La grande vertu attachée à cette théorie [ du signal ou de linformation] est quelle évite (...) de perdre du temps à essayer de prouver que des systèmes non viables fonctionneront quand même ! Si lon dispose dune théorie générale, sufisamment simple dans ses applications, qui établisse quun résultat particulier nest pas possible à atteindre, il est alors souvent très facile de localiser le défaut qui se cache dans une chaîne compliquée de raisonnements faits pas à pas, laquelle prédit des résultats beaucoup trop optimistes. Sans théorie générale, les faux raisonnements sont beaucoup plus difficiles à détecter1.
A. H. W. Beck.
Il existe de nombreux systèmes dinterprétation des rêves, de nombreuses écoles qui disputent entre elles de la question. Pour qui aborde ce domaine, il est difficile de choisir entre les diverses propositions et même entre les argumentaires de leurs partisans. Devant cette pléthore de théories plus ou moins contradictoires, il nous a paru nécessaire de reprendre le problème à la racine, avec laide des méthodes dexpertise utilisées en sciences dures pour tester la validité dune hypothèse lorsquune expérience cruciale nest pas suffisamment décisive. On dispose alors dun moyen fiable pour revoir lensemble de la question : la théorie des systèmes (dite souvent systèmes experts). Il ne sagit pas de comparer entre elles les théories existantes mais de définir les critères de validité auxquels doit répondre toute théorie actuelle ou future pour tenir compte des données du problème. Lapparente simplicité de cette méthode ne doit pas faire illusion. Il est nécessaire de revenir à des considérations très élémentaires pour déjouer les mécanismes dauto-persuasion connus comme effet eurêka, la tendance à croire validée une hypothèse parce quelle semble élégante, heuristique ou simplement parce que lon vient de la trouver.
Quest-ce quinterpréter un rêve ?
Interpréter signifie donner du sens. Linterprétation se présente comme une opération visant à établir un système déquivalence entre les éléments dun rêve et des significations, qui peut se résumer par la formule tel rêve = cela. Mais cette opération ne peut se faire au hasard : en ce cas, chaque cliché onirique élémentaire se verrait attribuer une étiquette arbitraire, anarchique ! Il faut donc trouver une manière non aléatoire de donner du sens. Réciproquement, lorsque lon affirme que tel rêve = cela, cela renvoie à un arrière-fond, à une théorie du rêve, que cette dernière soit explicite ou non. Mais une théorie non dite, voire inconsciente, fonctionne aussi bien quune autre.
Prenons un exemple extravagant, et raisonnons par labsurde : la théorie veut que le rêve serve à creuser des puits. Dans un premier temps, je peux passer ma vie à noter mes rêves et constater quil napparaît aucun trou dans mon jardin. Cest létape empirique où lon consigne léchec du fait souhaité confronté à la réalité du rêve. Elle ninvalide pas forcément la théorie, mais sa mise en oeuvre naïve. Il manque manifestement quelque chose. Sachant alors que la construction dun puits exige une méthode, on peut se demander si le rêve donne les moyens dapprendre à creuser un puits ou (plus fin) dapprendre à découvrir où sont les outils pour creuser. Dans cette seconde étape, admettons quun rêveur se voie en train de creuser un puits onirique. Il peut en tirer des éléments, mais ce seront des éléments bruts. Voir quelquun creuser un puits ou construire un récepteur radio ne donne pas forcément lensemble de la technique. Même cette réussite partielle implique une réflexion sur la théorie de départ : quest-ce que creuser un puits ? comment sy prendre ? Dans ce cas, le rêve renvoie à la théorie sur le rêve.
Il existe une autre option lors de cette seconde étape, celle où le rêveur ne voit jamais creuser de puits onirique, où le rêve ne renvoie pas déléments clairs applicables à la construction dun puits. Si on nabandonne pas cette théorie, on est forcé dadmettre que, si le rêve apporte des éléments de solution, ils seront codés. En définitive, derrière toute explication naïve du type le rêve, cest... ou le rêve, ce nest que..., se révèlent deux gloses obligatoires.
1. Un problème de codage/décodage.
2. Une réflexion en profondeur sur le sens de la théorie. Si le rêve, cest X, que veut dire X ?
En conclusion, toute interprétation des rêves suppose lexistence dune théorie sur le rêve, et rendre efficace ou utile une interprétation oblige :
1. à parler du décodage du rêve ;
2. à se poser de réelles questions sur le sens que lon donne au monde onirique.
Elaboration dune théorie
Admettons que nous nous trouvions aux origines de lhumanité, ou isolé depuis lenfance dans une bulle, sans aucune transmission culturelle dune théorie même implicite sur le rêve. Mais nous rêvons et nous cherchons à élaborer une telle théorie à partir dune collection de rêves. Immédiatement se pose limmense problème de linduction.
1. Quest-ce qui justifie que, ayant bien expliqué 50 rêves, ma théorie sera valable pour le 51e, le 52e, etc. ?
2. Plus jaurai de rêves en mains, plus il sera difficile de trouver un exposé non contradictoire avec lensemble ou avec des éléments de lensemble. Pour sauvegarder ma théorie, il me faudra donc éliminer des faits gênants, en les considérant comme négligeables.
Mais jusquà quel niveau les faits gênants ne sont-ils pas compromettants pour le bon équilibre du système théorique ? Si une théorie est valable pour 50 rêves et que le 51e sintègre mal, je peux léliminer, surtout si le 52e, le 53e, etc., rentrent dans le cadre. Je peux supposer quil ne sagit que dune fluctuation sans importance. Mais que se passe-t-il si le 51e est gênant, les suivants conformes à la théorie, le 61e et le 71e sen écartant de nouveau ? Je peux penser que ces écarts obéissent à une loi statistique : toujours un fait gênant sur 10. Mais pourquoi existe-t-il des rêves dont linterprétation sort de la théorie, et ce régulièrement ? Quest-ce que cela veut dire ? Dans la réalité, la régularité des écarts ne sera pas aussi stricte que dans notre exemple. Mais il suffit quils se prêtent à statistique pour que la question se pose.
3. Un autre problème montrera le danger déliminer les faits gênants. Si jinterprète tous mes rêves sur un an grâce à ma théorie et quil ny ait que 2 ou 3 écarts, je peux supposer que cette théorie restera valable lannée suivante, et même la troisième. Mais la quatrième ? Puis-je dire que, si une théorie est valable localement, elle le restera sur 4 ans, voire pour toute ma vie ? Comment passer dune expérimentation locale à une généralisation ?
Prenons un exemple. Je pose une feuille de papier sur le sol, donc à la surface de la Terre. En supposant que jaie éliminé les graviers et les touffes dherbes, cette feuille reste plane. Je trace alors deux droites parallèles. Je choisis un point sur chacune des droites et je mesure leur écart, mettons 50 cm. Puis je prends A à 25 cm de A, sur la même droite, et B à 25 cm de B, dans le même sens, sur lautre droite. Leur écart est toujours de 50 cm. Que se passe-t-il si je continue de prolonger mes droites, à laide par exemple dun système optique ? Sur 1 km, je vais déjà constater quelques mm décart. Pourtant, si javais fait glisser ma feuille de papier sur cette distance, je naurais pas trouvé de différence notable localement. Mais si elle reste en place et que je la prolonge, la distance entre mes points augmente ou diminue selon la direction choisie. Cest donc que jai négligé un facteur qui na pas dutilité localement mais prend sens si je continue plus loin. Dans notre exemple, il sagit de la courbure de la terre.
Il en va de même pour toute théorie scientifique. Admettons que je constate sur un an que quelle que soit la situation onirique, mes rêves sont ma propriété, ne renvoient quà moi-même. Je maperçois que cest la même chose pour mon voisin : ses rêves sont sa propriété. Mais si je pousse linduction jusquà dire : En tout temps, pour toute situation, la théorie est valable pour moi comme pour lui, et donc pour tous, je suppose quil nexiste pas de courbure entre leffet local le concernant et leffet local me concernant, ou concernant dautres hommes. Cela signifie, en ce cas, que je néglige les rêves mutuels ou même les objets ou personnages communs. Donc une théorie du rêve basée de manière stricte sur lintériorité individuelle ne pourra jamais être induite complètement si lon peut trouver et cest toujours le cas des éléments apparus la même nuit dans les rêves de plusieurs rêveurs. En dautres termes il faut au minimum prendre en compte une dimension interindividuelle, sociologique ou culturelle.
Apologues sur la courbure
La métaphore de la courbure simpose dautant plus que toute théorie scientifique peut sexprimer mathématiquement dans un espace abstrait, comme lont montré de nombreux épistémologues, y compris pour les sciences humaines, en particulier René Thom lorsquil affirme : Toute science est létude dune phénoménologie. Or quest-ce quun phénomène ? Etymologiquement, un phénomène est ce qui se voit, ce qui apparaît, et toute apparence se manifeste sur un certain espace. Bien entendu, dans la plupart des cas, cet espace nest autre que lespace-temps euclidien dans lequel se déroule la morphologie usuelle de la réalité quotidienne. (...) Pour de nombreuses disciplines scientifiques, lespace substrat de la morphologie étudiée nest plus lespace-temps usuel. (...) On devra substituer à lespace usuel des espaces dérivés, comme des espaces de moments ou des espaces de Hilbert2. Notons que Thom a élaboré les modèles mathématiques permettant au sociologue de limaginaire Gilbert Durand de préciser sa théorie srtructurale des images mythiques fondamentales ou mythèmes, ce qui peut avoir quelque incidence sur létude du rêve.
Donc pour maintenir un parallélisme strictement euclidien dans notre espace abstrait, cest-à-dire affirmer la non communicabilité stricte entre deux univers oniriques, il faut que nexiste aucun élément commun à partir de quoi lon pourrait déceler une courbure entre ces deux univers, cest à dire des points où ils se rejoindraient. Mais sils ont une partie dense commune, lextrapolation en droite ligne à partir de ces deux univers va permettre de la mettre en évidence et de montrer où elle se situe. Analysons la proposition : Il nexiste aucun élément partagé et commun entre A et B la même nuit. Si le rêve est interprétable, si les éléments qui le composent peuvent recevoir un sens, alors les éléments oniriques doivent être envisagés comme une information. On peut donc appliquer, à ce niveau, la théorie de linformation, avant même dexaminer concrètement les contenus oniriques et les théories qui en rendraient compte.
Pour être totalement rigoureux, il faudrait exposer la théorie de linformation sous sa forme mathématique. Mais par égard pour nos lecteurs, nous la présenterons de manière imagée, à partir dapologues dont le caractère simpliste, encore une fois, ne doit pas faire illusion. Supposons une planète dont tous les habitants vivent en autarcie chacun sur leur domaine, et sont auto-suffisants. Ils ne communiquent jamais entre eux, mais disposent à lorigine des mêmes outils. Comme ils sont auto-suffisants, on peut inférer des activités de Jules, globalement, celles de Pierre, Jacques ou Philippe. Introduisons un élément supplémentaire : la télévision. Chacun a son poste et reçoit passivement les émissions. Cependant, il faut que quelquun les alimente, quelquun qui devra, et lui seul, communiquer avec les autres. Si, de temps à autre, apparaît un inventeur qui met au point pour lui-même de nouveaux outils, au bout dun certain temps, tout le monde aura pu en entendre parler et les reproduire pour son propre compte. Même si A et B ne communiquent pas entre eux, le truchement du centre de communication extérieur fait que quelque chose passe et lon peut démontrer que cest équivalent à une communication directe, mais ralentie, entre les deux protagonistes.
Tout le contenu du rêve ne relève que du rêveur na de sens que si lon nintroduit pas la TV dans lunivers cloisonné des rêveurs. Comme il existe une intercommunication à létat de veille entre les êtres humains, cela supposerait que rien de ce qui est reçu dautrui à létat de veille ne pourrait passer dans le rêve. Cependant, à létat de veille, linformation est reçue à la fois consciemment et inconsciemment (ou subconsciemment : nous nous référons ici aux expériences de perception de signaux subliminaux, sans préjuger dune théorie particulière de linconscient). Admettre donc une cloison étanche entre veille et rêve serait admettre que, dès que quelquun sendort, il efface totalement les acquis diurnes conscients et inconscients. Admettons que ce soit le cas pour les acquis conscients. Mais si jai vu à la télévision un reportage imbitable sur les supercordes en cosmologie, même si je ny ai rien compris, mon inconscient aura retenu les images fortes et simples des créateurs de la théorie, celles qui correspondent à mon expérience cognitive : il est question de symétries par exemple. Dautre part, jaurai enregistré la gestuelle du savant, ses intonations de voix, le langage corporel par lequel il va souligner les points clefs de sa démonstration. Consciemment, je nai rien compris mais mon inconscient aura reçu et classé des informations, dont certaines ont été émises consciemment par le présentateur et dautres inconsciemment. Quand je mendors, si joublie le discours transmis et reçu consciemment, en sera-t-il de même de la part transmise et reçue inconsciemment ? Or ce serait la seule hypothèse qui me permettrait de considérer le rêve comme un innerworld, une production purement individuelle et sans interaction avec dautres rêveurs.
Dans lexemple du savant, on a circonscrit lémission et la réception du signal. Mais si lon ne sait pas définir les media utilisés et comment sopère la transmission, entre en jeu un élément mathématique dindécidabilité. On ne sait pas sil existe un échange objectif direct, un échange médiatisé ou une simple coïncidence. On ne peut pas trancher.
est absolument équivalent à :
Dautre part, au bout dun certain temps, la communication sétablit dans les deux sens, avec plus ou moins de retard, plus ou moins dinteractions intermédiaires. Si lon ne peut pas retracer exactement les voies de transmission des signaux, tout se passe comme si ces intermédiaires nexistaient pas3. Et lorsque la communication passe dinconscient à inconscient, le choix entre les propositions il doit y avoir des intermédiaires et cest de la télépathie est rigoureusement indécidable. Il dépendra en tout cas dautres hypothèses ou croyances que de la théorie du signal.
Le rappel onirique prouve quil existe une communication dans le sens moi de rêve vers moi de veille. Mais le moi de veille est en interaction avec les autres. Donc, selon la théorie du signal, il doit sétablir au bout dun certain temps une communication dans le sens moi de veille vers moi de rêve. Et même une communication entre les moi de rêve de différents rêveurs. Plus le nombre dinteractions augmente et se diversifie, et plus il devient indécidable de savoir si cette communication est directe ou médiatisée. Ce qui ne signifie pas que le signal sera immédiatement reconnaissable : plus le nombre dinteractions augmente et plus le bruit parasite risque aussi de croître.
Le filtrage de linformation
Dans la démonstration précédente, nous avons supposé que toute linformation passait. Mais que se passe-t-il sil existe un filtre ? Dans notre apologue du monde cloisonné, supposons que la TV permette de reproduire des outils simples, mais pas des outils complexes. Admettons que loutillage de base comporte 4 objets. On peut les coder selon le système binaire 00, 01, 10, 11. Si je ne peux recevoir que ces codes, effectivement les outils nouveaux ou plus complexes sont hors de ma portée puisquil faudrait les coder au minimum avec 3 chiffres. Si lémetteur envoie une suite de 3 ou 4 bits, le récepteur la tronquera. Par exemple, si un nouvel outil porte le code 0111, je ne recevrai que 01 ou 11.
Impossible dévoluer ou de communiquer dans un tel monde ? Cela signifierait que jaie une capacité doubli instantanée et immédiate. Nous avons vu dans nos exemples précédents que, de toute façon, une partie du message passe du conscient vers linconscient et du moi de veille vers le moi de rêve. Il existe, dans le monde réel, une inertie à la perte. En sciences, une inertie est léquivalent dune mémoire. Or on ne peut enregistrer que sur une matière (papier, arrangement délectrons, excitation de neurones, etc.) parce que toute matière est soumise à des phénomènes dinertie. Si laxe dun gyroscope indique le nord, leffet dinertie va provoquer la mémoire du nord même si lavion tourne, cest même le principe de base dun tel appareil.
Sil existe une inertie dans le sens moi de veille vers moi de rêve, cela implique que la capacité de la mémoire est supérieure au codage des outils simplets de notre apologue. Elle nécessite au moins une case supplémentaire qui de temps en temps sera décodée complétement. Donc même sil existait une censure rigoureuse, à cause de leffet dinertie ou de retard dans le sens veille => rêve ou rêve => veille, cette censure ne pourrait jamais être complète. De temps à autre, elle sera franchie. Cest ce qui permet en physique quantique leffet tunnel et, en cosmologie, lévaporation des trous noirs4. Notons que cest cette incomplétude fondamentale qui permet à la censure éventuelle entre inconscient et conscient dêtre franchie, fait que constate Freud mais que sa théorie nexplique pas : il dit comment elle se franchit, voire dans quel but la censure existe, mais pas fondamentalement pourquoi elle est poreuse. Curieusement, et nous verrons plus loin ce que nous pouvons en penser, son attitude rejoint celle de lécole de Copenhague en physique quantique, école qui insistait sur lobservable et se refusait à penser la théorie plus en profondeur, faute alors doutils pertinents pour le faire sans risque.
Les paradoxes de la censure
Nous allons examiner comment va se comporter un individu lorsquopère une censure. Même si nous avons évoqué à propos de ce terme la théorie freudienne, les considérations qui vont suivre sappliquent à nimporte quelle forme de filtrage, y compris le démon de Maxwell.
Admettons quil existe une théorie du rêve et des faits qui ne cadrent pas avec elle. De nombreux praticiens, en ce domaine, élaborent une théorie dans un but pratique : un psychologue pour les besoins de lactivité thérapeutique, un spécialiste en communication pour augmenter la créativité, etc. Ils nutiliseront donc dans les rêves de leurs clients que les éléments utiles, ceux dailleurs qui leur ont permis délaborer une théorie assez consistante pour pouvoir éliminer ce qui serait hors cadre. Leur démarche nest pas tant épistémologique quheuristique. De telles élaborations sont parfaitement licites tant que la plupart des chercheurs restent conscients des limites de ces théories, de leur domaine de validité. Or si, par exemple, le rêve apporte des éléments de diagnostic lors dune cure, a-t-on le droit de supposer que les fonctions du rêve se limitent à cette utilité thérapeutique, que la théorie psychologique X décrit toute la réalité onirique, en dautres termes quelle est complète ?
Revenons à notre apologue des gens isolés sur leurs domaines mais imaginons, cette fois, quils disposent dun moyen de communication interindividuel. Ce nest plus un système centralisé ou maître-esclave comme la télévision, mais la possibilité de senvoyer des lettres et déchanger des produits, un embryon de commerce. Il faut donc prévoir, dans cet univers, un organisme de transport du courrier. Mais admettons que, comme cela se pratiquait encore au début du siècle dernier, ce système de transport serve aussi à dautres besoins, comme lacheminement des denrées périssables. De plus, au début, ils sy prennent mal : ils rédigent leurs commandes comme ils peuvent et les réponses ne sont pas forcément plus claires. Quelques savants éducateurs vont donc se mettre à leur disposition pour leur apprendre comment améliorer les échanges épistolaires. Si la poste transmet autre chose que des lettres, les Aides nen tiendront pas compte et, à la limite, ne le verront même plus. Lorsque le client sait se débrouiller seul, lAide sen va. Mais comment les autres colis, transportés en même temps que les lettres et vers dautres destinations, seront-ils perçus par lui ?
Si la seule chose qui compte pour lui, cest de passer ses commandes de façon à recevoir ce quil demande, il ne les remarquera pas plus que lAide, sauf accident. Car enfin les autres objets sont dans la charette. Par hasard, le facteur peut lui remettre un colis quil na pas commandé. Notre homme sen aperçoit en le déballant : que va-t-il en faire ? Il peut le redonner au facteur, avec des excuses, lors de son prochain passage. Il peut aussi continuer à le considérer comme négligeable, le laisser dans un coin et ne plus le voir, même si le facteur lui affirme quil ny a pas derreur sur ladresse, quil sagit dun cadeau-surprise. Il peut aussi en tenir compte, sapercevoir que la charette transporte bien autre chose que son courrier, et élargir son point de vue.
Transposons notre apologue dans le domaine de la thérapie (ou tout autre domaine plus heuristique que fondamental). Un thérapeute redonne à un patient le goût et les moyens de vivre mieux ; ce dernier va senthousiasmer pour la méthode qui la guéri. Il risque alors de faire linduction maladroite dont nous parlions plus haut et de généraliser la théorie qui lui a réussi sans se poser la question de son domaine de validité. Si tel mode dinterprétation du rêve ma guéri, alors cest quil nexiste pas dautres possibilités ni de faits réfractaires, puisque le but du rêve, à lévidence, est de guérir les maux dont je souffrais. Fort du baby duck syndrom5 ou zèle du converti, il va diffuser la bonne nouvelle autour de lui : on a trouvé la théorie du rêve, lunique et la seule valable. Hélas, le thérapeute qui constate les réussites de sa méthode risque davoir aussi la même attitude, au moins jusquau premier échec.
La censure théorique semble inévitable lorsque lon cherche une théorie utile. Il est même souvent indispensable de découper le réel afin de mieux cerner son objet et de ne pas se perdre dans les détails : pour calculer la trajectoire dun boulet de canon, on peut légitimement négliger les effets relativistes. Il en va de même dans lobservation astronomique mais jusquà un certain point. Aux limites du domaine de validité dune théorie, ou même de manière accidentelle et imprévisible, un fait peut émerger qui ne serait explicable que dans un cadre renouvelé et plus vaste. Un praticien honnête, même sil les écarte pour se concentrer sur son but, admettra lexistence de phénomènes gratuits ou inutiles, du moins en apparence.
Au tournant du XIXe et du XXe siècles, Delboeuf rapporte dans son ouvrage Le sommeil et les rêves une anecdote curieuse. Il rêve dune suite de noms latins qui, dans son sommeil, lui semble familiers : Asplenium Ruta Muralis. Au réveil, cela semble issu dune nomenclature botanique, ce que confirme le recours aux dictionnaires spécialisés. Mais Delboeuf nest pas botaniste. A peine a-t-il eu, quelque temps auparavant, la curiosité de se constituer un petit herbier. Il se demande donc où il a bien pu entendre ce nom énigmatique. Cest pourtant dans son herbier quil le retrouvera ; il avait, à lépoque où il constituait sa collection, demandé à un ami botaniste de lui dicter les termes savants pour rédiger ses étiquettes6. Une telle réminiscence onirique ne met pas en cause de grands conflits affectifs, ne saccompagne daucune charge émotionnelle et ne correspond en rien aux préoccupations cognitives actuelles du rêveur. Elle apparaît comme un jeu gratuit et anecdotique. Pourtant un chercheur qui voudrait élaborer une théorie complète du rêve ne peut se permettre de la négliger.
Quelques exemples de rêve ou de communication non thérapeutiques
Le premier exemple mest personnel. A lâge de 17 ans, jai rêvé que je méloignais de la Terre et que je plongeais parmi les étoiles. Me demandant comment jallais retrouver mon chemin dans ces myriades de points lumineux, je me suis brusquement retrouvé de nuit sur une planète, au bord de la mer. Le ciel était extraordinaire : il fourmillait détoiles dont la clarté rendait visible le paysage. Je me suis allongé sur le sable pour mieux le contempler. Jai remarqué la galaxie, mais elle nemplissait pas la voûte céleste comme dordinaire la Voie Lactée, elle apparaissait sur environ un tiers du ciel. Au bout dun moment, jai entendu des pas : quelquun venait vers moi. Mais je nai pas eu le temps de le voir car je me suis réveillé. En me remémorant le rêve et la beauté de ce ciel nocturne, jen notais les incongruités. Il y avait trop détoiles, la galaxie semblait vue de lextérieur, et je me dis que cétait bien un jeu esthétique comme on pouvait lattendre dun rêve ! Deux ou trois ans plus tard, je suis tombé sur une revue scientifique qui décrivait comment les amas globulaires orbitent autour de la galaxie et comment un observateur situé dans lun de ces amas verrait le ciel nocturne. Cétait exactement ce que javais vu en rêve.
Aucune théorie du rêve, à ma connaissance, ne prend en compte de tels échanges dinformation complexes et ne pourrait dire sil sagit dune perception directe de la réalité ou dune communication avec un inconscient collectif cognitif. Même un cadre jungien très large, où lon pourrait reconnaître dans lapparition du ciel étoilé le surgissement dun archétype ou dun mythème, resterait insuffisant : il ne rendrait pas compte de lexactitude scientifique de limage onirique. Pour rester dans le domaine astronomique, je citerai un autre cas, celui dune artiste sculpteur, Anita Tullio. Cette jeune femme na jamais fait détudes au delà de lécole primaire ; pendant son enfance paysanne en Italie, elle aimait à regarder la pleine lune se refléter dans les flaques deau boueuse ; adulte, elle réalise en céramique émaillée, avec adjonction de cailloux et autres éléments minéraux, des planètes inspirées de ses rêveries denfant. Les choses en seraient restées là si elle navait pas rencontré par hasard dans un train le plus grincheux des astronomes, notoirement misanthrope autant que misogyne mais observateur de génie et chasseur dastéroïdes. Lorsquil a jeté un oeil distrait sur le press book quelle réorganisait en vue de sa prochaîne exposition, il est instantanément sorti du silence dans lequel il se mure dordinaire lorsquil est forcé de voyager : deux des sphères dAnita Tullio correspondaient au détail près aux planétoïdes quil venait de découvrir quelques jours plus tôt7. Anita Tullio ne cherche pas son inspiration en rêve nocturne, mais avoue se trouver dans une sorte de transe lorsquelle réalise une de ses boules de céramique. On pourrait parler, au moins, détat oniroïde. Mais dans ce cas, il sagirait plutôt de communication entre son propre inconscient et des éléments cognitifs conscients propres à certains astronomes dont elle ignorait jusquà lexistence.
Des faits incongrus de cet ordre, inutiles pour toute théorie heuristique, pourraient se collectionner. Même sils restent temporairement les hôtes dun imaginaire cabinet des curiosités, avec le statut de ludus naturae que lon donnait aux XVIIIe siècle aux rochers ruiniformes, aux branches mortes à tête de dragon ou aux racines de mandragore, ils doivent au moins faire réfléchir sur lincomplétude de toute théorie qui ne les peut les inclure.
Intermède mathématique
Une théorie représente une information sur un ensemble de faits et peut donc sexprimer par une fonction de type f = logx puisquune information prend toujours mathématiquement la forme dun logarithme. Si elle croise deux séries de faits, nous aurons f = logx et f = logy. Intégrer lensemble demande de faire F = logx + logy = logxy et non pas erreur plus classique quon ne pense log (x + y). Retraduite en langue du pays, cette loi mathématique de composition de linformation signifie quune théorie plus englobante ne peut se contenter de rabouter des morceaux de puzzle oubliés. Il faut forcément tout refondre et sattendre à ce que la nouvelle théorie permette des émergences imprévisibles par lune comme par lautre des théories de départ.
Dune certaine manière, pouvoir appliquer la théorie du signal à partir du simple constat de lexistence du rêve, et cela avant tout examen de son contenu, sapparente au passage à une théorie plus englobante. Du moins, cela nous permet de pointer les exigences auxquelles une théorie complète devrait répondre. Mais déjà à ce stade, nous pouvons supposer que cette théorie englobera davantage que le rêve lui-même. Notre réflexion incidente sur la ressemblance de la démarche de Freud avec celle de lécole de Copenhague nous a incité à voir si lon ne trouvait pas dautres faits de communication du même ordre entre physique et psychologie. Faute de données historiques consistantes, nous ne pouvons poursuivre lexploration en deçà du XVIIIe siècle.
Dates
Physique
Psychologie
XVIIIe siècle
Interactions de surface (modèle du billard)
Homme insulaire, communication par les seuls organes sensoriels et le langage
1845 - 1848
Parson, découverte des nébuleuses spirales etidentification correcte comme galaxies.Les galaxies deviennent des objets autonomespar rapport aux étoiles
Moreau de Tours : assimilation des rêves et des hallucinations,
découverte de lautonomie du psychisme.
1865 -1867
Maxwell : second principe de la thermodynamique appliqué aux gaz parfaits
Hervey de Saint Denys : rêves
comme mélanges mémoriels. Premières notions de linconscient.
1900
Planck : découverte des quanta, les grains dénergie sont repérables par leurs effets mais au delà du mesurable.
Freud : Linterprétation des rêves. Linconscient, hors de portée de
lobservation, révèle sa structure par ses effets.
1932 - 1935
Théorie quantique des champs. Découverte de leffet tunnel.
Jung : première approche de linconscient collectif, qui agit comme un champ psychique.
1939 - 1942
Expérimentation sur la fission de latome. Débuts de la théorie de linformation. Les éléments constitutifs de la matière deviennent actifs dans le domaine macroscopique.
Kilton Stewart : élaboration de la théorie senoï les éléments du rêve sont actifs jusque dans la vie de veille et non seulement révélateurs de la psyché.
1951 - 1952
Méthode de comptage des particules parscintillation. Chambre à bulles. Maser.Structure fine de la matière.
Kleitman et Aserinsky : à partir de lEEG, découverte de la structure du sommeil.
1970
Hawking : évaporation du trou noir
Découverte de lexistence dune forme de communication chez les autistes et les catatoniques
1973 - 1974
Maîtrise de la fission nucléaire, premières piles industrielles
Travaux dUllman et Krippner.
Publication de louvrage de Patricia Garfield sur le rêve lucide et la méthode senoï : maîtrise du rêve.
1978 - 1980
Prigogine et Stengers : thermodynamique chaotique. Théorie inflatoire.
Stephen LaBerge et, indépendam ment, Alan Worsley : communiction directe par signaux oculaires entre un rêveur et un appareil de mesure.
1982
Mise sur pied du Projet Sigma de détection des trous noirs, jusquici objets prévus par la théorie mais à lexistence concrète douteuse.
Premier rêve mondial, dans lequel lidée est lancée sans réelle réalisation.
1990
Lancement de Sigma
Rêve planétaire, réalisé à grande échelle
1991
Janvier : découverte du trou noir Nova Muscae
Début de lannée : mise en évidence dun mythème accréditant lhypothèse de linconscient collectif
1996
Généralisation des recherches de Sigma existence de novae à trous noirs dans le bulbe galactique. Les trous noirs cessent dêtre des objets purement théoriques.
Etude globale du rêve planétaire, mise en évidence dindices donnant
une consistance expérimentale à linconscient collectif.
Ce qui frappe à la lecture de ce tableau, cest lémergence de modèles du même type au même moment dans des sciences réputées se placer aux deux extrémités du spectre. Une étude fine montrerait sans doute une partie des voies de transmission de linformation, tout du moins de conscient à conscient. Mais le seul fait davoir pu réaliser cette étude sommaire montre quil y a intercommunication et quelle dépasse sans doute le conscient des chercheurs. Lorsque le premier projet de rêve mondial a été lancé, le projet Sigma était encore considéré comme secret. Dautre part, étant donné les préjugés de boutique, il est inconcevable dès la fin du XVIIIe siècle quun physicien aille chercher consciemment des idées et des modèles dans les sciences humaines ; et de nombreux indices tendraient à prouver que les psychologues leur rendent bien leur ignorance.
La peur du cercle vicieux
Une grande peur (inavouée) du chercheur en onirologie : une théorie du rêve interfère sur le rêve et, à linverse, les rêves deviennent un aide à lélaboration dune théorie. Nous allons montrer en quoi la matière de lonirologue interfère avec sa propre élaboration et pourquoi la peur du cercle vicieux na aucune raison dêtre dans ce contexte. Par contre, nous montrerons quelques conséquences passées jusquici inaperçues, du moins dans la littérature spécialisée.
Le problème des corrélations
Dans le paragraphe précédent, nous avons montré quil existe un lien entre les recherches dans des domaines de connaissance bien différents. Certains pourraient invoquer le hasard et ny voir quune coïncidence amusante sans autre signification. Nous avons montré dans un article précédent le lien entre théorisation du rêve et évolution humaine :
Style de modèle
Evolution
Emergence à loccasion de
Date
Activité onirique associée
Archétype
premiers mammifères
homéostasie thermique,
cortex cérébral
- 70 MA
Apparition du rêve.
Symbole
préhominiens
Outil
-2,5 MA
Attention accordée au souvenir du rêve ?
Métaphore
Atlanthrope ?
Néanderthal ?
Langage articulé
- 500 000 à
- 100 000 ans
Le récit de rêve dans le clan ? Origine de la musique lyrique, du conte, du mythe ?
Allégorie
Sociétés structurées établissant les bases dune morale ou dune sagesse.
Apparition de la philosophie.
vers - 800, en Chine, Inde, Grèce.
Le rêve comme aventure ayant un sens personnel.
Emergence du sens de la personne, invention du conte moraliste.
Code abstrait
Sociétés ayant besoin de signaux à structure cohérente, complexes et de grande diffusion.
Sémaphore
Télégraphe Chappe
Code Morse
Signalisation routière
vers 1800 et croissance tout au long du XIXe siècle.
Le rêve comme simple signal clinique dun désordre.
Le rêve comme signe.
Refus social du rêve chez les positivistes.
Montée des magnétistes.
Code abstrait revient exprimer le symbole
Besoin de codes à sens complexe et délaborations avec fonction drapeau ou signal.
Langages informatiques évolués
Le FORTRAN en 1955
Regain de popularité des clefs des songes.
Sens des masses sociales.
Art abstrait.
Vulgarisation de la psychanalyse.
Code abstrait revient exprimer la totalité complexe et arborescente à héritages multiples
Besoin dordres machine pour traiter des problèmes fins.
Intelligence artificielle.Interaction conviviale utilisateur/ordinateur.
Langages orientés objet
Langage C++, 1979
Intérêt pour le rêve dans les sociétés traditionnelles.
Rêve lucide.
Rêve planétaire.
Que signifient ces liens, sils ne sont pas le fait du jeu arbitraire du dieu Purhazard ? Ils indiquent lexistence dune corrélation entre plusieurs séries de faits. Une corrélation signifie un lien de dépendance, donc de cause à effet, entre deux ensembles A et B, cest à dire quil existe une cause C interférant sur A et sur B. Létude des corrélations pose un certains nombre de problèmes cognitifs. Le plus simple des pièges consiste à penser quune corrélation indique toujours que A implique B ou que B implique A, en dautres termes que la cause C est incluse soit dans A soit dans B. Cest possible dans certains cas, mais très rarement vrai. Reprenons un apologue simplet pour le décrire. Mes voisins, je le constate, ont une étrange manie vespérale. Lorsque 20 h sonnent au clocher du village, ils allument leur télévision et je peux constater, surtout en hiver lorsque la nuit tombe tôt, la lueur mouvante du récepteur derrière leurs fenêtres. Vais-je en déduire que le son de la cloche déclenche physiquement lallumage des TV ?
Il existe des pièges plus difficiles à déjouer. Lorsque jhabitais une grande cité, les soirs où le prestigieux PSG jouait un match décisif, je pouvais entendre des hurlements sortir en même temps de plusieurs appartements du voisinage. La simultanéité de ces bruits urbains me faisait comprendre quil existait une cause commune : de linformation importante passait à la TV, ce que je pouvais vérifier immédiatement sur mon propre récepteur. Mais une fois ce point établi, javais déterminé une cause et non la cause. Poser le problème de cette manière fait éviter les autres composantes. Si quelquun menait une étude naïve de ce phénomène et se contentait de cette vérification expérimentale, il resterait à comprendre pourquoi de bons pères de famille plutôt calmes à lordinaire se mettent à vociférer dès quune poignée de jeunes gens, sous loeil de la caméra, tentent denvoyer un ballon rond dans un filet. Il faut alors prendre en compte des effets sociologiques complexes en se demandant, par exemple, pourquoi le comportement à domicile est le même que dans un stade, ou pourquoi tant de gens ressentent le besoin de sexprimer au même moment. La cause C nest que partiellement la diffusion du match le jour J à linstant t, elle englobe en fait un faisceau de composantes quil est nécessaire danalyser. Un effet pervers des corrélations vient aussi de ce quelles sont uniquement spatiales dans leur approche, et oublient le facteur temps. Dans notre exemple, si jentends des hurlements isolés vers 2 heures du matin, il peut sagir de la même émission, enregistrée sur magnétoscope. Comment donc corréler des faits sans tenir compte dun effet temporel, dun effet de mémoire ?
Dans létude du rêve, ces biais de raisonnement existent et sont faciles à mettre en évidence. Quimporte une statistique annuelle établissant que, sur une population donnée X, 30 % des rêves sont dorigine sexuelle8 ? Il serait beaucoup plus intéressant de suivre les fluctuations dun jour sur lautre, entre disons 28 % et 35 %, afin de déterminer linfluence possible de facteurs extérieurs tels que publicités télévisées, films à succès, comment se propage dans le temps ce genre de stimuli, etc. Mais constater quenviron 1/3 des rêves ont un contenu sexuel reconnaissable sans autre analyse ne saurait constituer que le début de létude. Les ébauches de corrélation que nous avons données entre théories physiques et théories psychologiques applicables à létude du rêve représentent de manière exemplaire un phénomène de co-évolution dont les effets ne sont perceptibles quen tenant compte du temps. Il nest certainement pas à prendre à la légère et, à défaut de preuve que nous ne possédons pas encore, pas sans étude plus poussée et recherche des causes, il est du moins un indice quil y a là quelque chose sur quoi il serait bon de réfléchir.
Rêve et évolution
Dans lévolution des espèces, le rêve prend un sens extrêmement important. Le temps de sommeil paradoxal, à de rares exceptions près, croît avec la complexité du cerveau. Le rêve aurait donc, semble-t-il, une fonction importante dans lévolution9. Même si nous ne tombons pas dans le piège réductionniste (lévolution, ce nest que... laugmentation du volume cérébral, lutilisation maximale de lénergie avec le minimum de déchets, etc., au choix), nous sommes forcé de constater que la croissance de lactivité onirique est concomitante à celle de lactivité créatrice et de laptitude à résoudre des problèmes, dans les espèces pensantes. Encore faut-il saccorder sur ce que lon appelle penser, mais nul ne met plus en doute à lheure actuelle lexistence dune intelligence animale.
Un autre aspect irritant du problème concerne la déprivation. Dans les espèces évoluées, la privation de sommeil paradoxal entraîne des perturbations de comportement pouvant aller jusquà la mort, et amène en tout cas de grandes difficultés à percevoir la différence entre imaginaire et non-imaginaire (Dement, 1950 et suivantes). Cependant, chez lhomme, il semble que ce ne soit quun stade transitoire puisque les insomniaques peuvent survivre10. Là encore, il faudrait sentendre sur ce quest la conscience, ce quest limaginaire, ce quest le réel, pour ne pas se laisser piéger aux éléments de théorie naïfs11. Or tous nos concepts ont une perlaboration, voire une élaboration dans le monde du rêve, qui permet souvent la cristallisation de théories au moment où la réflexion consciente se bloque (voir les rêves célèbres de Kekule et autres), voire donne le déclic qui va faire démarrer une recherche. Ce dernier point est essentiel. Il est plus facile de se cacher la difficulté derrière des bases théoriques naïves que de la poser brutalement : jétudie le rêve parce que je sais limpact du rêve sur moi comme sur les autres ; ce faisant, je nai pas toujours la réponse à mes questions à létat de veille, les matériaux cognitifs peuvent sélaborer de manière cohérente (ou non) dans le rêve lui-même. Il peut marriver de rêver que je rêve, mais aussi de rêver que je théorise sur le rêve. Horreur ! Impensable cercle vicieux !
Réponse : Il existe un couplage ? Où est le drame ?
Le cerveau machine et le grand horloger
Quelle est donc la différence entre un cercle vicieux et un couplage ? Pour le comprendre, il nous faut évoquer la conception naïve et inconsciente que nous avons depuis deux siècles de notre propre fonctionnement cérébral. Le cerveau ne serait quune machine. Admettons. Mais quel type de machine ? Au XXe siècle, la machine reine est sans aucun doute lordinateur. Mais au XVIIIe, il sagissait de la pendule, qui a pénétré profondément linconscient collectif cognitif au point que, lorsque des turbulences paradoxales sont venues agiter la sphère paradigmatique (Relativité, quanta), on na eu de cesse de décrire les paradoxes de la théorie avec des montres et des horloges, celles même de lépoque des perruques poudrées, ainsi quavec le nec plus ultra de la machine à vapeur du XIXe, le train. Or la pendule est une mécanique, cest à dire quelle transmet le mouvement en pas à pas, que lon peut suivre dun rouage à lautre jusquaux aiguilles sur le cadran. Aux XVIIIe et XIXe siècles, une théorie scientifique se présentait comme un discours rationnel qui, à partir de prémisses, de rouage logique en rouage logique, amenait au résultat affichable sur un cadran mental13.
Au XVIIIe siècle, à partir du principe de Newton, on déduisait les lois cadrans comme celles de Kepler pour les planètes14. Au XIXe, à partir de la théorie des corpuscules matériels ninteragissant les uns sur les autres que par chocs, on a déduit le comportement des gaz dits parfaits, la loi cadran de Mariotte-Bove : pv = constante. Lélaboration de théories nouvelles ne se concevait que comme une gigantesque horloge à rouages conceptuels, et cette image est restée longtemps à la base des réflexions. Bertrand Russell cherchait une machine capable de développer des théorèmes mathématiques. A la fin de sa vie, il a conclu à son impossibilité, pour la simple raison quune théorie nest quun modèle et quun modèle napparaît pas de manière mécanique, quil nest jamais balistique. Pourtant, les premiers modèles (théoriques) dordinateurs, en particulier la machine de Turing, sont le nec plus ultra de cette conception.
Cette vision épistémologique pouvait encore se soutenir dans les années 60. Mais cest alors quest apparu le besoin de machines experts où les processus de calcul, sils pouvaient être imités par des machines de Turing, savéraient pourtant moins efficaces que le cerveau humain. La reconnaissance de forme, par exemple, reste encore un problème non résolu par les meilleurs logiciels (au sens de lefficacité)15. La recherche actuelle soriente donc vers les machines quantiques : plusieurs processus sélaborent au même moment, de manière délocalisée, dans tout lappareil. Les rouages de lhorloge conceptuelle se diluent dans une bouillie apparente plus infâme que laspect de la machine dAntikythèra lors de sa découverte au fond de la Méditerranée. Et pourtant les métaphores sur le cerveau ordinateur continuent. Mais na-t-on pas eu recours, pour décrire lénergétique du vivant, à des métaphores sur le moteur des automobiles ou des avions, telles que la nourriture aurait fourni le carburant et la respiration le comburant nécessaires à lactivité motrice ?
La machine nest pas la mécanique
Toutefois, même la pendule de nos ancêtres nest pas quune simple mécanique. Il sagit dune machine. Il est remarquable, de ce point de vue, que les hommes du XVIIIe siècle aient rencontré tant de difficultés conceptuelles pour expliquer le système auto-entretenu (par poids ou ressorts) qui assurait la régularité du mouvement des horloges. A la même époque, pourtant, la célèbre Encyclopédie montrait déjà le mécanisme du baille-blé, un appareil régulateur de la distribution des grains de blé à la meule dun moulin. Linformation sur le débit à la sortie (la meule) était transmise à un mécanisme situé en amont qui ralentissait ou accélérait le débit de manière à ce quil reste globalement constant. Les ailes du moulin tournaient plus ou moins vite selon les besoins, grâce à un ingénieux système adapté de la marine à voile. Un autre exemple contemporain serait le régulateur à boule de Watt pour la machine à vapeur, première véritable régulation dun moteur. Ici, nous navons plus affaire à une simple mécanique mais à une machine.
Les Français des couches moyennes, dans les années 50, ne connaissaient encore que le baille-blé16, alors que les systèmes de régulation étaient subtilement employés partout, en TSF par exemple avec les systèmes autodyne, hétérodyne, superhétérodyne... Il aurait même suffi de démonter un phonographe à manivelle pour sapercevoir que le régulateur à boule de Watt était encore utilisé pour réguler la stabilité de la vitesse de rotation du disque. Cest sans doute de cette époque que date, chez les non-spécialistes, la confusion entre machine et mécanique, automate de Vaucanson et automatisme au sens scientifique du terme.
La machine, au sens industriel du XIXe siècle, ou lautomatisme au sens scientifique apparaissent dès que lon peut discerner lexistence de boucles de régulation. De tels phénomènes nexistent pas quavec un support mécanique, on en trouve en chimie biologie, en électronique, en écologie, etc. De quoi sagit-il ? Un système, à partir de limpulsion originelle, développe un processus jusquà son terme au cours du temps. A la sortie, un capteur constate le résultat ; linformation est renvoyée sur lentrée pour corriger les éventuelles aberrations du phénomène. Le rebouclage peut être volontaire, comme dans une cuve où lon fabrique en continu un produit chimique donné ; ou involontaire et lon parle alors dauto-régulation, par exemple en écologie lorsque les plantes et lensemble du calcaire terrestre régulent la quantité de gaz carbonique présent dans latmosphère. Or si nous dépassons le simple point de vue matériel, si nous passons à lélaboration non plus dun produit mais dinformation ou de structure dinformation, nous nous apercevons que le processus de théorisation fonctionne exactement de la même façon et ceci nest pas uniquement valable pour les théories behavioristes ! On entre des hypothèses, le réel répond (vérification expérimentale). Ce que le réel renvoie nous permet de rethéoriser et de formuler de nouvelles hypothèses, etc. Est-ce un cercle vicieux ?
Le problème de lobservation
Un moyen perfide mais efficace de se créer des paradoxes est encore de ne pas comprendre, dans certains cas, la nécessité de facto et de operatione du rebouclage. On sait en physique que le comportement des particules élémentaires est perturbé par la mesure. En biologie, la présence dun rayon lumineux sur le microscope augmente la chaleur : les bactéries observées sur la plaquette vont se multiplier plus vite que dans les conditions naturelles. Peut-on penser que refroidir la platine suffirait à corriger cet effet ? Non, car les gradients de température vont encore différer des conditions naturelles. De toute manière, lobservation altérera leur comportement. Ceci nest pas gênant lorsquil sagit détablir la présence de tel ou tel agent pathogène dans le sang. Mais quand on cherche des interactions fines, telles que le parasitage de bactéries par un virus modifié ou léchange de molécules chimiques intracellulaires, cette perturbation nest plus négligeable.
Que se passe-t-il dans des domaines encore plus subtils et complexes, bien que macroscopiques, comme le comportement de groupes humains ? La plupart des sociologues, à lheure actuelle, tiennent compte en théorie de leffet denquêteur ; encore que, dans la pratique, ce ne soit pas des plus apparents. Mais le scandale de la révélation du projet MK-ULTRA aux Etats-Unis permet de mettre en évidence quil ne suffit pas de lancer la pierre et cacher la main pour obtenir une réponse objective du réel social. Les services secrets américains avaient lancé sous ce nom de code une série dexpériences médicales et psychosociales sur certaines couches de la population, expériences menées à linsu des protagonistes17. Or, en regardant lévolution de la société américaine et de son folklore vivant, on saperçoit que dès cette époque (entre 1949 et 1952) une angoisse diffuse se fait jour et se traduit par un déplacement quasi-onirique du problème. Les services officiels américains sont ouvertement accusés par des journalistes de renom comme Keyhoe de cacher à la population lhorrible vérité non pas celle dune expérimentation impensable, mais le risque dinvasion des USA par des extra-terrestres venant en soucoupes volantes18. Après la révélation du projet MK-ULTRA, le déplacement thématique, loin de saffaiblir, va envahir tout le champ du quotidien et donner lieu à un mythe virulent : Truman, selon cette ghost story collective, aurait signé un pacte secret avec de teigneux petits ET, les Grays, qui disposeraient depuis lors de bases souterraines sous le camp de Nellis AFB ; ils se livreraient à des mutilations animales, enlèveraient hommes et femmes pour récolter du matériel génétique, rendraient ainsi enceintes dhybrides de jeunes femmes qui seraient enlevées une nouvelle fois pour avortement et récupération des foetus par les ET ; ces foetus, selon la version douce seraient élevés en couveuse, mais nécessiteraient pour survivre de nouveaux enlèvements ; la version dure ny voit quune ferme dorganes pour transplantations ultérieures ; enfin, last but not least, toute cette ténébreuse affaire serait monitorée par une agence fédérale ultra-secrète, le Majestic 12 ou Majic. Encore ne donnons nous ici que la carcasse de cette rumeur foisonnante, qui saccompagne de vécus mythiques denlèvement, incorporés à la mémoire de vie quotidienne des abductees19. Ce cauchemar collectif pourrait se résumer en un cri : Ils nous traitent comme des choses ! Il est aussi largement responsable du succès de séries TV comme X-Files. On peut voir au travers de cette affaire à quel point il est vain de vouloir mener une étude sur la matière sociale en évitant les paradoxes de la mesure. Certes, le public américain na pas décelé lexpérience réelle menée par ses services spéciaux. Mais il la immédiatement traduite en expérience fantasmatique dont nul, à lheure présente, ne peut prévoir lévolution, et qui dure depuis 50 ans.
Dans les études sur le rêve, de tels effets, bien que moins dramatiques, peuvent se produire. Il serait absurde pour un chercheur de penser que sa propre théorisation na aucun impact sur le rêve et réciproquement. Comment alors agir malgré ce couplage inhérent à toute observation ? Les physiciens quantiques, qui ont les premiers découvert cet effet perturbateur, navaient certes pas à se poser en plus des questions méthodologiques de graves problèmes déthique et de déontologie du moins pas avant Hiroshima. Cependant, leurs approches pourraient être éclairantes pour les sciences humaines en général et lonirologie en particulier.
La théorisation comme automatisme
Donc, dune façon relativement simple, on peut assimiler tout effort de théorisation à un automatisme au sens scientifique du terme, automatisme dont lobjectif (au sens de but de la régulation) est la meilleure représentation possible du réel. Dans un automatisme, le temps de transfert sortie => entrée, et celui de lélaboration du système correctif jouent un rôle important. On peut, selon le cas, obtenir ainsi un résultat rapidement stable ou un système oscillant qui tend progressivement vers la solution. Pour une théorisation, loscillation pourrait se faire entre formulation et remise en question. Mais il existe des cas où le système est fragile au point que cette oscillation saccroît, parfois même jusquà mener le système à un état où sa propre intégrité peut être compromise. En chimie, cela peut se traduire par lexplosion de la cuve ou par la fabrication involontaire dun produit non désiré. En histoire, nous pouvons voir ce processus dans lévolution de certaines sociétés, où lon essaie tour à tour des solutions opposées pour tenter par exemple de stabiliser une défaillance économique. Mal conduit, ce processus a pour effet daugmenter le désordre, et parfois jusquau point où lintégrité de cette société est remise en cause. Elle subit alors une crise après quoi elle prend un aspect tout à fait différent. La révolution française et les événements qui lentourent en donnent un bon exemple. Dans ce cas précis, si la tentative de régulation sous les divers ministères du règne de Louis XVI na pas atteint son but, ce nest pas pour avoir mal défini les objectifs ; les problèmes étaient clairement posés, y compris par le roi ; mais le temps nécessaire à la prise de conscience et à la prise en charge des déséquilibres était trop lent pour une société trop fragile. Il se peut que certains échecs retentissants dans les cures psychanalytiques puissent être aussi simplement le fait dun mauvais rebouclage patient/praticien.
Dautres phénomènes entrent en jeu, des réflexions au sens propre du terme, renvois énergétiques ou conceptuels qui peuvent entraîner des phénomènes de résonance et altérer le comportement du système de manière considérable. Ainsi la pratique des vacances dété et dhiver, dont une conséquence directe est une surconsommation saisonnière du parc automobile, a-t-elle un effet de résonance sur le comportement climatique où lon décèle depuis quelques années une composante saisonnière de 6, 4 et 3 mois, de plus en plus importante dans lévolution des précipitations et des températures20. Dans létude du rêve, on peut constater aussi des couplages involontaires de ce genre. Certaines expériences oniriques comme la lucidité seront ainsi reproductibles par certains et non par dautres. Les hypothèses de travail des chercheurs de lASD deviennent fréquemment des dogmes intangibles dans le dream network américain, approchant même dattitudes cultistes21.
Dune manière générale, tout automatisme renvoie à la sortie un signal à deux composantes :
1. Celle quaurait le signal dentrée si rien ne venait perturber le processus. Dans le vivant, cette composante est très souvent de type exponentiel.
2. Une composante de type périodique complexe qui représente linterprétation complexe de la façon dont le système répond dune manière générale aux sollicitations en entrée.
Si le rêve est couplé avec les théories onirologiques, indépendamment du bruit de fond, il faut sattendre à ce que la théorisation évolue de manière cumulative mais aussi, comme dans toute autre science, à ce quinterviennent des retours à des paradigmes antérieurs (effet cyclique complexe)22.
Lautomatisme quantique
Jusquici, nous avons traité de ces problèmes dans un cadre classique. Mais si des phénomènes de type quantique apparaissent, (apports en paquets et non sous la forme dun fluide continu), la question se pose de manière quelque peu différente. Une partie du phénomène est continue et obéit statistiquement à la loi des grands nombres. Si un événement a 10 % de chances de se produire, pour 1 million de cas semblables, 100 000 environ présenteront lévénement prévu. Mais si linformation se transmet de façon quantique, par sauts brusques, nous observerons un comportement paradoxal du système dans quelques cas particuliers intéressants, surtout sil est traité de manière à lisoler. Les réflexions énergétiques ou informationnelles sur les parois feront que le phénomène obéira en pratique à la loi de Guérin. Bien quelle ait été définie pour lufologie, elle sapplique à de nombreux autres domaines : En ufologie, toute hypothèse apparemment prouvée est démolie par les observations suivantes. Plus on veut isoler le système, comme lénergie disponible pour ce faire nest pas infinie, plus les barrières seront hautes et plus elles seront fines, et plus un objet confiné à lintérieur séchappera volontiers23.
Dans une théorie cognitive, les barrières sont les affirmations dimpossibilité. Nous reviendrons ultérieurement sur cette question essentielle. En onirologie, la loi de Guérin pourrait se formuler ainsi : Toute théorie sur le rêve qui affirme un contenu onirique impossible se voit contredite par les faits souvent même à brève échéance. Nous en donnerons deux exemples, à partir du rêve lucide. Hervey de Saint Denys, à propos de ses rêves lucides érotiques, estimait impossible datteindre lorgasme24; Patricia Garfield conseillait de pousser lexpérience jusque là mais prétendait que lorgasme onirique nécessitait un entraînement25. A peine publié son ouvrage majeur, le rêveur lucide Henri R. témoignait de ce que son premier RL accidentel avait été érotique et orgasmique. Dautre part, dans le n°1 de Rêver, Paul Tholey argumente sur limpossibilité de maîtriser les lumières en RL et, dans le n°3, Alan Worsley explique que ce nest quune question de retard de leffet sur la formulation de lattente, que donc limpossibilité présumée nest quun artefact. A quand le pyrotechnicien onirique virtuose ?
La mise en évidence de la loi de Guérin en onirologie ne représente pas seulement pour nous un phénomène agaçant, mais elle permet de constater :
1. lexistence du couplage rêve/théorie onirique.
2. que, si linformation qui nous parvient est assimilable à un phénomène quantique, on ne peut pas décider de linexistence totale des phénomènes prévus par la théorie, ou de leur certitude absolue.
Cette indécidabilité elle-même, lorsquon la constate, peut faire penser quun couplage est en oeuvre, mais à quel niveau et de quelle nature, on lignore. La théorie de lautomatisme quantique, corrélée à la théorie de linformation, permet au moins de laffirmer. Ce qui nest pas une négation sur quelque chose qui ne devrait pas exister !
Notes
1) A. H. W. Beck, Les télécommunications, Hachette, Paris, 1967, p.191.
2) René Thom, Modèles mathématiques de la morphogenèse : recueil de textes sur la théorie des catastrophes et ses applications, 10/18 n° 887, Paris, 1974, pp. 7-9.
3) C. E. Shannon et W. Weaver, The mathematical theory of communication, University of Illinois Press, 1949.
4) On peut établir en physique fondamentale une équivalence information/énergie aussi bien quune équivalence énergie/matière. Les lois qui permettent de passer de ces principes de base au comportement réel des particules sont évidemment plus complexes que ne le laisse penser ce raccourci. Voir par exemple Olivier Costa de Beauregard, Le second principe de la science du temps, Seuil, 1969.
5) Ce terme nest quune plaisanterie classique de laboratoire. Il compare le chercheur enthousiasmé par une nouvelle théorie au petit canard qui, au sortir de loeuf, reçoit lempreinte de la première chose quil voit bouger devant lui et se met à la suivre, quil sagisse de sa mère, dun ballon ou de lexpérimentateur.
6) Cité par Yvonne Castellan, La Métapsychique, PUF, Paris, 1960, p. 40.
7) Communication personnelle dAnita Tullio à Geneviève Béduneau, qui nous en a fait part. On comprendra que nous laissions dans lanonymat lastronome en question, à la demande dAnita Tullio de qui ce dernier la exigé. Mais les lecteurs qui seraient par hasard du métier nauront pas de mal à reconnaître qui pousse à ce degré la misanthropie.
8) Rêver n°2
9) Ce type détude sur le contenu onirique a été effectivement réalisé par des sociologues américains dans les années 60-70, y compris sous Nixon une célèbre enquête cross-cultural devant déterminer les ressemblances et les différences entre les rêves détudiants américains et chinois. Les résultats furent à la mesure du questionnaire employé...
10) Voir à ce propos Klein, Etude polygraphique et philogénique des états de sommeil, thèse de doctorat, Bosc ed. ; Jean Jacques Walter, Planètes pensantes, Denoël, Paris, 1980, p.57 ; Stephen LaBerge, Le rêve lucide, trad. Ripert, Béduneau, et al., Oniros, Paris, 1991 (1ère ed. Lucid Dreaming, 1985), pp. 231-132 ; Roffwarg, Muzio, Dement, Ontogenic development of the human sleep-dream cycle, Science n°152, 1966, pp. 604-619 ; Michel Jouvet, Le sommeil et le rêve, Odile Jacob, Paris, 1992.
11) Jouvet, op. cit.
12) Doù limportance, à notre avis, des travaux de Christian Bouchet.
13) Remarquons dailleurs la prédominance du cadran dans laffichage des appareils de mesure dépoque, quil sagisse de pression, de volume liquide ou gazeux transitant par un tuyau, parfois même de température.
14) Kepler avait certes formulé ses lois avant Newton. Mais lintroduction dun nouveau principe en science entraîne tout un travail de réélaboration du connu, qui doit alors se déduire de ce principe. Cest même une façon den tester la validité.
15) D. Forsyth, J. Malik, R. Wilensky, La recherche dimages numériques, Pour la Science n°238, août 1997, pp. 86-89.
16) Et encore... Sa description présente dans les manuels du Brevet Elémentaire davant-guerre avait disparu du programme du BEPC, sans parler de ceux du Bac.
17) Rappelons quil ne sagissait de rien de moins que de faire consommer de la nourriture irradiée à des enfants déficients mentaux, dincorporer des drogues psychotropes à lalimentation, et autres diableries destinées à tester leffet de certaines armes. Les expériences furent conduites sous ladministration Truman au début des années 50 et révélées en 1974, au moins partiellement, grâce au Freedom of Information Act qui autorise la déclassification au bout de 12 ans de documents nintéressant plus directement la défense nationale américaine. On retrouve encore des victimes de ces agissements illégaux. Voir à ce propos larticulet Irradiés en Arizona, Science et Vie n°930, mars 1995, p. 12.
18) Donald Keyhoe, Flying Saucers are real, New York, Fawcett Publications, 1950.
19) Budd Hopkins, Intruders, Random House, 1984 ; Whitley Strieber, Communion, Wilson and Neff Inc, 1987 ; Transformation, Wilson and Neff Inc, 1988 ; Majestic : the government lies, Wilson and Neff Inc, 1989. Ces ouvrages, ainsi que le film Hangar 18, ont été les principaux propagateurs médiatiques du mythe.
20) Cet effet se calcule aisément en reprenant les données quotidiennes de Météo France, mais na pas fait lobjet de publications détaillées en dehors des supports spécialisés, non commerciaux.
21) Voir le témoignage de Bette dans ASDNewsletter vol. 8 n°4, 1991.
22) Cest ainsi quen physique la théorie corpusculaire de la lumière établie par Newton a été abandonnée au profit dune théorie ondulatoire lors de la mise en évidence par Young de franges dinterférence. Mais cette théorie corpusculaire est revenue, sans abandon de la théorie ondulatoire, avec Einstein et la découverte du photon pour expliquer leffet photo-électrique.
23) Il sagit de leffet tunnel qui explique entre autres la radioactivité et lévaporation des trous noirs. Nous faisons grâce au lecteur de la justification mathématique de cet effet paradoxal.
24) Hervey de Saint Denys, Les rêves et les moyens de les diriger, Paris, 1867.
25) Patricia Garfield, La créativité onirique : du rêve ordinaire au rêve lucide, trad. R. Ripert, La Table Ronde, Paris, 1983. Première édition américaine 1974.