Technique de la prière

Cours donné en 1964 et 1965 par Eugraph Kovalevsky, Monseigneur Jean, évêque de Saint Denys

(Institut Orthodoxe français de Paris Saint Denys L'Areopagite, ,96 Bd Auguste Blanqui, 75013 Paris)


PREFACE

On peut imaginer l'existence d'un homme et celle de tous les hommes, comme un chemin tracé à l'avance et simultanément inconnu. Sur ce parcours on ne rencontre pas les autres hommes même s'ils sont là, présents, proches, et préoccupés aussi de leur propre chemin; tous ces autres, en fait ne présentent pas, sur la voie, un intérêt capital.

Mais, sur cette route, on rencontre toujours un personnage énigmatique et essentiel. Peut-être les contraintes de la marche préoccupent-elles l'homme au point d'absorber toutes ses énergies et de le rendre quasi aveugle et insensible aux passants, mais le personnage en question passe pour chacun et toujours croise la voie.

Qui est donc celui que tous les êtres humains, sans aucune exception, rencontrent sur le chemin de leur vie ?

On le sait à la fois architecte et entrepreneur, ingénieur et sculpteur, pretre et sacrificateur, vigneron et commerçant, ou mieux, économe, restaurateur et hôtelier. On aura probablement deviné qu'il s'agit de la Sagesse, cellequi emplit l'univers sans s'imposer et qui se propose pour donner un sens à toute destinée quelle qu'elle soit, car la Sagesse bâtit, aménage, s'offre, vivifie, partage la vie.

Il existe alors une technique pour ne la point croiser sans la voir ni la recevoir, à sa mesure. Cette technique est celle de la prière, l'objet de ce livre, et il suffit d'un homme habile à s'en servir pour que le bienfait s'en répande sur des centaines. Si, en effet jusqu'à la rencontre de la Sagesse, le cheminement se fait en solitaire, dès qu'elle commence à construire et enflammer un coeur par l'activité de la prière, cette Sagesse se multiplie avec une rapidité phénoménale et vient illumineret accompagner la quête de tres nombreux hommes.

La prière qui contient la méditation, la veille, le silence, le chant, les rythmes corporels et spirituels, se présente aux contemporains «en vrac». L'époque veut des expériences et des résultats, au-delà des inutilités moralisantes et des traditions obscurcies. Elle a raison, mais elle ne sait comment préparer les siens à l'expérience et, devant la multitude des méthodes qui se présentent dans le Prisunic spirituel du moment, cette époque hésite, tâtonne et recherche des initiateurs qui lui apprennent «comment commencer».

Commencer est simple, aboutir est séduisant mais comment s'y lancer est angoissant. On en prendra la mesure à la base de cet exposé, fruit de l'expérience d'un sage qui vécut à l'ombre de l'Esprit et des enseignement des Anciens.

Et lorsque le lecteur sera devenu acteur, même temporaire et quelque peu sceptique, il provoquera en lui-même et sur d'autres une telle paix qu'il assimilera la technique sans plus la remarquer. Au stade suivant, l'acteur sera âgé face à la Sagesse. Là est le but où se tait le travail car on connaît et on est connu.

GERMAIN, évêque de l'Église orthodoxe


LA TECHNIQUE DE LA PRIÈRE

1- LA PRIÈRE-CONVERSATION AVEC DIEU

Toute parole est imparfaite lorsqu'elle veut exprimerce qu'est la prière; seule l'expérience peut nous en approcher.

Notre époque, malheureusement, ne facilite pas l'expérience de la prière ! Comment devenir des âmes priantes dans une vie aussi trépidante que la nôtre ! Notre ennemi numéro un est le manque de temps, mais aussi une agitation telle que nous ne savons plus nous reposer. Même si nous partons en vacances, c'est pour nous baigner, prendre des bains de soleil coûte que coûte, escalader des pics, «faire de l'auto», selon l'expression actuelle. Peut-on demeureren place lorsqu'à quelques mètres quatre roues vous invitent à courir vers des «points de vue», visiter des églises qualifiées de romane ou de gothique, etc, etc, ?

Néanmoins, un certain ascétisme pénètre notre vie. La mode est de manger peu, «naturellement», mais le faisons-nous dans un esprit de jeûne spirituel ? Certes non ! La cause de cette abstinence est plutôt un hindouisme confus ou la maladresse de l'homme qui, ne pouvant échapper à la nostalgie divine, se sert du jeûne de façon saugrenue.

Toutes ces circonstances modernes font que la technique de la prière a changé et que l'on ne peut appliquer à la lettre les leçons des anciens. Quelle sera donc la méthode à proposer à cet homme nerveux du XXe S., maladivement nerveux, tendu, bouleversé, changeant sans cesse de sujet ?

Saint Jean Chrysostome, Grégoire de Nysse, Maxime le Confesseur et un grand nombre de Pères que nous n'avons pas la possibilité de citer ici, appellent la prière «la conversation avec Dieu».

Le commerce d'un homme intelligent et bon nous rend intelligent et bon; la conversation avec Dieu nous «fait dieu», dira saint Jean Chrysostome. Conversation avec Dieu... Une des formes de prières les plus exactes, les plus directes, les plus simples, est précisément de ne jamais penser, mais de toujours parler à Dieu. Prenons un exemple : nous sommes troublés, envahis par l'angoisse; en place d'analyser, de nous demander : dois je faire ceci, agir autrement - la pensée est une mise en scène intérieure, un dialogue qui devient souvent une foule où montent les voix des souvenirs et des inquiétudes du passé -, plaçons tout cela devant dieu (Saint Augustin et J.J. Rousseau sont les grands maîtres de la confession, à la différence que l'évêque d'Hippone racontait sa vie devant Dieu, et l'écrivain devant lui-même). Dès que l'on se situe devant le regard de Dieu, s'ouvrant à Lui sans chercher même de réponse, commence la transformation de l'être. Tandis que si nous nous adressons à nous-mêmes, nous devenons semblables à un serpent qui mangerait sa propre queue. Raconter objectivement, sans passion, ce qui se passe en nous, arracher au cercle magique du moi nos sentiments et nos pensées, voilà une des étapes de la prière. La psychanalyse le sait bien, qui a volé le principe de cette forrne de prière à l'enseignement de l'Eglise. Il est préférable pour l'âme d'aller jusqu'à accuser Dieu plutôt que de se taire. Du fond de l'abîme, je crie vers Toi, Seigneur !»

Cette conversation n'est bonne que dans la sincérité absolue : ni excuse, ni humilité grandiloquente. Dieu est l'Ami de l'homme, Il nous connaîtavantque nous soyons nés. Et progressivement, par notre propre monologue, nous serons mystiquement aidés, bien que cela nous paraisse encore un monologue psychique et que la voix intérieure ne se soit pas fait entendre. Si nous avons exposé consciemment notre trouble à Dieu invisible, la réponse se dégagera de notre exposé, et même si la voix intérieure ne s'élève pas, l'état de notre âme se sera clarifié, apaisé, harmonisé.

Jean Chrysostome et Maxime le Confesseur comparent cette prière-conversation au système nerveux : elle doit prendre la place de notre nervosité, disent-ils, et régler notre sensibilité.

Le premier fruit de la prière, pour Isaac le Syrien, est l'amour de Dieu. Celui qui prie ardemment élève son esprit, atteint la contemplation, et dans la contemplation naît le désir d'aimer Dieu. L'amour de Dieu s 'acquiert dans la prière et c 'est elle qui fournit les motifs dıaimer Dieu, car aimer Dieu est presque impossible. Soyons sincères ! Sans le don de la grâce, nous ne verrions pas pourquoi aimer Dieu (je parle des êtres en général). Notre destinée est difficile, souvent désagréable, et si elle est agréable nous ne sommes pas satisfaits, car c'est le propre de notre nature, l'insatisfaction. Alors, ne devrions-nous pas être plutôt agacés par cette Providence que nous sommes appelés à prier (je parle toujours de la majorité) . L'athéisme a souvent pour racine la révolte de l'homme contre l'injustice. Notre sens inné de la justice n'essaie pas de résoudre le problème de la justice en soi - qu'est-ce que la justice ? - Nous nous jetons dans le dilemme angoissant de la bonté divine et de l'injustice apparente du monde, et ne pouvant pas rester dans la lutte entre ces deux pôles, nous préférons voter pour l'absence de justice, plutôt que de dire : je ne comprends pas peut-être la bonté de Dieu, ni la vraie justice.

Le Christ savait si bien que ce problème se poserait à l'humanité, qu'II nous prévient : «Que votre lurmière brille devant les hommes, afin que, voyant vos bonnes oeuvres, ils glorifient le Père céleste», c'est à dire qu'ils reconnaissent en Dieu la paternité. La plupart des hommes ont besoin de la bonté des disciples pour discerner la bonté ineffable du Maître... Si l'image est bonne, pensent-ils, la Proto-lmage le sera d'autant plus. La compassion d'un chrétien fait accepter la miséricorde du Dieu des chrétiens. Ne nous leurrons pas. Dieu n'est saisissable que par l'expérience intérieure.

C'est pourquoi la prière, nous explique saint lsaac le Syrien, est le seul moyen susceptible de fournir à notre coeur les motifs d'aimer Dieu. Je le répète, je ne parle pas des êtres chez lesquels elle jaillit spontanément. Je m'adresse à ceux qui ne possèdent pas ce don et pour lesquels la technique de la prière est nécessaire. Même ceux qui aiment sans effort sont soumis à la variation.

Comment donc la prière fera-t-elle éclore le désir d'aimer ? Parce qu'elle est la source de la connaissance de «plans multiples et immatériels» (saint Isaac) et que la connaissance qui fournit la réponse à nos problèmes a pour conditionnement la prière. La plus grande vision de la Gloire divine, la Transfiguration, est venue pendant la nuit, au cours d'une longue prière.

Mais suivons la route indiquée par Isaac le Syrien: «Demeurer avec patience dans la prière, signifie pour l'homme renoncer à soi-même», et plus loin: «la prière ininterrompue gardera l'intelligence de toute impureté».

«Demeurer», voici le mot-clé. Il y a, certes, des prières où l'âme est emportée par un élan, où elle appelle; il y en a d'autres qui durent une, deux, trois heures. Demeurer signifie s'installer dans la prière comme dans sa maison, entrer en son ambiance et y demeurer.

«Avec patience» - pourquoi ? La prière, nourriture de l'âme, est traversée, au début, de nombreux troubles. Il semble qu'elle ne nourrisse pas, ou bien, si elle nourrit, qu'elle deviennne soudain inefficace et nous ennuie. Rappelez-vous Thérèse d'Avila écartant légèrement les doigts pour regarder l'horloge et voir si le temps d'oraison touchait à sa fin. La prière nous fait découvrir âprement le va et vient de notre salle des pas perdus intérieure. L'essentiel alors est «de demeureravec patience», et lentement mûrira le fruit d'où la prière s'écoulera comme une eau fraîche et tranquille. Ce fruit est le renoncement à soi-même.

Les moralistes se pressent trop pour dépister dans l'âme l'orgueil, la vanité, l'égoïsme ou l'humilité... C'est juste, mais ces divers sentiments sont tellement mêlés dans l'être humain qu'un attentif examen de conscience risquera le plus souvent de l'égarer ou de la faire tomber à côté.

Lorsque l'on demeure avec patience dans la prière, on s'aperçoit qu'il est impossible d'épingler les sentiments, et que cette jeune fille lunatique et capricieuse qu'est notre «moi», nos «moi» plus exactement, perd peu à peu son autorité. Derrière sa tyrannie, nous la voyons telle qu'elle est.

La prière situe l'homme dans la conscience brutale des choses objectives.

Prenons la prière la plus simple, celle du Nom de Jésus: «Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi». Mettons-la en face de notre moi; elle n'a rien à faire avec lui.

« Aie pitié de moi»: le moi mental s'écriera de suite : Mais c'est de l'égoisme - pourquoi ne pas dire : aie pitié de nous ! Pourquoi désirer mon salut, mon pardon, sans inclure les autres ? Ou bien, il pensera : Oui, je suis pécheur, mais je n'ai pas besoin d'apitoiement. Le pécheur ressent plus la blessure de l'amour propre causée par le péché que le désir de la pitié divine. Les prêtres connaissent cette attitude chez leurs pénitents. Ces derniers sont surtout frappés par les fautes qui touchent leur dignité et ne prêtent guère attention aux péchés réels. Les pères spirituels demandent parfois d'écrire les péchés, et presque toujours les pénitents sont profondément surpris de voir indiquer comme grave un péché qu'ils considéraient à peine. C'est ce qui fera dire à saint Paul : «Je ne juge personne, mais vous, ne vous jugez pas vous-mêmes, car vous ne le pouvez».

La prière patiente nous force à nous objectiver. Ces six paroles: «Seigneur Jésus-Christ, aie pitié de moi», seront tout d'abord étrangères. Un de ces mots peut-être nous touchera, mais n'exprimera pas pour autant la totalité de laprière. Certaines âmes se plairont à répéter: «Aie pitié». D'autres ressentiront une certaine exaltation à redire le Nom de Jésus, mais la prière en elle-même doit dépasser les états de l'âme.

C'est en la répétant, en demeurant patiemment près d'elle, avec elle, que nous surmonterons notre moi limitatif, nous identifiant, au début, aux paroles. Puis, sortant de nous-mêmes, notre «noûs», notre intelligence intérieure, se décantera des mélanges multiples.

Il en est de mêmepour la prière liturgique. Elle apprend au fidèle à maîtriser son humeur capricieuse et lunatique. Un fidèle est triste, pris à la gorge par des soucis d'argent, malade, il vient à Pâques et il lui faut chanter la Résurrection. Il est heureux de vivre, le coeur plein de joie, c'est le Vendredi Saint et il lui faut chanter les plaintes devant Dieu crucifié par les hommes. Entrer dans le rythme liturgique, c'est s'habituer à ne plus vivre dans son petit mythe à soi, évoluant suivant ses impressions, mais à vivre l'homme unique - le Deuxième Adam -, à se réjouir et à pleurer avec l'humanité.

Attachons-nous patiemment au rythme de la prière. Les formes liturgiques modèlent et transforment.

Notre société a su fort bien se servir de ce principe en construisant sa liturgie profane. Quelle heureuse liturgie que celle des Grands Magasins, et combien grande est son influence ! Elle a inauguré la saison des jouets et des cadeaux inutiles, la saison de blanc, la saison des arts ménagers et des cadeaux utiles... Les «iconographes» des vitrines soignent avec travail et imagination leurs étalages.

Parcontre, dans nos églises, les périodes liturgiques se sont affaiblies. On trouve une crèche souvent défraîchie, un cierge pascal pudiquement caché derrière l'autel, et les fêtes chrétiennes, la mémoire vivante des événements de la vie du Sauveur, servent de vacances.

Saint Isaac continue l'analyse de la prière : «La prière est la racine de la connaissance multiple et immatérielle ». Dieu introduit dans l'esprit de celui qui prie cette connaissance.
Toute notre connaissance est compromise par les vagues passionnelles qui se précipitent de l'intérieur et de l'extérieur, s'entrecroisent et bouchent notre regard. Le caractère de ces éléments passionnels est, d'une part, d'alimenter notre pensée et notre action par quelque chose de matériel, de compact et, d'autre part, par quelque chose de faussement unique, une idée ou un sentiment qui s'impose à nous. A l'opposé, l'intelligence formée dans la prière devient immatérielle, une dans cette immatérialité, tout en ouvrant maintes possibilités qui libèrent notre intelligence, alors que les passions l'enchaînaient. La prière est la racine de cette connaissance immatérielle, parce qu'elle nous habitue à ne pas penser, plus exactement à ne pas être pensé. Comment agir avec les sentiments et pensées qui nous assaillent malgré nous ? Les laisser passer comme un film de cinéma, les considérer comme des objets dans une vitrine, ne pas tenir compte de ce que nous ressentons. «Demeurer avec patience dans la prière».
La nouvelle connaissance qui naîtra de cette prière n'aura plus de rapport avec nos pensées et nos sentiments. Elle sera donnée parDieu, directe, et rappelant ce que l'on pourrait nommer la connaissance ignorance, sans curiosité, ni possession des objets qu'elle connaît, à l'image de cette prière patiente qui marche vers l'ineffable Trinité.

Exercices pratiques - Le JE divin.

L'idée centrale du premier chapitre est le JE divin qui se conquiert par la «prière-conversation». Son but est de retrouver le centre du monde : DIEU. Actuellement, en Occident surtout, tout est centré sur l'homme. La civilisation moderne est anthropocentrique, cependant que l'a.b.c. de la vie spirituelle est le théocentrisme. Voilà pourquoi les exercices pratiques de ce chapitre, étant donné l'état de la conscience humaine à notre époque, exigeront plus d'efforts qu'au temps passé, lorsque la civilisation était théiste et non humaniste. Que le lecteur ne se décourage pas !

1 - Pratiquer une auto-analyse loyale en notant par écrit les problèmes ou les désirs réels, immédiats qui s'imposent à la conscience (santé, métaphysique, famille, Dieu, carrière, etc.), et les formuler de la façon la plus précise.
- S'efforcer de les hiérarchiser en soulignant les plus urgents ou les plus persistants (ne pas hésiter à reconnaître, s'il le faut, que le «beefsteack» préoccupe plus que Dieu).

2 - Discerner sur quelle puissance on s'appuie spontanément pour résoudre les problèmes ou satisfaire les désirs : l'intelligence, la volonté, l'intuition, la prière, ou une aide extérieur telle que l'Eglise, un maître, un père spirituel, I'Evangile, la science...

3 - Ayant ainsi déblayé le terrain, exposer à Dieu les problèmes et les désirs, le plus amplement et le plus consciemment possible, en se plaçant devant Lui, en se mettant à Sa disposition, en se soumettant à Sa volonté et en Lui demandant de Se servir - malgré leur relativité - des puissances sur lesquelles on s'est appuyé.
- Ainsi orienté vers Lui, répéter sept fois au moins cette action, sans chercher de résultats immédiats. Après la septième fois, noter les résultats et reprendre cet exercice chaque jour, ou une fois par semaine, ou une fois par mois, ou même une fois par an (plus il est fréquent, plus il est efficace). Que tout acte, toute pensée, tout sentiment gravitent autour du Centre universel : DIEU.

4- - Ne pas oublier que l'essentiel est d'exposer les problèmes à Dieu et non de les résoudre.

Auto-questionnaire

1 - Quels sont mes problèmes et mes désirs urgents ?

2 - Sur quelle puissance m'appuyé-je en définitive ?

3 - Ai-je réalisé sept fois mon « exposé» à Dieu ?

4 - De quelle manière ?

5 - Quels résultats ai-je obtenus ?


2 - LA PAIX INTÉRIEURE

«En paix, prions le Seigneur» - I'Église ouvre ainsi les litanies.

Les livres monastiques recommandent, avant de commencer toute prière, de se placer devant Dieu et de faire la paix intérieure. Au cours de la messe, nous chantons : «Que toute chair humaine fasse silence... Qu'elle éloigne toute pensée terrestre...» «Soyons en silence», ordonne le diacre aux moments solennels de la liturgie.

Cette paix, ce silence sont les conditions nécessaires pour que la prière soit efficace. L'être qui s'élance dans la prière avec agitation ne peut prier. Certes, cette paix et ce silence ne sont pas encore ceux que l'âme acquerra vers la fin de la vie spirituelle, mais je dirai qu'ils sont le recueillement préparatoire, l'«effort vers». Nous avons besoin,pour bien écrire une lettre, d'un papier blanc, non raturé; il est malaisé de peindre sur une toile déjà peinte. La prière, de même, réclame un nettoyage intérieur.

Le problème du recucillement et de la paix précède donc la prière. Voici ce qui advient en général; le matin, nous essayons de prier, nous sommes alourdis plutôt qu'agités, endormis, et notre prière se traîne. L'Eglise le sait : elle n'exige pas le silence, au contraire, elle propose les psaumes d'entrée qui réveillent l'âme peu à peu, et conseille de courtes prières pour couper la journée. Mais si nous ne pouvons suivre le rythme liturgique des Heures, comment passer alors du remue-ménage des pensées au silence ?

Il existe diverses méthodes qu'il serait fructueux d'expérimenter dès la jeunesse. La plus antique est celle du spectateur. Vous êtes inquiet, angoissé ? Placez-vous devant votre état d'âme et votre conditionnement extérieur comme s'il s'agissait d'un autre. Parlez de vous-même à la troisième personne; donnez-vous un diminutif un peu ridicule ou un nom solennel. Je penserai, par exemple, pour moi-même: aujourd'hui monseigneur est plus agacé que charitable. Saint Séraphim de Sarov disait de lui-même : «le pauvre Séraphim». Cette méthode doit être pratiquée dans les bons comme dans les mauvais moments. En effet, si vous avez secouru votre frère ou si vous avez ressuscité un mort (tout dépend de vos capacités), alors, plus que jamais, parlez de vous à la troisième personne.

Le maréchal Foch affirmait que les vrais militaires ont terriblement peur, et qu'il faut s'habituer à ne pas avoir peur de la peur. Seuls les insensés ne craignent rien: ils meurent héroiquement, se jettent sans réflexion sur l'ennemi qui les tuera avant qu'ils aient pu agir, et ils n'apportent rien au combat. Le courage consiste à ne pas avoir peur de la peur, la sérénité intérieure à ne pas avoir l'angoisse de l'angoisse, ni de sentiment sur son propre sentiment. Regardons-nous en spectateurs, nous ne sommes pas le centre de l'humanité... regardons-nous.

La seconde méthode est celle d'Ambroise d'Optina : «Fais de toi rien, afin que Dieu fasse de toi I' univers»; autrement dit, c'est «faire le vide», stopper les pensées, les désirs, les jugements sur les autres et sur soi.

Etes-vous capable de vous asseoir et soudain de ne rien faire, de n'être rien ? Alors, c'est parfait. Mais j'ai l'impression que ce n'est pas facile, car aussitôt affluent les images et les soucis. Songez alors : « tout ce que j'ai fait, tout ce que je fais, tout ce que je dois faire, tout ce que je n'ai pas fait n'a aucune importance, et si je dois demeurer dans l'état où je me trouve pour l'éternité, que Dieu soit béni !» Videz votre être intérieur, arrivez au néant.

Très proche d'elle est la troisième méthode: celle des «deux possibilités». Une des inquiétudes humaines réside dans le choix. L'homme peut choisir la vie spirituelle ou matérielle, dans la maladie il peut guérir ou mourir, etc. Ces deux possibilités suscitent le trouble, et le plus grand est l'hésitation. Une attitude fausse est préférable à l'hésitation. Les Pères enseignent de ne jamais s'immobiliser dans l'indécision, entre deux chemins. Celui qui hésite est un perpétuel déserteur. A la guerre, il y a deux moyens pour ne pas être tué : attaquer ou «filer», et sera certainement tué celui qui se demandera s'il doit attaquer ou reculer. En face de votre péché, l'hésitation est l'attitude la plus dangereuse.

Le choix appelle deux décisions. La première : je choisis ce qui m'est facile, je renonce à la vie parfaite, spirituelle et monastique, je m'occupe de mon commerce, Dieu me pardonnera, je choisis une bourgeoise petite route. La seconde : je choisis la prière et le Christ, supprimons le confort, les voitures et la quiétude. Le choix semble, à première vue, aisé. Figurez-vous que non. L'être humain, la plupart du temps, est composé de sentiments si différents, «complexes» comme dirait notre langage moderne, qu'il n'a pas la force de choisir totalement son but. Jean de Cronstadt disait que l'on doit se jeter dans la décision comme dans le feu, et Mgr Winnaert déclarait, dans un de ses sermons, que pour aller vers la sainteté, il suffisait de dire : à partir de cette seconde, je me jette dans la sainteté, mais on ne le fait pas. Si l'on choisit, aussitôt - telle est la nature humaine - une foule d'arguments contraires se précipitent. La voix de la décision est celle des grands êtres, dans le péché ou la sainteté. Elle n'est valable que si l'on sacrifie patiemment tout au but.

Il existe un autre chemin pour atteindre la paix avant la prière: accepter les deux possibilités en se remettant àDieu. Ce n'est pas une hésitation, mais un «refus de choix». Demain, je serai riche ? J'accepte. Je serai pauvre ? J'accepte. Je suis un raté ou un génie ? Comme Dieu voudra. La répétition de cette phrase nous donnera la paix.

C'est donc la troisième méthode, après celle du spectateur et du vide - renoncer au choix lorsqu'il se présente. Vous pouvez même aider votre âme intérieure en pensant que l'insuccès est aussi utile en Dieu que la réussite contre Sa volonté et vous fortifier par l'exemple de certaines vies dites ratées, supérieures spirituellement à tant d'autres taxées de merveilleuses. Combien sont des morts-vivants dans l'abondance ou le succès.

Il est donc nécessaire de s'incliner devant les deux possibilités : j'accueillerai cette journée, qu'elle soit faste ou néfaste. Je viens de prononcer les mots : faste et néfaste. J'ai remarqué que l'influence de l'astrologie ou autres sciences du faste et néfaste diminuent beaucoup d'âmes en les plongeant dans l'inquiétude. Je reconnais que cette tension a pu parfois développer la sensibilité de certains esprits et que la Providence tire souvent le bien de l'équivoque, mais il est aussi certain que cela risque d'altérer le jugement.

Après ces trois méthodes: spectateur, faire le vide, et les deux possibilités, nous envisagerons les deux dernières. Je sais, nous sommes tellement accoutumés à tendre notre âme vers quelque chose, qu'il nous est difficile d'accepter ou de nous arrêter dans le vide, ni passé, ni présent, dans le «je ne suis rien». A ce propos, faites une expérience, pensez : Si l'on m'ordonne de tracer des cercles sur la place de la Concorde, ou de planter un arbre les racines en l'air, je le ferai. Ah ! si vous pouvez intérieurement faire n'importe quoi, vous dépouiller de la «jugeotte» inutile qui anéantit notre intelligence, alors vous n'êtes rien. Ne vous y trompez pas, les hommes intelligents ne «pensent» pas, et dès que l'on «pense» - dans le sens vulgaire de ce mot -, on n'est pas intelligent. Les êtres qui aiment profondément, sont-ils distraits par de petits désirs ? Un proverbe russe nous apprend que: «Seuls les dindes et les crétins pensent».

On ne peut malheureusement demander à tous de ne pas penser. Sans doute avez-vous remarqué que les gens bêtes pensent énormément; ils «mijotent», ils jugent, ils composent, ils réagissent, ils protestent, ils approuvent, toujours en mouvement.

L'Eglise nous offre une quatrième méthode : «nous accrocher à une idée fixe». C'est une forme d'entêtement, le principe de la prière répétée, du chapelet, mais avec une pensée. Admettons que ce qui compte pour moi est de prononcer 600 fois par jour le Nom de Jésus, ou de m'appliquer durant tant de minutes à telle pensée. Ayant posé ce but unique, le reste perdra de son importance. Cette conduite me procurera l'équilibre et m'enlèvera l'inquiétude.

Ajoutons, enfin, la cinquième et dernière méthode: incruster dans son esprit: «Rien ne m'est dû». Les agitations, en général, ont comme source la prétention que telle ou telle chose nous est due, que l'humanité doit agir avec nous de telle ou telle manière.La prétention est le sol de l'inquiétude. «Comment! Il m'a abandonné. Il n'a pas reconnu le bien que je lui ai fait ! On me traite avec injustice. Dieu ne me comprend pas !». Et la crise est née. Mais si vous considérez que rien ne vous est dû, ni le salut, ni la santé, ni l'amitié, si vous vous émerveillez de ce que vous avez des yeux pour voir, une bouche pour embrasser ou pour manger, et que, de plus, vous tenez debout, si vous pouvez faire une liste des dons reçus, en constatant: tiens, j'ai encore cela, la sérénité sans crépuscule montera dans votre coeur.

Une seule expression du Christ réunit ces cinq méthodes: «Bienheureuxles pauvres en esprit». Car, en réalité, le spectateur qui se regarde se dépouille, celui qui fait le vide se dépouille, celui qui décide ou celui qui se confie en Dieu se dépouille, celui qui ne prend que l'essentiel se dépouille, sans parlerdu dernier qui ne réclame rien. Pauvreté en esprit.

Ne l'oubliez jamais: la loi de progression de la vie spirituelle est de ne point soumettre son âme aux jugements abstraits ou à sa propre utilité. Je m'explique. Du point de vue objectif, il est exact de concevoir, par exemple, qu'ayant travaillé toute sa vie pour sa famille, il serait normal qu'elle ait de la reconnaissance. Oui, c'est exact, mais votre âme sera troublée. Tandis que si vous dépassez le jugement objectif, vous serez susceptible de prier.

Parvenons, peu à peu, à ne pas être touchés par le monde des appréciations passionnelles, métaphysiques, philosophiques. Pénétrons au sein du monde intérieur d'équilibre et de paix. Ce dernier exige, du moins provisoirement, le sacrifice du jugement dit objectif. Considérez ce paradoxe d'un saint qui, ayant atteint le sommet de l'humanité, se regarde - et ceci très sincèrement - comme «un avorton». Parlant avec un pécheur puant le péché, il se juge inférieur à lui. Il est indéniable que ce plan spirituel nécessite le non-jugement. Celui qui dressera la liste suivante: Je suis jeune, lui non, je suis chaste, il est débauché, j'ai donné ma fortune aux pauvres, il exploite les malheureux, arrivera automatiquement à la conclusion suivante: Il est pécheur et moi beaucoup moins que lui. Ce sera la vérité, mais un arrêt immédiat de la vie spirituelle. Féconde antinomie, l'accroissement spirituel n'a rien à faire avec le jugement ! Faut-il rejeter le jugement ? Non, il réapparaitra dans l'âme fortifiée, sur un plan objectif qui ne la troublera plus. Ne posons pas le pourquoi métaphysique, adoptons l'attitude qui donne la sérénité et la paix, afin que, soudain, la prière gonfle ses bourgeons et s'épanouisse.

Qu'importe la conquête du monde entier, si notre âme s'abîme. En cela, notre âme est supérieure à l'univers.

Attention ! Ici arrive le tricheur, il questionnera sournoisement: «Le salut de ton âme est donc supérieur ?» Répondez : «Non, le salut de mon âme n'est pas supérieur au monde, mais le travail vis-à-vis de mon âme l'est bien». La conception du salut de l'âme a été déformée. On s'imagine que l'accomplissement de certaines actions conduit «au Paradis». Non ! ce qui conduit au Paradis, c'est le désir de sacrifier certaines choses pour se reposer dans la paix intérieure, et cela ne peut pas être l'égoisme, car je sais que mon âme ne m'appartient pas, qu'elle m'est confiée et que je ne suis qu'un artisan.

Tout réussit avec la persévérance. L'homme le sait consciemment et inconsciemment, et un grand nombre de romans et de films l'illustrent. La parabole moderne du chercheur de pétrole dont l'obstination est récompensée en est une des images. Même lorsque l'espoir s'éloigne, il faut continuer ou recommencer. L'Évangile le précise - le déserteur s'en va à moins cinq -: celui qui persévère jusqu'à la fin sera sauvé.

En effet, ces méthodes ne donnent pas de résultat au début, les résultats ne sont pas rapides. Examinons, alors, ce qui nous gêne; comme le ferait un ingénieur consciencieux, chacun construit personnellement son âme, les autres n'ont la possibilité que de fournir des conseils et des coups de pouce.

Et, bien que les saints nous communiquent un enseignement universel, chacun le fait selon sa manière propre. Il n'existe pas de règle générale. C'est pour cette raison que Notre Seigneur nous prévient: «Je reviendrai comme un voleur, nul ne connaît 1' heure et le jour» . Tout est gratuit, puisque Dieu vient quand Il le veut, mais tout est en quelque sorte mérité et conquis, parce que c'est à celui qui a prié que Dieu donne. Un dernier conseil: ne lâchez pas la prière, même si elle vous ennuie. Choisissez ou recevez une formule sirnple à votre convenance et tenez ferrne ! La vie spirituelle ne fait pas irruption par des impressions et des émotions. Oh non ! Elle avance en nous silencieusement, comme un élément biologique et naturel, sensible seulement lorsqu'elle se retire.

Ces diverses méthodes sont heureusement résumées en une phrase d'Origène: «Avant de prier, détends-loi et retrouve le silence». Ce ne sont que des propositions, des instruments plus ou moins adaptés aux différents tempéraments.

La technique de la prière cache deux périls dont il faut prévoir le dépassement: des résultats apparemment trop rapides ou trop lents. Certaines catégories d'âmes commencent la prière perpétuelle, elles pratiquent, persévèrent, et rien ne vient; elles se fatiguent et se détournent. D'autres, au contraire, obtiennent des résultats immédiats et des phénomènes inattendus les envahissent, la chaleur du coeur ou l'exaltation. En réalité, celles qui éprouvent une grande difficulté ne sont pas moins privilégiées que leurs opposées. Les deux possibilités ont un double aspect. Si la lenteur aboutit au découragement, la facilité peutcréerle déséquilibre, car elle se manifeste avantque le champ de l'âme soit transformé intérieurement. Le vin spirituel a besoin d'être baptisé d'un peu d'eau.

Tout ceci nous montre que la paix préparant la prière n'est pas la paix absolue, mais une tranquillité provisoire à rechercher. Les méthodes sont des thérapeutiques qui aideront 1' âme à maîtriser le mouvant. Elles se complètent et se vérifient l'une l'autre. Revenons à celle du «spectateur»; elle recèle le danger du théâtre. Théâtre, parce que regarder ses propres souffrances est original et agréable. Dans l'autospectacle, nous sommes metteur en scène et acteur de notre âme; c 'est impossible à éviter. Un seul remède: tendre à la simplicité du coeur. Saint Grégoire le Théologien dit avec dureté et justesse: « Se prendre pour un grand pécheur est plaisant tout autant que se considérer comme saint ou génial. Mais se regarder tel qu'on est, ni plus haut, ni plus bas, semble médiocre». Là, pourtant, repose la solidité de la méthode du spectateur.

L'âme débutante en prière enregistre assez vite les impressions; la sensibilité s'affirme vis-à-vis du monde extérieur et vis-à-vis aussi du monde intérieur. Les Pères conseillent alors l'attitude apathique, l'enregistrement sans réaction des images. Aujourd'hui dans l'enfer, demain devant le Christ; aujourd'hui est faste, demain sera néfaste, peu importe, écoutez et ne tirez pas de conclusion. C'est un immense apprentissage de ne pas juger son cas ! Je dirais même, de ne pas l'apprécier, de le voir simplement. Vous pouvez vous adresser à un père spirituel, mais soyez prêt à vous incliner s 'il vous indique comme tragique ce qui vous paraît banal, et sans gravité ce qui vous semble tragique. Ici, nous devons renoncer à nous juger.

L'entrée dans la vie intérieure est accompagnée d'une foule d'impressions, de signes, de voix propices ou funestes qui peuvent précipiter l'âme dans la folie. Prenez garde ! L'homme qui laisse ses conceptions charnelles, bourgeoises, coutumières, rencontre des paysages inconnus, sans points de repère, ni lieux communs, un monde dépourvu de critères solides. Une des formes dangereuses, c'est le balancement entre ce que j'ai déjà nommé faste et néfaste, entre Dieu et le diable, tristesse et joie, vrai et non-vrai, et encore plus dangereuxest le jugement de soi-même: Je suis bon, ou je suis mauvais. Prenez garde ! Enregistrez, enregistrez seulement. En dehors de la santé de la tradition de l'Église, l'entrée dans la vie intérieure peut désaxer.

D'où l'excellence de ce principe de tous les «staretz», depuis saint Jean l'Évangéliste jusqu'à nos jours : la révélation des pensées. Ce principe n'est pas éloigné de la psychanalyse - les psychanalystes n 'ont rien inventé; il s'agit de raconter, de se raconter ou de raconter à Dieu ce qui se passe en soi sans aucun commentaire, dire objectivement: J'ai envie de ... tuer, de mourir, de prier. Est-ce bien, est-ce mal ? Suis-je coupable ou innocent ? dans le vrai ou le faux ? Je ne m'en occuperai pas. Je le répète, dans la vie spirituelle, ce qui paraît vrai peut être faux, et c'est naturel. Nous vivons avec des données extérieures, nivraies, ni fausses, mais dont nous avons pris l'habitude, l'accoutumance: obéir à maman, serrer la main à ceux que l'on rencontre, aller à l'église, gagner son pain. C'est ainsi. L'humanité entière vit selon des conditions et des lois qu'elle a acceptées, conditions et lois bien relatives, souvent discutables et jusqu'à quel point non absolues ! Mais elles contribuent à un équilibre extérieur. Conçues par l'expérience, elles sont, bien qu'imparfaites, empreintes de stabilité. Nous en avons une image dans la réforme de l'éducation des enfants. Les Américains, affirmant qu'il ne faut les contrarieren rien, les enfants dépassent la mesure et touchent parfois le crime. Bien entendu, l'application du fouet et des disciplines trop dures de l'Antiquité était aussi coupable. L'équilibre ne se saisit pas aisément.

Nous sommes des apprentis dans la vie spirituelle, moins que des apprentis, livrés à une expérience nouvelle, le rythme de la prière. Alors, semblables à des reporters - des reporters qui seraient sérieux au sein d'une société inconnue, écoutons en suivant une extrême prudence. Le processus de la compréhension d'un peuple et du monde intérieur est identique; l'un comme l'autre demande une longue patience. On observe d'abord les coutumes sans le moindre préjugé, comme on observerait la vie des papillons, puis ce n'est qu'après avoir renoncé à peser les valeurs, que peut s'ébaucher le premier jugement. Vous avez à transformer votre ancien marché, ou Uniprix, en temple de prière. La différence entre l'Uniprix et l'Église, c 'est que le premier apprécie la marchandise avant d ' acheter, tandis que la deuxième accepte sans Juger.

Quand Notre Seigneur déclare: Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés, Il s'adresse en premier au jugement porté sur notre frère, mais nous sommes aussi notre propre frère. Voici la raison pour laquelle une véritable confession est si rare. En 20 ans de ministère, je n'ai entendu que deux ou trois confessions vraies, les autres sortaientde l'Uniprix. La majorité des pénitents arrivent à la confession avec leur solution personnelle; le prêtre n'a qu'à s'incliner.

Exercices pratiques - Le JE personnel.

L'idée-base du premier chapitre était le théocentrisme, celle du deuxième est la méthode pour retrouver le «JE» personnel, en le libérant des «MOI» agressifs et du conditionnement extérieur.

1- Expérimenter les 5 techniques de la paix intérieure: - le spectateur, - faire le vide, - les deux possibilités ou le refus du choix, - la concentration sur une idée, - «rien ne m'est dû»,
en appliquant environ 5 minutes chacune de ces 5 techniques (25 minutes) aux inquiétudes, aux soucis, aux épreuves.
2- Répéter cette expérience au moins 7 fois et noter les résultats.
3- Noter la technique qui semble la plus efficace, sans toutefois rejeter les autres.
4- Persévérer dans cette technique jusqu'au jour où le JE devient transcendant à toute influence.

Auto-questionnaire

1- Ai-je fait l'expérience ?
2- A quelle sorte d'inquiétude, de souci, d'épreuve l'ai-je appliquée ?
3- Quelle est, des 5 techniques, la plus efficace ?

(La suite arrive)
.

Revenir au sommaire