Littérature populaire et prescience prophétique

Le cas de la bombe atomique

On a beaucoup parlé, en particulier Weber et Gauchet, du “désenchantement du monde”, conséquence inéluctable selon ces auteurs de l’évolution des croyances collectives selon les étapes définies par Auguste Comte1, du polythéisme au monothéisme, puis à la métaphysique et enfin à la raison triomphante. Mais le monde n’est vraiment désenchanté que pour ceux qui le veulent tel et refusent d’accorder quelque importance aux faits qui ne rentrent pas dans le cadre de leur vraisemblance. L’an dernier paraissait un ouvrage de Michel Meurger consacré à la genèse, dans la littérature de science fiction, du mythe des enlèvements de terriens par des extraterrestres, ouvrage salué par l’écrivain de science fiction Gérard Klein, dans les colonnes de La Recherche2. Meurger s’insurge contre l’idée que la littérature d’anticipation pourrait avoir la moindre dimension prophétique. L’imagination de ces auteurs refléterait les problématiques conscientes de leur temps et, s’il leur arrivait de prédire quelque événement futur, ce ne serait que hasard, coïncidence dénuée de sens, accident de plume. La chaîne causale qu’il envisage commence par la vulgarisation scientifique, laquelle inspire des écrits d’imagination dont les thèmes seront empruntés ensuite par les croyances. Meurger précise : “L’imaginaire se construit à partir du réel”, et Klein va jusqu’à parler d’un “emprunt besogneux”. Cette déclaration solennelle prouve au moins que certains auteurs de science fiction ignorent les développements de la science tout court. Comment maintenir de nos jours une image insulaire de l’homme, ou tout au moins de son psychisme, l’idée que la conscience ne sort pas des limites d’espace et de temps imposées par les dimensions de la boîte crânienne, et que toutes les informations qu’elle reçoit sont forcément véhiculées par les sens, la lecture des journaux ou la vision des étranges lucarnes télévisuelles, et le chantage affectif de l’entourage ? Comment, alors que le cerveau humain est matière, nul de ces champions de la rationalité ne nous contredira sur ce point, et que la matière obéit à des lois plus exotiques que le miroir d’Alice ? Gérard Klein a droit à toutes les croyances qui lui font plaisir sur sa propre activité d’écrivain. Il n’empêche que certains romans de la littérature populaire d’anticipation ont réellement prédit des événements ou des inventions réalisés par la suite, et que ces “coups au but” peuvent être pensés au travers d’un autre cadre conceptuel, celui que nous offre la science contemporaine la plus “dure”.
Déjà en son temps, le physicien Pauli s’était intéressé à des coïncidences inexplicables rencontrées par Jung dans sa pratique clinique. On connaît l’exemple classique du scarabée, que nous résumerons brièvement. Une des patientes de Jung ne parvenait pas à progresser dans son analyse, ses défenses étant trop fortes. De guerre lasse, Jung tente une dernière séance. Au moment où la dame annonce : “J’ai rêvé d’un scarabée”, l’un de ces insectes se cogne à la vitre. Le choc émotionnel étant venu, le travail put reprendre et, cette fois, efficacement. Après une expérience systématique sur ce type de coïncidences signifiantes, Jung et Pauli avaient élaboré une théorie des synchronicités, ou liaisons non causales, intervenant dans la construction du réel au même titre que les chaînes causales. Cette théorie, après tout, n’était guère plus paradoxale que le comportement de l’électron. Elle avait au moins le mérite de chercher à penser des phénomènes déroutants plutôt que de les rejeter dans la célèbre poubelle de l’histoire.
Depuis l’époque de Pauli, la physique a progressé et les points les plus paradoxaux de la théorie quantique ont pu être vérifiés au laboratoire. Nous voulons parler ici de l’expérience d’Aspect. Elle montre définitivement le caractère non local des particules qui composent la plus tangible des matières. Chaque particule, en fait, s’étend sur tout l’univers et n’a qu’une “probabilité de présence” un peu plus forte en un point précis de l’espace-temps. De plus, deux particules ayant interagi ou allant interagir sont liées au point qu’on les déclare “non séparables”. La vision d’un univers décomposable en briques individualisées, n’ayant entre elles que des interactions de surface analogues au choc de boules de billards, est définitivement abandonnée. Mais l’une des conséquences de l’expérience d’Aspect veut que tout soit interdépendant dans l’univers, au niveau le plus fondamental, et que l’espace-temps soit tissé de cette interdépendance. En d’autres termes, au niveau de ses particules constituantes, la pelure d’oignon qu’un enfant sumérien faisait flotter sur l’eau d’un canal, il y a plus de 5000 ans, n’est pas séparable de l’étoile qui explosera dans 5 milliards d’années au sein de la galaxie d’Andromède.
La grande différence entre la pelure d’oignon et notre cerveau, c’est que ce dernier, d’une façon encore inexpliquée, voit son activité se traduire par de la conscience. Nous ne dirons pas qu’il la produit. Tous les efforts de preuve en ce sens ont échoué et ce que les psychophysiologistes nomment le “parallélisme corps/esprit” n’est pour l’instant qu’une croyance prise comme axiome. Tous en conviennent3. Encore parallélisme n’est-il pas cause, et si l’on parvenait à démontrer une corrélation sans faille, cela n’indiquerait rien de plus sur une éventuelle causalité4. Franchir ce hiatus logique serait encore privilégier une croyance. Mais admettons l’axiome du parallélisme. A quel niveau physique faudrait-il le renier ? Les molécules chimiques connues sous le nom de neurotransmetteurs interagissent, comme toute molécule chimique, par échange ou partage d’électrons et ces derniers obéissent aux lois de la physique quantique. C’est à dire qu’ils sont, fondamentalement, non séparables de l’ensemble de l’univers.
Un univers non séparable rend caduque l’absolutisation de la méthode cartésienne de découpage à l’infini du réel en parties constituantes. Il rend plus que douteuse l’insularité de la conscience humaine, si le parallélisme corps/esprit est pertinent. Le véritable problème ne serait pas la réception par le cerveau humain de toute l’information contenue dans l’univers, passé, futur ou lointain autant que proche, mais le filtrage de cette information pour n’en laisser émerger qu’une infime parcelle, ce qui nous renseigne sur notre environnement immédiat pour une activité presque aussi immédiate. Mais de récents travaux cherchant une théorie grand unifiée vraiment solide5 suggèrent que la non séparabilité des constituants ultimes de l’énergie-matière n’empêche pas que l’univers soit structuré, et structuré de manière fractale. Nous avons bien dit l’univers, c’est à dire l’espace-temps. Là encore, si le parallélisme corps/esprit a quelque consistance, il nous faut tenir compte de cette fractalité et soutenir qu’elle doit se refléter dans la structuration de notre psychisme et peut-être celle des filtres qui nous rendent inconscients, la plupart du temps, de ce à quoi nous participons par toutes les molécules de notre corps. Nous ne saurions admettre en raison, après avoir accepté l’axiome du parallélisme, que ce dernier s’arrête à un niveau plutôt qu’un autre de la structure, et de préférence celui qui arrange quelques écrivains et quelques spécialistes des “sciences humaines” dont le cadre conceptuel n’a pas évolué depuis le positivisme de Comte. Et qu’on ne nous objecte pas que les lois quantiques n’ont pas d’effet macroscopiques. Ce sont des effets quantiques qui permettent d’expliquer avec précision le balayage de l’écran de télévision, et qui sont pris en compte, par exemple, dans la fabrication des colles modernes. Les simples colles qui permettent de réparer la potiche de tante Gertrude...
Si notre hypothèse est correcte, alors nous pouvons déjà en tirer quelques conséquences. Le filtrage de la conscience nous permet de limiter l’information que nous prenons en compte pour notre vie quotidienne. Mais il serait impensable, illogique, que ce filtrage soit totalement efficace. Ce serait la négation de ce qu’on nomme, en physique, l’effet tunnel qui permet à une particule de s’échapper, de manière imprévisible, d’un puits de potentiel ou même d’un trou noir. Aucun confinement, selon la théorie quantique, ne peut jamais être absolu. Aussi solidement verrouillé que puisse sembler notre psychisme, le parallélisme corps/esprit implique que surgissent, de temps à autre, des intuitions qui transcendent les limites spatio-temporelles de notre présence corporelle au monde, ou de notre boîte crânienne, que des pensées soient partagées, que des ressacs du futur nous assaillent.
Sur le filtrage, d’ailleurs, nous pouvons émettre aussi quelques hypothèses. Comme tout le vivant, il sera le fruit de l’évolution ou plutôt de cette autre loi fondamentale de l’univers qu’est la complexification dans le sens de la flèche du temps6. Nous l’avons plus que probablement hérité des primates, mais lui aussi a évolué avec l’hominisation. Il reste qu’une de ses bases les plus profondes doit être le conditionnement par les nécessités de la survie, le balancement comportemental “combattre ou fuir” qui régit encore l’équilibre noradrénaline/sérotonine dans notre cerveau. La complexification des rapports sociaux, l’apparition du langage, la diversification culturelle viennent ensuite. Il se pourrait que les contraintes qui limitent dans notre conscience l’information “utile” se résument, en définitive, à des phénomènes de croyance confortés par le consensus collectif. Mais, même une contrainte collective extrêmement prégnante ne pourrait jamais être absolue, sauf à rejeter l’axiome du parallélisme. Et si on le rejette, alors corps et esprit ne peuvent être que des réalités totalement indépendantes l’une de l’autre, et il faudrait en revenir au dualisme cartésien, avec toutes les conséquences que cela implique.
Les différentes écoles de psychanalyse ont commencé de jeter quelque lumière sur ce filtrage, du moins en ce qui concerne ses composantes affectives. La “censure” freudienne serait l’un des filtres les mieux étudiés à l’heure présente. Nous savons que son franchissement est non seulement possible mais courant, mais surtout qu’il entraîne un phénomène de distorsion. L’information qui la traverse ne devient consciente qu’au prix d’un “déguisement”. Nous savons aussi que ne parvient à s’échapper que ce qui porte une charge puissante de “libido”7. Le seul fait que l’on puisse ainsi décrire les mouvements du psychisme tendrait à montrer que le parallélisme corps/esprit s’applique bel et bien au niveau quantique. Nous sommes au langage près devant la description de l’effet tunnel. Mais la théorie freudienne de la censure est incomplète, si l’on veut décrire la contribution de tous les filtres à la formation de la conscience. Elle ne permet pas de rendre compte des effets, par exemple, d’un choc émotionnel ou cognitif collectif. Ce sont de tels effets que nous allons tenter de cerner au travers des presciences de catastrophes, en particulier de la bombe atomique, éparses dans la littérature, surtout d’anticipation. Nous avons choisi la littérature plutôt que les témoignages individuels pour la simple raison que nos assertions seront ainsi contrôlables par qui voudra s’en donner la peine. Le cadre d’un article ne nous permettra pas d’être exhaustifs. Mais il nous paraît plus intéressant de penser ce que ramènent nos coups de sonde que de dresser un catalogue complet des cas de prémonition confirmés par le réel.
L’oeuvre de Jules Verne a déjà fait l’objet de tels recensements. On n’a pas manqué de s’esbaudir devant le site choisi pour le canon propulsant l’obus habité dans De la Terre à la Lune, et de sa proximité avec Cap Canaveral. Mais le système solaire, surtout le système Terre-Lune, était assez bien connu à l’époque pour qu’un simple calcul balistique lui permette de déterminer ce site pour les mêmes raisons qui l’ont fait choisir ensuite par les Américains. C’est un autre de ses romans qui a retenu notre attention, un texte peu commenté et, s’il se trouve, peu apprécié à notre époque : Face au drapeau. Le principal héros de cette histoire n’est autre qu’un savant fou, lequel met au point un explosif à faire pâlir de jalousie Nobel soi-même8, capable de faire sauter une île entière de la taille d’une ville moyenne. Il est évident qu’une telle arme était hors de portée des ingénieurs de l’époque, sinon l’on n’eût pas manqué de l’employer durant la boucherie de 14-18, et cela se saurait. Mais il est intéressant de remarquer le contexte qui entoure l’écriture de ce roman. Nous sommes en 1885. Quelques années plus tôt, en 1883, une île avait effectivement explosé, sans intervention humaine mais avec 80 000 morts, par le réveil du volcan Krakatoa, que l’on croyait éteint. Le tsunami avait déferlé jusqu’au Japon, le bruit avait retenti jusqu’en Australie, mais l’impact émotionnel, lui, n’avait épargné aucune nation sur la planète. Jules Verne s’en fait l’écho dans d’autres romans, en particulier L’île mystérieuse : là encore, il s’agit d’un volcan, d’un phénomène purement naturel. Face au drapeau suggère que l’homme peut en ce domaine égaler la nature, pour le moins. Or une telle idée ne pouvait que paraître ridicule aux hommes de son temps.
Si Jules Verne était le seul auteur de cette période à faire une telle transposition, on pourrait penser qu’il ne s’agit que d’un artifice d’écriture pour exorciser le Krakatoa, en rendant l’homme maître d’une puissance comparable. Mais vers 1880, un dénommé Roisel, dont les élucubrations passèrent complètement inaperçues et le sont encore, publiait un ouvrage qui, lui, se voulait scientifique. Il croyait à l’existence de l’Atlantide et s’attachait à retrouver à sa manière les connaissances de cette civilisation engloutie. Son livre, d’ailleurs, s’intitulait tout bonnement Les Atlantes. Au milieu du fatras qui le rendit tristement inconnu, deux phrases retiennent l’attention : “La conséquence de cette activité incessante est en effet l’apparition de la matière, de cet autre équilibre dont la rupture déterminerait également de puissants phénomènes cosmiques. Si, par une cause inconnue, notre système solaire était désagrégé, ses atomes constituants devenus par l’indépendance immédiatement actifs brilleraient dans l’espace d’une lumière ineffable qui annoncerait au loin une vaste destruction et l’espérance d’un monde nouveau.” Il n’est pas question chez Roisel de bombe d’origine humaine. Mais ces deux phrases pourraient condenser, selon le même processus de distorsion que Freud repérait dans le langage du rêve, la libération de l’atome et l’explosion d’une supernova. Or la première théorie des supernovae, supposant une hyper explosion nucléaire de l’étoile, date de 1933, et fut présentée par deux astronomes de Pasadena, Zwicky et Baade.
Il est d’ailleurs remarquable que les romanciers populaires des débuts du XXe siècle, contemporains de Planck, d’Einstein ou des Curie, n’aient écrit que des sornettes sur les propriétés du radium et des autres métaux radioactifs. Un Paul d’Ivoi qui prête au radium le pouvoir de transmuter immédiatement des cailloux en joyaux n’a aucun pressentiment, même déformé, de la future bombe. Les prédictions d’un Gustave le Rouge se limitent aux usages de l’électricité et ne vont pas plus loin que les plaques chauffantes et la soudure électrique. S’il prévoit les rétrofusées, il les suppose à air comprimé et, comme pour le site de lancement de Jules Verne, un raisonnement simple pouvait lui en donner l’idée9. Tout se passe comme si, dans les années 1880, la proximité de l’explosion du Krakatoa avait suscité, avant comme après, la prescience d’autres explosions, naturelles ou provoquées, alors que la chaîne causale décrite par Meurger, de la vulgarisation scientifique à la littérature populaire d’anticipation, si on l’observe à partir de la découverte de la radioactivité, n’engendre guère que des inepties. Au dossier du Krakatoa, il faudrait d’ailleurs rattacher la naissance du mythe moderne de l’Atlantide. En 1882, soit un an avant que l’explosion volcanique, imprévisible par la raison, ne secoue l’Indonésie, Ignatius Donnely sort son Atlantide, le monde antédiluvien. Il y défend l’idée que de grandes îles et même des continents pouvaient disparaître lors de séismes ou d’éruptions volcaniques. Il s’appuie sur la traduction fantaisiste du Codex Troano, faite en 1864 par l’abbé Brasseur de Bourbourg, à partir de “l’alphabet maya” qu’avait cru déchiffrer le conquistador Diego de Landa. Brasseur de Bourbourg obtient un texte bizarrement cohérent qui décrit une éruption volcanique cataclysmique. En bonne logique, avec les matériaux de Landa, il avait les plus grandes chances de n’aboutir à rien du tout, ou alors à n’importe quelle histoire imaginaire. Pourquoi le volcan plutôt qu’autre chose, 19 ans avant le Krakatoa ? Il y aurait ainsi à prendre en compte des chaînes sémantiques plus complexes que de “simples” prémonitions.
Il arrive que l’information passe à rebrousse-temps pratiquement sans déformation. On connaît l’exemple classique du roman de Morgan Robertson paru en 1898 et décrivant le naufrage du paquebot “le Titan”. Tout concorde avec la catastrophe du Titanic en 1912, le nombre de tonnes jaugées par le navire, sa longueur, le nombre de passagers et l’iceberg heurté dans la brume d’avril lors du premier voyage. L’époque (avril) et les circonstances (brume, premier voyage) sont exactes. Il y aurait d’autres exemples. L’année même de ce naufrage, en 1912, Adolf Lang, cistercien défroqué devenu fondateur et grand maître en 1900 d’un Ordre du Nouveau Temple, publie dans sa revue Ostara une prophétie qui trace point par point les étapes de la vie d’Hitler, à un “détail” près, mais qui change tout : la fin de l’histoire. C’est à son “héros” qu’il prête la maîtrise de “la véritable puissance d’Odin”. Il ajoute : “Il fera connaître à ses ennemis le feu du ciel qui sera à son service et frappera la Terre avec plus de violence que mille éclairs10.” La doctrine “ésotérique” d’Ostara préfigure tout le nazisme, trace les grandes lignes des théories racistes et de la mystique néopaïenne. Hitler lui-même était un lecteur assidu de cette revue, qui l’a certainement influencé. Il semble difficile malgré tout qu’il ait pu programmer les étapes de sa propre vie avant sa prise de pouvoir, en particulier son arrestation par les autorités allemandes, en conformité avec les rythmes temporels annoncés par Lang (tant d’années pour telle phase, tant d’années pour telle autre, etc.). Or la prophétie de 1912 se réalisa point par point, dans les délais prévus, sauf, heureusement, la fin. De même, les ingénieurs du Titanic étaient en mesure de connaître le roman de Robertson et, dans ce cas, le choix du nom du navire apparaît comme une provocation au destin, mais on ne peut accuser le réel d’avoir “copié” la fiction.
De telles coïncidences aussi étroites et précises (Lang ne s’est trompé, ou n’a trompé son monde, que sur le maître de la foudre finale mais il a su qu’elle frapperait avec la force “de mille éclairs”) semblent impliquer une forme de rebouclage temporel analogue à ce qui se passe en cybernétique. On ne peut pas penser que les concepteurs du Titanic ni les policiers chargés de l’arrestation d’Hitler11 aient cherché à se conformer au texte prophétique. Mais on ne peut pas non plus penser qu’une information puisse franchir les filtres de conscience sans être davantage déformée, sauf s’il s’établit une boucle temporelle qui permet de “corriger le tir” aux deux pôles de l’événement global, en “entrée” comme en “sortie”. Or l’existence de telles boucles serait cohérente avec la fractalité de l’espace-temps. Celle qui ricoche ainsi en 1912 atteint en fait l’époque de Robertson puisque, en 1896, un écrivain anglais nommé M. P. Shiel publie une nouvelle intitulée Les S. S. Il y décrit les agissements d’une bande de criminels qui se chargent d’épurer l’humanité des familles qui, selon eux, nuisent à son progrès. Ils sévissent dans toute l’Europe et, précision qui ne s’invente pas, brûlent les corps de ceux qu’ils assassinent. Ce texte aussi fait partie des classiques de la prescience.
On peut se demander jusqu’où remonte la chaîne sémantique qui relie Hiroshima (et toute la seconde guerre mondiale) au Krakatoa. Il est possible qu’on en trouve l’écho jusqu’au XVIe siècle, avec la prophétie tout aussi célèbre de Mother Shipton (1488-1561). En voici le texte, qui nous semble anticiper la seconde guerre mondiale : “Lorsque les femmes s’habilleront comme des hommes et porteront des pantalons, lorsqu’elles couperont les boucles de leurs cheveux, lorsque les images paraîtront vivantes et libres dans leurs mouvements, lorsque les bateaux tels des poissons nageront sous l’eau, lorsque les hommes surpassant les oiseaux voleront dans les airs, alors la moitié du monde, profondément imprégnée de sang, mourra.” La garçonne, le cinéma, le développement des sous-marins et de l’aviation, nous sommes bien dans l’ambiance qui précède la conflagration de 39-45. Ursula Shipton s’offre le luxe de dater cette prophétie, mais cette date n’a pas de sens, sauf si l’on admet un phénomène de rebouclage complexe. Elle prévoit, semble-t-il, ces événements pour 1982, ce qu’une édition du XIXe siècle corrige en 1882. Nous voici revenus à la “vague” déclenchée par le Krakatoa. Dans cette correction de dates, le processus de rebouclage affleure.
Peu avant 1939, paraît en Angleterre ce qui est sans doute le roman le moins connu de John Boynton Priestley, The doomsday men12. Il faut attendre 1950 pour que les éditions Marabout publient la traduction française, sous le titre moins évocateur de Quand sonnera l’heure... Lorsqu’il rédige ce texte, Priestley est déjà un écrivain célèbre, que l’on ne peut confondre avec un littérateur de gare. Il y décrit une secte californienne mêlant des préoccupations scientifiques de haut niveau avec une mystique “ésotérique” des plus communes. Le discours commence par un constat de la misère humaine : “C’était une attaque héroïque qui n’épargnait personne : les Etats, les gouvernements, la politique, la religion, le commerce déloyal, la richesse, toute la société humaine avec ses faux dieux, ses vices et ses injustices...” (p.61) Plus loin, s’y ajouteront la pollution et la dégradation de l’équilibre naturel, l’enlaidissement des sites touristiques. Une forme d’astrolâtrie complète la doctrine, et les astres n’annoncent rien de moins que la fin du monde. Où la secte décrite par Priestley s’écarte de toutes les mystiques catastrophistes, c’est qu’elle ne se contente pas de prêcher la fin des temps, elle la prépare activement et par des moyens scientifiques. Lorsque les héros découvrent enfin le pot aux roses, trois milliardaires fanatiques s’apprêtent à passer à l’acte :
“— Eh bien, je dois admettre que le professeur Paul Engelfield MacMichael a fait une découverte sensationnelle. Il a réussi à isoler un nouvel élément qu’il a appelé paulium. La propriété essentielle de cette nouvelle matière est sa force explosive infiniment grande.(...) Il a détaché cette matière d’un minerai encore inconnu qu’il a trouvé en grandes quantités dans un endroit qu’il garde secret. Depuis près d’un an, il recueille du paulium et il en a accumulé une bonne provision dans une profonde galerie de cette vallée. Et il veut faire exploser ce paulium, grâce à une prodigieuse décharge électrique. (...) Il présume que l’effroyable violence de l’explosion jettera la terre hors de sa trajectoire habituelle. (...) Mais je doute qu’il atteigne son but. J’ai vu qu’un atome de cette matière pouvait lancer un lourd bloc de plomb à des kilomètres de distance. Mais la terre est un tel bloc de granit que je ne puis imaginer qu’ils réussissent à la faire dévier de sa carrière. (...) Il est certain qu’une semblable explosion causera une effroyable catastrophe. La Californie et probablement une grande partie de l’Amérique occidentale seront mises en pièces, déchiquetées et disparaîtront à tout jamais dans l’océan.”
Un peu plus loin, comme l’un des trois héros prisonniers de la secte suggère de convaincre leurs gardiens de se rebeller contre leurs chefs, un autre fait remarquer : “Ils considèrent John MacMichael comme un être supérieur, ou plutôt comme un être élu. Ils le révèrent, le suivent aveuglément et lui obéissent à la lettre. (...) Les instruments aveugles de MacMichael mourront avec joie. Ne croyez donc pas que nous pourrons en persuader un seul de jouer notre jeu.” Les chefs de la secte eux-même s’expliquent sur leurs motivations. L’un a découvert la souffrance des hommes et le seul moyen de l’éradiquer : tout détruire, ce qu’il considère comme “le plus grand bienfait (qu’il pouvait) accorder à l’humanité.” Le second, le savant fou, voit dans cette tentative sa “plus haute expérience scientifique” et “un acte d’omnipotence qui (le) remplit d’une immense satisfaction.” Quant au troisième... : “Il y a une grande différence entre mes frères et moi, une différence essentielle. Ils acceptent la mort comme une délivrance de la douleur ; moi et les miens, par contre, nous l’acceptons comme un retour vers une vie plus élevée. J’ai lu les signes dans les étoiles, et quoique mes frères le nient, je sais que cette planète, après sa destruction, sera reprise dans la Légion de Lumière.” Ajoutons que la base de la secte se trouve dans le désert de Mohave, ou Mojave, près de la ville de Barstow.(pp. 189-196)
Il fallait citer ces longs extraits du roman pour que, là encore, surgissent la condensation, le “déplacement” toujours conforme à ce que Freud constate du langage du rêve, et la chaîne sémantique. Priestley écrit ce texte vers 1938. La bombe atomique n’est pas réalisée, mais des rumeurs parlent déjà de sa possibilité, au moins dans quelques milieux scientifiques très spécialisés et qui ne dépassent pas une centaine de personnes dans le monde. Or Priestley ne parle pas une seconde de ce que redoutaient le plus les physiciens engagés dans cette recherche : la réaction en chaîne qui aurait anéanti toute matière dans l’univers ou, du moins, toute la planète. Il ne parle même pas clairement de la bombe qui explosera au dessus d’Hiroshima quelques années plus tard, sauf lorsqu’il situe le Q.G. des “Juges du Dernier Jour” dans le désert de Mohave. Nous assisterions là au déplacement dont nous parlions. Barstow fait plus que jeu de mots avec bars stow, “ranger des barres”, ou “barres embarquées clandestinement”. L’uranium enrichi nécessaire à la bombe avait été obtenu dans la première “pile-piscine”, installée clandestinement sous un stade de Chicago. Et une pile n’est rien d’autre qu’un arrangement géométrique de barres d’uranium. Ses héros se déplacent de Barstow vers la Sierra Nevada, nom qui signifie “montagne de neige”. L’uranium fut convoyé jusqu’à Alamogordo, proche de White Sands, “sables blancs”. Cette base de missiles inclut les San Andres Mountains. Et Priestley nomme son héroïne, la nièce du savant fou, Andrea. Ce qu’il évoque au travers du paulium condense les découvertes de l’uranium et du plutonium. Ce dernier qui, au contraire de l’uranium, n’existe pas sous forme de minerai naturel mais est un sous-produit des piles nucléaires, possède effectivement une puissance explosive considérable. La bombe d’Hiroshima utilisait l’uranium enrichi mais, quelques années plus tard, on lui préféra le plutonium pour la bombe A. Le nom de paulium s’en rapproche phonétiquement. La possibilité d’un détonateur électrique a effectivement été envisagée au cours de la recherche atomique, et l’idée est actuellement en recherche pour la bombe H. Mais, surtout, le discours apocalyptique de la secte et le fanatisme poussé jusqu’au suicide collectif plus ou moins volontaire pour rejoindre la “légion de lumière”, c’est à dire les étoiles ou plutôt les “êtres” qui les “habitent”, ne peuvent manquer de frapper celui qui relit ce roman en 1996. Ce type de secte ne faisait pas recette en 1938, où l’on préférait penser que l’on allait vers un âge d’or au travers du fanatisme politique. On ne tuait que les autres, en ce temps là. Il n’était pas davantage apparu en 1950, lors de la traduction française. Nous aurions donc dans ce livre la condensation de deux époques : la découverte du plutonium en 1940, les recherches du projet Manhattan et l’explosion expérimentale de Los Alamos ; et les sectes suicidaires des années 1980. Il se peut même, avec l’allusion à l’engloutissement de la Californie, que revienne un écho de la période précédente, celle de 1880. Tout comme la proximité de l’explosion du Krakatoa entraînait la prescience vers la désintégration de l’atome, la proximité d’Hiroshima semble avoir entraîné chez Priestley la prescience des phénomènes sectaires de la fin de ce siècle13. Remarquons que l’apparition de ces sectes correspond assez bien à la date donnée par Mother Shipton, comme si la chaîne sémantique qui unit ces prophéties opérait par ricochets sur des noeuds précis du temps. Une telle structure par “vagues” supposerait que la récursivité du temps engendre un phénomène analogue aux ondes stationnaires générées par une corde vibrante. Or c’est exactement ainsi que l’espace-temps se voit décrit par la théorie cosmologique dite des supercordes, autre tentative de grande unification que ne contredit pas celle de l’espace-temps fractal, dont elle devient une conséquence. On pourrait d’ailleurs, à partir de ce constat, se demander si les synchronicités de Jung et Pauli ne correspondraient pas à des harmoniques de telles ondes, certaines harmoniques étant plus aisément perçues que d’autres, ce qui donnerait une consistance physique autant que psychique à notre métaphore du filtrage.
La proximité d’Hiroshima a donné lieu à plusieurs autres anticipations. Nous citerons simplement la première BD d’Edgar P. Jacobs, Le rayon U, parue pendant la guerre, et qui anticipe le laser14. Le célèbre dessinateur a réitéré en 1957 avec S.O.S. Météores. Il raconte lui-même dans son autobiographie, Un opéra de papier, les ennuis que lui valut la préparation minutieuse de cette BD. Après avoir achevé ses repérages sur le terrain, il a voulu les compléter par la consultation des météorologues professionnels, son scénario décrivant en fait une guerre climatique. Il a donc soumis son synopsis aux services concernés. Mais d’autres répondirent, rien de moins que la DST qui voulait savoir d’où il tirait ses renseignements. Sans le savoir, il avait rejoint par l’imagination un dossier sensible, alors en recherche dans les milieux militaires. Dans sa BD, le contrôle climatique s’opère à l’aide de “radars spéciaux”, donc par ondes. Il n’est pas inintéressant de constater que de très sérieux instituts de recherche occidentaux ont émis l’hypothèse que la sécheresse de 1976 en France et le froid anormal de l’hiver 76-77 aux USA avaient pu être provoqués par une expérimentation sur les ondes à extrêmement basse fréquence. Mais il a fallu attendre mars 1993 pour que la non moins sérieuse revue Science et Vie se fasse l’écho d’une partie de ces recherches dans un dossier sur les armes nouvelles. Même si les hypothèses de 1977 n’étaient pas entièrement exactes, le seul fait qu’elles aient été envisagées suggère une forme de prescience dans S.O.S. Météores. Elle pose d’ailleurs un autre problème, celui de la confusion, dans ces chaînes sémantiques, du réel et du virtuel, de la certitude et de l’hypothèse. Voire l’anticipation d’expériences de “vécus mythiques” où se mêlent états de conscience modifiés, vacillements de la perception ordinaire du monde et “romans culturels” ou imaginaire collectif. L’étude des ressemblances étroites entre la SF des années 30 et le phénomène OVNI, entamée par Bertrand Meheust dans son ouvrage Science Fiction et Soucoupes Volantes, ouvre à cette problématique de la prescience des émergences mythiques15.
(Suite p.10)
Meheust lui-même reste dans une vision “classique” du temps. Son hypothèse suggère qu’après un temps d’incubation dans l’imaginaire et la littérature, une thèmatique peut “cristalliser” et ressurgir dans le vécu. Il n’envisage pas le rebouclage ou la causalité circulaire que nous proposons ici. Mais il a le mérite de se demander d’où viennent et l’inspiration des romanciers et les vécus mythiques, peut-être paranormaux, qui leur correspondent. La perspective “désenchantée” dans laquelle Meurger reprend la question referme le dossier sans poser les vrais problèmes que nous venons d’évoquer, et le coup de chapeau de Gérard Klein ne fait que pousser plus à fond le verrou. Mais, répétons le, ni Meurger ni Klein ne s’aperçoivent qu’en défendant la thèse de l’homme à la fois insulaire dans sa conscience et soumis à la pression sociale, extérieure et médiatisée, ils s’enferment dans une aporie. Ils ne peuvent que se trouver en contradiction soit avec l’axiome communément accepté du parallélisme corps/esprit dans les neurosciences, soit avec la physique fondamentale.
Ce ne sont là, encore une fois, que des coups de sonde. Nous trouverions sans difficulté d’autres exemples, mais notre but, répétons le, n’est pas d’en offrir le catalogue exhaustif mais de penser ce phénomène de ressac du futur. Il est probable aussi que paraissent, de nos jours, des romans populaires anodins qui laissent surgir les échos de notre avenir, échos que nous ne pourrions sans doute pas reconnaître comme tels et dégager de l’imaginaire pur, puisque nous n’avons pas encore de point de référence pour faire le tri. Là où nous avons déjà quelques éléments, puisqu’il s’agit de notre présent, quelques “coups au but” émergent déjà. Ravage, de Barjavel, publié en 1943, décrit un effondrement social consécutif à la privation totale et subite d’énergie électrique. Les scènes d’émeutes et d’impuissance des autorités ont comme un avant-goût de vécu, quoique pas à cette échelle. Certes, Barjavel fut largement pillé et son ouvrage finit par donner naissance à un “genre” de la SF, le “post-cataclysme”. De même, Philip K. Dick, en 1964, dans Simulacres, imagine une société qui se croit en guerre mondiale et suit à la télévision les interventions d’un président virtuel, alors que les hommes des deux “camps” servent d’esclaves à leur insu pour assurer le confort d’une poignée de privilégiés. Là encore, l’échelle est exagérée, mais de récents scandales ont prouvé que les informations télévisées véhiculent déjà de tels reportages virtuels ! Mais Brasseur de Bourbourg et Donnely, et même Jules Verne avaient aussi tendance à exagérer leur prescience, comme par un effet de loupe grossissante. Pourtant, à lire Meurger et Klein, il semble que la possibilité même, la simple hypothèse que notre cerveau soit non séparable du reste de l’univers et que cela se traduise de temps à autre par des ricochets temporels soit déstabilisante. Il leur faut se hâter de l’exorciser comme on repoussait autrefois les démons aux enfers. Alors, avec cette anthropologie rationaliste, à quoi avons nous affaire ? A une croyance ou à un projet sur l’homme ? Un projet qui nous laisserait désarmés devant une réalité qui le battrait en brèche, ou autoriserait toutes les manipulations si les décideurs ne partageaient pas, eux, cette vision des choses. Une chose est certaine, en tout cas. Tant que les sciences humaines s’accrocheront à une conception de l’espace, du temps et de la matière périmée depuis le début du siècle, et préféreront imposer une philosophie ou un modèle a priori de l’homme plutôt que de se soumettre, comme toute autre science, à l’obligation de cohérence16 et de vérification par les faits observables, elles n’existeront tout simplement pas en tant que sciences.

1. Auguste Comte, 1798-1857. Son Cours de philosohie positive, 1830-1842. Ce qui ne rajeunit pas cette vision du monde.
2. Michel Meurger, “Alien Abduction”,
Scientifiction n°1 vol.1, Amiens 1995.
3. Gérard Klein, “Archéologie des soucoupes volantes”, La Recherche, mai 1996.
4. Voir en particulier sur ce sujet la remarquable étude de Claude Debru, Neurophilosophie du rêve, Hermann, Paris, 1990.
5. Il s’agit d’un pont aux ânes des études statistiques. Admettons que les calculs montrent l’existence d’une corrélation entre un phénomène A et un phénomène B. Il est impossible d’en inférer que A soit cause de B ou B cause de A. La corrélation mise en évidence serait exactement la même si A et B dépendaient, par deux chaînes causales différentes, d’un troisième phénomène C.
6. On appelle “théorie grand unifiée” une théorie qui puisse englober et ramener à une loi unique les quatre interactions fondamentales de la physique : électromagnétique, nucléaire forte, nucléaire faible et gravitationnelle. Les travaux sur l’espace-temps fractal ont été presque exclusivement publiés en anglais, mais un article en français s’en fait l’écho : Laurent Nottale, “La relativité fractale”, Pour la Science, septembre 1995, pp. 34-41.
7. Voir Hubert Reeves, L’heure de s’enivrer, Points Sciences, Seuil, Paris, 1986.
8Les termes entre guillemets correspondent aux traductions françaises les plus courantes du vocabulaire de Freud.
9. Alfred Nobel (1833-1896) fut l’inventeur de la dynamite en 1866. L’horreur qu’il conçut devant l’usage militaire de sa découverte l’amena à fonder le célèbre prix qui porte son nom.
10. Paul d’Ivoi, La course au radium, Paris 1909, réed. J’ai Lu 1983.
Gustave Le Rouge, La princesse des airs, Paris 1902, réed. 10/18 1976.
11. Nous parlons ici de son arrestation le 8 novembre 1923, après la tentative de putsch à Munich, et de son incarcération durant laquelle il écrivit Mein Kampf
12. Traduit par Michel Carman, “Les maîtres inconnus d’Hitler”, Nostra hors série n°2, fev.-mars 1983, pp. 4-11.
12. Littéralement : les hommes du jour du jugement dernier.
13. Espèrons que la thématique savant fou + laser puissant (ou détonateur électrique) + deutérium + secte suicidaire ne renvoie pas avec précision à cette fin de siècle. Car si le laser, à ce niveau de puissance, est encore une technologie peu répandue et coûteuse, il serait facile à une secte relativement influente et internationale de se procurer du deutérium (hydrogène lourd) pour fabriquer une bombe H et faire chanter les gouvernements. Pour l’instant, l’amorce d’une bombe H est encore une bombe A, dont les composants sont plus malaisés à réunir, malgré les fuites de plutonium en provenance de l’ex URSS. Ce scénario n’est pas de la mauvaise SF ou de la parano gratuite. Il rend insomniaques les responsables des services de sécurité des états occidentaux, de toutes les puissances nucléaires responsables. On l’envisage surtout dans le cadre du grand terrorrisme, mais des motivations parareligieuses peuvent y conduire autant que les revendications purement politiques.
14. La découverte du maser se situe en 1951 et celle du laser en 1958.
15. Bertrand Meheust, Science Fiction et Soucoupes Volantes, Mercure de France, Paris, 1976.
16. La cohérence scientifique se doit d’être à la fois interne et externe ; interne à la discipline considérée ou à la théorie, cela va de soi ; mais aussi externe, c’est à dire qu’une théorie défendue dans une discipline ne peut pas entrer en contradiction grave avec les autres branches de la science.