d'assez haut les toits, un peu comme quelqu'un entrain de rêver ? de faire une OBE ? De planer. De voyager parmi les oeuvres d'autrefois aussi ? De retrouver les peintres du quatrocento qui devaient passer sur les ponts de l'Arno pour se rendre d'un atelier à l'autre : Mariotti ALBERTINELLI qui allait chez Fra. BARTHOLOMEO le soir, pouvait sans doute voir la ville illuminée par le coucher de soleil et baigner dans cette ambiance orangée (que j'ai essayé de reconstituer, sans vraiment y arriver).


En haut à droite du collage "ISABELLE" (d'un blond vénitien ?) n'a-t-elle pas un nom Italien ? qui rappelle Léonard de Vinci et la famille d'Este ? Elle s'est transformée dans mon imagerie hypnagogique en une Madone fort belle vue de face, la tête penchée vers la gauche. Elle portait un voile bleu foncé, un peu plissé. Le fond (du tableau) était bleu pâle. Son corsage était grenat (presque violacé).
J'ai voulu retrouver cette madone que j'ai décrite à Flora, car je ne connais pas bien la peinture italienne. Elle a cité BELINI et Da MESSINA : mais elle n'en a pas le style.

C'est un tableau de Giovanni BOCCATI intitulé
"la Vierge entourée d'anges"
qui m'a paru le plus s'en rapprocher, sans être vraiment identique. Je n'avais pas vu d'auréole, mais un fond bleu pâle.. comme celui (déplacé ?) de la gauche du tableau : ciel au-dessus d'un cours d'eau dont les méandres peuvent rappeler ceux du centre du collage qui s'étalent sous le visage de la jeune femme blonde.
Ici la tête est droite et non penchée. Le visage a des traits plus mièvres et mous que ceux entrevus. Le décors et les autres personnages ont disparu de ce que j'ai vu.

Que conclure ? je ne suis pas sûre que la Vierge aperçue dans la nuit soit celle de ce tableau et de ce peintre peu connu de Perouse, ayant vécu entre 1420 et 1490.
(Perouse vers 1470-1490 était en fait plus importante que Florence pour l'histoire de la peinture).

La contemplation de l'image a-t-elle succité une activation de l'inconscient de celle qui l'a regardée ? et entrainé un retour sur un passé personnel, ancestral ou plus collectif, puisqu'il fait explicitement référence à la mémoire ?
Comme FLORA connait mieux que moi l'Italie et la peinture, j'ai pensé que j'avais saisi plus ou moins empathiquement ses images associées au collage, qui a part le lien avec les ponts sur l'Arno n'avaient pas été explicitées verbalement.
Qu'ai-je exactement capté ? Il est difficile de le dire avec certitude: quelque chose de ses intérêts actuels ? de son histoire personnelle et/ou familiale ? Figuré sous forme directe ou allégorique ?

Elle avait pu voir tout en ne s'en souvenant pas le tableau de cette Madone (ou un autre semblable). Celle-ci était-elle une référence à la personne qui a servi de modèle au tableau ?
Est-ce une allusion à celui qui a commandé ou possédé l'oeuvre ? Ou au peintre qui l'a réalisée : interrogée FLORA a dit être reliée par sa mère au peintre MANTEGNA de Gene, qui a vécu au 19e siècle (après la Renaissance) ; mais nous n'avons pas considéré toute sa généalogie, dont certains points peuvent être inconnus d'où la difficulté d'essais de rapprochements avec par exemple le peintre MANTEGNA du 15e siècle, bien plus connu.

Il a pu, bien sûr, y avoir correspondance de réminiscences entre FLORA et moi, mais je reste dans l'ignorance de leur nature, faute là aussi d'informations suffisantes. J'y reviendrai dans la deuxième partie des réflexions présentées ici.

ROSARIO

La même soirée, à propos de la deuxième série d'images engendrées par le collage, j'ai changé de registre (télépathique ?).
Mes pensées allaient vers une amie artiste d'origine argentine, ROSARIO.
Avant de m'endormir, mon attention s'est polarisée sur le rocher, axe central que je me suis mise à fixer (mentalement).
Il s'est transformé en une pyramide en petites pierres.
Pyramide tronquée. D'autres apparurent ainsi que des ruines de maisons de pierres, sur un fond de dunes et de désert.
Il y en avait plusieurs rangées, allignées jusqu'à l'horizon. Murets de vieilles pierres, un peu comme à Macchu Pichu, mais dans un paysage orangé, montagneux, avec des pans rocheux, dont les épines tranchaient avec les formes plus souples et arrondies des dunes-nids.
L'une de ces croupes de rocher ressemblait à un Sphinx allongé, vu de dos, qui se profilait sur d'autres montagnes ;
D'autres ruines et piliers se dessinaient sur les dunes qui se multipliaient.
Où les situer ? En Egypte ? En Nubie ? En Australie ? En Amérique ? Je ne savais à qui et à quoi attribuer ces imageries. Les dunes au bas du tableau étaient maintenant en haut : monticules arrondis, seins oranges et roses plus clairs, mer de sable de jadis et d'aujourd'hui qui
cachaient des vestiges de la vie.
Archéologie du rêve ou rêve archéologique ? Qui fait réaffleurer les traces d'un passé oublié ?

Impressions Egyptiennes que je n'ai pas bien comprises : de quel sphynx s'agissait-il ? De celui petit et rabougri, à Gizeth, au milieu de dunes et de pyramides bien plus grandes que lui ? Ou d'un sphynx plus ancien recouvert par les eaux, avant de rémerger sur terre, dont parle BRUNTON dans son livre. Sphynx de continents amérindiens disparus, où les pyramides n'étaient par triangulaires et pointues, mais tronquées ?
J'ai parcouru les dunes du sud de l'Algérie et en avais rapporté des Roses de sable, gardées précieusement.
Est-ce là le pont associatif : ce sable pétrifié en roses, qui m'a menée jusqu'à ROSARIO ? que je devais voir le lendemain ? Ai-je saisi quelque chose d'origines lointaines ? par exemple, nord africaines ?
Le jour suivant, je devais participer à une table ronde sur l'Exil, et elle voulait que je lui fasse rencontrer un écrivain espagnol dont le nom était l'inverse du sien.
Ses parents à elle, qui avaient émigré en Argentine, étaient d'origine Espagnole et de la région d'Alméria.
Renseignements pris auprès de cet écrivain, ils étaient plus ou moins cousins, venant du même village ou à peu près.
C'est lui qui me dira que l'un de leur nom était d'origine arabe (Maure) et l'autre celui d'une ville ou d'un lieu dit, ce qui indiquait des origines juives.
Superpositions de réminiscences plus anciennes, sur les périgrinations des juifs chassés de France, d'Espagne et du Portugal, qui ont fini par se réfugier chez les Maures et ont refait à leur manière les périples qui avaient mené leurs ancêtres de Babylone au Caire avant de retrouver une terre toujours promise, jamais conquise ?

Quelques temps plus tard, j'ai demandé à ROSARIO ses impressions à propos de mon collage, qu'elle avait déjà vu avant. Elle l'a trouvé trop chargé, et par conséquent pas suffisament esthétique à son goût d'artiste et me dit qu'il faudrait reprendre séparément chaque partie, chaque élément. Elle a remarqué la perspective curieuse (ou son absence), les motifs les plus grands étant au haut du tableau écrasant ce qui se trouve en dessous.
Elle a de suite été attirée par les dunes et la femme endormie.
Elle aurait eu envie de les prolonger pour unifier l'ensemble trop hétéroclite et trop mêlé (un peu comme ce qui s'était passé dans ma rêverie). Son regard s'est ensuite dirigé en bas à droite vers ces paysages qu'elle a qualifié d'orientaux comme les philosophies qui l'intéressent.
Elle a trouvé que la jeune femme en haut était d'une beauté très stéréotypée.

Enfin elle s'est longuement arrêtée sur les montagnes blanches et a parlé de l'importance des mots qui disent le sens des tableaux : a-telle pensé, noté, ceux sur la mémoire et le rêve ? elle ne l'a pas dit mais évoqué ces mots qui s'associent parfois chez elle en phrases qui lui viennent avant de s'endormir et qu'elle aimerait écrire. Phrases entendues dans la journée, réentendues telles quelles en voix off qui l'apostrophent et l'interpellent. Phrases impromptues, saugrenues dont elle a ensuite du mal à se souvenir, à retranscrire, induites par un geste, une image.

Je lui ai demandé pourquoi elle s'était intéressée aux montagnes centrales : elles lui avaient rappelé un collage qu'elle avait fait où elle avait mis des photocopies de photos d'identité de ses parents sur un fond montagneux.
Le soir j'ai "vu" quelques paysages de cartes postales assez anodines, anonymes, de montagnes blanches un peu estompées derrière un avant plan de collines et de prés vert un peu passé.
Des cartes postales andines que j'aurais moi envoyées quand j'étais en Amérique du sud ? Simples souvenirs de voyage en Equateur, au Pérou, à Cuzco ou Macchu Pichu ? Images souvenirs combinés des déserts d'Algérie ou d'Egypte, visités il y a bien des années, réexplicités avant ?
Je ne leur accorde pas la même importance que ROSARIO pour les lettres et tout le courrier envoyé entre l'Espagne et l'Argentine quand ses parents y ont emmigré, entre l'Argentine et la France depuis qu'elle y séjourne. Elle aime particulièrement les cartes postales qu'elle garde et affiche chez elle.

TAVROU

Encore au cours de ce mois de mai, mon collage a du frapper, sans que je m'en sois douté, l'imagination de ce professeur de Sciences de l'éducation de passage à Lyon, et que j'ai reçu à la maison.
Je l'avais rencontré à un colloque de Psychologie Sociale sur l'Ile de Spetzai, deux ans auparavant.
Fatiguée par des discussions qui s'étaient prolongées tard dans la soirée j'ai été étonnée de voir tout à coup l'image doublée comme au miroir, d'un temple grec entouré de montagnes qui se reflétaient elles aussi sur l'eau où se noyaient quelques villages. Etait-ce une transposition du Parthénon ou du temple de Poséidon au bord de la mer Egée, qui constituait un côté de la pierre cubique pesant sur l'ensemble des contrées évoquées par mon collage ? Ou d'un temple oublié que seul lui, avait pu retrouver ?

Image d'un temple et de son reflet qui reconstituait aussi un édifice aux formes très carrées. Etait-ce parce que j'en avais en quelque sorte coupé la moitié, en n'en présentant qu'un pan ?
Ce qui incitait à le compléter imaginairement ?

Une autre impression imagée est venue menacer cet édifice reconstruit par la pensée : celle d'un pied, ou plutôt d'un mocassin planant au dessus du paysage, un peu comme dans ce collage réalisé quelques années avant (pour rappeler les dangers de tremblement de terre qui pèse sur la Grèce).
Ou était-ce le symbole de la répression que sa famille, en particulier son père, avait subi à l'époque des colonels ? comme il me l'a dit ensuite. Berger non pas d'Acadie, mais d'Epire, il s'était engagé politiquement et avait été emprisonné un certain temps. Etait-ce lui (le père) dont j'ai entrevu la photographie en noir et blanc, le soir suivant, hâtivement ? Il aurait sans doute été possible de la comparer avec un vrai document.. si ma mémoire en avait mieux conservé le souvenir.

Le pied menaçant annonçait-il d'autres mauvais pas, d'autres mauvais jours répétant ceux d'autrefois, en fonction de revirements politiques ou autres ? Je ne sais pas.

Encore une fois je me suis demandé si l'image du temple complété par son reflet venait de ce collègue grec ou de moi, repensant à l'occasion de son passage chez moi à la Grèce où j'ai été bien souvent. J'ai d'ailleurs fait tout un récit des rêveries que les îles de la mer Egée ont fait émerger au cours de mes randonnées la-bas. Et dans un autre collage, le Parthénon est devenu temple ou pierre angulaire entre la Grèce et la Turquie.
Par ailleurs j'ai souvent étudié des oeuvres d'art en regardant certains de leurs détails ou l'image globale, dédoublées grâce à un miroir placé perpendiculairement à leur plan.
Pratique qui a pu venir se répercuter sur l'empreinte laissée par certains rites initiatiques de l'antiquité où l'on se servait de miroirs, et auxquels les ancêtres de Tavrou et/ou les miens ont pu participer ?











Deuxième série d'images

DECEMBRE 1990
Pas mal de temps après la réalisation de ce collage, un peu laissé de côté, j'appris la mort accidentelle, en Australie, de la fille d'une amie. Cela me ramena au collage et aux rêveurs australiens qui s'étaient en quelque sorte manifestés à travers lui, et déclencha de nouvelles images.

Paysages de dunes et de sables, terres ocres rouges comme après l'explosion d'un volcan. Terres jonchées d'ossements : vestiges des troupeaux et des gens qui vivaient là quand il y avait de l'eau et du mouvement, de la végétation ?
Figuration de la catastrophe que représentait pour les parents la mort de leur fille ? (est-ce pour cela que j'ai vu déposé sur les rochers rouges, un chapeau mou noir, comme en portait son père sur une de ses photos ? (symbole possible aussi de la répression par la colonisation). Ou catastrophe naturelle : manque de pluie, sécheresse, modifications climatiques qui avaient tout désertifié ?
Désert auquel il avait fallu s'habituer.

Je suis revenue à cet homme noir aux yeux hagards, et me suis demandé ce qu'il aurait voulu dire, quel était son désir.
"RENDEZ MOI MES DUNES",
semblait-il implorer (comme le fait actuellement le mouvement écologiste australien qu'alors je ne connaissais pas bien).

Nostalgie de la vie sauvage et de la liberté des grands espaces, du grand corps de sable où l'on est né ?
"RENDEZ MOI MES AIEUX",
qui traçaient dans le désert, ces itinéraires encore gravés dans les pierres et les rochers, le sable et la terre que nos pieds ont touchés, que nos doigts ont caressés.
"RENDEZ MOI "le soleil et la lune" des grandes randonnées, sous le cie des chaudes journées, des belles nuits d'été.
"RENDEZ MOI" ces rochers pour nos cérémonies sacrées", d'où vous nous avez chassés.

J'ai accédé à la demande et recouvert tout le bas du collage de dunes et de rochers roses, mauves, jaunes dorés. J'ai simplement laissé la ligne de montagnes autour de la tête de l'homme ainsi enveloppé d'une traînée de nuages blancs.
J'avais auparavant enlevé le pendentif esquimaux, ouvrant complétement vers le haut le centre du tableau. J'y ai mis un soleil, cible colorée, deux jars, des icebergs épars...
Mais je n'ai pas collé les divers éléments de ma nouvelle composition.. et ne l'ai pas gardée.


OCTOBRE 1991
A la fois très présent et perdu au milieu du collage, le fantôme un peu déroutant, noir et non pas blanc, comme on le représente habituellement dans nos civilisations, est censé évoquer une race qui a survécu avec peine et dont la culture méconnue a malgré tout perduré.
Une sorte de sympathie m'a unie à ce personnage ou plutôt à son image, je ne sais pourquoi.

Est-ce "lui" qui m'a incité à remettre, après divers changements, un cadre au centre en haut du tableau, mais ouvert du côté de la jeune femme, comme pour contourner une fenêtre : celle du train où le film de sa vie l'a fait monter pour aller vers on ne sait quelle destinée ?
Cadre foncé qui assombrit le temple antique.
Reste au milieu la mer polaire. Deux jars volent au dessus des flots face à la ligne du javelot, inversant le cours du regard ou de la flêche du temps. Jars ou cygnes blancs et solaires qui polarisent la lumière des rives d'un ancien continent.
J'ai rajouté quelques monticules et rochers d'où s'échappent les filets d'eau pour reconstituer un site plus naturel à l'Aborigène. J'ai découpé et déposé une étoile bleue, pour cacher le blanc du papier déchiré, décollé, qui trouait l'arrière plan.

Est-ce ces transformations qui sont à l'origine d'une série d'images insolites ? Tout d'abord d'une grotte où se trouvaient des Noirs (avec quelques vagues fleurs blanches autour de la tête ?). C'était fort sombre, noir sur ou dans le noir. Se cachaient-ils ? ou s'abritaient-ils ? Je n'ai pas sur le moment cherché les raisons qui avaient pu les amener là dedans : pour quelque étrange cérémonie ? Le lendemain soir j'ai revu l'homme noir. Mais il donnait l'impression d'être malade : quelque chose n'allait pas au niveau des yeux. Il avait un bandeau sur le front.
Je me suis demandé s'il avait besoin d'eau (me rappelant les images précédentes de sécheresse).
Pensée qui a paru faire surgir de minces ruisseaux comme ceux déjà sur mon tableau. L'eau qui dévalait a pris plus d'ampleur, est devenue cascade jaillissante tombant dans un bassin. Un paysage différent s'est esquissé : au loin des montagnes au dessus d'une sorte de plaine verdoyante. Se sont bientôt profilés des personnages noirs sur fond bleuté, comme l'étoile déposée au pied des rochers collés.
Ils semblaient sortir de la grotte (ou d'une autre) et arrivaient près d'un lac ou d'un fjord entouré de montagnes en bonnet de gendarme vert foncé, comme on en voit à Bora Bora ou dans d'autres îles tropicales. Les côtes d'Australie ressemblent-elles à TAHITI ? me suis-je dit ? Quels étaient ces hommes noirs réfugiés dans des endroits souterrains qui en étaient ressorti après des pluies qui avaient permis de changer de mode de vie, de changer la configuration du pays. Mais à quelle époque situer ces évènements déjà difficiles à localiser ?
D'autant plus que la notion de temps des Aborigènes n'est pas la même que la nôtre : ils semblent vivre dans un monde en perpétuelle gestation, où le présent et le passé interfèrent pour réorienter le futur. Ils prétendent, en mettant en scène de nouveaux rêves au cours de cérémonies ultérieures, reprendre le passé et les mythes fondateurs rêvés par leurs ancêtres et ayant déterminé l'évolution de leur civilisation.

Aurai-je perçu un rite secret pratiqué dans les grottes et les rochers en quelque lieu sacré ? (à quel moment, je ne saurais le dire). Evoquant ou rejouant le retour de la pluie après une période de sécheresse.. comme il y en a encore en Australie, mais reprenant des évènements bien plus reculés, où une Etoile bleue aurait eu un certain rôle à jouer ?

DORIS

Pour revenir à notre époque, le temps passant, l'effet magique de ce collage s'est estompé, n'a plus guère engendré d'imageries chez moi, ni chez ceux qui l'ont regardé d'un oeil distrait ou trop distancié.

Un jour pourtant, d'avril 1992, une jeune femme Chilienne peintre il est vrai, s'est précipitée vers lui, à peine arrivée chez moi. Je me suis excusée auprès d'elle de n'y avoir pas inclus quelques éléments pouvant rappeler l'Amérique du Sud. Mais elle a trouvé, toute contente, que les paysages et les personnages de "Mongolie" ressemblaient à l'Altiplano andin et aux indiens.
Le soir avant de m'endormir j'ai entr'aperçu une foule d'indiens aux habits et bonnets (péruviens ?) colorés, au pied de montagnes enneigées.
Souvenirs encore de cartes postales ou de scènes plus réelles actuelles ou passées ? De marchés indiens ?
Lorsque je l'ai revue, j'ai demandé à DORIS qu'elles étaient ses origines : métissées bien sûr, espagnoles, indiennes Mapuche, mais pourquoi pas péruviennes de par son père du nord du Chili (qui a jadis été envahi par les populations du Pérou limitrophe).
Y-a-t-il vers Atacama des déserts de sable clair comme celui apparu à quelques temps de là, après une autre visite de DORIS : elle avait remarqué une petite publicité avec des dunes, utilisée pour illustrer un passage de ces propos, et qu'elle avait elle aussi gardée. Au dessus des dunes imaginaires flottait une brume pluvieuse et grise, comme un vaste voile cachant l'inconnu ou le soleil qu'on ne voyait plus.

En Décembre 1992, un soir, j'ai rediscuté du collage (2e version) tout en le regardant avec un ami peintre et sculpteur d'origine Allemande dont les oeuvres marquent les jalons d'une quète d'un passé personnel et plus ancestral.

La nuit j'ai fait un curieux rêve

Un personnage assez grand (en complet-veston ?) au visage rond et plutôt désagréable.
Derrière lui, une grille à travers laquelle je voyais un homme qui m'a paru très primitif, "sauvage", aux cheveux foncés, portant un casque avec des cornes, et une arme (je n'ai pas précisé laquelle dans mes notes).
Il veut atteindre (tuer ?) l'homme (plus moderne et civilisé) en passant le bras à travers la grille les séparant, aussi bien dans l'espace que dans le temps.
La grille s'est ensuite transformée en barreaux de prison.

La grille évoquait plutôt une grille visuelle ou paraissait être due à un effet vibratoire style "art optique" : cela ressemblait aussi à ces images doubles dessinées sur deux séries différentes de bandes : selon l'orientation on voit tantôt l'une tantôt l'autre, ou un peu les deux en même temps à certains brefs moments de transition.

J'ai relié ce rêve à deux toiles de WINFRIED que je n'ai vues que par après, faites pour être l'une à côté de l'autre mais qui ont été séparées dans cette exposition intitulée "41 artistes en prison" présentant des oeuvres de plasticiens inspirées par leurs impressions lors de visites ou d'activité menées en prison.

Chez WINFRIED l'appel à la mémoire a du porter sur ses toiles et leur signification ou connotations, en fonction des préoccupations du moment, et a du le ramener à ce problème d'enfermement dont il sait qu'il le rejoue souvent à travers ses oeuvres et celles qu'il a fait faire dans les divers ateliers qu'il a animés pour des détenus et des enfants mal voyants (autre forme d'enfermement).
Des deux toiles préparées pour l'exposition, l'une représente une série de silhouettes gris argenté qui peuvent donner cette impression vibratoire ou d'art optique déclenchée en début d'imagerie.
L'autre toile comporte deux personnages, l'un aux cheveux noirs et visage bleu, rayé de graphismes et traits obliques. L'autre en bas, tête ronde et lunettes, cheveux sombres aussi, figurait sur une toile ancienne remaniée pour l'occasion, donc d'une autre époque.
On y retrouve ainsi les protagonistes de mon rêve, mais avec une inversion entre l'avant et l'arrière plan, et les temps.
Procédé de retournement d'image qui semble permettre d'en faire apparaitre certaines connotations latentes : ici le mouvement d'avance recul (avant/arrière) vient compléter celui de gauche à droite "d'art optique".







Images et Hypnagogie

Ce collage fut réalisé au départ pour rappeler des aspects encore mal explorés du rêve : les résurgences possibles de souvenirs originaires non seulement personnels mais familiaux ancestraux, ou socio-culturels anciens.
Je ne m'attendais pas à ce qu'il m'amena à presque fusionner (imaginairement) avec ce Rêveur australien qui y figure, symbole il est vrai pour moi du lien à un lointain passé vers lequel le rêve permettrait de remonter.
Je ne m'attendais pas non plus à ce que le collage fit réaffleurer plus ou moins inconsciemment chez certaines personnes qui s'y sont intéressées toutes sortes d'empreintes mémorielles, d'allure assez archaïque.

Mais prétendre voyager dans le temps, de plus télépathiquement paraîtra aberrant ou du moins laissera perplexe.
Y-a-t-il vraiment eu résurgences d'informations originaires induites par les images ou idées associées aux configurations du collage dans ma propre psychée et dans celle des autres à laquelle j'aurais eu accès ?
Y-a-t-il eu communication télépathique ? N'ai-je pas tout simplement projeté souvenirs et problématiques personnelles au besoin sous forme mythique ..pour mieux (m') abuser ?

Ce phénomène visuo-tactile associé aux images hypnagogiques qui rappellent la relation fusionnelle mère enfant lors de la vie périnatale, et l'effacement des limites soi - autrui - monde environnant qui lui correspond se retrouve-t-il dans les expériences ou plutôt les expérimentations contrôlées de télépathie ?

Les premières impressions à propos du collage semblent en quelque sorte figurer ce qui se passe dans ces états de semi éveil ou demi sommeil dits HYPNAGOGIQUES sur lesquels je vais m'attarder avant de reprendre de plus prêt la question de la télèpathie.
Les Etats hypnagogiques constituent l'un de ces Etats modifiés de conscience qui donnent lieu à l'heure actuelle à de nombreuses recherches expérimentales, neurophysiologiques, et cliniques.
C'est un sujet carrefour car ils concernent également ce que l'on a l'habitude d'appeler parapsychologie, puisque ces Etats hypnagogiques semblent favoriser les perceptions dites extrasensorielles.
Ils constituent par définition un état intermédiaire et fluctuant entre l'éveil, le rêve, le rêve éveillé, la relaxation et la méditation, l'hypnose aussi, et sont sans doute un pont ou lieu clef de la compréhension des changements qui surviennent en EMC, dans les modes d'appréhension du monde environnant (dans tous les sens du terme). Les expérimentations sur ce que l'on appelle "Ganzfeld" prétendent reproduire ces Etats hypnagogiques mais ils sont plus statiques. Sauf certains poètes, on s'y est peu intéressé, peut être à cause du caractère assez insaisissable (et donc peu mémorisable) des images et impressions qui peuvent se succéder parfois assez rapidement, en se métamorphosant sans cesse.

Les anciens neuropsychiatres en parlent en termes (pathologiques) de transe hypnique et d'hallucinations et se sont d'abord penchés sur la narcolepsie et l'épilepsie (avec ses effets d'aura), alors que les imageries du demi sommeil sont des plus normales, et peuvent être activées par la méditation, ou la pratique du dessin (automatique ?) c'est-à-dire la dynamisation des formes et des couleurs en mouvement.
Les psychanalystes les évoquent moins souvent que les rêves endormis, et que l'hypnose qui a trouvé un regain d'intérêt JUNG cependant fait mention dans "Ma vie" de visions survenues dans ces états dans lesquels on se trouve aussi parfois au cours de siestes ou pendant la nuit ANZIEU y fait allusion également.
Enfin MAVROMATIS dans "Hypnagogia" propose des vues synthétiques - à la fois expérimentales et cliniques - sur la question.

Voici une partie de la description qu'en fait D'ANZIEU dans son livre "L'épiderme nomade" où il poursuit ses travaux sur le Moi peau . Il parle entre autre du sommeil et des rêves.
"L'individu qui s'endort s'isole des sources d'excitation sensorielle, ce qui lui permet "de désinvestir l'aspect pare-excitation (de son enveloppe corporelle) et la remplacer "par une enveloppe visuelle plus frêle et plus sensible.
"L'endormissement met en question le cadre psychique de veille, le schéma corporel "avec sa tridimentionnalité, et de sa symétrie interne. Les relations figure-fond ne "sont pas organisées entre elles, mais surviennent par séries. Les principaux thèmes "sont :
"- l'aplatissement du corps, réduit du volume au plan
"- l'incertitude sur les limites corporelles (gonflement, agrandissement, "rétrécissement)
"- la déformation des visages
"- les torsions et la perte de rigidité des surfaces planes qui se vrillent, se bossèlent "etc".
Dans cette phase d'endormissement il y aurait régression au sein maternel, à ce moment, décrit par B.LEWIN, où le bébé a vidé le sein qui l'a nourri et le visalise comme une grande surface aplatie, bosselée, où les distances et les volumes entre les objets, soi et autrui s'atténuent, disparaissent en un espace où tout est confondu, interrelié, fusionné.
Se produit aussi ce que l'on appelle le phénomène d'Isakower, c'est-àdire des impressions de sable ou de caoutchouc dans la bouche (ou pourquoi pas dans la main ?) ce qui correspondrait au contact du téton maternel, conservé dans la bouche (ou gardé dans la paume ?) du tout petit qui s'endort repu. Le sein n'étant plus libidinalement investi, est ressenti comme ayant une consistance granuleuse ou caoutchouteuse.

Les premières images apparues - comme j'y fais allusion au début en vertu d'une imprégnation visuelle due à la remémoration des illustrations de l'article d'ACTUEL, étaient celles de spirales tracées dans le sable rose, qui ressemblaient à de grandes empreintes digitales, comme si la main avait parcouru plus ou moins automatiquement le sable et y avait projeté directement l'empreinte de ses doigts.
Ne peut-on y voir la représentation agrandie du contact visuotactile entre la main du bébé et le sein maternel ? Entre l'oeil attaché presqu'à le toucher aux images et à ce collage qui ressemble à une peau aplatie aux surfaces malgré tout valonnées par les contrastes entre les monts et les vallées, les pleins, les creux et les déliés des paysages et lieux évoqués.
Les relations figure-fond sont estompées (parfois inversées du fait de la juxtaposition de certaines images).

L'impression de peau brune, faite de pastilles rondes un peu en relief qui a suivi, pourrait être une réminiscence du contact du téton ou de la peau granuleuse du mamelon, touchés par la main du bébé ( ou de moi bébé ?) tandis que les visages vus de très près à l'allure changeante reprendraient la perception du visage de la (ma ?) mère, rendue floue du fait du passage de la veille au sommeil. Image que j'aurais forgée à partir des documents aborigènes, pour figurer l'état hypnagogique où je me trouvais, ma propre régression à ce stade de l'évolution de la personnalité ou de la relation mère enfant associé à des fantasmes de peau commune, ce que reflète aussi l'impression de faire partie ou corps avec les personnages ima(gin)és, d'être englobé, comme dans une sorte de grand organisme.

Englobé(e) comme le foetus par sa mère ?
La phase d'endormissement (ou d'éveil lent), permettrait alors de ressentir et visualiser le passage dehors-dedans (ou dedans-dehors) vers le sommeil et le rêve, vu comme une régression in utero.

Il y aurait retour vers une perception de type global ou indifférencié où les sensations étaient plus reliées entre elles, mais guère localisées dans l'espace et le temps. Dans l'indifférenciation corps propre et milieu (utérin) environnant, toutes les impressions colleraient adhéreraient au corps. Peut-être aussi parce que l'enveloppe utérine qu'ANZIEU envisage à l'heure actuelle à l'origine d'un moi peau plus structuré, ne serait pas encore constituée de ces deux feuillets distincts, l'un sensible aux excitations, l'autre servant de surface d'inscription des significations qu'il décrit dans ses travaux.
Double peau dont un collage donne une bonne analogie : pellicule d'images collées sur une surface support, où sont réunis en un seul continuum des morceaux de lieux et temps séparés, pour reconstituer une autre réalité.

Mais pourquoi m'être servi de photographies aborigènes ?
N'y aurait-il pas un certain écho entre leur manière d'être au monde et la mienne à ce moment là ?
Une manière d'être au monde ou de conscience primordiale, comme celle qu'encore ANZIEU voit comme possible lors de la vie embryonnaire et foetale elle consisterait à
"Avoir une conscience qui enveloppe les choses, et être cette conscience qui "m'enveloppe. Avoir simultanément conscience d'être soi-même et d'être présent au "monde. Etre conscient complémentairement que l'objet primordial a conscience d'être "à la fois présent au monde, à lui-même, et à moi et donc qu'il peut et/ou veut "m'envelopper, (ma mère m'entoure, et je l'entoure)".
Participation à un même espace topologique, en un continuum où l'on passe du dedans au dehors (du dessus ou dessous ?) et vice versa sans franchir de barrière, où le grand et le petit, le proche et le lointain le tout et la partie sont sur le même plan, s'inversent ou s'incluent réciproquement..comme le dit B.GLOWCZEWSKI de la peinture aborigène actuelle.
Où l'on passe de l'ici à un ailleurs peu localisable dans l'espace et le temps : car en un sens j'avais l'impression d'être en Australie avec ces aborigènes, d'être au milieu d'eux - tout en étant restée là (en une sorte de double conscience), à une époque indéterminée : 10 ans avant (quand on avait pris les photographies qui ont du m'inspirer), ou à présent ?

J'ai eu quelques autres expériences de ce type, en état relaxé ou hypnotique, proche de l'endormissement, déclenchées par une image visuelle prenant un caractère tactile. Elle me faisait comme passer à travers une sorte de mur devenant transparent, voir inexistant, et me retrouver dans un ailleurs indéfini. A travers le mur de la peau confondu avec l'environnement. C'est un peu l'impression semble-t-il qu'on se propose de susciter dans le film The Wall, où à la vue rapprochée d'un mur dont on perçoit agrandis les détails et la texture, succèdent sans transition, après sa traversée ou sa destruction, des visions et hallucinations dues à la drogue. De type (hyper) réaliste ou symbolique, elles emportent dans d'autres lieux et temps : scènes (fantasmatiques ?) de l'enfance et de l'adolescence, de la guerre de 40 et de ses tranchées, et d'un nazisme réactualisé.

Au cours d'une séance dite de régression, sous hypnose, j'ai revu un chalet en Suisse où enfant j'ai passé plusieurs étés en famille. Il était construit au-dessus d'un mur de granit gris au pied duquel il semblait que je me trouvais. J'en touchais de l'oeil (ou de la main ?) la texture très granuleuse. Brusquement je me suis retrouvée dans le noir, en un lieu très sombre, circulaire, sans points de repère, sans lumière. J'essayais d'en discerner à tatons les contours.
A succédé la vue comme d'en haut et de l'extérieur d'une tour ou d'un donjon de granit gris clair comme celui du mur de soutainement du chalet de mon enfance, avec un toit de tuiles rouges.
Mais je suis bientôt revenue dans cet espace noir où je me sentais enfermée, aveugle et angoissée. Tout s'est ensuite mis à tourner. Des cercles entouraient ma tête, dont j'ai voulu me dégager. Est alors apparue une petite fille avec un cerceau, de l'autre côté d'une rivière, près d'un village. J'ai traversé un pont et suivi une route droite conduisant.. au retour à la conscience de veille.

Je me suis longuement interrogée sur cet ensemble d'images qui en un certain sens évoquait la vie foetale (et des problèmes d'enfermement ?) et la naissance (après cerclage utérin ?).
Les séquences se situaient-elles au même endroit (par exemple en Suisse, pays d'origine de ma mère ?) et à la même époque ? Où et quand? De plus j'avais l'impression d'être moi et quelqu'un d'autre et de revivre en images quelque chose qui ne m'appartenait pas, ou qui venait se superposer avec d'autres vécus : de ma mère ? ou d'un personnage ancestral ? Du thérapeute qui avait induit l'hypnose ? de sa mère à lui ? ou de l'un de ses ancêtres ? dont j'aurais partagé l'histoire, par empathie ou télépathie ?

A quelques années de là, lors d'une autre séance en état second, avec un autre thérapeute, je me suis retrouvée vers l'âge de 3 ans, le dos sur une luge, dans la neige. Les barreaux de bois ont pris un certain relief, très vibratoire.
C'est cette grille que j'ai comme traversée pour me retrouver... chez les esquimaux. La scène était très "réaliste" mais non située dans le temps. J'étais ficelée sur un traîneau et voyais défiler la banquise. Nous sommes arrivés près d'un igloo. J'y suis entrée, surprise de sa grandeur, vue de l'intérieur. Il y avait des gens, des enfants, du feu. Il y faisait bon : impression de communiquer presque corporellement, par la peau, avec tous ces gens. Ce qui était à la fois agréable et pénible de par la fusion mais aussi l'indifférenciation interpersonnelle ainsi suscitée.

Je ne sais à quoi correspondait cette imagerie : paysage et igloo figuraient-ils concrètement ce nom "d'esquimaux" donné aux pantalons qu'on mettait quand il faisait froid et que nous jouions dans la neige ? Paysages et personnages issus de livres d'enfant ou d'articles plus récents ? (comme celui d'ANZIEU sur "les esquimaux et les songes ?")... Empreintes archaïques dues à mes origines nordiques ? ou à celles possibles de la thérapeute, à ses fantasmes ou à ceux de quelque client vu auparavant?

Subsiste la forte sensation de "peau commune" avec les autres occupants de ce doux contenant aux formes arrondies de l'igloo, avec à la fois le désir d'y rester et l'envie de me détacher, pour ne pas être obligée de participer à tout ce qui pouvait arriver à autrui ? Expression de la nostalgie du sein maternel et de la relation symbiotique à la mère dans ses aspects contradictoires, ainsi que du retournement dehors-dedans, passant par une phase de perception d'une surface applatie ondulée (les barreaux de bois de la luge ?) du sein, que le bébé à moitié endormi est encore entrain de toucher, avant qu'il ne s'invagine en la cavité intra utérine ?
A remarquer encore que c'est une stimulation visuo-tactile du dos qui a entrainé le changement brusque d'imagerie, comme si l'on pouvait "voir avec le dos" : ceci peut-être en vertu de la désorganisation des symétries corporelles, en état hypnagogique et second, l'indistinction entre avant et arrière, haut et bas, gauche et droite du corps et de l'espace.

Cet épisode imagé est à relier enfin à l'histoire de la chute d'un mur en luge de ma soeur aînée (qui s'en tira sans mal). Mon père y assista, fort effrayé. Où étais-je et à qui me suis-je identifiée pour faire ce "saut dans le temps et l'espace", suggéré par mon imagerie, qui a donc pu avoir un point de départ traumatique ?
..comme dans l'expérience du mur et du donjon prison, qui je l'ai dit, faisait penser à un traumatisme de la naissance.

Ne pourrait-on penser que dans certains groupes sociaux, comme les aborigènes vivant en communautés, dormant sous le même toit et le fort lien à un sein ou corps groupal, réactive constamment la relation au sein et corps maternel, ces fantasmes de symbiose et peau commune et les processus perceptifs qui y sont associés, induisant ainsi une structuration psychique et une culture marquées par ce stade d'évolution de la personnalité.

Contact entre la main du bébé et le sein de la mère ou entre le corps et la peau du voisin, dont on perçoit aussi les grains ou la texture agrandis, que les empreintes dans le sable et les peintures concrétisent sur la surface applanie ou ondulée du sol et de la toile sur lesquelles la main dessine de multiples chemins.
Peintures et dessins projetés sur un écran intermédiaire, qui ont succédé aux peintures corporelles c'est-à-dire appliquées directement sur la peau, comme pour les "décoller" et les remettre dans l'environnement extérieur auquel on avait adhéré intimement sans s'en distinguer. Type de production, qui signerait le changement actuel de la relation au monde et aux autres aborigènes, en une mise à distance de soi qui risque de leur faire oublier cet espace - temps sans cloisonnements où il semblaient vivre.

Curieusement ce qu'ils mettent dehors est venu se plaquer sur mon corps devenu leur décors. J'ai éprouvé récemment à quel point on peut se sentir enveloppé par le paysage, qui se confond presque avec l'enveloppe corporelle, la propre peau.
C'était au cours d'une longue séance de relaxation accompagnée de stimulations tactiles : il fallait explorer de la main et du visage des objets de bois rugueux qui me déplaisaient et me mirent mal à l'aise. Je retrouvai un certain bien être en repensant et visualisant d'abord des rochers au contact solide : de la pierre et non du bois léger, comme celui des objets manipulés. Ces rochers firent revenir le souvenir d'une promenade en montagne. Je revoyais les différents moments de la ballade, la neige, les rochers, le sentier escarpé, les pins et les mélèzes, comme s'ils étaient presque contre ma peau ? En même temps revenaient les affects qui y étaient associés : ennui, envie, plaisir, envie de rentrer, découragement, euphorie, perplexité, détente, qui avaient jalonné les étapes d'une excursion solitaire en terrain difficile. Je ne m'étais pas rendu compte, absorbée à trouver mon chemin, que j'avais pu ainsi m'identifier au paysage environnant. J'étais rentrée fatiguée mais rechargée énergétiquement, comme le fit aussi l'imagerie souvenir.

Ces modes de relations fusionnelles sont plus ou moins prohibées dans les sociétés occidentales, comme est interdit le toucher, car assimilées à un stade primaire de l'élaboration de la personnalité, ou même à la psychose. Mais ils peuvent ou ont pu constituer dans des populations communautaires, une manière d'être stable, et mieux acceptée, voire valorisée socialement, source de communications et perceptions étendues auxquelles en fait nous n'avons accès que dans le rêve, la rêverie, les états hypnagogiques et de conscience modifiée.

Ne pourrait-on pas parler d'un "épiderme sauvage" (au sens de "nature sauvage") où le moi ne serait pas, selon les représentations occidentales, dans un noyau central, mais "à fleur de peau".
Moi flottant à la surface-interface du milieu et du corps, et pourtant relié à ses profondeurs ("le plus profond c'est la peau" disait DELEUZE ?).

Moi flottant associé à la psychose dans nos sociétés : mais dans les autres ? ..Où prédominent des modes de vie et d'attachement de type communautaire ? Avec leurs avantages et leurs inconvénients : je n'en ai pas beaucoup parlé mais on ne peut les négliger, en particuliers les conséquences de la très forte dépendance au groupe, à ses lois, ses tabous, ses contraintes et ses interdits.
Inconvénients auxquels on pourrait pallier en partie grâce à un processus d'individuation plus poussé, pour ensuite revenir au monde symbiotique initial.
On est amené encore à s'interroger sur la nature de l'état habituel de conscience qui n'est peut-être pas identique dans toutes les sociétés surtout lorsque l'on sait que le sommeil paradoxal est un autre état d'éveil et que l'on peut être conscient que l'on rêve. Lucidité qui se déclenche parfois à partir de l'éveil ou plutôt lors de l'endormissement justement.

Le mot "éveil" n'a peut être pas le même sens pour tous. MAVROMATIS propose de cultiver cette capacité à rêver plus ou moins éveillé, cette conscience onirique, où prédominent les liens aux corps et aux sensations, l'effacement des limites soi-autrui-milieu environnant. Le clivage veille-sommeil s'atténuerait au profit d'un continuum entre les deux, avec double conscience de l'environnement et des images qui y surviennent, ce qui d'après lui, induirait un autre sens, non de la réalité mais de la pluralité des réalités possibles, avec chacune leur "objet" spécifique.
Ne vivrait-on pas alors dans un champ de conscience spatio-temporel élargi ? Celui où nous avons vécu au début de notre vie, celui où vivaient peut-être jadis les aborigènes d'Australie, et autres populations dites primitives : africains, esquimaux, indiens ?

Dans cet espace où sujet et objet ne font qu'un, le refoulement n'aurait plus de sens. Ne pourrait-on passer sur les ponts invisibles qui nous relient au corps et à la psychée d'autrui ? Les barrières ne deviennent elles pas ornières ou sentiers pour aller jusqu'à elle ou lui, par empathie, par télépathie ?

ANZIEU sans aller jusqu'à parler des possibilités télépathiques du rêve s'attarde sur sa valeur intercommunicative.
Ce qu'il dit à propos des rêves vaut aussi pour les états hypnagogiques :
"le surinvestissement de l'enveloppe corporelle qu'est la peau comme surface "d'inscription de signes (plutôt que comme pare-excitation) active les processus "d'interfantasmatisation entre le rêveur et son entourage".

D'où des idées, images et rêves communs ou partagés comme on l'a constaté en thérapie familiale psychanalytique entre membres d'une même famille, quand la communication n'est pas arbitrairement maintenue à un niveau purement opératoire.
Même constatation entre les membres de certains groupes.

En fait mes rêveries aborigènes, les premières et celles qui ont suivi, plus éloignées des documents dont je suis partie, sont difficiles à localiser : la nostalgie de cette couverture de dunes qui devait revêtir la terre mère était-elle de jadis ou de maintenant ? ou des deux en même temps ? Qui est sorti de la grotte cachée, où, et quand ? Des aborigènes actuels ou passés ? d'un pays mythique ou réel ?

Impressions qui se situaient en fait dans un espace temps différent où les distinctions passé-présent (futur ?) n'avaient pas lieu d'être.
Une même incertitude entoure la provenance, les relations et significations des imageries suivantes sur FLORENCE, sur le double temple grec sur les lagunes et les marais, les Andes et les indiens qui ne figuraient pas sur le collage.

Les rapprochements entre ce collage, mes imageries et l'Histoire de l'Australie ont du paraître excessifs : les images hypnagogiques peuvent-elles prendre un caractère presque cosmique et concerner des époques préhistoriques ? ou l'information qui s'y rapporte ? S'agit-il de la figuration dramatisée de lectures oubliées ?.. ou faites par après ? (Car c'est ensuite que j'ai essayé de plus me documenter sur ce continent).

En voici quelques éléments certainement insuffisants pour la reconstituer vraiment.. ou pour interpréter mes visions hypnagogiques.
D'après le livre sur L'AUSTRALIE du Time Life - 1987
"Les premiers hommes arrivèrent en Australie il y a plus de 35.000 ans. Ils étaient "venus d'Asie du sud est : une glaciation avait abaissé le niveau de la mer et une "passerelle continentale courait à travers l'Indonésie et la Nouvelle Guinée.
" ...
"Puis des milliers d'années après leur première apparition, les inlandis massifs de la "première glaciation fondirent, et le niveau marin remonta.
"La Tasmanie fut coupée du continent. De la passerelle conduisant jusqu'en Asie ne "subsista qu'un chapelet d'îles. Pour les populations d'Australie commença une ère "d'isolement. Cette terre n'était cependant pas un paradis, car les mêmes "changements climatiques qui l'avaient coupé du reste du monde, avaient infligé une "sécheresse perpétuelle, et rares étaient les régions se prêtant à une vie agréable".

Propos qui m'ont fait voir autrement les deux versions de mon collage. Dans la première, la partie inférieure représenterait (à ma façon) l'Asie d'où ces hommes étaient partis à l'époque où seuls les lichens et les immortelles tapissaient la nature endormie. Les ponts à gauche figureraient cette "passerelle continentale" qu'il fallut traverser pour arriver dans une contrée en fait rattachée aux chaînes hymalayennes mais aussi en un sens contiguës de ces contrées polaires (australes mais ici associé par mentalité de nordique à l'autre hémisphère) quand les glaciers sont apparus. Leur érosion a réduit les massifs altiers en ces bandes aplaties de falaises rougies qui abritent encore de nombreuses gravures rupestres.

Selon la deuxième version et les images qui en sont nées, des grottes servirent de refuge contre le froid. Lorsque les glaces fondirent, les rivières et les lacs se remplirent à nouveau, les plaines reverdirent. L'eau modela des perspectives comme il en subsistent encore en TASMANIE (et en certaines parties de la côte australienne). Des photos de cette île montrent des baies, des lacs et des lagons contournés, entourés de pics verts escarpés, comme à Bora Bora à laquelle j'avais comparé mes images faute d'autres points de repère.
Puis la sécheresse se rétablit, mettant à nu la terre aux tons ocrés dont les aborigènes ont pu s'inspirer pour leurs peintures corporelles ...laissant seulement quelques lacs au milieu des étendues de sable jaune ou blanc.

Reste à savoir ce qui aurait déclenché les changements climatiques : des rythmes et des cycles naturels ? Ou des "facteurs extérieurs" plus difficiles à identifier, comme la chute d'un météorite, l'influence d'une comète, ou d'une étoile... bleue, comme celle prise pour emblème par le mouvement écologiste australien ?
Etoile bleue associée dans mon imagerie à une issue, une sortie, un renouveau. Mais à quoi correspond-elle ? A une configuration stellaire particulière (comme Sirius dans la cosmogonie DOGON ?) A une étoile différente de l'étoile polaire qui occupe une place prépondérante dans notre ciel ?
Ou est-ce un symbole seulement, et de quoi ? Pourquoi l'ai-je repris sans savoir qu'il était celui de la sauvegarde de la culture aborigène, et pourquoi est-ce celui-ci qu'elle a adopté ?

J'ai rapproché l'image de la sortie de sous terre dans une paysage verdoyant, de la représentation de la fin de l'ère glaciaire, hésitant entre une référence "directe" ou transposée dans le temps, mythique, de cet épisode.
... Comme le font les aborigènes, car ils pensent que leurs mythes sacrés gardent en mémoire des mouvements de la nature.
B.GLOZEWCSKI dans son article sur l'Ile Mornington et ses mythes (paru dans la revue AUTREMENT "L'australie noire") raconte celui du grand serpent arc en ciel : pour calmer les brûlures infligées par sa soeur, car il n'avait pas voulu abriter son bébé dans sa caverne, il se précipita vers la mer, en creusant un passage coupant le nord de l'Australie en deux parties et séparant de la terre l'île Mornington.
Or la géologie montre que cette séparation a effecticement eu lieu il y a 6.000 ans.

Cependant, ce départ de la grotte vers l'air libre pourrait tout aussi bien rendre compte concrètement de la cosmologie aborigène qui
"se définit comme un mouvement d'aller-retour entre le "dessus" qui se réfère au présent et à l'environnement terrestre "ou céleste, et au "dessous" qui se réfère au passé au souterrain, à "l'espace interstellaire et à tout ce qui peut advenir. L'un est "parfois synonyme de public, l'autre de secret, l'un de manifeste et actuel l'autre de "latent ou virtuel".
L'expérience onirique elle, est un voyage dans une dimension située à la croisée du dessous et du dessus.

Mon imagerie renverrait-elle aussi à cette époque où l'on situe le ou "un" grand déluge dans certaines contrées (et la fin de la sécheresse dans d'autres), ou bien avant, si l'histoire n'est qu'un perpétuel retour des mêmes évènements, que les sites et mythes sacrés réactualisent ?
Une surprise m'attendait encore dans le livre de HAVECKER sur le rêve en Australie , lu en septembre 1992.
Il y parle d'un ancien lieu sacré près d'un lac où serait apparu sous forme humaine l'ancètre ou Dieu fondateur, sorte de cercle appelé... BORA, nom donné par extension aux autres lieux sacrés fait d'un ou de plusieurs enceintes circulaires (virtuelles).
Pourquoi donc ces paysages imaginaires entrevues après sortie de grottes m'ont-ils fait penser à BORA-BORA ?

Je n'en resterai pas aux perspectives mythiques car on ne peut négliger l'éventualité de projections personnelles entre autres d'un espace ou de vécus corporels, venant se superposer aux ensembles paysagers.
Ces impressions imagées ne concrétisaient-elles pas certaines transformations des relations espace-corps ou dedans dehors, au moment de l'endormissement, ce que j'ai déjà considéré longuement - cet état hypnagogique où s'effacent les limites soi-autrui, si bien que corps propre et corps groupal ou milieu plus global vont s'emboiter, se confondre les uns (dans) les autres...
... comme le faisaient la mère et l'enfant aux premiers stades (foetal, périnatal) de son développement ? C'est alors sans doute que s'organise l'articulation entre espace personnel et culturel, l'attachement vital entre les personnes, dont le corps témoigne dans certaines ethnies (comme les aborigènes d'Australie), et chez certains sujets de nos sociétés...
Qui a la nostalgie des grandes courbes roses du corps maternel ? ceux d'Australie ou moi, sujet de la rêverie ? Qui les verrais se démultiplier, envahir tout l'espace iconographique et l'unifier. Attrait, attachement qui a fait revenir chez moi à plusieurs reprises des étendues vallonnées de sable doré.. quand j'ai rencontré d'autres personnes reliées de la même façon à ce paysage primordial que CHAGALL a si bien dépeint dans ses tableaux du Cantique des Cantiques.

Comme dans le rêve plus précisement, ne peut-on alors se servir du milieu pour exprimer ce qui relève du corps ?
Par exemple ces problèmes d'irrigation, la nécéssité du retour de la pluie et de l'eau n'aurait été que la figuration de problèmes occulaires du moment où il me fut dit que j'avais les yeux trop secs et qu'il fallait les humidifier pour qu'ils aillent mieux et que cesse ma crainte de trop fortes lumières (comme des gens trop longtemps enfermés dans l'obscurité ? Et comme cet homme qui avait un bandeau sur les yeux mentionné auparavant).

Ces grottes étaient cependant des lieux secrets, initiatiques.
Est-ce en fonction de ces connotations qu'ont jailli les images suivantes se rapportant à FLORENCE, à la peinture du quatro cento, fort loin de l'Australie.
Mais j'eu une autre surprise, en lisant début 1992 le 1er article du livre
"L'été australien"
devant le titre et les annotations suivantes :
"Seul l'initié peint. Seul il peut guider la main des apprentis non initiés, les aider "comme le faisait les maîtres du quatro cento dans leurs ateliers de Florence ou de "Sienne. Leurs oeuvres restaient les leurs, même s'ils n'avaient fait qu'apporter les "dernières touches. A ces époques un peintre réalisant une Madone pouvait à la fois "répéter une image sainte et la magnifier. Les fresques de GIOTTO qui était un adepte "de l'enseignement de Saint François d'Assise, ou les tableaux d'un Fra Angelico de ce "point de vue sont proprement inimitables".

J'avoue que pour ma part je n'avais fait aucun rapprochement entre l'Australie et l'Italie, comme le fait l'auteur de l'article, et comme cela s'est produit à partir de mon collage. Simple "figure de style" ou coïncidence que je laisserai en suspens ?
Florence et la peinture italienne exercent un attrait un peu mythique lui aussi sur bien des amateurs d'art. C'est à FLORA que j'ai attribué l'origine des vues sur la ville et du tableau de cette Madone aux Anges, l'une de celles auxquelles il est fait allusion dans l'article cité ?

Mais ce n'est pas la première fois que je perçois des images de FLORENCE. Transmises en fonction de quoi ? des nombreux trésors artistiques qu'elle recèle et de l'impression forte qu'elle produit sur le visiteur ?
Récemment après avoir vu le film de D.ANZIEU sur le MOI PEAU le visage imperturbable et glacé avec lequel le narrateur, c'est à dire D.ANZIEU lui même, raconte une nouvelle des plus ambigüe sur un écorcheur tailleur de la peau des autres dont il se revêt et se refait une enveloppe personnelle, a fait surgir chez moi l'image d'un sculpteur entrain de tailler au couteau du marbre blanc (de "carrare"), puis celle de la statue du David de Michel Ange, comme vue par en dessous, au ras de la place Signoria , à Florence, et prenant ainsi l'allure d'un géant.
Je n'ai pas trop cherché le sens de ce que j'ai entrevu.
Simple transposition figurée, esthétisée, du travail du couteau du tailleur.. de peau ? ou informations ancestrales sur l'auteur du "MOI PEAU" succitées par la vue du film ? comme par mon collage et comme dans certaines expériences de télépathie à partir de stimulis imagés qui paraissent parfois avoir la propriété d'activer (par associations d'idées sous-jacentes) des contenus archaïques reliés à l'emetteur et/ou au récepteur : Dj.Si AHMED le signale dans son livre sur -"Parapsychologie et Psychanalyse" , et j'y reviendrai aussi.

Dans ces fantasmagories Florentines, et Italiennes le lien à l'art était prégnant.
Ne pourrait-on finir par penser que je suis moi aussi reliée à ceux ou celles qui y ont habité, oeuvré ? Mais je ne puis préciser la nature d'attachements qui paraissent peu évidents. Peut-être faudrait-il suivre ces pistes pour trouver des fils négligés ou passés inaperçus dans la trame du tissu familial ? Mais comment ?

J'ai dit avoir aussi perçu l'image d'un temple double, à propos de TAVROU. N'a-t-il pas pu lui tout d'abord capter mon goût pour les miroirs et les images complétées par leur reflet ?
Ce qui lui aurait inconsciemment rappelé leur emploi dans les anciens rites initiatiques de l'antiquité greco-romaine et incité à me renvoyer le message sous la forme du temple et son reflet ?
Mais pourquoi, comme mon grand-père (et dans l'atelier de mon père) où l'on inventait des motifs de broderie, ai-je passé tant de temps à doubler au miroir des peintures et leurs éléments ? N'y aurait-il pas eu quelque accointance avec les pays méditerranéens et leurs pratiques, grâce à un ancêtre nordique parti là-bas ?
A quel "niveau", à quel moment se fait le "branchement" télépathique ? Dans le présent ou à partir d'empreintes plus archaïques ?
Qui ou qu'est-ce qui déclenche le processus,le reprend ou le prolonge ?.

D'où venaient ces images de pyramides et de ruines dans le sable, dont les roses et la forme en arc des dunes appellent le prénom et le nom de Rosario.
J'ai déjà noté que les mots de REVE et MEMOIRE l'avaient guidé vers des civilisations lointaines ou passées et fait parler de sa sensibilité aux sons et paroles entendues avant de s'endormir.

Autre façon de rejouer les conceptions aborigènes sur le temps du rêve?
"Sans rêves, c'est-à-dire sans nom originel, toutes choses ne seraient pas. Les mots font "en quelque sorte que le réel est déjà dans l'image.
"Et à l'inverse, sans un mouvement qui anime les images, les noms ne pourraient pas se "matérialiser".
J'ai relevé l'origine juive espagnole ou maure qui se cache et se révèle aussi dans son nom et peut me renvoyer à quelque branche familiale de mon côté maternel, quoique cette hypothèse reposât à l'heure actuelle sur des données de l'imaginaire plus que sur des filières identifiées.
Les recherches sur le passé familial ancestral et socio-culturel sont délicates, d'où la difficulté à vérifier la provenance d'informations généalogiques personnelles ou télépathiques, ce que je n'ai pu faire ici.

Le rêve fait à propos de WINFRIED du collage et de ses tableaux a eu peu d'écho auprès de lui. De même les liens que j'y voyais avec les deux toiles "fusionnées".
Pour moi c'était comme si avait fait irruption et s'était révélé ce criminel (cet "homme sauvage") impulsif et archaïque contre lequel tout son art semble lutter ou vouloir contrôler, maintenir enfermé. Frappe aussi le curieux décalage de temps et d'espace, comme si les deux personnages appartenaient à des mondes parallèles ne pouvant pas se rejoindre, et étaient entré en relation, rapprochés tout à coup par cet effet d'art optique dû au balayage visuel de WINFRIED pour explorer le collage, et/ou aux "mouvements occulaires rapides" (REM) associés à mon état de rêverie. J'aurais ainsi saisi et relié des engrammes (mémoriels) dissociés chez WINFRIED (comme les éléments paysagés éloignés qui sont rapprochés dans le collage).

Le "Viking" (ou "Wisigoth") a-t-il été capté, capturé par moi en fonction de mes ascendances germano-nordiques paternelles ? et/ou de connotations sous jacentes à certaines de ses sculptures ?
Des empreintes semblables de nos aires cérébrales visuelles dont la structure limite nos perceptions et dont nous n'arriverions pas à nous échapper, sauf si elles pouvaient être doublées par d'autres, se seraient-elles superposées pour en reconstituer une plus complexe plus complète ?

Qu'est-ce ce que WINFRIED cherche à faire quand il compose deux toiles à la fois : dans une exposition ultérieure (en Mai 1993) il a mis face à face deux tableaux semblables représentant des buffles ou des bizons une ligne de sacs ou de grandes pierres, et des silhouettes rangées par derrière, immobiles : elles m'ont paru faire ou être un (souvenir) écran, empêchant de voir quelque chose ou quelqu'un : cette figure d'indien sioux finement dessinée en noir et blanc entrevue le soir avant de m'endormir ?..en entendant comme un bruit sourd (de calvacade ? d'une troupe ou d'un troupeau d'animaux ?).
Le "bruit sourd" pourrait ici correspondre sur le plan sonore à l'effet d'art optique précédant : bruit un peu double évoquant une double chasse : celle des indiens et des bizons d'Amérique, pays auquel il se sent relié.
La juxtaposition de deux toiles ne semble pas suffisante : il faut y adjoindre une autre dimension : celle du mouvement occulaire rapide c'est-à-dire celle du...temps du rêve ( le DREAM TIME ?) ou celle du CINEMA...comme dans le film de WENDERS "Jusqu'au bout du monde" : mais ici aucun dispositif technique n'a été nécéssaire pour qu'un message passe (c'est vrai transformé) entre deux cerveaux, le collage et le ou les éléments incitateurs ayant cependant servi d'intermédiaire et être un facteur peut être moins important que l'aptitude ou la facilité à changer d'état de conscience ou à se mettre dans un léger état hypnotique (ce que laisse penser d'autres tableaux de WINFRIED structurés sur de grandes spirales).

D'autres personnes ont regardé mon collage sans que leur inconscient en soit "activé", ou que j'ai pu en percevoir les effets : tout le monde n'ouvre pas de la même façon son champ de conscience, ou je ne suis pas toujours moi-même réceptive.

J'ai supposé l'influence de divers facteurs d'"ouverture" et d'exploration mémorielle :
- l'attrait pour l'art, le visuel, les images
- une double culture, une situation d'étranger, d'exilé
- un questionnement (du moment) sur ses origines
- une aptitude à se mettre facilement en Etat modifié de conscience.

Ce qui est aussi mon propre fait : mon intérêt et orientation vers le passé (manifeste dans beaucoup de mes rêves et choix de thèmes de recherches) plus que vers le futur a-t-il induit chez les spectateurs la même attitude, ou trouvé un plus grand écho chez eux parce qu'identique à la leur ? mes formes-images entrant elles aussi en résonnance avec les leurs ?

Il se peut que comme pour le rêve, des configurations plus précises d'éléments du collage aient joué le rôle de "déclencheur" ou incitateur de la dynamisation de l'attention et de la mémoire : traits du visage ou du corps, pouvant ressembler à telle personne familière ou tel ancètre, et condenser en eux, leur vie, leur oeuvre, leurs agissements, leurs sentiments ; détails paysagers, réceptable de quels évènements plus affectivisés ?

Comme déjà remarqué le pont en bas et la jeune fille en haut, ont certainement eut un rôle à jouer dans les rêveries de FLORA. La courbe arquée des dunes, les mots rêves et mémoire dans celles de ROSARIO. Les colonnades grecques au bord de la mer dans la reconstruction du temple de TAVROU. L'aborigène, "l'homme sauvage", dans le surgissement chez WINFRIED de l'homme casqué menaçant sorti comme d'un trou noir d'une grotte ou d'un cachot situé près d'une mer nordique comme celle au haut du tableau. Les hautes plaines ondulées et les bergers aux yeux bridés, dans le rappel du marché de l'altiplano Sud américain.

L'allure et la stature de l'homme noir, emergeant d'un trou noir comme lui, a du ressusciter chez moi ces empreintes de doigts, de mains, de pieds dans le sable ocré, ces peintures pointillées, puis l'impression d'appartenir à un grand corps groupal, diffus et enveloppant comme celui des femmes photographiées par B.GLOWZEWSKI lors des cérémonies.
Chez les aborigènes d'ailleurs, les êtres humains et la terre qui les porte sont indissociables, l'un assumant la mémoire de l'autre.
Présupposé que j'avais peut-être moi aussi, en juxtaposant ces images souvenir ou projets de voyages selon B.GLOWCZEWSKI
"les motifs peints sur le corps, les objets, le sable, (et les toiles ?) seraient le plan "d'une géographie à la fois réelle et symbolique : chacun représente un site particulier "et un ou plus d'éléments associés à l'ancètre du lieu...
"Quand ils sont peints de motifs associés aux ressources naturel les d'une terre, on dit "qu'ils sont alors chargés de la force vitale de cette terre.
"Il y a passage de la force vitale du temps du rêve entre les ancêtres, les éléments de "la nature, la terre, les hommes et les peintures".

Il est difficile de savoir quelles étapes exactement j'ai saisies de ces voyages intérieurs, de ces parcours de continents et de temps perdus.
Il aurait fallu poser plus de questions aux personnes concernées (et même là j'ai pu me tromper car par exemple l'une de mes visiteuses était accompagnée) et de plus qu'elles aient accès à l'information mise à jour, ce qui n'est pas évident (et risquait d'entrainer des dialogues de sourds ou des déceptions).

Tout en proposant quelques hypothèses, je n'ai pu savoir quelle était la "vraie" signification des images aborigènes, ni quelles étaient les relations entre Flora, Florence et ce tableau de Madone, entre les ruines de pyramides et de maisons dans le désert et ROSARIO entre le temple double et Tavrou, à quoi correspondait l'affrontement entre le sauvage et le civilisé chez Winfried. Je n'ai pu précisé en quoi j'étais personnellement (ou ancestralement) concernée dans ces imageries que j'ai pourtant qualifiées de télépathiques.







Hypnagogie et télépathie

Les expériences personnelles n'ayant pas de valeur sur le plan scientifique, c'est vers l'étude expérimentale de la télépathie que je vais me tourner pour étayer mon argumentation sur les informations archaïques auxquelles elle peut donner accès.

Dj SI AHMED donne dans l'un des chapitres de son livre "Parapsychologie et Psychanalyse" des exemples de transmission télépathique de messages dont elle conclut que le stimulus de départ peut induire
"des révélations au delà des scénarios proposés, d'archétypes mis en scènes et formes "dans des lieux et temps différents de l'ici et maintenant de la séance".

Résurgences d'archétypes, mais aussi probablement, d'informations d'ordre culturel ou familial-ancestral (qui intéressent les approches dites transgénérationnelles psychologiques et psychanalytiques).
On a déjà utilisé de façon délibérée cette capacité de "rétrocognition" dans diverses recherches sur des civilisations anciennes et leurs vestiges, rapportées par exemple par
- SCHWARTZ dans "L'archéologie psychique"
- et dans "Le projet Alexandrie"
Mais il semble que cet appel à la mémoire puisse se produire plus souvent que l'on ne croit et sans qu'on y prenne garde, ou que l'on en tire parti dans des expériences plus controlées. Il n'est guère pris en compte dans les recherches expérimentales sur le sujet. Il expliquerait sans doute certaines erreurs ou dérapages des percipients qui ont été vus comme de "mauvaises réponses" et à ce titre éliminées sans se poser de questions.

Je reprendrai plus en détail "l'Histoire du caméléon".

Le message émis s'inspire d'un souvenir d'enfance de Dj SI AHMED :
"mes frères essayant de faire fumer un caméléon dans le secret
"espoir de le faire éclater".
Dj SI AHMED dit avoir pensé en même temps à des sauterelles, dont on parlait alors et au film l'Exorciste - où il y en avait.

Le percipient rapportera une histoire qui se déroule en Afrique.
La terre ocre est marquée par la sécheresse (peut être une éruption volcanique ? car il parle d'une croûte noire, magmatique, recouvrant la terre, et que des herses essaient d'enlever).
Il voit ensuite des fétiches et une danse rituelle à laquelle succède la pluie. Puis vient interférer avec l'Afrique fétichiste, une séquence Egyptienne, où il voit un pharaon, un hibou et/ou un scarabé grimpant en tenant un soleil (peut être vu du haut d'une pyramide) puis des vases avec des inscriptions et des sculptures avec amulettes et plumes.
Il insiste sur la dimension sacrée et de mort de l'ensemble.

Le caméléon ne parait pas avoir été vu, seule la mythologie qui lui est reliée, son pouvoir de faire tomber la pluie et renaître la vie, est évoquée, comme le fait remarquer Dj SI AHMED : d'après le dictionnaire des symboles qu'elle a consulté ensuite, l'animal montait au haut de grands arbres, pour atteindre les divinités supérieures. Au Dahomey on le réprésente tenant le soleil dans sa bouche, ce qui rappelle le scarabé Egyptien qui volait (comme un hibou, en tenant un soleil).
Elle s'étonne que l'histoire triviale ait été "resacralisée". Elle reprend malgré tout un problème de mort (ce qui devait bien arriver aux caméléons fumeurs) et de renaissance.
Dj SI AHMED y voit la perception des connotations ignorées parait-il, de l'émettrice et du percipient, d'une figure symbolique, c'est-à-dire reliée aux grands mythes et archétypes, induite par le stimulus télépathique.

Je rééxaminerai les messages émis et reçus, et les commentaires de Djohar Si Ahmed, un peu comme on le fait pour interpréter un rêve et proposerai à titre d'hypothèses quelques associations d'idées supplémentaires qu'il aurait fallu communiquer aux partenaires télépathiques pour avoir leurs réactions.
On s'aperçoit que l'expérimentation sur la télépathie n'est pas la situation idéale pour mettre en évidence tous les tenants et aboutissants de la communication : il faudrait bien connaître émetteur et récepteur ce qui est difficile dans le cadre d'un laboratoire...et des autres cadres, comme la psychanalyse, ou absence de cadre dans les communications télépathiques spontanées.
D'où peut être, le désintérêt pour chercher à quoi correspond tout ce qui - à la réception - ne touche pas la "cible" employée. De plus les scientifiques sont peu familiers avec ce langage symbolique utilisé, avec les différents "niveaux de l'inconscient" - personnel - familial ancestral, collectif tels qu'on les distingue actuellement, et entre lesquels on peut naviguer.
Expliciter ces cheminements par écrit n'est pas non plus une tâche facile.

Djohar SI AHMED a bien remarqué que la réception d'un message télépathique se faisait au niveau d'un "sensorium de base" (archaïque) où les différents aspects de la sensorialité (auditif, visuel, tactile gustatif ou olfactif) ne sont pas discriminés, et où les notions de dedans et dehors ne sont pas différenciées.

Pour ma part j'insisterai tout d'abord, ce qui n'est pas envisagé, sur le rôle d'effets visuo-tactiles dans le ou les sauts spatiotemporels qui se sont produit lors de la réception du message.
Djohar SI AHMED ne relève pas cette "peau de léopard", ni la flèche qui passe dans la main, mentionnés (après coup pour la peau) comme au début du scénario. Mais elle précise que le percipient a eu recours à ce qu'elle appelle "technique du moirage" où il s'agit de "recevoir le message dans les mains" donc de faire appel au sens tactile...ou à une perception visuo-tactile qui correspondrait ou mettrait dans cet espace-temps indifférencié, comme nous l'avons vu plus haut, où se superposent des époques et des lieux éloignés. Le caméléon est devenu léopard sans doute parce que vu très rapproché, et comme aggrandi ce qui l'a fait confondre avec un léopard à la peau tachetée elle aussi.

Et pourquoi la flèche ? Est-ce un substitut de la cigarette dans la bouche du caméléon ? mais ANZIEU signale que lors de l'endormissement en plus des visages, paysages et autres images on a parfois l'impression d'être traversé par des objets "vous arrivant dessus". Cigarette dans la bouche devenu flèche dans la main en vertu de ce fort lien bouche-main du bébé au sein, et caractéristique des états hypnagogiques comme nous l'avons vu ?
Quel était l'état de conscience du percipient ? Etait-il complètement éveillé, concentré, relaxé ? Ou dans cette attention flottante proche de l'endormissement ? Ou en état hypnotique, puisque Dj SI AHMED pratique l'hypnose (eriksonnienne) et qu'il peut lui arriver de ne pas toujours contrôler son attitude.
Curieusement on ne sait pas très bien "où" est le percipient : s'identifie-t-il au caméléon ? (qui risque d'exploser) Est-il à l'intérieur de sa peau, puis à l'extérieur, "collant" à la terre désséchée puis revivifiée par les cérémonies mises en place pour pallier à sa disparition ?
Aurait-il fait une OBE, ou plutôt OTE "out of time experience" ou "sortie hors temps", selon l'expression que j'ai déjà employée : OTE scotomisée, car survenue au départ peut être, pour échapper à l'aspect morbide du message télépathique - faire mourir le caméléon en le faisant fumer.
Réaction à l'angoisse et désir de la dépasser en "sacralisant" le message, en un processus d'inversion des affects, et des caractéristiques du stimulus télépathique, que Dj.SI AHMED décrit à propos d'une autre expérience. Inversion ou tout simplement perception des connotations mythiques positives d'un rite repris sans le savoir et à leur manière par ses frères, car dans le dictionnaire des symboles de CHEVALIER, il est précisé que
"dans l'antiquité européenne, la tête et le gosier du caméléon brulé avec du chène, "permettait de commander à la pluie et au tonnerre, et au soleil d'entrer en "communication avec "l'homme".
Gosier et tête qui auraient brulé en premier si le caméléon de l'histoire avait continuer a fumer.

Mais quelle angoisse ou peur s'agit-il de dépasser, voire d'exorciser ? La peur de fumer ? qui présente un danger parfois mortel pour la santé? Tabagisme qui fait se déssécher les muqueuses (comme cette terre africaine) et qui risquent de les recouvrir d'une couche foncée comme le goudron et cette carapace magmatique qu'on ne pouvait enlever du sol ?
Craintes somatiques que cet épisode de l'histoire figurerait, projetée sur le milieu environnant, comme cela se produit souvent dans le rêve, la rêverie, l'hypnose ?
Crainte qui appartient à qui ?
Au récepteur ou à l'émettrice ?
Je ne pourrai le décider faute de pouvoir les questionner, pour savoir s'ils fument, et quelles marques de cigarette.
Craintes ravivées par le caméléon fumeur, quelque boite ou publicité pour des cigarettes comme les CAMEL, entr'aperçues de façon concommitante ?
CAMEL, presque comme CAMELEON, dont la publicité comporte un chameau une pyramide et la mise en garde règlementaire "fumer donne des maladies graves".

Chameau (dromadaire) qui jadis traversait les déserts pour relier des contrées éloignées : l'Afrique noire et du nord ou l'Egypte ? avec ses pyramides et ses prêtres vêtus de peaux de léopards ? Toujours selon CHEVALIER, ils s'en revètaient lors de cérémonies sacrificielles, pour se préserver des esprits méchants et de SETH, le dieu du mal. On ne dit pas si ces rites se déroulaient en haut des temples et pyramides, comme ceux initiatiques et de régénérescence qui s'y pratiquaient aussi jadis.

Cérémonies de mort et renaissance : en exorcisant les puissances du mal, comme dans le film "l'Exorciste" ? avec ses sauterelles : pensée qui a pu induire elle aussi chez le percipient un saut dans le temps, par un effet sonore vibratoire (des insectes volants ou un jeu de mots: "sautera-t-elle ? " ou il, le caméléon sensé exploser ("sauter").
A moins que ce ne soit en fonction d'un autre télescopage linguistique, entre le caméléon et le léopard, ce qu'on peut lire (quand) "le caméléon part",... il n'y a plus de pluie, c'est la mort. Il faudra trouver d'autres façons de renaître.

Il existait encore d'autres pratiques de régénérescence : on enfermait dans une peau un homme (puis par la suite plutôt un animal) qui y mourrait étouffé, en sacrifice propiatoire pour le salut du roi pharaon. Celui-ci assistait au sacrifice du haut de sa grandeur... ou de sa pyramide ? A moins que celui qui voit "d'en haut" le spectacle ne soit celui enfermé dans la peau et "sorti" en OBE de celle-ci sous l'effet de la torture que représentait le lent étouffement (qui momifiait vivant).
Etouffement - si l'on change à nouveau de registre ou plan interprétatif et que l'on revient au corps -, qui menace les fumeurs invétérés rejouant autrement quelque supplice passé.

Un autre animal se cache peut être encore : le LEZARD. Selon CHEVALIER dans les mythes fondateurs africains, le caméléon fut chargé de dire que les hommes ne meurent pas ; mais il s'attarda et c'est le lézard qui arriva avant et apporta la mort (comme le caméléon n'était pas là).

On a donc toute une chaine de mots condensés dans celui de CAMELEON - CAMEL - LEZARD - LEOPARD et l'on pourrait en trouver d'autres. Processus de condensation propre à la pensée primaire du rêve de l'art et de l'imaginaire.
Ce mot de CAMELEON a disparu du message capté, en a été "expulsé" peut être justement parce qu'il condensait en lui un "morceau de mémoire ancestrale" sous forme de mots "collés" ou "amalgammés" ensemble, comme le dit M.MONTRELAY

Mémoire ancestrale de qui ?
De Dj Si AHMED ? du percipient ? ou des deux à la fois ?
Car il peut se produire d'étranges "boucles télépathiques" et effets de feed-back en fonction de superpositions de problèmatiques ou parce que pendant l'émission du message, l'émetteur peut "recevoir" des informations provenant du récepteur et modifier inconsciemment la teneur et les connotations de celui-ci.

Indépendamment d'une réaction à l'angoisse face à son caractère pénible (une facétie sadique ?) pourquoi le percipient n'a-t-il pas atteint le souvenir d'enfance de Dj Si AHMED, et s'est il "branché" sur un passé plus lointain relevant ou de l'histoire effective ou de l'histoire mythique africaine ?
Dj Si AHMED penche pour la perception non pas directe mais par rite interposé. Rites commémoratifs comme ceux des aborigènes qui rejouent les rêves-itinéraires de leurs ancètres, encore de nos jours ? Ces perceptions ont-elles été facilitées en vertu d'un attachement personnel au corps maternel et de fantasmes de "peau commune" avec elle, d'une facilité à fusionner avec autrui, à faire des OBE (due à des origines socio-culturelles spécifiques : Djohar Si Ahmed ne nous dit rien à ce sujet, mais n'a peut être pas inséré dans son livre toutes les informations dont elle pouvait disposer).
A-t-elle établi avec lui une forme de syntonie, reposant sur ses attitudes à elle, une propension à se tourner vers le passé en une quète des origines au sens global ou plus particulier du terme ? Est-ce un effet possible d'une relation de type hypnotique établie plus ou moins spontanément par habitude de l'hypnose ou par habitude, selon les conseils d'ERIKSON, de projeter, introjecter son inconscient "dans" celui du patient, soit disant pour le dynamiser et le positiviser, mais pourquoi pas en même temps lui "passer" quelques éléments archaïques refoulés "un morceau de sa mémoire".

Elle ne semble pas admettre que ce percipient là ait pu aussi capter quelque chose de lignées ancestrales, plus anciennes que celles qu'elle affiche ou connait, c'est-à-dire de Kabylie ?
C'est elle qui a choisi l'histoire du caméléon tourmenté par ses frères, ce qui doit donc être plus relié à la mythologie familiale, qui viendrait de temps aussi reculés que celui auquel renvoyaient mes images aborigènes, en particulier celles sur la sortie de la grotte et du retour de la pluie ?
Scènes dont j'ai oublié de dire (?!) qu'elles sont survenues chez moi alors que je lisais le livre de Dj Si Ahmed et l'exemple du caméléon auquel j'ai comparé le style de "peau" qui m'était apparu.

Il parait aussi difficile de dater les deux scénarios : les temps et lieux d'Afrique et d'Egypte semblent se superposer de façon, un peu surprenante.
Encore une fois à qui appartient le lien à l'Egypte ?
Au récepteur qui aurait "tiré la couverture à lui ?"
A l'émettrice qui a fait envoyer un message au cours d'un autre essai de transmission télépathique, aux connotations occultes, transformées par le récepteur en parcours à Paris, dont les prolongements arriveraient aussi à l'Egypte ou presque en poursuivant les chaines associatives sous jacentes plus loin que ne le fait Djohar SI AHMED.

Il s'agit de l'histoire du fantôme et de la place Vendôme.

Pour étayer ces dires, je la reprendrai encore, quoique la communication implicite semble ici reposer non pas sur des facteurs visuo-tactiles mais verbo-auditifs, utilisant donc d'autres aspects de ce "sensorium de base" dans laquelle elle s'origine, en s'appuyant sur des jeux de mots et de prononciation-intonation où leur aspect sonore sensitif permet de passer d'un sens à l'autre (ce qui renvoit aussi aux premières relations encore assez symbiotiques entre la mère et l'enfant lors du début du langage).

"Une nuit noire, dans un cimetière. Les douze coups de minuit sonnent à l'horloge, "quand un fantôme s'élève au-dessus d'une tombe"
On décide de pas imaginer de fin à cette histoire, laissant les percipients se débrouiller avec le scénario.
Lorsque on donne la parole aux percipients, Georges fait le récit suivant :
"Je suis sur la place Beaubourg, en plein soleil, sous l'horloge.. puis changement de "décors...je me retrouve place Vendôme...où je déambule...je suis étonné de voir des "arcades et je me dis qu'il n'y a pas d'arcades place Vendôme, mais place des "Vosges...je ne vois rien de plus...je déambule place Vendôme...c'est tout...".

Dj Si AHMED s'efforce d'établir un lien entre les deux messages, et d'expliquer les transformations subies par le premier dans sa retransmission. Elle note tout d'abord l'intervention probable dans la première partie de l'histoire, d'un processus d'inversion, comme dans le film d'HITCHCOK "Mort aux trousses" où un crime a lieu dans le désert, en plein jour, et non la nuit à un carrefour, selon les stéréotypes habituels : on se trouve à Beau-bourg (un beau village, endroit habituellement animé, et non pas solitaire comme un cimetière). Il fait jour au lieu de nuit, là aussi l'inversion serait dûe à l'angoisse liée au 1er message.
La deuxième partie du récit restitué, semble pour elle être le résultat d'un dérapage linguistique, "fantôme" ayant évoqué la place Vendôme en vertu de la réminiscence implicite (chez le percipient) de l'anecdote d'un Alsacien à Paris, demandant à un chauffeur de taxi de l'emmener place du Revenant : il conduit le chauffeur qui ne comprend pas, à la place Vendôme. Lien à l'Alsace que la place des Vosges évoque aussi ensuite.
Elle voit dans l'horloge le point de jonction entre les deux temps ou lieux du 2e récit, l'horloge de BEAUBOURG ayant pu rappeler celle de la cathédrale de Strasbourg où la mort sonne les heures.

Dj SI AHMED insiste aussi sur ces relations aux dialectes qui renvoient au début de l'apprentissage de la langue maternelle, à un âge ou l'on fonctionne sur un mode sensori-moteur où les mots sont d'abord des sons qui caressent (ou heurte) l'oreille ; dont on ne sait s'ils se situent en soi ou en dehors. On revient à ce stade d'évolution du moi ou le visuel - l'auditif et le tactile interfèrent.

La propension pour les inversions (filmiques et autres) semble venir d'abord de Dj Si AHMED, (qui ne dit pas qu'elle a cherché à savoir si le percipient fonctionnait de cette façon là pour faire face à l'angoisse du message). Elle peut avoir induit chez lui un mode de réaction (à l'angoisse) qui lui serait propre, d'autant plus qu'elle l'a déjà vu à l'oeuvre dans l'exemple du caméléon, avec un autre récepteur.
(Faire) passer d'une situation à son contraire peut encore être du à une certaine ambivalence ou dualité personnelle où s'opposeraient des intérêts à la fois pour l'ésotérisme (et la spiritualité) et pour l'occultisme (et la sorcellerie...africaine ?), entre une opposition latente en elle (en référence à un passé archaïque ? ancestral familial ?) entre un (e) sorcier (e) et un exorciste (car ne s'est elle pas référé auparavant au film de ce titre ?)

En effet la première séquence du message envoyé, m'a immédiatement fait penser à "la sorcellerie dans les tombes" qu'on pratiquait et pratique encore en Afrique. Tombe, mot qui ne figure pas dans le récit mais qui s'associe facilement à celui de cimetière.
La sorcellerie se pratiquait aussi "à la croisée des chemins" (aux carrefours donc).

En fait BEAUBOURG et le quartier des Halles sont situés en un endroit de Paris autrefois mal famé et connu pour ses liens à l'occultisme.
Actuellement il y a toujours beaucoup de batteleurs (ils "battent l'heure," (?) ceci en référence avec les 12 COUPS qui sonnaient à l'horloge, "Uhr" en allemand et terme connu d'un alsacien (?) Beaubourg devient alors Beaub-uhr, belle heure ou horloge, celle de l'endroit ou celle plus belle et plus ancienne (ur-archaïque en allemand) de la cathédrale de Strasbourg, strass-burg, la ville carrefour (donc autre lieu propice à la sorcellerie dont finalement on ne sort pas).
La référence à BEAUBOURG en fait reprend les connotations "occultes" du message émis et essaie de l'exorciser en mettant en plein jour ou lumière "SATAN et ses pompes" (si douces : le centre POMPIDOU ?) puis sanctifie le tout en pensant à la cathédrale de Strasbourg.

Le contraste implicite cimetière-tombe nuit et jour place publique animée (finalement pas si net) a pu induire l'idée de "mort vivant", c'est-à-dire de fantôme, personnage apparu effectivement dans le 1er message.
Fantôme perçu directement ou par associations d'idées en même temps qu'est revenu le souvenir de l'anecdote alsacienne de la place Vendôme. Où le percipient est surpris de voir des arcades qui n'y sont pas : séquence que D SI AHMED ne reprend pas dans son analyse (ou sa publication) : en fait puisqu'il s'agissait d'un parcours dans Paris d'est en ouest, ne peut on le prolonger : de la place Vendôme par la rue de la Paix qui elle a des arcades ? et même jusqu'à la place de la Concorde avec son obélisque ramené de LOUQSOR par Napoléon (dont la statue trône au haut de la colonne Vendôme).
L'idée d'arcade a pu être succitée aussi par une vague réminiscence de D Si AHMED des cimetières islamiques dont les mausolées et marabouts ont des dômes ou coupoles arrondis...ce qui fait penser à une autre chaine associative entre tombe-dombe (prononcé avec l'accent alsacien) dome Dom (pour cathédrale : münster ou dom en allemand) - arcades (celles aussi d'une rue de ce nom pas loin de la cathédrale de Strasbourg).

Par ailleurs la notion de fantôme a pris pour les "psy" modernes le sens particulier que lui donnent ABRAHAM et TOROK dans leur livre "L'écorce et le noyau", c'est-à-dire d'ancètre oublié perdu ou méconnu dans une lignée familiale. Cette notion de fantôme est devenue clef dans les approches dites transgénérationnelles en psychologie et psychanalyse.
On revient alors à une histoire peut être d'ancètres (de qui ? de l'émettrice ou du percipient ou des deux en même temps ?) Qui daterait des campagnes napoléonnienes en EGYPTE ou du temps où il y avait des relations entre ce pays et l'Afrique du nord (pays d'origine de Dj SI AHMED où quelqu'alsacien a pu emmigré autrefois dans la famille du Récepteur).

Dj SI AHMED, a propos de cette expérience a noté l'interférence de souvenirs d'enfance chez ce dernier (en oubliant les siens) et leur rôle possible aussi dans les aléas de la communication télépathique mais n'a pas envisagé l'émergence-résurgence de souvenirs familiaux ancestraux, plus difficiles à mettre en évidence, et auxquels nous n'avons pu que faire allusion (ou illusion) quant à un lien possible avec l'Egypte ancienne.

Le travail à partir de mon collage comme les approches expérimentales de Djohar SI AHMED montrent la complexité des facteurs et stimuli qui peuvent intervenir dans l'émission, la transmission et la réception de messages de type télépathique, du fait de la dynamisation de ce que les uns appellent l'inconscient et les autres des processus mentaux et des souvenirs implicites. Des "boucles rétroactives" peuvent se mettre en place entre les partenaires et faire interférer des informations dont il est ensuite difficile de trouver la nature et l'origine exacte, d'autant plus qu'on semble évoluer dans un "espace-temps élargi", à la fois dans le champ intra et interpersonnel : il serait cependant intéressant de mieux appréhender ces informations (rétrocognitives) à préciser pour une meilleure connaissance de la psychée humaine et des déterminismes archaïques qui marquent son destin.
On sait que l'étude des liens oeuvre d'art et auteur (et son contexte socio-familial et culturel) y contribue aussi : on pourrait s'inspirer des travaux présentés ici pour mettre au point de nouvelles méthodes (d'associations d'idées en EMC) pour mieux en décoder les sens latents.




Quelques reflexions et prises de positions finales

J'ai envisagé les effets de cryptomnésie (résurgences de lectures récentes ou plus anciennes, oubliées), de souvenirs de voyages réels ou de cartes postales, et les conséquences de la facilité de figuration dramatisation de pensées plus abstraites en état relaxé, hypnagogique ou onirique, ou encore la projection de vécus corporels actuels ou passés, sur l'espace extérieur réel ou mythique

Je penche malgré tout pour la possibilité d'une sorte de communication de type télépathique, déclenchée, certe, par certains stimulis et le contexte où ils pouvaient se situer, ou reposant sur des connaissances et informations préalables, hapées par des configurations particulières Car je me sens des affinités, de la sympathie, pour ces modes de communications fusionnelles caractéristiques de certains peuples dits primitifs reliés aussi plus que nous à la terre et au monde environnant, allant et venant entre le rêve et la réalité, et familier de cette frange d'interférences où ils se mélangent et se différencient imperceptiblement

Est-ce la vue (photographique) de ces peintures dont le buste de ces femmes était ornée (dans le livre de B. GLOWCZEWSKI) qui, comme le dit M. THEVOZ dans "Le corps peint" a établi malgré l'hétérogénéité culturelle, une communication entre ce qu'il appelle inconscient corporel, ceux des aborigènes entre eux (ou plutôt elles quisqu'il s'agissait de femmes) et entre elles et moi ?
Selon lui nous réagirions "hystériquement" à ce contact insolite par une "angoisse à fleur de peau" ce qui ne fut pas le cas pour moi car j'avais déjà ressenti cette impression de communication "peau à peau" pas forcément désagréable : je ne mets plus vraiment de barrière entre la "mentalité dite prélogique" et la mienne, et ne résiste plus à cette empathie charnelle contre laquelle nous "restons sans défense" (toujours selon THEVOZ) : pourquoi donc nous en "défendrions nous" ? Pour en éviter les inconvénients (de l'ordre de la contagion et d'une soit disant perte d'individualité ?), renonçant ainsi aux avantages de compréhension d'autrui et de conscience élargie ?

Pour ma part je ne relie pas ces possibilités à une fixation considérée comme "régressée" au sein maternel, mais à la capacité créative d'un retour (momentané) à un état de développement de la personnalité et de modes d'apréhension du monde environnant précoces, qui renvoient à la vie foetale par laquelle tous nous avons passé : le lien mère enfant normal y est symbiotique, mais sur le plan physiologique éxistent deux organismes, deux êtres différents, intercommunicants
Vie foetale dont on a fait ou dit qu'elle était la matrice de toutes formes de relations ultérieures, donnant ainsi un ancrage biologique aux communications de type télé - ou empathiques.

Vie foetale, point de jonction entre deux générations pendant laquelle s'effectuerait ces transmissions de patterns d'informations ou de comportements, entre mère et enfant rêvant. Phase que l'on a tendance à oublier, à refouler, dont les traces sont plus réactivées chez certains en fonction des expériences au sein maternel (ou du groupe de peau ?) et de conditionnements ou renforcements sociaux

J'avoue aimer "raisonner" (si l'on peut dire), comme dans ces soit disant cultures primitives, selon des modes plus affectivisés plus sensoriels ou corporalisés, évoluer, par moment du moins, dans un monde (entre le sommeil et l'éveil ?) où tout communique, où l'imaginaire et le réel interfèrent continuellement Malheureusement ceux qui ne sont pas habitués à ces allées et venues, à ce passage incessant de cette frontière entre les deux qui peut s'effacer tout en restant présente (grâce au jeu d'une forme de double conscience) n'arrivent pas à jongler avec les images et les faits, et vous attribuent la même incapacité

Pouvoir retrouver cet "état d'esprit et de corps", tout en conservant les acquisitions d'une meilleure individuation, me parait source d'inspiration pour de nouveaux points de vue sur la connaissance de la nature humaine et de ses potentialités

G. ROHEIM, comme THEVOZ semble fort redouter ce lien à la mère beaucoup mieux conservé dans les sociétés tribales où les rites initiatiques constituent peut-être bien, comme il le dit, une séparation structurante, mais n'aboutissent pas à la coupure de ce lien : au contraire ils le maintiennent, en permettant de vivre à la fois, séparé et fusionné et ainsi de conserver - sans craindre de s'y perdre,
ce "tissu de rêveries qui enveloppe l'être humain dans son voyage du "berceau à la tombe"
(non pour nier la fuite du temps ou le vieillissement comme il le dit encore, mais parceque nous en sommes constitués)

Il convient encore une fois de resituer mes propos dans le cadre de diverses perspectives relevant des Sciences Humaines et tout d'abord des études sur la créativité et le processus créateur : les personnalités créatrices seraient caractérisées justement par leurs capacités à "régresser" momentanément aux divers stades du développement du moi, pour ensuite évoluer et progresser grâce à des formes de sensibilités perdues ainsi retrouvées Des synthèses nouvelles seront réalisées en unissant processus primaires de pensée et processus secondaires plus élaborés, plus sophistiqués .

Lorsque je suppose que des groupes ethniques comme les esquimaux, les indiens, les aborigènes Australiens etc, fonctionnent selon les modalités décrites, il ne s'agit donc pas de leur attribuer une mentalité "infantile", ou une absence d'individualité, mais au contraire de voir dans leurs processus mentaux la source d'une expension de conscience, l'accès à d'autres dimensions que nous, nous n'envisageons qu'à partir de déductions logiques, alors que eux y sont immergés, la vivent et l'actualisent

Je regrette de me heurter un peu trop à l'incompréhension que rencontrent mes propos de la part de psychologues et psychanalystes strictes, qui confondent relation fusionnelle et psychose, et s'en défendent autant qu'ils la défendent aux autres sous peine de perdre sa personnalité et les repères de la réalité.
Incompréhension aussi de la part des ethnologues et anthropologues qui ne connaissent de la psychanalyse que ces tendances et craignent eux mêmes d'être envahis par les sujets et le terrain qu'ils étudient, faute de connaissances un peu plus approfondies des états modifiés de conscience et des processus dits "primaires" de pensées.

Il est dommage qu'on ignore encore trop les courants plus récents de la psychologie et de la psychanalyse qui s'intéressent au rôle des soins maternels stimulant toute la surface du corps et de la peau d'un enfant (en plus des seules zones dites érogènes), dans l'élaboration d'un "moi peau" à la fois corporel et mental (ANZIEU).
Même ignorance des approches transgénérationnelles concernées par l'intervention d'une mémoire ancestrale et "d'empreintes mémorielles "en négatif", sur les destins individuels, ou par les diverses formes de transmission psychique entre les générations et entre les membres de groupes socio-familiaux et culturelsdépassant ainsi le cadre trop étroit d'une histoire ou d'un inconscient personnel qui auraient été seuls pris en considération par FREUD (ce qu'il est déjà erroné de dire de lui).

Le grand public, et même les tenants des sciences humaines, ne connaissent pas suffisamment cette notion d'inconscient ancestral à laquelle les psy se réfèrent aussi, ou celle de corps groupal (et familial) tels que l'a décrit KAES dont les membres se mettent facilement à fusionner (au moins sur un mode imaginaire) dès qu'on assouplit les cadres sociaux de vie et de pensée habituelle (comme on le fait par exemple en thérapie familiale psychanalytique).

On a aussi une vue trop étriquée du REVE dont on fait l'expression de désirs personnels (datant parfois de l'enfance) alors qu'à l'heure actuelle les psychanalystes comme les neurologues, estiment qu'ils permettent de transmettre ce qui relèverait de "l'hérédité psychologique" (selon JOUVET) ou d'informations à la fois d'ordre phylogénétique et culturel reliées à des archétypes mais aussi à cette mémoire ancestrale déjà évoquée.

Les parapsychologues qui eux étudient télépathie et voyance, ne se rendent pas compte de l'utilité de ce qu'ils appellent la rétrocognition ou perception des faits passés (parfois lointains et mal connus).
On connait ces ouvrages portant sur "l'archéologie psychique" mais on parle peu de l'intérêt qu'aurait ce genre de perceptions dans le domaine psychothérapeutique : on aurait plus accès à ces "non dits" secrets et "fantômes" (c'est-à-dire personnes oubliées qui "hantent" les généalogies) dont on sait qu'ils sont des facteurs de symptômes physiques et psychiques variés.

Ce qui a été expulsé de la conscience familiale (ou sociale) peut par-ticulièrement marquer certains "portefaix" D'autres psychologues ou analystes que DJ SI AHMED admettent l'intervention de la télépathie dans la tansmission de ces secrets, et dans cette mesure s'efforcent d'en délimiter les facteurs et circonstances la favorisant, même s'ils n'en précisent pas la nature exacte.

La neuropsychologie insiste sur le rôle des décloisonnements sensoriels et sensorimoteurs dans la résolution de problèmes variés et fait de la cénesthésie presque un 6e sens : on peut se demander si ce ne serait pas aussi le cas de ces superpositions ou effets de résonnances perceptives où le tactile aurait un rôle particulier à jouer dans la mesure où la peau est issue du même feuillet embryonnaire que le système nerveu et le cerveau.
Les découvertes récentes des neurosciences et de certains courants de la psychologie cognitive, mettent l'accent sur ces processus analogiques et métaphoriques où les associations d'images et d'idées tiennent une bonne place et sur la mise en scène et en action ("enaction") des données pour faire émerger des informations (nouvelles) Il semble qu'il faille reconsidérer ces modes de pensée plus concrets sensorialisés, gestualisés, en lien avec le corps et le contexte, propres par exemple aux sociétés non occidentales : processus et sociétés qu'il ne s'agit plus de qualifier de "primaires" ou "primitifs" : en effet la valeur heuristique de ces manières de faire semble plus grande que (ou au moins à combiner avec) les raisonnements linéaires, logico-déductifs et dichotomiques s'appliquant à des matériaux (concepts) "abstraits", c'est-à-dire sans lien avec la situation de l'individu dans son milieu et son groupe social.

N'est-ce pas ce genre de démarche que j'ai suivi dans l'étude de ce collage dont j'ai donné de multiples "interprétations" (au sens musical du terme dirait M. MONTRELAY) pour en dégager les connotations et en tirer des informations sur les personnes qui l'ont regardé, s'y sont intéressé. La structure configurationnelle de l'image se prête particulièrement bien à ce qu'on appelle maintenant une approche "connexioniste" de la réalité c'est-à-dire s'appuyant sur un réseau d'éléments dont la position et la signification par rapport à l'ensemble sont eminemment mouvantes et variables.

C'est sans doute ma familiarité avec les processus créatifs qui a amené cette "rencontre", car mes manières de faire et d'être n'ont pas été "influencées" par les leurs mais étaient (un) préalable (s) à cette confrontation, ont du la déterminer.

Mes considérations à propos du collage me semblent avoir donné une transposition (occidentale et intellectuelle) de la façon dont les aborigènes réalisent et utilisent -à des fins plus socio-culturelles qu'esthétiques, ces peintures à l'acrylique qu'ils font depuis une vingtaine d'années : elles servent de support à la communication avec autrui et de moyen d'accès (comme leurs rêves et leurs rites) à une mémoire collective ancienne et un espace temps imaginaire qui chez eux baigne celui de la vie quotidienne et leur en font percevoir plus de dimensions que nous. Ces toiles sont diffusées à l'heure actuelle dans le monde entier et qualifiées sans doute à tort "d'art moderne alors qu'ils n'auraient même pas de mot pour désigner ce que nous appelons ART comme production d'objets distinct de (ceux de) la nature et que leur pensée parait rien moins qu'abstraite.

B. GLOWCZEWSKI dans ses derniers livres "Du rêve à la loi" et "YAPA" que j'ai lus une fois terminée mon "histoire de collage" essaie de faire comprendre comment les toiles sont élaborées et perçues par les aborigènes
Elles seraient des sortes de cartographies ou topographies d'itinéraires qui se référent à ceux de leurs ancêtres mythiques, (ou aux circuits neuroniques activés en fonction de leur système cosmique et de parenté ?) dont tous les constituants seraient inter-reliés, comme enveloppés d'une peau commune qui ne serait pas qu'un fantasme mais une caractéristique de "l'épiderme sauvage" et de capacités de "vision à distance" ou de communication télépathique, comme il s'en est probablement produit à partir de mon collage et des messages étudiés par Dj SI AHMED.

Toujours d'après B. GLOWCZEWSKI les aborigènes peignent et redessinent ces traces imprimées à la fois sur le corps et sur la terre, pour les y faire pénétrer, comme pour passer à travers le mur de la peau-toile, ce qui permet sans doute ces "sorties du corps et du temps" que j'ai décrites auparavant. Expériences facilitées par le léger état de transe induit par l'accompagnement musical et les gestes répétitifs et rythmés pour faire les fonds pointillistes des tableaux : ils facilitent un contact vibratoire étroit oeil-main-toile et en donnerait une perception non pas purement visuelle, mais visuotactile ("haptique").
Elle compare encore ce processus à une "traversée du miroir" en des allers et retours incessants qui permettent de ramener dans la réalité ordinaire ce qui se trouve caché au sein même de l'imaginaire et du rêve qui en font aussi partie. Processus dynamique où ce qui est dessous (in/ou subconscient) ou au delà du miroir (virtuel), affleure, devient conscient en des alternances et des inversions dont chacun est l'enjeu et le sujet actif, au lieu de subir le refoulement d'une moitié de lui même et de son univers (comme le voudraient les théories d'un DEVEREUX, ou chaque élément culturel cacherait son contraire non actualisé, occulté, innacessible à un moment donné, pour ensuite s'inverser brusquement).

Il semble que l'autre puisse jouer ce rôle de miroir (oblique ?) permettant de faire émerger des aspects implicites de la réalité, ce que laisse aussi penser les informations "révélées" grâce à la rencontre des regards et des pensées associées au collage ou à l'interaction de deux personnes (cerveaux ?) en état second, du simple fait de la contemplation de l'image, en vertu de caractéristiques structurelles dont il convient de reparler ici, ainsi que de la façon dont je l'ai élaborée.

Le but de mes collages n'est pas d'abord ou uniquement esthétique. Souvent je me propose de réaliser des sortes de surfaces-paysages où le support est entièrement recouvert d'images peu remaniées. J'ai poussé ici un peu plus loin l'habitude que j'ai de rapprocher des documents d'endroits différents en faisant comme s'il s'agissait du même lieu : on a déjà vu ce collage où le Parthénon servait de pont jonction entre la GRECE et la TURQUIE J'ai aussi couché un boudha d'ANKOR au pied de l'Everest, transporté Mexico sur l'Altiplano péruvien ; j'ai fait remonter le NIL à des pirogues d'Afrique noire et réunis les croupes arrondies des rochers gris du Labrador à ceux d'Ayer. Je me joue des distances et des décalages séculairescomme dans le REVE.
REVE que je voulais justement évoquer dans ce collage et qui m'a conduite (sans y réfléchir vraiment, je dois le dire) à reprendre certains de ses processus pour réaliser mon tableau, et par là même induire facilement un état onirique chez le spectateur. Et sans doute ai-je inconsciemment reproduit cette possibilité qu'on a en rêve de voir les choses de tous les points de vue en même temps (ou successivement) :
- d'en haut et d'en bas (par dessus en vue aérienne, pour la femme allongée et les méandres d'eau, par dessous en vue souterraine, pour les grottes et les rochers centraux)
- de face (pour l'aborigène) et de profil (pour la jeune femme en haut)
- de près pour elle et l'Ophélie aux immortelles, (ou pour l'objet esquimaux) de loin pour les enfants blottis dans leur nid de pierre.

Comme déjà dit, la disposition insolite, peu logique des motifs oblige à balayer assez souvent du regard le collage, pour l'explorer, essayer d'en dégager des aspects signifiants, pour soi ou pour l'ensemble en apparence cohérent, puis plus déconcertant Mouvement des yeux qui font arpenter la surface ou qui caressent l'image presqu'à la toucher Balayage optique visuel, de gauche à droite, de bas en haut et vice versa, ou en zig zag, effet de zoom pour compenser la variabilité des proportions, coups d'oeil oblique ou circulaire pour s'adapter au changement de points de vue, ce qui nécéssite un processus de (non) accomodation que l'allusion ou l'illusion du rêve justifie plus ou moins : le mieux d'ailleurs est de peut être se laisser aller à ces mouvements occulaires rapides qui l'accompagnent, de se mettre en état second, de laisser défiler les images ou idées associées à ce que l'on a devant soi : un détail anodin ou une configuration d'éléments plus importante est "accrochée" du regard et va devenir "l'incitateur" à la rêverie, comme les perceptions récentes déclenchent le rêve endormi. Se poursuit alors ce processus d'association d'idées qui n'est restitué qu'après coup quand on cherche à comprendre le sens latent d'un rêve, en partant du contenu manifeste dont il est l'aboutissement.
Dans l'état d'ouverture que produit l'EMC, on peut saisir sur le vif et sur le moment (ou a retardement au moment de l'endormissement) le propre flot associatif ou celui de l'autre qui pourra même prolonger ses idées en suivant les chemins bien tracés, toujours de l'association d'idée, et le rattrapper au prochain carrefour (c'est-à-dire compléter son "raisonnement" voire le dévancer : comme le décrit MAJOR).

Au terme de mon propos il me faut reprendre la question de départ : JUSQU'OU PEUT-ON RECULER LES LIMITES DE LA MEMOIRE, en se demandant plutôt COMMENT le faire.

La réponse est chez cet aborigène d'Australie dont la peau noire contraste avec le blanc des montagnes de nuages et de neige, avec le blanc du papier écrit qui le relie à d'autres plans, d'autres continents Question mise en mots, réponse mise en images qui se répondent dans les lettres claires sur fond sombre du mot REVE.
REVE au sens aborigène ou Européen du terme ? Ou des deux en même temps puisque nous en sommes au "dialogue en noir et blanc" sur (le) champ (chant) des couleurs collés.

REVES endormis, rêves éveillés, rêves partagés, rêves lucides, hypnagogie, rêveries suscités par le collage et ses différentes parties, qui nous ont dit qu'il ne s'agit pas de reculer les limites de la mémoire mais de les enlever car elles sont illusoires et qu'il semble qu'on puisse remonter le temps (ou le descendre ?) jusqu'à l'infini : mais lequel ?
Celui qui est figuré par ce double huit couché et des mathématiques et qui serait plutôt un anneau de MOEBIUS : lorsqu'on le parcourt on peut passer de dedans à dehors et inversement sans traverser de barrière, ni de frontières : il faut jeter pardessus bord nos craintes et nos préjugés face à ce pseudo interdit de les transgresser: nous pouvons retrouver notre (vie) intérieur (e) et notre liberté jusqu'à un certain point .

Si près d'arriver nous butons contre ce thore et revenons à notre point de départ comme dans le livre de BUTOR : car ces parcours de la mémoire, on pourra les refaire indéfiniment, sans sortir de cet espace circulaire où nous restons enfermés.
Mais peut-être qu'à force de l'explorer, d'y circuler, découvrirons nous une issue imprévue, ou pourrons nous sauter sur un autre thore, et de thore en thore, nous échapper car derrière un rêve il y en a d'autres.

Spectatrice (-spectre-actrice) j'ai envie de passer de l'autre côté de l'écran de mes pensées collées à l'orée des feuillages et des buissons verts de la profusion (pro-fusion ?).
J'ai envie de m'en aller de cette réalité éphémère, qui pourtant lorsqu'elle s'étend au vaste domaine de l'imaginaire nous offre des vues altières (qui font halte à hier (AYER ?), d'étranges panoramas. D'alpages en dérapages contrôlés nous arrivons jusqu'à la (grande) mer (e) gelée (car je l'ai aussi) , vers les ances et les hêtres qui abritaient le paradis du temps (le) perdu à le trouver : car l'on ne sait plus si l'on évolue dans la réalité ou dans les mythes et les tics de la science psycho-ethnologique et d'un monde topologique où l'histoire et la géographie changent de coordonnées (corps donnés ?) et de chronologie (clones au logis ?), où la synchronicité neurologique traverse les êtres et les cités pour les inverser, les renvoyer avant le grand BIB (BIG) BANG, au grand BOOM, au Boomerang.

1) voir C.HARDY : La science des états frontières - Rocher 1988
MAVROMATIS: Hypnagogia - Routledge et Kogan Paul Ldt 1987
2) ANZIEU : L'épiderme nomade - (chap.sur le sommeil et les rêves) APSYGEE 1990
3) SILBERER : chap dans Le rêve, voie royale de l'inconscient-TCHOU
MAVROMATIS : Hypnogogia
4) Djohar SI AHMED : Parapsychologie et psychanalyse - DUNOD 1990
5) DEMENT : Dormir. Rêver. Seuil 1981
6) ACTUEL : Mai 1989
B. GLOWCZEWSKI : Les Rêveurs du désert. Plon 1989
7) Notamment lorsqu'ils sont entrain de peindre ces toiles à l'acrylique dont les nombreux petits points succitent un effet vibratoire particulier, et des inversions figure-fond.
8) car j'ai eu d'autres images allant dans ce sens à son propos.
9) OBE : Expérience de sortie de corps (en anglais "Out of Body experience")
10) BRUNTON : L'égypte secrète - Payot 1960 - réed. 1981
11) A.TVERMOES : Dérive des Rêves - texte dactylographié.
12) voir BALTRUSAITIS
13) Par l'exploitation de mines cachées dans leurs montagnes ?
Sur le collage j'ai coupé en deux le Mont Ayer comme les mineurs pour creuser les rochers.
14) Exposition "41 artistes en prison" - ELAC, LYON 10 au 17 Dec.1992
15) ROUSTANG : Influence - Edit. de Minuit 1990
16) D. ANZIEU :
- Le moi peau - Dunod 1985
- L'épiderme nomade, une peau pour les pensées - APSYGEE 1990
17) B. GLOWCZEWSKI : YAPA, peintres aborigènes de Balgo et Lajamanu - Baudoin Edit.1991
18) selon un reportage TV passé le 1er mars 1992 en France, le chanteur rock qui a pris en main la défense des aborigènes australiens a mis en balance "la voie du pouvoir et de la répression" avec celle "allant vers une petite étoile bleue" c'est-à-dire, les retrouvailles et la sauvegarde du patrimoine ancestral.
Evidemment l'étoile ou la fleur bleue est une figure un peu stéréotypée d'un idéal ou d'une utopie à réaliser. - sur notre planète bleue, la terre.
19) Australie noire - Revue Autrement 1989.
20) HAVECKER - Le temps du rêve.
21) terme cité déjà par M.ELIADE, que je connais mal.
22) L'été Australien à Montpellier : Galerie Sr Ravy - Musée Fabre 1990
23) Dj.Si AHMED : Parapsychologie et Psychanalyse - Dunod 1990
24) On avait - 2 toiles doubles (car sur la 2e, les silhouettes avaient aussi été peintes sur une première toile avec une sorte d'enclos, qu'il a tourné comme l'autre d'un quart de tour pour l'achever)
- et 2 mouvements visuels d'aller-retour (ou de "balayage optique") perpendiculaires sans doute : les siens - les miens
25) S.A. SCHWARTZ "Le projet Alexandrie" - Sand 1985.
26) CHEVALIER : Dictionnaire des symboles - Laffont 1969.
27) M. MONTRELAY : Lieux et génie - Confrontation n°10 1983
28) le terme de boucle étrange est aussi employé en mathématiques.
29) G.DIDI HUBERMAN, dans son livre "Ce que nous voyons, ce qui nous regarde" (Edition de Minuit 1993) à propos de ce que W.BENJAMIN appelait l'aura des images (photographiques) note aussi cette sorte de condensation du temps qui s'y opère.
30) la ville où je suis née et ai passé mon enfance.
31) M. THEVOZ - Le corps peint - Skira 1984
32) G. ROHEIM : Psychanalyse et anthropologie - Gallimard 1970
33) Cf ANZIEU : Le corps de l'oeuvre - Gallimard 1985
34) R. KAES : Le groupe et le sujet du groupe - Dunod 1993
35) - D. DUMAS : Hantise et clinique de l'autre -
- C. PRACAMIER : Le génie des origines
36) M. MONTRELAY : Lieux et Génie - Connexion, 1983, n°10
37) F. VARELA : Connaître la psychologie cognitive - Seuil 1989
38) BUTOR - Boomerang - NRF